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31 mai, 1854, par suite d'un crime emportant mort civile 16. Art. 1425.

D'un autre côté, le mari doit récompense à la communauté pour toutes les dettes qu'il a contractées dans son intérêt personnel 17, ainsi que pour les amendes prononcées contre lui a raison de délits de Droit criminel. Art. 1424. Mais il ne doit récompense, ni pour les amendes de discipline qu'il a encourues dans l'exercice des fonctions dont il est revêtu 18, ni pour les réparations civiles auxquelles il a été condamné par suite d'un crime ou d'un délit 19.

16 Cette restriction, déjà admise dans l'ancien Droit, n'y avait été primitivement introduite que pour les condamnations accompagnées de la confiscation de biens, et en haine de cette confiscation. Plus tard, elle fut appliquée, par des motifs de faveur pour la femme, aux amendes et aux réparations civiles dues par suite de tout crime emportant la peine capitale. Pour justifier cette restriction, on disait que les amendes ne sont dues qu'en vertu des jugements de condamnation ; et que le jugement portant condamnation à une peine capitale, emportant par lui-même mort civile, et par suite la dissolution de la communauté, celle-ci ne pouvait être chargée d'une dette qui ne prenait naissance qu'au moment de sa dissolution. Mais ces motifs, dont l'exactitude était contestable, même sous l'ancien Droit, et qui, en tout cas, ne s'appliquent pas aux dommages-intérêts, lesquels, bien évidemment, sont dus par le fait même du crime, avaient perdu toute valeur sous l'empire du Code Napoléon, puisque, d'après ce Code, la mort civile ne résultait plus de la condamnation à l'une des peines auxquelles elle était attachée, mais seulement de l'exécution d'une pareille condamnation. La disposition de l'art. 1425 constitue donc, en ce qui concerne les condamnations prononcées contre le mari, une véritable anomalie, qui ne peut aucunement se justifier au point de vue théorique. Cpr. Toullier, XII, 220 et 221; Duranton, XIV, 297; Battur, I, 316.

"Le mari ne devrait pas récompense pour une dette contractée dans l'intérêt d'un tiers, aux affaires duquel il était étranger. Pothier, no 248. Troplong, II, 729. Cpr. texte et note 14 supra.

18 Rodière et Pont, I, 631, p. 580, note 1.

19 La disposition de l'art. 1424, qui ne met à la charge de la communauté que sauf récompense les amendes prononcées contre le mari pour crime n'emportant pas mort civile, est une innovation législative. Comme elle déroge au principe que le mari peut disposer à son gré des biens communs, elle doit être restreinte aux amendes proprement dites, et ne peut être étendue aux condamnations en dommages-intérêts prononcées contre le mari par suite d'un délit. Ce qui confirme cette manière de voir, c'est la différence des termes dont les rédacteurs du Code Napoléon se sont servis dans les art. 1424 et 1425. Dans ce dernier article, en effet, ils ont employé le mot condamnations, qui, par sa généralité, embrasse tant les condamnations civiles que les amendes, tandis que, dans le premier, ils ont employé le mot amendes, qui a une signification propre et restreinte. On peut ajouter qu'en soumettant le mari à une récompense pour les amendes prononcées contre lui, les rédacteurs du Code ont probablement été guidés par la considération que les amendes, comme les peines en général, ne

3o Comme seigneur et maître de la communauté, le mari est autorisé à exercer seul, et sans le concours de la femme, tous les droits et actions concernant les biens communs, et en particulier les actions relatives aux biens tombés dans la communauté, ou qui doivent y tomber du chef de la femme.

Le mari est de plus autorisé à exercer seul les actions qui appartiennent à la communauté comme usufruitière des biens propres de la femme. Il peut donc former toutes les actions relatives à ces biens, même les actions pétitoires, en tant que son intérêt l'exige pour assurer ou conserver l'exercice de l'usufruit auquel ils sont soumis au profit de la communauté 20. Toutefois, comme les juge

doivent frapper que l'auteur du délit en répression duquel elles ont été encourues. Or, il est évident que cette considération ne s'applique point aux réparations civiles dues à raison d'un délit. Voy. en ce sens : Toullier, XII, 224 et 225; Glandaz, Encyclopédie, vo Communauté conjugale, no 162; Odier, I, 244; Troplong, II, 917 et 918; Douai, 30 janvier 1840, Sir., 40, 2, 322. Voy. en sens contraire: Delvincourt, III, p. 33; Vazeille, Traité du mariage, II, 371; Bellot des Minières, I, p. 433, 457; Duranton, XIV, 298; Battur, I, 316; Rodière et Pont, I, 632; Marcadé, sur l'art. 1424, no 1; Taulier, V, p. 91. Ces auteurs enseignent que le mari doit récompense à la communauté, non-seulement pour les amendes, mais encore pour les condamnations civiles prononcées contre lui par suite d'un délit. Mais l'interprétation extensive qu'ils donnent à l'art. 1424, est contraire à la règle Exceptio est strictissimæ interpretationis. D'ailleurs, les arguments sur lesquels ils se fondent prouvent trop : il en résulterait, en effet, que le mari devrait récompense pour les condamnations en dommages-intérêts prononcées contre lui par suite de tout délit de Droit civil, et même de tout quasi-délit, thèse qui est évidemment insoutenable.

29 Il ne faut pas confondre, ainsi que l'ont fait certains commentateurs du Code, les actions relatives aux biens propres de la femme, que le mari est autorisé à exercer comme chef de la communauté, et à raison de l'usufruit qui appartient à cette dernière, avec les actions qu'il est autorisé à exercer comme administrateur légal des biens de la femme. Cpr. § 510. Si, en cette dernière qualité, le mari ne peut exercer seul les actions pétitoires relatives aux immeubles de la femme, il le peut, comme chef de la communauté, mais en tant seulement que celle-ci a l'usufruit des immeubles auxquels ces actions se rapportent. Il suit de là que, quant aux immeubles dont la jouissance même a été réservée à la femme, le mari est sans qualité pour intenter seul les actions pétitoires qui les concernent.—Toullier (XII, 384 et suiv.), Carré (De la compétence, II, 255), MM. Dalloz (Jur. gén., vo Mariage (contrat de), p. 214, no 22), Bellot des Minières (I, p. 484) et Battur (II, 552) accordent au mari l'exercice des actions pétitoires de la femme, tant en qualité d'administrateur des biens propres de celle-ci, qu'à raison de l'usufruit qui appartient à la communauté. D'après cette manière de voir, qui a été adoptée par les considérants d'un arrêt de la Cour de Colmar (17 avril 1817, Sir., 18, 2, 277), et par ceux d'un arrêt de la Cour de cassation (Req. rej, 15 mai 1832, Sir., 32, 1, 390), le mari aurait qualité pour exercer seul,

ments qui interviendraient contre le mari seul sur des actions pétitoires, ne pourraient être opposés à la femme, les tiers contre lesquels le mari a introduit une pareille action, ont la faculté de provoquer la mise en cause de celle-ci 21.

Réciproquement, le mari peut être actionné seul pour toutes les dettes communes, et notamment pour les dettes mobilières de la femme qui sont tombées dans la communauté. Néanmoins, les créanciers de la femme ont intérêt, pour obtenir hypothèque sur ses biens, de l'actionner conjointement avec le mari ".

Le mari n'a pas qualité pour défendre seul aux actions immobilières concernant les propres de la femme 23.

4o Le mari ne peut, ni directement ni indirectement, se décharger sur la femme des conséquences qu'entraîne pour lui sa qualité de chef de la communauté. Ainsi, la procuration qu'il donnerait à la femme pour l'administration des affaires communes, ne la soumettrait pas à toutes les obligations que l'acceptation d'un mandat impose au mandataire. Elle serait seulement responsable envers le mari des suites de son dol, et serait d'un autre côté tenue de restituer les sommes ou valeurs qu'elle aurait retenues, ou dont elle aurait disposé dans son intérêt personnel 24.

5° La femme ne peut, en général, engager la communauté qu'autant qu'elle agit avec l'autorisation de son mari. Art. 1426. Il en résulte :

même les actions pétitoires relatives aux immeubles dont la jouissance a été réservée à la femme. Or, nous ne saurions admettre cette conséquence, contraire au principe que l'administrateur de la fortune d'autrui ne peut, en cette qualité, former les actions pétitoires concernant les immeubles dont la gestion lui est confiée. Quant à M. Duranton (XIV, 316), il refuse, d'une manière absolue, au mari le droit de former seul des actions pétitoires relatives aux immeubles de la femme. Mais l'argument a contrario que cet auteur tire de l'art. 1428, al. 2, n'est pas concluant en ce qui concerne les immeubles dont la communauté a l'usufruit. Voy. dans le sens de la distinction que nous avons établie : Odier, I, 273 à 276; Taulier, V, p. 99; Rodière et Pont, I, 681; Marcadé, sur l'art. 1428, no 1; Troplong, II, 1005 à 1009; Civ. cass., 14 novembre 1831, Sir., 32, 1, 388.

* Civ. cass., 14 novembre 1831, et Req. rej., 15 mai 1832, Sir., 32, 1, 388 et 390. Voy. aussi les autorités citées à la note précédente.

** Pothier, no 473. Merlin, Rép., vo Communauté de biens, § 5, no 2. Rodière et Pont, I, 593.

23 Req. rej., 29 avril 1839, Sir., 39, 1, 445. Req. rej., 24 mars 1841, Sir., 41, 1, 511.

**Req. rej., 18 décembre 1834, Sir., 36, 1, 849. Req. rej., 8 février 1853, Sir., 33, 1, 425.

a. Que la communauté n'est pas, en général, tenue des obligations que la femme a contractées par suite d'un quasi-contrat, d'un délit, ou d'un quasi-délit, ni des amendes prononcées contre elle à raison d'un délit de Droit criminel, à supposer d'ailleurs que le mari soit demeuré étranger aux faits qui ont donné naissance à ces obligations. Art. 1424.

b. Que la communauté n'est pas tenue des engagements contractés par la femme et des condamnations judiciaires prononcées contre elle, lorsqu'elle n'a agi ou plaidé qu'en vertu de l'autorisation du juge, peu importe, à cet égard, qu'elle ait obtenu cette autorisation sur le refus du mari, ou par suite de son absence ou de son incapacité.

Cette règle souffre cependant exception en ce qui concerne les dettes que la femme a contractées avec l'autorisation de la justice, soit pour tirer le mari de prison, ou pour payer sa rançon ", soit, en cas d'absence de celui-ci 28, pour l'établissement des enfants communs 29. Ces dettes grèvent la communauté, comme si la femme les avait contractées avec l'autorisation du mari. Art. 1427*. D'un autre côté, lorsque la femme s'est engagée dans l'intérêt

25 Il en est cependant autrement en matière de contraventions de police rurale, et de délits forestiers ou de pêche. Cpr. § 447, note 41.

26 Il est indifférent que la contrainte par corps ait été exercée contre le mari pour le paiement d'une amende et des frais d'un procès criminel, ou pour le paiement d'une dette civile. Mais l'exception indiquée au texte ne s'étend point aux obligations que la femme ne contracterait que pour empêcher son mari d'aller en prison. Toullier, XII, 235. Duranton, XIV, 301. Glandaz, Encyclopédie, vo Communauté conjugale, no 181. Troplong, II, 968. Voy. en sens contraire sur le dernier point: Rodière et Pont, I, 616; Marcadé, sur l'art. 1427, no 2.

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"Toullier, Duranton, Marcadé, loce. citt. Rodière et Pont, I, 615.

* Peut-on, sous ce rapport, assimiler au cas de l'absence du mari, celui de son interdiction? Nous ne le pensons pas. La femme doit, dans cette dernière hypothèse, se conformer à l'art. 511, dont la disposition, conçue en termes généraux, s'applique au régime de la communauté, comme à tout autre. Duranton, XIV, 302. Odier, 1, 258. Rodière et Pont, I, 622. Troplong, II, 963. 2o Cpr. art. 1555; Proudhon, I, p. 272; Duranton, XIV, 303; Rodière et Pont, I, 621; Marcadé, loc. cit.

30 La disposition exceptionnelle de l'art. 1427 est fondée, en ce qui touche les dettes contractées par la femme pour tirer son mari de prison, sur ce qu'elle remplit un devoir en s'engageant pour cet objet (art. 212), et sur ce que le mari profite évidemment de son engagement. Quant aux dettes contractées pour l'établissement des enfants communs, la disposition de l'art. 1427 repose sur ce qu'en s'engageant dans ce but, la femme remplit une obligation naturelle qui lui est commune avec son mari.

de la communauté, quoique avec la simple autorisation de justice, ou même sans aucune autorisation, la communauté est tenue de la dette, jusqu'à concurrence du profit qu'elle a retiré de cet engagement 31

6° L'autorisation donnée par le mari à la femme en matière extra-judiciaire a pour effet de grever la communauté des engagements que la femme a contractés, peu importe que l'acte qu'elle a passé, soit relatif aux biens communs ou à ses biens personnels. Art. 1419 et 1409, n° 2. Toutefois, dans ce dernier cas, la femme doit récompense à la communauté pour le montant de la dette que celle-ci aurait payée.

La femme autorisée par son mari à exercer la profession de marchande publique, lie la communauté par les engagements qu'elle contracte pour le besoin de son commerce 33. Art. 220, al. 1er.

Le principe que l'autorisation du mari engage la communauté, alors même que l'acte auquel elle s'applique est relatif aux biens personnels de la femme, souffre exception, quand il s'agit d'une autorisation donnée, soit pour aliéner des biens propres à la femme, soit pour accepter une succession immobilière qui lui est échue. La communauté n'est tenue, ni de l'obligation de garantie contractée par la femme, ni des dettes grevant la succession qui lui est échue". Art. 1413 et 1432. L'autorisation du mari n'a d'autre effet, en pareil cas, que de permettre à l'acquéreur ou aux

* Le mari ne peut, en pareil cas, être recherché par l'action negotiorum gestorum, mais seulement par l'action de in rem verso. Battur, I, 301. Troplong, II, 744, 950 et 972. Civ. rej., 3 février 1830, Sir., XXX, 4, 136.

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** En réservant la récompense ou l'indemnité que la femme peut devoir à la communauté ou au mari, à raison des obligations qu'elle a contractées avec l'autorisation de ce dernier, l'art. 1419 suppose virtuellement que la communauté et le mari sont engagés, alors même que l'obligation aurait été exclusivement contractée dans l'intérêt personnel de la femme, puisque ce n'est que dans cette hypothèse qu'elle peut être tenue à récompense ou à indemnité. La disposition de l'article précité repose sur la présomption, établie en faveur des tiers, que la femme qui s'oblige avec l'autorisation de son mari, ne le fait que dans l'intérêt de ce dernier ou dans celui de la communauté.

"Cpr. § 472, texte n° 6, et notes 49 à 52.

"La loi écarte ici la présomption sur laquelle repose la disposition générale de l'art. 1419, en partant de l'idée que les tiers sont avertis par l'objet même des actes dont il est question aux art. 1413 et 1432, que ces actes concernent principalement les intérêts de la femme, et que la communauté n'y est intéressée que pour l'usufruit. Duranton, XIV, 308. Odier, I, 266. Rodière et Pont, I, 589. Demolombe, IV, 310. Marcadé, sur l'art. 1419, no 1. Troplong, II, 846 et 1050. Voy. cep. Bellot des Minières, I, p. 508 à 510.

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