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créanciers de la succession de poursuivre leurs droits, même durant la communauté, sur la pleine propriété des biens de la femme 35.

Les dispositions exceptionnelles des art. 1413 et 1432 ne sont pas susceptibles d'être étendues à des actes qui offriraient plus ou moins d'analogie avec ceux dont ces articles s'occupent, alors même qu'en fait, ils auraient été passés dans l'intérêt de la femme et qu'ils n'auraient procuré aucun avantage à la communauté ou au mari 36.

L'autorisation d'ester en justice donnée par le mari à la femme a pour effet de grever la communauté des dépens auxquels la femme vient à être condamnée, ainsi que des dommages-intérêts prononcés à raison du préjudice causé à la partie adverse par le fait même du procès 37.

Du reste, l'autorisation donnée à la femme de défendre à une action mobilière dirigée contre elle, ne met pas à la charge de la communauté le principal de la dette au paiement de laquelle elle a été condamnée, quand il s'agit d'une dette qui, d'après les principes exposés au § 508, ne tombe pas dans la communauté.

7° Lorsque la femme contracte, non point en son nom personnel, mais comme mandataire du mari, en vertu d'un mandat exprès ou tacite, elle oblige la communauté sans s'obliger elle-même. Art. 1420.

La femme est censée avoir mandat de son mari pour l'achat des fournitures de ménage et pour les commandes d'ouvrages relatifs à l'entretien de la famille, ainsi que pour le règlement des dettes contractées à ce sujet 38. Il en résulte, d'une part, que le mari est

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36 Demolombe, IV, 310. Rodière et Pont, I, 590. Marcadé, loc. cit. Rouen, 27 mai 1854, Sir., 55, 2, 17. Voy. en sens contraire: Troplong, II, 846, et 1229 à 1231. L'éminent magistrat enseigne, en particulier, que l'enfant doté par sa mère avec la simple autorisation du père, n'a d'action pour le paiement de la dot constituée à son profit, ni contre ce dernier, ni contre la communauté. Il invoque à l'appui de cette opinion divers passages de Lebrun et de Pothier. Mais ces auteurs ne s'occupent que de la récompense à laquelle le mari peut avoir droit en pareil cas, et nullement de la question de savoir si l'enfant a ou non action sur les biens du mari et de la communauté.

37 Toullier, II, 658. Chauveau, sur Carré, I, quest. 548. Rodière et Pont, I, loc. cit.

38 Dumoulin, sur les art. 112 et 114 de l'ancienne Coutume de Paris, no 3. Bouhier, Coutume de Bourgogne, obs. 19, no 92. Lebrun, liv. II, chap. II, sect. II, no 6. Pothier, no 574. Merlin, Rép., vo Autorisation maritale, § 7. Toullier, XII, 261 à 273. Duranton, XIV, 250. Vazeille, du mariage, II, 335.

tenu du paiement des dettes de cette nature, et, d'autre part, que les marchands et ouvriers n'ont d'action sur les biens personnels de la femme, ni pendant la durée de la communauté, ni après sa dissolution, à moins, bien entendu, qu'elle n'ait accepté la communauté, auquel cas elle se trouve coobligée au paiement de ces dettes, comme commune en biens 39.

Les règles qui viennent d'être posées s'appliquent même à l'hypothèse où les époux ne font pas ménage commun, soit parce qu'ils se sont volontairement séparés, soit parce que le mari refuse de recevoir la femme au domicile conjugal ". Le mari est donc encore dans cette hypothèse seul tenu des dettes contractées par la femme pour son entretien personnel et celui de ses enfants. Mais il en serait autrement, si la femme avait quitté le domicile conjugal contre le gré du mari “.

Le mari ne peut se faire décharger des obligations contractées par la femme pour les besoins du ménage, son entretien personnel et celui des enfants, ni en justifiant qu'il lui a toujours remis les sommes nécessaires pour subvenir à ces dépenses, ni en prouvant qu'il était absent au moment où les fournitures ont eu lieu "2. Mais il serait fondé à faire réduire les réclamations des marchands et ouvriers, s'il y avait excès manifeste dans leurs fournitures, eu égard à la condition et à la fortune des époux. D'un autre côté, il pourrait, au moyen d'une défense adressée directement et individuellement aux fournisseurs de faire crédit à la femme, se mettre à l'abri de toute recherche de leur part 43. Un avertissement collectif, donné par la voie des journaux, ne serait point, en général et à lui seul, suffisant pour produire cet effet “.

Bellot des Minières, I, p. 247. Odier, I, 251. Rodière et Pont, I, 594. Demolombe, IV, 169. Marcadé, sur l'art. 1420. Troplong, II, 839 et 840. Rennes 11 décembre 1813, Dev. et Car., Coll. nouv., IV, 2, 367. Civ. rej., 14 février 1826, Sir., 26, 1, 332.

* Voy. les autorités citées à la note précédente.

"Rodière et Pont, 1, 595. Marcadé, sur l'art. 1420, no 2. Bordeaux, 8 juin 1839, Sir., 39, 1, 416. Req. rej., 13 février 1844, Sir., 44, 1, 662. Voy. en sens contraire Toullier, XII, 272.

"Battur, I, 325. Rodière et Pont, loc. cit. Marcadé, loc. cit.

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Toullier, XII, 271. Glandaz, Encyclopédie, vo Communauté conjugale, no 179. Rodière et Pont, 1, 596. Paris, 1er mai 1823, Sir., 24, 2, 96. Bordeaux, 29 mars 1838, Sir., 38, 2, 389.

"Toullier, XII, 262. Demolombe, IV, 170, Rodière et Pont, I, 598. Rennes, 11 décembre 1813, Dev. et Car., Coll. nouv., IV, 2, 367.

"Rodière et Pont, loc. cit. Marcadé, sur l'art. 1420, no 2.

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Lorsque, par un motif quelconque, le mari parvient à se faire décharger, en tout ou en partie, des obligations contractées par la femme pour les causes qui viennent d'être indiquées, les marchands et ouvriers n'ont point, par cela seul, d'action à exercer contre celle-ci. Ils ne pourraient la poursuivre personnellement qu'autant que, vivant séparée de son mari, elle aurait frauduleusement caché sa qualité de femme mariée, ou que, d'après les circonstances, les fournitures à elle faites devraient être considérées comme ayant réellement tourné à son profit "5.

8° Les règles spéciales que renferment les art. 1438 et 1439 sur les dispositions faites par les deux époux conjointement, ou par l'un d'eux, pour l'établissement de leurs enfants communs, ont été expliquées au § 500, auquel nous nous bornons à renvoyer.

§ 510.

Des conséquences du régime de communauté, en ce qui concerne le patrimoine propre des époux.

1o La soumission au régime de la communauté fait perdre à chacun des époux personnellement la jouissance de ses biens propres, dont les fruits et les revenus entrent dans le fonds commun1.

2o Ce régime a de plus pour effet, quant au mari, de lui rendre personnelles toutes les dettes de la communauté indistinctement, en ce sens que le paiement peut en être poursuivi, pour le total,

* Toullier (XII, 272) et MM. Rodière et Pont (I, 599) semblent admettre que la femme est soumise à l'action de in rem verso toutes les fois, et par cela seul, que le mari se trouve dégagé. Mais cette manière de voir ne repose, à notre avis, que sur une idée inexacte de la versio in rem, qui ne saurait résulter du seul fait que la femme a reçu les fournitures à raison desquelles elle est recherchée, et qui suppose en outre qu'elle en a fait un emploi utile, en sa qualité de femme mariée et de mère de famille. Serait-il possible d'admettre la versio in rem dans le cas, par exemple, où les engagements de la femme ayant été réduits comme excessifs, les fournisseurs voudraient répéter contre cette dernière la partie de leur créance pour laquelle ils n'auraient pas d'action contre le mari?

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* Ainsi, les dettes qui sont entrées dans la communauté du chef de la femme, et celles qu'elle a contractées, fût-ce dans son intérêt personnel, avec l'autorisation du mari, peuvent être poursuivies pour le tout contre ce dernier, tant que la communauté n'est pas dissoute. Art. 1409, no 1, et 1419. Cpr. art. 1485.

sur ses biens propres, sauf récompense de la part de la communauté, ou indemnité de la part de la femme, s'il y a lieu. Art. 1419.

Du reste, le mari n'est pas contraignable par corps pour les dettes dont la communauté se trouve grevée du chef de la femme, et à raison desquelles celle-ci est soumise à cette voie d'exécution. Il en est ainsi, lors même qu'il s'agit de dettes que la femme a contractées avec l'autorisation du mari3.

Sauf les modifications qui viennent d'être indiquées, les droits et les obligations 'du mari relativement à son patrimoine propre sont les mêmes que s'il n'existait pas de communauté de biens entre lui et sa femme.

3o La soumission au régime de la communauté fait perdre à la femme, non-seulement la jouissance, mais encore l'administration de ses biens propres, laquelle passe au mari en qualité de chef de la communauté. Il en est ainsi quant à l'administration, même en ce qui concerne les biens dont la jouissance seule aurait été réservée à la femme‘. Art. 1428, al. 1.

Comme administrateur des biens propres de la femme, le mari est soumis aux obligations qui pèsent sur tout administrateur de la fortune d'autrui. Ainsi, il doit les gérer en bon père de famille, et il répond de leur perte ou dépérissement, lorsqu'il a négligé d'apporter les soins convenables à leur conservation. Il est notamment responsable de la perte que la femme a éprouvée par suite de l'accomplissement d'une prescription dont il aurait négligé d'interrompre le cours. Art. 1428, al. 4, et 2254.

D'un autre côté, le mari jouit, quant aux biens propres de la femme, des pouvoirs qui appartiennent, en général, à tout administrateur légal de la fortune d'autrui.

Ainsi, par exemple, le mari n'est pas soumis à la contrainte par corps à raison des dettes contractées par la femme en qualité de marchande publique. Locré, sur l'art. 220. Delvincourt, sur l'art. 2066. Maleville, sur l'art. 220. Toullier, XII, 245. Duranton, II, 486. Vazeille, II, 358. Marcadé, sur l'art. 220, n° 2. Demolombe, IV, 313. Troplong, De la contrainte par corps, nos 313 et 314. Rodière et Pont, I, 604. Lyon, 26 juin 1822, Sir., 23, 2, 288. Paris, 7 août 1832, Sir., 33, 2, 52.

La femme peut cependant, par une clause du contrat de mariage, se réserver l'administration de ses biens propres, ou restreindre les pouvoirs qui appartiennent au mari comme administrateur légal de ces biens. Cpr. § 504, texte et note 4. Les tiers donateurs ou testateurs peuvent aussi réserver, au profit de la femme, la jouissance et l'administration des objets dont ils disposent en sa faveur. Cpr. § 507, note 18.

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Ainsi, il a le droit de louer les biens de la femme, de résilier les baux y relatifs, de poursuivre le recouvrement de ses créances propres et d'en toucher le montant, de les céder par voie de transport, et d'aliéner les meubles corporels dont elle s'est réservé la propriété".

Ainsi encore, il peut exercer seul les actions mobilières ou possessoires, relatives aux biens propres de la femme, lors même qu'il s'agirait d'une action concernant un objet mobilier ou un immeuble dont la jouissance lui eût été réservée. La femme n'est pas admise, sauf en cas de collusion, à attaquer par tierce opposition les jugements rendus contre le mari seul sur de pareilles actions". Art. 1428, al. 2.

Le mari est, en principe, autorisé à toucher sur ses seules quittances les créances de la femme, alors même qu'il s'agit de sommes soumises à emploi ou remploi, en vertu d'une clause spéciale du contrat de mariage'. Il en serait toutefois autrement, s'il résultait de l'ensemble de ce contrat que la femme a entendu se réserver, non-seulement le droit d'exiger immédiatement du mari l'emploi ou le remploi convenu, mais encore un recours contre les tiers qui auraient payé entre les mains de ce dernier, sans que cet emploi ou ce remploi eût été effectué. Dans ce cas, les paiements faits en dehors de toute participation ou approbation de la femme, ne seraient pas libératoires à son égard 1o.

* Paris, 26 février 1850, Sir., 51, 2, 796.

Paris, 19 juin 1838, Sir., 42, 2, 424, à la note. Angers, 26 juin 1842, Sir., 42, 2, 424. Req. rej., 25 juillet 1843, Sir., 51, 1, 258.

"Voy. sur ces deux derniers points: § 522, texte n° 5, et note 29.

Mais la femme dont les intérêts se trouveraient compromis par la faute ou la négligence du mari, aurait son recours contre ce dernier. Duranton, XIV, 315. Une pareille clause ne doit pas, en principe, être considérée comme restrictive des pouvoirs du mari. Il est possible qu'en la stipulant, la femme n'ait eu d'autre but que de se réserver comme propres les sommes à employer, ou de s'assurer le droit d'exiger un remploi immédiat des sommes provenant de l'aliénation de ses propres; et, dans le doute, c'est cette interprétation qu'il faut préférer, comme s'éloignant le moins des règles de la communauté légale. Rodière et Pont, JI, 522. Rouen, 1er mars 1839, Dalloz, 1840, 2, 45. Bordeaux, 30 avril 1840, Dalloz, 1841, 2, 16. Bourges, 7 juin 1842, Dalloz, 1843, 2, 35. Voy. en sens contraire: Odier, I, 316.

10 Si les clauses destinées à restreindre les pouvoirs du mari sur les biens communs sont destituées de toute efficacité, il n'en est pas de même de celles qui ont pour objet de limiter ses pouvoirs comme administrateur des biens personnels de la femme. Celle-ci, en effet, ayant le droit, même sous le régime de la communauté, de se réserver l'administration de certains de ses biens, elle

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