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§ 512.

Des créances de l'un des époux contre l'autre.

Les dettes mobilières de l'un des époux envers l'autre, au jour de la célébration du mariage, s'éteignent par l'effet de la réunion de leur patrimoine mobilier, à moins qu'elles n'aient été exclues de la communauté par une clause du contrat de mariage1. Au contraire, les dettes immobilières, antérieures au mariage, de l'un des époux envers l'autre, continuent à subsister.

L'ur des époux peut, durant le mariage, devenir débiteur de l'autre dans diverses circonstances, dont voici les principales:

1o Lorsque l'un des époux ayant passé vente à l'autre dans un des cas prévus par l'art. 1595, ce dernier est resté débiteur d'un

retour.

2o Lorsque des objets corporels ou des créances propres à l'un des époux ont été employés directement, par exemple au moyen d'une dation en paiement, ou d'une délégation, à l'acquittement de dettes personnelles à l'autre époux, et notamment au paiement de la dot constituée par ce dernier à un enfant d'un précédent mariage. Art. 1478.

1 Cpr. art. 1510 et suiv.

Si les deniers provenant de la vente du propre de l'un des conjoints aliéné pendant le mariage, avaient été confondus dans la masse commune, et que la communauté eût, au moyen de ces deniers, acquitté des dettes personnelles à l'autre conjoint, l'époux auquel appartenait le propre aliéné deviendrait créancier de la communauté, laquelle, à son tour, serait créancière de l'autre époux. La distinction entre cette hypothèse et celle qui est prévue au texte est importante à faire pour l'application des art. 1473 et 1479.

Il ne faut pas oublier que, si le prix d'aliénation d'un propre de la femme avait été délégué en paiement d'une dette personnelle du mari, la femme serait non-seulement créancière du mari, mais encore de la communauté elle-même. En effet, toutes les dettes du mari sont, en ce qui concerne les créanciers, des dettes de communauté. C'est pour avoir perdu de vue ce principe, auquel la loi n'a pas dérogé en ce qui concerne les dettes du mari envers la femme, que Delvincourt (III, p. 71) a donné une solution erronée, selon nous, à la question de savoir de quelle manière doit se calculer l'émolument de communauté dans l'hypothèse que nous venons d'indiquer. Ce calcul doit se faire de la même manière que s'il s'agissait d'une récompense due par la communauté à raison de deniers propres de la femme, qui de fait auraient été confondus dans la masse commune. Cpr. Duranton, XIV, 358.

3o Lorsque les époux ayant doté conjointement un enfant com. mun, la dot est fournie sur les biens personnels de l'un d'eux'. Art. 1438.

4° Lorsqu'il échoit à l'un des époux une succession immobilière à laquelle l'autre époux doit une dette immobilière.

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5o Enfin, lorsque l'un des époux ayant garanti, conjointement ou solidairement avec l'autre, la vente passée par ce dernier d'un objet à lui propre, vient à être recherché à raison de cette garantie. Art. 1432.

Les créances de l'un des conjoints contre l'autre sont susceptibles d'être poursuivies, tant sur les biens personnels de l'époux débiteur, que sur sa part dans la masse commune. Mais elles ne peuvent l'être, en général, qu'après la dissolution de la communauté. Art. 1478.

Toutefois, la femme est, même avant la dissolution de la communauté, autorisée à faire valoir son hypothèque légale, au moyen d'une demande en collocation éventuelle dans les ordres ouverts sur le mari, pour la distribution du prix d'immeubles à lui personnels ou de conquêts de communauté. Art. 2195. Elle peut également, lorsqu'elle a formé une demande en séparation de biens, réclamer collocation dans les distributions par contribution ouvertes sur le mari, pour le cas où sa demande en séparation de biens serait accueillie.

Les créances de l'un des époux contre l'autre ne portent intérêt que du jour de la demande en justice. Art. 1479.

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Cpr. § 500, texte no 2, et note 8.

L'art. 1432 ne parle que de la garantie promise par le mari; mais sa disposition s'applique a fortiori à la garantie promise par la femme.

L'art. 1432 dit solidairement ou autrement. Il ne faut pas conclure de cette dernière expression que le mari se rende, par le seul fait de son autorisation, garant de la vente passée par la femme d'un immeuble à elle propre. Troplong, II, 1056. Cpr. § 472, texte n° 10, notes 78 et 81.

7 Bellot des Minières, II, p. 498. Troplong, III, 1700. Paris, 10 frimaire an XII, Sir., 5, 2, 288. Paris, 1er août 1820, Sir., 21, 2, 15.

Besançon, 20 novembre 1852, Sir., 53, 2, 127. - Voy. aussi sur les droits des créanciers de la femme au cas de faillite ou de déconfiture du mari. Art. 1446, § 516, texte n° 1, notes 3 à 6.

"Si cependant une créance de l'un des époux contre l'autre avait été exclue de la communauté, et qu'elle portât intérêt dès avant le mariage, les intérêts recommenceraient à courir du jour de la dissolution de la communauté, sans qu'il fût besoin d'une demande en justice.

Appendice aux §§ 507 à 512.

§ 513.

Spécialités concernant les successions échues aux conjoints pendant le mariage.

1o Le mari est maître d'accepter ou de répudier les successions qui lui échoient pendant le mariage, quelle que soit d'ailleurs la nature des biens dont elles se composent. Il ne doit aucune indemnité à la communauté, pour avoir accepté une succession obérée, ou pour avoir répudié une succession avantageuse, pourvu que dans l'un et l'autre cas il ait agi sans fraude, et que la renonciation en particulier n'ait point eu pour but de favoriser ses héritiers au détriment de la communauté 1.

La femme ne peut valablement accepter les successions qui lui échoient pendant le mariage, ou y renoncer, qu'avec l'autorisation de son mari ou celle de la justice. Art. 776, al. 1.

Comme chef de la communauté, le mari est, malgré l'abstention

'Cpr. § 509, texte no 1, notes 1 à 3. Suivant M. Troplong (II, 788), le mari qui aurait accepté imprudemment, et sans inventaire, une succession obérée, devrait indemniser la communauté du préjudice que lui a causé cette acceptation. Mais cette opinion est évidemment contraire à la règle que toutes les dettes contractées par le mari durant le mariage restent en général à la charge définitive de la communauté, sans donner lieu à récompense. L'art. 1415, que le savant auteur invoque à l'appui de sa manière de voir, n'a aucun trait à la question. En parlant du préjudice qui peut résulter pour la femme du défaut d'inventaire, et du droit qui lui appartient en pareil cas de poursuivre les récompenses de droit, cet article n'a point en vue le dommage occasionné à la communauté par l'acceptation que ferait le mari d'une succession obérée, mais le tort qui serait causé à la femme si, en l'absence d'inventaire, on voulait mettre à la charge de la communauté une portion de passif supérieure à celle que, d'après l'art. 1414, elle doit en définitive supporter, eu égard à la valeur comparative des meubles et des immeubles héréditaires. Quant au passage de Lebrun (liv. II, chap. III, sect. II, dist. 1, no 10) dont se prévaut M. Troplong, il porte, ainsi que cela résulte des explications données par les annotateurs de cet auteur, sur une question complétement différente de celle dont nous nous occupons, et se réfère à un système de distinction et de partage des dettes, auquel l'art. 1414 a substitué une règle de contribution proportionnelle entre les meubles et les immeubles, applicable à toutes les dettes indistinctement. Du reste, M. Troplong nous paraît avoir rectifié son opinion au no 827, dans lequel il n'impose au mari l'obligation de récompense que pour le cas où il aurait agi par fraude.

de la femme, autorisé à prendre possession et à provoquer le partage, définitif ou provisionnel suivant les cas, des successions échues à cette dernière. Art. 818. De pareils actes de gestion, faits par le mari sans la participation de la femme, ne constituent pas de sa part une véritable acceptation, qui le soumette irrévocablement au paiement des dettes ultra vires hæreditarias2. D'un

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Voy. en ce sens : Renusson, De la communauté, part. 1, chap. XII, nos 6 à 9. On est loin d'être d'accord sur la position faite au mari, lorsque la femme néglige ou refuse d'accepter une succession qui lui est échue. Nombre d'auteurs enseignent, d'après Pothier (Des successions, chap. III, sect. III, art. 1, § 2), que le mari peut, sans le concours de sa femme, accepter à ses risques et périls, les successions échues à cette dernière. Voy. Chabot. Des successions, sur l'art. 776, nos 3 et 4; Delvincourt, II, p. 82; Toullier, IV, 318; Vazeille, Des successions, sur l'art. 776, no 3; Duranton, VI, 424; Taulier, III, p. 225; Demolombe, XIV, 326. Cette opinion est à notre avis inadmissible, même en ce qui concerne les successions purement mobilières, puisque la première condition pour accepter valablement une succession est d'y être appelé. Le mari peut sans doute prendre possession des biens héréditaires dont la femme se trouve investie en vertu de la saisine, mais cette prise de possession ne saurait lui imprimer la qualité d'héritier. En vain dirait-on que le mari ayant, en matière mobilière, l'exercice des droits et actions de la femme, est par cela même autorisé à accepter au nom de celle-ci les successions mobilières qui lui échoient, et se trouve ainsi, en sa qualité de chef de la communauté, irrévocablement et indéfiniment obligé au paiement des dettes dont elles se trouvent grevées. Cet argument prouverait trop : il en résulterait que par l'effet de cette acceptation, valablement faite en son nom, la femme serait elle-même, et sur son propre patrimoine, irrévocablement et indéfiniment tenue des dettes héréditaires. Or, cette conséquence, contraire au principe que le mari ne peut engager les propres de sa femme sans le consentement de celle-ci, est généralement rejetée, et n'est pas même admise par les auteurs ci-dessus cités. Cpr. texte et note 3 infra. Zachariæ ne paraît pas non plus partager l'opinion contre laquelle nous venons de nous prononcer. Toutefois, il se borne à dire (§ 513, note 5) que si la femme refuse d'accepter une succession qui lui est échue, l'art. 788 deviendra applicable, sans donner aucune explication de nature à faire comprendre le sens et les applications de cette proposition. M. Thiry est plus explicite. La théorie nouvelle qu'il a proposée (Revue critique, 1857, XI, p. 248), et qui prendrait aussi, selon lui, son point de départ dans l'art. 788, peut se résumer ainsi : En cas de conflit entre le mari qui veut accepter et la femme qui refuse de le faire, il appartient à la justice de statuer sur la difficulté. Si elle accorde à la femme l'autorisation de renoncer, le mari se trouvera définitivement privé de la faculté d'accepter. Si, au contraire, elle donne à ce dernier l'autorisation d'appréhender la succession, il ne pourra le faire que conformément à l'art. 788, de telle sorte que le mari se trouvera dans la condition d'un créancier ayant accepté la succession au lieu et place de son débiteur renonçant, et que la femme sera personnellement affranchie des conséquences d'une acceptation à laquelle elle est restée étrangère. Ce système, dont les résultats pratiques se rapprochent à certains

autre côté, ces mêmes actes de gestion ne lient pas la femme, qui demeure libre, sous l'autorisation de son mari ou celle de la justice, de renoncer à la succession, pourvu qu'elle ne s'y soit pas personnellement immiscée, et qu'elle n'ait pas perdu par la prescription trentenaire la faculté de la répudier. Si dans ces conditions la femme vient à renoncer, le mari est tenu de restituer à qui de droit les biens héréditaires dont il a pris possession, et peut même être contraint sur ses biens personnels, quand il a négligé de faire constater la consistance de la succession.

Il est, du reste, bien entendu qu'aussi longtemps que la femme n'a pas valablement renoncé à la succession appréhendée par son mari, ses cohéritiers et les créanciers héréditaires sont en droit d'agir, tant contre elle que contre lui, comme si elle avait accepté cette succession de son consentement. Il en est ainsi, non-seulement dans le cas où la femme n'a fait aucune démarche pour obtenir l'autorisation de renoncer, mais encore dans celui où cette autorisation lui été refusée. Et à supposer dans l'un ou l'autre de ces cas que, d'après ce qui a été dit ci-dessus, la femme ait conservé la faculté de renoncer, elle ne pourra plus l'exercer que sous la réserve des effets des jugements prononcés contre elle et passés en force de chose jugée.

2o Les effets de l'acceptation d'une succession échue à l'un des époux pendant le mariage varient selon qu'il s'agit d'une succession purement mobilière, ou d'une succession purement immobilière, ou enfin d'une succession composée tout à la fois de meubles

égards de ceux de notre doctrine, nous semble cependant devoir être repoussé, parce qu'il est en contradiction avec la disposition législative qui lui sert de base. L'art. 788 suppose, en effet, la renonciation de l'héritier, et a pour objet de sauvegarder les droits des créanciers contre les conséquences de cette renonciation, en les autorisant à accepter la succession du chef de leur débiteur; tandis qu'au rebours de la disposition de cet article, M. Thiry refuse au mari la faculté d'appréhender la succession, lorsque la femme a été autorisée à la répudier. D'un autre côté, on ne comprendrait pas qu'en l'absence de toute renonciation de la part de la femme, ses cohéritiers et les créanciers héréditaires fussent privés du droit d'agir contre elle.

Tous les auteurs, tant anciens que modernes, sont d'accord sur ce point. Louet, Lett. m., somm. 25, no 3. Renusson, part. I, chap. XII, nos 3 à 7. Lebrun, liv. II, chap. II, sect. IV, no 37. Furgole, Des testaments, chap. X, sect. I, no 36. Bourjon, Droit commun de la France, tit. X, part. IV, chap. II, sect. VI, nos 26 et 27. Odier, I, 277. Foüet de Conflans, Esprit de la jurisprudence sur les successions, sur l'art. 776, no 3. Troplong, II, 995. Voy. aussi les auteurs cités à la note précédente. Cpr. Riom, 18 avril 1825 et 19 avril 1828, Sir., 26, 2, 75 et 29, 2, 9.

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