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L'époux qui a obtenu la séparation de corps conserve ses droits au préciput de communauté, sauf à ne les exercer qu'en cas de survie, et lors de la mort de son conjoint. Art. 1518 20. L'époux, au contraire, contre lequel la séparation a été prononcée, ne peut plus réclamer le bénéfice de ce préciput 21.

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Les mêmes règles s'appliquent aux autres droits de survie sur la communauté, tels, par exemple, que l'attribution au survivant, soit d'une part plus forte dans la masse commune, soit même de cette masse tout entière 22.

Les deux époux conservent respectivement, malgré la séparation de corps, le droit de succession que l'art. 767 établit au profit du conjoint survivant sur l'hérédité de l'autre 23 23.

20 Si on considère la continuation de la communauté jusqu'au décès de l'un des époux, comme une condition inhérente à l'exercice du préciput, d'après la nature même de ce droit, l'art. 1518 constituera une disposition de faveur pour l'époux qui a obtenu la séparation de corps; et la rédaction de cet article, ainsi que les explications données par Duveyrier dans son rapport au Tribunat, semblent indiquer que c'est à ce point de vue que le législateur s'est placé. Cpr. Locré, Lég., XIII, p. 372 et 373, no 45. Que si, au contraire, on admet que la dissolution de la communauté avant le décès de l'un des époux ne forme pas par ellemême obstacle à l'exercice ultérieur du' préciput, la disposition de l'art. 1518, en tant qu'elle prive implicitement de la jouissance de ce droit l'époux contre lequel la séparation de corps a été prononcée, présentera le caractère d'une pénalité civile infligée à cet époux, pour avoir amené par son fait la dissolution anticipée de la communauté, et pour avoir ainsi privé son conjoint de l'avantage qu'aurait pu lui procurer la continuation de cette dernière jusqu'à la dissolution du mariage. Quelle que soit la manière de voir qu'on adopte à cet égard, toujours paraît-il certain que si l'époux défendeur perd son droit éventuel au préciput, ce n'est point, comme l'enseignent MM. Rodière et Pont (Du contrat de mariage, II, 299), par suite d'une révocation fondée sur son ingratitude. Cette cause de révocation, propre aux dispositions à titre gratuit, est en effet inapplicable au préciput qui, pour le fond comme pour la forme, ne constitue pas une libéralité, mais une simple convention de mariage ayant pour objet de modifier les effets de la communauté légale.

21 Arg. a contrario art. 1518. Duranton, II, 626. Massol, p. 282, no 45. Demolombe, IV, 520. Voy. cep. Merlin, Rép., vo Séparation de corps, § 4, no 5, p. 64, note 2; Toullier, II, 781, note 1.

** Cette proposition, qui nous semble incontestable, diminue, dans une certaine mesure, l'importance de la question de savoir si l'art. 299 peut-être étendu Ju divorce à la séparation de corps.

23 L'opinion contraire avait d'abord prévalu au Conseil d'état, et l'art. 767 avait été renvoyé à la section de législation pour être rédigé dans le sens de cette opinion. Toutefois, la nouvelle rédaction, telle qu'elle a passé dans le Code, ne prive pas du droit de succession les époux simplement séparés de corps; et ce silence ne peut s'expliquer qu'en admettant que le Conseil d'état est revenu sur sa ma

D'un autre côté, la séparation de corps n'entraîne pas, comme le divorce, la révocation de plein droit des dispositions entre-vifs que l'époux au profit duquel elle a été prononcée, peut avoir faites en faveur de son conjoint, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage ". A plus forte raison la séparation de corps

nière de voir. Quoi qu'il en soit, il ne saurait être permis de suppléer une déchéance qui ne se trouve pas dans la loi. Voy. Locré, Lég., X, p. 99, art. 54, no 2, p. 148 et 149, art. 50. Maleville, II, p. 246. Delvincourt, II, p. 68. Chabot, Des successions, sur l'art. 767, no 4. Duranton, II, 636, et VI, 343. Massol, p. 313, no 54. Demolombe, IV, 519. Cpr. Vazeille, II, 589.

* Peu de questions ont été aussi controversées que celle de savoir si les dispositions de l'art. 299 sont ou non applicables à la séparation de corps, et si par conséquent les donations faites au profit de l'époux contre lequel cette séparation a été admise, sont ou non révoquées de plein droit par suite du jugement qui l'a prononcée. A notre avis, la difficulté provient, en grande partie, de ce que l'on ne s'est pas assez pénétré de l'idée que l'office du juge n'est pas de corriger la loi, mais de l'appliquer, quelque défectueuse qu'elle puisse être. Nous appréeions toute la force des motifs que l'on pourrait faire valoir en faveur de la révocation, s'il était question de discuter, devant une assemblée législative, les effets que doit produire la séparation de corps. Encore ces motifs se trouveraient-ils balancés par des raisons non moins puissantes tirées, soit de la connexité qui existe entre l'indissolubilité du lien conjugal et l'irrévocabilité des donations faites en faveur de mariage, soit de la nécessité de favoriser, autant qu'il est possible, la réconciliation des époux. Mais tel n'est pas l'objet de la discussion, qui doit se restreindre dans l'interprétation et l'application de la législation existante. Or, à cet égard nous ferons remarquer, en premier lieu, qu'il n'est pas permis de conclure de la parité des causes de divorce et des causes de séparation de corps, à l'identité des effets de l'un et de l'autre ; et cela, par la raison décisive que le divorce dissout le mariage, tandis que la séparation de corps en relàche seulement le lien. Aussi est-il généralement reconnu que les rédacteurs du Code n'ont pu avoir l'intention d'étendre à la séparation de corps toutes les dispositions contenues au titre Du divorce, dans le chapitre qui traite Des effets du divorce. Nous allons plus loin, et nous soutenons qu'ils n'ont pas même regardé comme étant, de plein droit, applicables en matière de séparation de corps, celles de ces dispositions qui n'ont d'ailleurs rien d'incompatible avec la nature de cette séparation, puisqu'ils ont jugé nécessaire de reproduire, dans l'art. 308, la pénalité de l'art. 298, ce qui, dans la supposition contraire, eût été complétement inutile. D'ailleurs, la combinaison des art. 1518, 386 et 767 démontre que si, comme le divorce, la séparation de corps entraîne pour l'époux contre lequel elle a été prononcée, la perte du préciput de communauté, elle ne le prive cependant pas, à l'instar du divorce, ni de l'usufruit légal, ni du droit de succession établi au profit du conjoint survivant. Cpr. notes 9 et 23 supra. Mais par cela même que le législateur n'a assimilé que dans le premier cas, et non dans les deux autres, la séparation de corps au divorce, il a clairement manifesté l'intention de repousser, en thèse générale, toute assimilation entre l'époux défendeur en séparation et l'époux défendeur en divorce, en ce qui con12 *

n'entraîne-t-elle pas, ipso facto, la révocation des dispositions

cerne la perte des avantages pécuniaires dont ce dernier se trouve frappé. En second lieu, nous maintenons que, cette assimilation eût-elle été dans la pensée du législateur, le juge devrait cependant la rejeter au cas qui nous occupe, conformément à la règle Pœnalia non sunt extendenda. En effet, en prononçant la révocation des avantages stipulés au profit de l'époux contre lequel le divorce a été admis, tout en maintenant les avantages faits en faveur de l'époux qui l'a obtenu, le législateur a établi contre le premier une peine d'autant plus grave, qu'elle est contraire à la condition de réciprocité sur laquelle reposent presque toujours les conventions matrimoniales. Du reste, l'argument que les partisans de l'opinion contraire ont voulu puiser dans l'art. 310, nous paraît absolument sans valeur, car nous ne pensons pas qu'on puisse sérieusement prétendre que l'époux contre lequel la séparation de corps aurait été prononcée, et qui aurait ensuite demandé le divorce en vertu de l'art. 310, eût été admis à invoquer les dispositions de l'art. 299. L'opinion que nous venons de développer avait été consacrée par de nombreux arrêts de la cour de cassation, dont le dernier est en date du 21 novembre 1843. Mais en 1845, la cour suprême, appelée à statuer sur la question, chambres réunies, abandonna la jurisprudence dans laquelle elle avait persévéré jusqu'alors, et se prononça pour l'extension de l'art. 299 à la séparation de corps. Cette dernière opinion a depuis lors été adoptée par la plupart des cours d'appel et par la grande majorité des auteurs. Malgré ces imposantes autorités, nous croyons devoir persister dans notre manière de voir. Les considérations tirées de l'ancienne jurisprudence, que la cour de cassation invoque à l'appui de son système, nous paraissent manquer de solidité. Il est constant que si, autrefois, l'époux au profit duquel la séparation de corps était prononcée, pouvait demander la révocation des donations par lui faites à son conjoint, cette révocation n'avait jamais lieu de plein droit. L'art. 299 ne s'est donc pas borné à appliquer au divorce les principes àdmis par l'ancienne jurisprudence en matière de séparation de corps; il a, par une disposition nouvelle, décrété une déchéance légale, attachée de plein droit à la prononciation du divorce; et la question est toujours de savoir si cette disposition nouvelle est susceptible d'être étendue à la séparation de corps. Tout ce qu'il est permis d'inférer des précédents historiques, c'est que l'époux qui a provoqué la séparation de corps, doit pouvoir encore aujourd'hui, comme il le pouvait anciennement, demander la révocation des donations qu'il a faites à son conjoint; et c'est ce que nous admettons nous-mêmes. Quant à l'argument tiré de l'art. 1518, il est complétement fautif, puisque, comme nous l'avons établi à la note 20 supra, on ne saurait voir dans la disposition de cet article, qui prive implicitement l'époux défendeur en séparation de corps de son droit éventuel au préciput de communauté, déchéance fondée sur l'ingratitude de cet époux. Voy. dans le sens de l'opinion émise au texte Merlin, Rép., vo Séparation de corps, § 4, no 5, et Quest., eod. vo, § 1, no 2; Grenier, Des donations, II, p. 405; Toullier, II, 781; Duranton, 11, 629; Favard, Rép., vo Séparation entre époux, sect. II, § 3, no 8; Poujol, sur l'art. 959, no 8; Coin-Delisle, sur le même article, nos 4 et 9. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, I, 415; Civ. rej., 13 juillet 1813, Sir., 15, 1, 115; Civ. cass., 17 juin 1822, Sir., 22, 1, 359; Civ. cass., 19 août 1823, Sir., 24, 1, 30; Agen, 28 avril 1824, Sir, 24, 2, 356; Civ. cass., 13 février 1826, Sir., 26, 1,

une

testamentaires 25. L'époux demandeur ou ses héritiers peuvent seulement provoquer, le cas échéant, la révocation pour cause d'ingratitude de celles de ces dispositions qui ne sont pas révocables ad nutum 26.

§§ 495 el 496'.

7. De la cessation de la séparation de corps.

La séparation de corps ne dure qu'autant que le veulent les deux époux. Elle est révocable à leur gré, et cesse même par le seul fait de leur réunion volontaire, sans qu'il soit besoin, ni de l'intervention du juge, ni de l'accomplissement d'aucune formalité3.

La séparation de corps ne peut, en général, être révoquée que

265; Douai, 15 janvier 1828, Sir., 28, 2, 140; Civ. cass., 30 mars 1836, Sir., 36, 1, 728; Caen, 9 décembre 1836, Sir., 37, 2, 164; Rouen, 28 janvier 1837, Sir., 37, 2, 166; Riom, 19 août 1839, Sir., 40, 2, 59; Civ. cass., 21 décembre 1842, Sir., 43, 1, 728; Civ. cass., 21 novembre 1843, Sir., 44, 1, 235; Riom, 4 décembre 1843, Sir., 44, 2, 78; Douai, 10 mai 1847. Sir., 48, 2, 194. Voy. en sens contraire Proudhon, I, p. 543 et suiv.; Delvincourt, I, p. 197; Pigeau, II, p. 571; Pont, Revue de Droit français et étranger, 1844, 1, p. 339, et Revue de législation, 1845, III, p. 90; Rodière et Pont, Du contrat de mariage, II, 296; Vazeille, II, 589; Massol, p. 297 et suiv., no 52; Marcadé, sur l'art. 311, nos 1 et 2; Taulier, I, p. 369 et suiv.; Demolombe, IV, 521 et suiv.; Troplong, Des donations, Ill, 1348 à 1360; Rennes, 21 mai 1808, Sir., 8, 2, 299; Caen, 22 avril 1812, Sir., 13, 2, 69; Angers, 22 mars 1820, 2, 246; Colmar, 26 juin 1817, Sir., 21, 2, 325; Agen, 1er mai 1821, Sir., 21, 2, 326; Paris, 8 mars 1823, Sir., 23, 2, 234; Rouen, 25 juillet 1829, Sir., 31, 2, 72; Bordeaux, 31 mai 1838, Sir., 39, 2, 14; Rouen, 15 novembre 1838, Sir., 39, 2, 15; Chamb. réun. cass., 23 mai 1815, Sir., 45, 1, 321; Caen, 1er juillet 1845, Sir., 45, 2, 551; Civ. rej., 17 juin 1845, Sir., 46, 1, 52; tiv. cass., 28 avril 1846, Sir., 46, 1, 383; Paris, 5 février 1847, Sir., 47, 2, 91; Colmar, 15 juillet 1846, Sir., 47, 2, 196; Riom, 3 novembre 1846, Sir., 48, 2, 199; Civ. cass., 25 avril 1849, Sir., 49, 1, 505; Civ. cass., 18 juin 1849, Sir., 50, 1, 225; Paris, 8 août 1853, Sir., 33, 2, 495.

"Cpr. § 724, texte in fine et note 6.

15 Cpr. § 708, texte, notes 10 et 11.

Nous avons supprimé le § 496, qui, traitant des rapports de la demande en séparation de corps et de la demande en divorce, est aujourd'hui sans intérêt pratique. Le même motif nous dispense de nous occuper des dispositions de l'art. 310. Cpr. § 449, texte in fine.

Cpr. art. 309, 310 et 1451. Locré, sur l'art. 311. Pigeau, II, p. 574. Favard, Rép., vo Séparation entre époux, sect. II, § 4. Vazeille, II, 592. Massol, p. 347,

n° 1.

* Vazeille, II, 593. Massol, p. 349 et 350, no 2. Demolombe, IV, 534 et 535. Paris, 16 avril 1807, Sir., 7, 2, 661.

du consentement réciproque des époux. Celui des conjoints qui a obtenu la séparation de corps, n'a donc pas le droit d'exiger le rétablissement de la vie commune, si celui contre lequel elle a été prononcée ne veut pas y consentir. La réhabilitation de l'époux contre lequel la séparation de corps a été prononcée, n'en opère pas non plus la révocation". Mais si, par suite de la révision de son procès, cet époux avait été acquitté, absous, ou condamné à une peine non infamante, le jugement de séparation de corps se trouverait de plein droit anéanti.

La cessation de l'état de séparation de corps rend au mariage et à ses effets leur force primitive quant à la personne des époux.

La séparation de biens que la séparation de corps avait produite, ne cesse pas, de plein droit, par suite du rétablissement de la vie commune. Mais les époux ont la faculté de se replacer sous le régime matrimonial qu'ils avaient originairement adopté, en se conformant aux dispositions de l'art. 14517. Cette faculté peut être

Le jugement de séparation est obligatoire pour les deux époux. Tout jugement est, en effet, le produit d'un contrat judiciaire auquel on doit, comme à tout autre contrat, appliquer la disposition du deuxième alinéa de l'art. 1134: Quod ab initio voluntatis, ex post facto necessitatis. Cpr. Rauter, Cours de procédure civile, §§ 59 et 145. Cependant MM. Locré (loc. cit.), Vazeille (II, 595), Duranton (II, 525 et 618), Favard de Langlade (Rép., vo Séparation entre époux, sect. II, § 4), Dalloz (Jur. gén., vo Séparation de corps, p. 913, no 4) et Zachariæ (§ 495, texte et note 2) enseignent, en se fondant sur l'art. 309, une opinion contraire à celle que nous avons émise. Nous répondrons que, d'un côté, la disposition de l'art. 309 est spéciale au cas où la séparation de corps a été prononcée pour cause d'adultère de la femme; qu'ainsi on ne peut, contrairement aux règles du Droit commup indiquées au commencement de la note, en étendre la disposition à d'autres hypothèses; et que, d'un autre côté, l'art. 309 ne confère pas au mari le droit de reprendre sa femme contre la volonté de celle-ci, mais lui accorde seulement le pouvoir d'arrêter ou de faire cesser les effets de la condamnation prononcée contre elle, dans la supposition que cette dernière consente à la réunion. De hautes considérations d'équité et de moralité viennent d'ailleurs à l'appui de notre système. Villemartin, Études du Droit français, III, p. 102. Marcadé, sur l'art. 31i, no 5. Massol, p. 350, no 3. Demolombe, IV, 532. Angers, 19 avril 1839, Sir., 39, 2, 243. Req. rej., 3 février 1841, Sir., 41, 1, 97.

0

Vazeille, 1, 558. Demolombe, IV, 538. Cpr. § 491, texte et note 29.

Le second jugement anéantit virtuellement tous les effets du premier. Vazeille, I, 557. Demolombe, loc. cit. Cpr. § 491, texte et note 27.

7

Quoique l'art. 1451 ne parle que du rétablissement de la communauté, il n'est pas douteux que la disposition de cet article ne doive être appliquée à tout autre régime matrimonial. Massol, p. 352, no 4. Demolombe, IV, 544. Rodière et Pont, Du contrat de mariage, II, 922.

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