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Droit, cette réserve était logique : elle se rattachait au système des propres de succession, et rentrait dans cet ensemble de règles et d'institutions qui, toutes, tendaient à la conservation des biens dans les familles; mais notre législation nouvelle, on le sait, a rompu avec ces tendances et ces traditions. Il y a plus, en présence de l'accroissement prodigieux de la richesse mobilière, et alors que la fortune de beaucoup de familles consiste uniquement en valeurs de cette nature, le système qui, tout en excluant de la communauté les immeubles des époux, y fait tomber leur mobilier, même futur, conduit souvent à d'injustes inégalités, et à des résultats que ni les époux ni leurs familles respectives n'eussent d'avance acceptés, s'ils les avaient prévus.

§ 498.

De l'ordre suivi dans la rédaction du titre du contrat de mariage.

Le projet du titre Du contrat de mariage, présenté par la Commission de rédaction, se composait de trois chapitres : le premier, contenant quelques dispositions générales; le second, portant règlement de la communauté légale; et le troisième, traitant des conventions qui peuvent modifier cette communauté, ou l'exclure complétement. Le troisième chapitre se divisait en deux sections: l'une, consacrée aux conventions ayant pour objet d'exclure la communauté; l'autre, aux stipulations tendant simplement à la modifier. La première de ces sections s'occupait: de la clause portant que tous les biens de la femme seront dotaux ; de la stipulation qu'ils seront tous paraphernaux ; de la déclaration que les époux se marient sans communauté; de la clause de séparation de biens; enfin, de la stipulation mixte suivant laquelle les biens de la femme sont pour partie dotaux et pour partie paraphernaux. Les deux régimes résultant, soit de la déclaration de non communauté, soit de la clause de séparation de biens, étaient, d'une manière absolue, assimilés à ceux de la dotalité ou de la paraphernalité de tous les biens de la femme. L'art. 123 du projet permettait d'ailleurs, quelle que fut la combinaison adoptée par les époux, de stipuler que les biens dotaux de la femme seraient inaliénables.

établies. Locré, Lég., XIII, p. 184 et suiv. MM. Rodière et Pont (I, 305), et M. Troplong (I, 341) se prononcent, d'après des considérations qui ne nous paraissent pas décisives, en faveur du système adopté par le Code Napoléon.

Cette distribution des matières était rationnelle, et en quelque sorte commandée par l'indication de la communauté de biens comme régime de Droit commun. Le cadre, d'ailleurs, était complet, et dans l'ordre d'idées où elle était entrée, la Commission de rédaction n'avait point à s'occuper séparément du régime dotal, comme parallèle à celui de la communauté. Enfin, les dispositions du projet, en évitant des redites, présentaient cet avantage qu'elles soumettaient à des règles uniformes, des situations qui, en réalité, ne diffèrent point entre elles.

L'apparition du travail de la Commission souleva de vives attaques de la part des partisans du régime dotal, qui crurent y voir l'intention d'anéantir ce régime, en le sacrifiant entièrement à celui de la communauté. Afin de calmer les esprits, en donnant, dans une certaine mesure, satisfaction aux réclamations qui s'étaient élevées, la section de législation du Conseil d'état prit le parti de déclarer formellement que les deux régimes étaient maintenus (art. 1391), et d'organiser le régime dotal dans un chapitre particulier. Cet expédient était prudent, sans doute; mais en s'y arrêtant, on s'exposait au double inconvénient de se condamner à de fréquentes répétitions, et de poser des règles distinctes pour des situations qui, au fond, offrent une complète analogie.

$499.

De l'interprétation du titre du contrat de mariage.

Les explications données aux deux paragraphes qui précèdent, conduisent à adopter, pour l'interprétation du titre Du contrat de mariage, les règles suivantes :

1° Les dispositions relatives à la communauté de biens doivent être interprétées d'après le Droit coutumier, et plus particulièrement dans le sens de la coutume de Paris. Celles qui concernent le régime dotal, doivent l'être d'après le Droit romain, en tenant compte, toutefois, des modifications apportées à cette législation. par notre ancienne jurisprudence.

2o Il n'y a pas lieu de combiner entre elles, pour les interpréter et les compléter les unes par les autres, les règles que tracent les art. 1530 à 1534 sur l'administration, la jouissance, la disposition et la restitution des biens de la femme mariée sans communauté, et les dispositions des art. 1549 à 1573, qui statuent sur les biens dotaux de la femme mariée sous le régime dotal1.

'Nous prenons ici le contre-pied de l'opinion de Zachariæ, qui enseigne (§ 499,

L'application de ces dernières dispositions doit être restreinte au régime dotal, à l'exception seulement de celles qui ne renfermeraient, comme, par exemple, les art. 1562, 1566, al. 1er, 1567 et 1568, que de simples applications des principes sur l'usufruit et l'administration de la fortune d'autrui. C'est ainsi, en particulier, que l'al. 2 de l'art. 1549, l'al. 3 de l'art. 1565, l'al. 2 de l'art. 1570, les art. 1571 et 1573, ne peuvent être étendus au cas de simple exclusion de la communauté 2.

texte et note 2) que les dispositions des art. 1530 à 1535, et celles des art. 1549 à 1573, peuvent et doivent, en général, être complétées les unes par les autres. Cette opinion, que nous avions reproduite sans observation dans nos premières éditions, et qui est également professée par MM. Rodière et Pont (II, 770 et suiv.), nous paraît, après mur examen, aussi erronée à son point de départ, que fausse dans les applications particulières auxquelles elle conduit. La position respective d'époux mariés sans communauté présente, il est vrai, sauf l'aliénabilité des biens de la femme, une analogie parfaite avec celle dans laquelle se trouvent des époux mariés sous le régime dotal, quand tous les biens de la femme sont constitués en dot. Dans l'une et l'autre hypothèse, en effet, le mari a l'administration et la jouissance de tous les biens de la femme. Mais cette analogie qui, nous le reconnaissons, existe au fond des choses, ne suffit point, pour justifier la règle d'interprétation proposée par Zachariæ. C'est la règle contraire qui découle logiquement et forcément des prémisses posées aux §§ 497 et 498. Le régime simplement exclusif de communauté a toujours été distingué du régime dotal pratiqué dans les pays de Droit coutumier, il y avait ses règles propres, et c'est sous cette forme particulière qu'il a passé dans le Code Napoléon. Vouloir étendre à ce régime, sous prétexte de compléter les dispositions législatives qui le règlent, les principes particuliers au régime dotal, c'est, à notre avis, se mettre en opposition tout à la fois avec la tradition historique et avec l'ensemble des faits relatifs à la rédaction du titre Du contrat de mariage. La pensée de la commission de rédaction avait été, sinon de proscrire le régime dotal, du moins de le considérer simplement comme le résultat d'une clause exclusive de communauté; et il est digne de remarque que les art. 114 et 115 du projet, qui s'en occupaient à ce point de vue, et qui depuis sont devenus les art. 1530 à 1534 du Code Napoléon, n'avaient reproduit aucun des principes particuliers à la dot, que les rédacteurs des art. 1549, 1565, 1570, 1571 et 1573 ont plus tard empruntés au Droit écrit. Si la pensée de la commission de rédaction avait été maintenue, personne n'eût pu songer à étendre au régime simplement exclusif de communauté, telle ou telle règle établie pour le régime dotal. Qu'importe après cela que le Conseil d'état ait jugé convenable d'ajouter au projet un chapitre particulier consacré au régime dotal? Cette résolution n'autorise en aucune façon l'alliage des principes du Droit écrit avec les règles coutumières reproduites dans les art. 1530 à 1534. Loin de là, elle repousse ce procédé, puisqu'elle a eu précisément pour objet de conserver le régime dotal avec son existence propre et ses règles particulières. Voy. en ce sens : Bellot des Minières, III, 153, IV, 480; Troplong, III, 2234.

Cpr. § 531, texte n° 2.

3o Les clauses d'un contrat de mariage par lequel les époux établissent une communauté de biens, ne dérogent aux règles de la communauté légale qu'autant que les parties ont clairement manifesté l'intention de s'en écarter, ou que la dérogation résulte des effets attribués par la loi aux conventions qu'elles ont arrêtées. Art. 1528.

4° Une quatrième règle d'interprétation, mais qui ne découle plus des explications données aux §§ 497 et 498, concerne spécialement les art. 1536 à 1539, rapprochés des art. 1448 à 1450. Les dispositions contenues dans ces deux séries d'articles sur la séparation de biens conventionnelle et la séparation judiciaire, peuvent, en général, être réciproquement interprétées et complétées les unes par les autres.

Du reste, il n'est ici question que de l'interprétation et de l'application de la loi même. S'il s'agissait de rechercher le sens des clauses d'un contrat de mariage, on devrait, avant tout, s'attacher à la commune intention des parties, d'autant plus que la loi laisse aux futurs époux la plus grande liberté pour régler, comme ils l'entendent, leurs intérêts pécuniaires.

§ 500.

De la dot.

4o La dot, dans le sens propre de ce mot, est le bien que la femme apporte au mari, soit en propriété, soit en jouissance seulement, pour lui aider à supporter les charges du mariage. Art. 1540. Les biens dont la femme conserve et la propriété et la jouissance, se nomment paraphernaux, quand les époux sont mariés sous le régime dotal. Art. 1574. Il n'existe pas de terme spécial pour les désigner, lorsque les époux sont communs en biens, ou que, sans se soumettre au régime dotal, ils ont exclu la communauté1.

La clause de séparation de biens et la déclaration de paraphernalité de tous les biens de la femme sont, de leur nature, exclusives de toute idée de dot.

Les termes biens personnels de la femme, qu'on lit aux art. 1413 et 1417, y sont employés pour désigner les biens dont la femme conserve la propriété, mais qui tombent dans la communauté pour la jouissance, et qui constituent par conséquent des biens dotaux quant à l'usufruit.

Sous le régime de la communauté, et sauf stipulation contraire, tous les biens de la femme sont dotaux, soit quant à la propriété, soit au moins quant à la jouissance. Tous les biens de la femme sont également dotaux, mais quant à la jouissance seulement, lorsque les époux ont exclu la communauté, sans toutefois se séparer de biens. Art. 1530. Enfin, sous le régime dotal, la dot se compose exclusivement des biens que la femme s'est constitués, ou qui lui ont été donnés en contrat de mariage: ses autres biens demeurent paraphernaux. Art. 1541.

Quoique la dot soit, sous ces divers régimes, soumise à des règles différentes, elle présente toujours le caractère fondamental indiqué par l'art. 1540. Cpr. art. 1409, no 5, et 1530.

Dans un sens plus étendu, le terme dot s'applique également aux biens donnés au futur époux, en vue de son établissement par mariage. Les règles qui vont être développées sous les numéros suivants, sont, en général, communes à la dot du mari et à celle de la femme3.

2o La dot est le plus souvent constituée par les parents des époux ou par des étrangers; mais rien n'empêche que la femme ne se constitue une dot sur ses biens personnels.

La promesse d'une dot déterminée', quoique faite par un acte sous seing privé ou par une simple lettre missive, est, en général, civilement obligatoire, alors du moins qu'elle émane des pères et mères des futurs époux 5.

Le père et la mère ne sont pas civilement obligés de fournir une dot à leurs enfants. Art. 204. Mais ils sont, à cet égard, soumis à

La dot de la femme commune en biens est plus spécialement appelée apport, quand on la considère comme mise sociale, et qu'il s'agit de savoir si la femme peut la reprendre et de quelle manière elle peut en exercer la reprise. Cpr. art. 1501, 1502, 1511 et 1514. Le terme apport s'applique également aux biens du mari dans le sens qui vient d'être indiqué.

3

* Cpr. Toullier, XII, 316; Duranton, VIII, 528, et XIV, 296; Rodière et Pont, 1, 89 et 104.

Nous disons déterminée, car la promesse de fournir une dot non déterminée, eût-elle même été faite par contrat de mariage, serait à considérer comme non avenue. Art. 1129. Cpr. L. 1, C. de dot. prom. (5, 11); L. 69, § 4, D. de jur. dot. (23, 3).

La proposition émise au texte ne peut faire difficulté, puisqu'une promesse de dot émanée du père ou de la mère de l'un des futurs époux a une cause civilement suffisante dans l'obligation naturelle qui leur incombe de doter leurs enfants. Voy. la note suivante. Cpr. cep. Req. rej. 10 décembre 1842, Sir., 43, 1, 335.

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