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forcée de la céder, et sans pouvoir d'un autre côté contraindre le mari à l'acquérir 93.

La femme est autorisée à exercer l'option que lui accorde le second alinéa de l'art. 1408, même durant la communauté. Mais

93 En vain se fonderait-on sur les expressions suivantes, ou d'abandonner l'effet, ou de retirer l'immeuble, qui figurent dans le second alinéa de l'art. 1408, pour soutenir que la femme doit en pareil cas exercer son option sur l'immeuble tout entier, de telle sorte qu'en optant pour l'abandon, elle se trouve obligée d'y comprendre la part qu'elle avait elle-même dans l'immeuble. Cet argument ne pourrait avoir quelque valeur qu'autant que la disposition du second alinéa de l'art. 1408 présenterait une rédaction complète, et susceptible de s'appliquer, dans les termes mêmes de la loi, non-seulement à l'hypothèse où le mari se serait rendu adjudicataire de la totalité de l'immeuble, mais encore à celle où il n'aurait acquis que les portions des consorts de la femme. Or, il suffit de lire avec quelque attention la disposition dont s'agit pour reconnaître qu'il n'en est point ainsi. En effet, les expressions ou d'abandonner l'effet, ou de retirer l'immeuble, étant évidemment corrélatives, l'abandon ne peut porter que sur ce qui est également susceptible de retrait. Or, peut-il être question pour la femme de retirer la part dont elle était déjà propriétaire, et qui n'a jamais cessé de lui appartenir? D'un autre côté, il est tout aussi évident que les mots laquelle devient alors débitrice envers la femme de la portion appartenant à celle-ci dans le prix, ne sont pas applicables à l'hypothèse dont nous nous occupons, puisque le mari n'ayant acquis que les portions des consorts de la femme, celle-ci n'a rien à réclamer dans le prix de l'acquisition qu'il a faite. Tandis qu'à l'inverse, les expressions finales en remboursant à la communauté le prix de l'acquisition, ne concernent précisément que cette hypothèse. Tout cela prouve qu'il faut appliquer distributive la disposition du second alinéa de l'art. 1408, et en complétant, d'après la nature générale du retrait, les lacunes qu'elle présente. Cpr. Toullier, XII, 167; Rodière et Pont, I, 496; Marcadé, sur l'art. 1408, no 5. Voy. en sens contraire: Troplong, I, 685. Voy. aussi Duranton, XIV, 206; Babinet, op. et loc. citt., p. 705 et 706.

Plusieurs auteurs enseignent, en se fondant sur les mots lors de la dissolution de la communauté, du second alinéa de l'art. 1408, que la femme n'est pas admise à exercer son droit d'option durant la communauté; et cette manière de voir paraît être partagée par la Cour de cassation. Voy. Rodière et Pont, 1, 495; Odier, I, 141; Marcadé, sur l'art. 1408, no 4; Req. rej., 25 juillet 1844, Sir., 44, 1, 614; Nancy, 9 juin 1854, Sir., 54, 2, 585. Mais nous ne voyons aucun motif rationnel pour interdire à la femme le droit d'exercer durant la com munauté l'option qui lui appartient, alors que cependant elle jouit, avec l'autorisation de son mari ou de la justice, d'une capacité pleine et entière en ce qui concerne la disposition de ses propres, et qu'elle peut notamment accepter les remplois offerts par le mari. Nous ajouterons que, dans bien des circonstances, la femme pourrait avoir un intérêt sérieux à exercer immédiatemeut le retrait, et que la rétroactivité, attachée à son option, ne lui offrirait pas toujours une garantie complète à l'encontre des tiers auxquels le mari aurait vendu l'immeuble sujet à retrait. Quant à l'argument tiré des mots cités au commencement de la note, il se réfute par cette considération fort simple que, si la femme ne peut

ce n'est qu'après sa dissolution qu'elle peut être contrainte à s'expliquer. En l'absence de mise en demeure, la femme, soit qu'elle accepte, soit qu'elle renonce, conserve son droit d'option pendant trente ans, à partir de la dissolution de la communauté 96.

Faute par la femme d'avoir exercé le retrait dans le délai qui vient d'être indiqué, l'acquisition faite par le mari seul, soit de la totalité de l'immeuble dont elle était copropriétaire, soit des portions de ses consorts, forme définitivement un conquêt 97.

La femme venant à opter pour le retrait, son option un effet rétroactif, et fait par conséquent évanouir les actes d'aliénation, ou de constitution de droits réels, consentis par le mari relativement à l'immeuble qui forme l'objet du retrait 98. Mais il est bien entendu que si la femme avait concouru à ces actes, elle serait obligée de les respecter.

Malgré la rétroactivité attachée à l'option de la femme, l'exercice du retrait n'a pas pour effet de la mettre au lieu et place du mari vis-à-vis des anciens copropriétaires de l'immeuble, et de la rendre débitrice personnelle et directe envers eux du prix d'acquisition: elle ne peut être atteinte qu'indirectement par l'exercice du privilége du vendeur ou de l'action résolutoire 99. Du reste, cette action qui s'est ouverte contre le mari, réfléchirait contre la femme, alors même que, s'agissant d'une adjudication sur licitation, elle n'eût pu être exercée contre celle-ci, si elle s'était directement portée adjudicataire 100

pas être forcée de faire son option durant la communauté, ce n'est pas une raison pour lui refuser la faculté de l'exercer avant sa dissolution. Voy. en ce sens :. Babinet, op. cit., p. 702; Troplong, 1, 679; Lyon, 20 juillet 1843, Sir., 44, 2, 319. Riom, 29 mai 1843, Sir., 44, 2, 243.

Cpr. Toullier, XII, 168; Duranton, XIV, 209 et 210; Taulier, V, p. 66; Glandaz, Encyclopédie, vo Communauté conjugale, no 131; Rodière et Pont, I, 495; Odier, I, 141; Marcadé, sur l'art. 1408, no 4; Babinet, op. cit., p. 701; Troplong, I, 680; Caen, 31 juillet 1858, Sir., 59, 2, 97.

Caen, 31 juillet 1858, Sir., 59, 2, 97. Cpr. Odier, I, 137; Nancy, 9 juin 1854, Sir., 54, 2, 785. Voy. cep. Troplong, I, 648. Cpr. aussi Marcadé, sur l'art. 4408, no 6.

** Toullier, XII, 170. Duranton, XIV, 209. Glandaz, Encyclopédie, vo Communauté, no 130. Rodière et Pont, 1, 496. Odier, I, 142. Marcadé, sur l'art. 1408, no 4. Babinet, op. cit., p. 694 à 696, 707 à 709. Troplong, I, 649 à 654. Req. rej., 30 juillet 1816, Sir., 17, 1, 68. Riom, 20 mai 1839, Sir., 39, 2, 513. Grenoble, 18 juin 1854, Sir., 55, 2, 91.

99 **Civ. cass., 14 novembre 1854, Sir., 55, 1, 718. Riom, 4 juin 1857, Sir., 57,

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$ 508.

Du passif de la communauté.

Les dettes des époux communs en biens sont, ou des dettes de communauté, ou des dettes personnelles.

Le terme dettes de communauté et le terme dettes personnelles se prennent tous deux dans une acception, tantôt plus étendue, tantôt plus restreinte.

Les dettes de communauté, sensu lato, sont celles qui peuvent être poursuivies sur les biens de la communauté; les dettes personnelles sensu lato, celles qui peuvent être poursuivies sur les biens propres des époux ou de l'un d'eux.

Les dettes susceptibles d'être poursuivies sur les biens de la communauté frappent toujours aussi les biens propres de l'un des conjoints, et, selon les cas, ceux des deux époux'. Au contraire, les dettes qui affectent les biens de l'un des conjoints, ne peuvent pas toujours être exécutées sur les biens de la communauté.

Les dettes susceptibles d'être poursuivies sur les biens de la communauté, mais qui ne peuvent l'être sur les biens propres de l'un des époux, forment, quant à cet époux, des dettes de communauté sensu stricto. Réciproquement, les dettes qui ne peuvent être exécutées que sur les biens propres de l'un des époux, et non sur ceux de la communauté, constituent, quant à cet époux, des dettes personnelles sensu stricto.

Du reste, une dette qui, à l'égard du créancier, est tout à la fois une dette personnelle et une dette de communauté, peut, entre les conjoints, n'être qu'une dette de communauté, et donner ouverture en faveur de l'époux qui l'aura acquittée sur ses propres biens, à une indemnité contre la communauté. Réciproquement, une dette qui, à l'égard du créancier, est en même temps une dette de communauté et une dette personnelle, peut n'être, entre les époux, qu'une dette personnelle, et donner lieu, au profit de

'C'est ainsi que toutes les dettes de la communauté sont en même temps des dettes personnelles du mari; et qu'en général les dettes contractées par la femme avec l'autorisation du mari sout en même temps des dettes de communauté. Art. 1409, no 2. Cpr. § 509, texte no 5; § 510, texte no 2 et note 2.

C'est ce qui a lieu, en général, pour les dettes mobilières dont la femme était grevée au moment de la célébration du mariage. Art. 1486.

la communauté, des deniers de laquelle elle aura été acquittée, à une récompense contre l'époux débiteur 3.

Toute dette que la loi déclare dette de communauté, reste à la charge de celle-ci, même en ce qui concerne les rapports des conjoints entre eux, à moins que l'époux dont elle provient ne se trouve à ce sujet soumis à récompense envers la communauté, par quelque disposition légale.

Le passif de la communauté se compose :

1° De toutes les dettes mobilières dont les époux étaient grevés au jour de la célébration du mariage.

On doit considérer comme mobilières, toutes les dettes qui ont pour objet le paiement d'une somme d'argent, ou de quelque autre chose mobilière, lors même qu'elles auraient été contractées, soit pour l'acquisition, l'amélioration, ou l'affranchissement d'un immeuble, soit par suite de la vente d'un objet de cette nature, ou qu'elles se trouveraient garanties au moyen d'une hypothèque *.

On doit également ranger parmi les dettes mobilières, celles qui n'ont pour objet que l'accomplissement d'un fait, encore que ce fait soit relatif à un immeuble, pourvu que dans ce cas il s'agisse d'une obligation correspondante à un droit personnel, et non à un droit réel. Telles sont notamment les obligations qui résultent du bail d'un immeuble, soit pour le bailleur, soit pour le preneur; les obligations accessoires à la délivrance d'un immeuble ; et

Cela a lieu, par exemple, pour les dettes que la femme a, dans son intérêt personnel, contractées avec l'autorisation du mari, et pour les dettes mobilières antérieures au mariage de l'un ou de l'autre des époux, lorsqu'elles sont relatives à des immeubles propres. Art. 1409, nos 1 et 2. On voit, d'après les explications qui précèdent, que la signification des termes dettes de communauté et delles personnelles varie selon le point de vue sous lequel on envisage les dettes des conjoints communs en biens, et surtout selon qu'il s'agit de leurs rapports avec des tiers, ou de leurs rapports entre eux.

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Cpr. texte et note 23 infra.

* Ainsi, l'obligation de payer des dommages-intérêts à laquelle peut être soumis l'un des époux, à raison de la vente d'un immeuble appartenant à autrui, constitue une dette purement mobilière. Cpr. art. 1599.

Pothier, no 936. Duranton, XIV, 216. Rodière et Pont, I, 543. Troplong, II, 713. Douai, 6 janvier 1846, Sir., 46, 2, 533.

'Battur, I, 277. Rodière et Pont, I, 541. Odier, I, 151 et 152. Troplong, II, 710.

Les dommages-intérêts que devrait le débiteur d'un immeuble, soit pour cause de retard dans la délivrance de cet immeuble, soit à raison de fruits par

l'obligation de garantir l'éviction d'un objet de cette nature". Mais il faut envisager comme immobilières, l'obligation principale de délivrer, soit un immeuble déterminé que l'on possède 10, soit un immeuble indéterminé", ainsi que celle de constituer une servitude ou une hypothèque sur un immeuble dont on est propriétaire.

On doit, au point de vue du passif de la communauté, assimiler aux dettes immobilières proprement dites, les dettes, même mobilières d'après leur objet, qui affectent hypothécairement les immeubles propres de l'un des époux, lorsque celui-ci n'en est pas en même temps débiteur personnel 12.

Les dettes mobilières que l'on prétendrait avoir été contractées par la femme 13 dès avant le mariage, ne tombent dans la communauté qu'autant qu'elles se trouvent constatées par des actes qui ont acquis date certaine avant la célébration du mariage ". En

lui perçus, ou de dégradations que l'immeuble aurait subies, formeraient une dette purement mobilière. Pothier, no 244. Odier, op. et loc. citt.

"Cette obligation, qui a pour objet principal l'accomplissement d'un fait, et qui se résout en dommages-intérêts, est essentiellement mobilière. Duranton, XIV, 225. Rodière et Pont, I, 542. Odier, op. et loc. citt. Troplong, II, 712. Voy. en sens contraire: Battur, I, 268.

10 Rodière et Pont, I, 537. Odier, I, 152. Troplong, II, 715.- Au contraire, l'obligation de délivrer un immeuble que l'on ne possède pas, ou de constituer une hypothèque ou une servitude sur un immeuble dont on n'est pas propriétaire, se résout nécessairement en dommages-intérêts. Cpr. texte, notes 5 et 9 supra. Toullier, XII, 212. Duranton, XIV, 225. Rodière et Pont, I, 542.

11 Pothier, no 243. Toullier, XII, 212. Battur, I, 268. Rodière et Pont, I, 538. C'est à tort, selon nous, que M. Duranton (XIV, 225) considère l'obligation de délivrer un immeuble indéterminé, comme purement mobilière, en l'assimilant à l'obligation de délivrer un immeuble déterminé que l'on ne possède pas. Cette assimilation n'est pas exacte. L'exécution d'une obligation de la dernière espèce, étant matériellement impossible, se convertit forcément en dommages-intérêts. Mais rien n'empêche l'époux débiteur d'accomplir matériellement une obligation de la première espèce; et dès lors, il ne doit pas dépendre de lui d'en grever la communauté, en la faisant dégénérer en une obligation de dommagesintérêts.

1 Pothier, no 238. Rodière et Pont, I, 548. Odier, I, 159. Troplong, II, 715. 15 Le principe que l'art. 1410 pose, en ce qui concerne les dettes de la femme, est sans application à celles du mari, puisque la communauté est même tenue des deltes que, pendant le mariage, le mari a contractées sans le concours de la femme.

14 Il semblerait, d'après le premier alinéa de l'art. 1410, qu'un acte sous seing privé souscrit par la femme n'ait date certaine à l'égard du mari qu'autant qu'il a été, antérieurement au mariage, revêtu de la formalité de l'enregistrement,

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