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La femme qui a fait inventaire, jouit de plein droit du bénéfice de n'être tenue des dettes communes que jusqu'à concurrence de son émolument. Elle n'a donc pas besoin de se réserver ce bénéfice dans l'inventaire, ou lors de l'acceptation de la communauté. Elle n'est pas obligée, pour le conserver, de se conformer, relativement à la vente des objets tombés dans son lot, aux règles prescrites à l'héritier sous bénéfice d'inventaire 16.

Le bénéfice dont s'agit n'empêche pas que la part de la femme dans la communauté ne se confonde pleinement et irrévocablement avec le restant de son patrimoine. Il en résulte que les créanciers de la communauté peuvent indistinctement poursuivre leur paiement sur les objets tombés dans son lot et sur ses biens propres". On doit aussi en conclure que la femme ne peut arrêter les poursuites de ces créanciers en offrant de leur abandonner ce qui lui reste des objets tombés dans son lot 18.

La femme est autorisée à payer les créanciers à mesure qu'ils se présentent, à moins que l'un ou l'autre d'entre eux n'ait formé opposition entre ses mains, en demandant que son émolument de

1 Duranton, XIV, 489. Odier, I, 556. Rodière et Pont, I, 851. Marcadé, sur l'art. 1483, no 3.

17 Pothier, no 737. Toullier, XIII, 247. Odier, Rodière et Pont, et Marcadé, locc. citt. Troplong, III, 1759.

18 Nec obstat art. 802. On ne peut, sous ce rapport, assimiler la position de la femme qui a fait inventaire de la communauté, à celle de l'héritier qui a accepté une succession sous bénéfice d'inventaire. Celui-ci, en effet, n'étant pas tenu sur ses biens personnels des dettes de la succession, et n'étant considéré, à l'égard des créanciers, que comme un simple administrateur, on conçoit que la loi lui ait accordé la faculté de se dégager de toute obligation envers ces derniers, en leur abandonnant les biens de la succession. Mais cette faculté ne peut appartenir à la femme qui a accepté la communauté, puisque, par suite de l'acceptation qu'elle en a faite, elle est tenue personnellement, sur ses biens propres, de la moitié des dettes communes, et que sa part dans la communauté se trouve entièrement confondue avec le surplus de son patrimoine. D'ailleurs, les biens tombés dans le lot de la femme peuvent, depuis le partage, avoir subi une dépréciation considérable, et il y aurait injustice envers les créanciers à leur faire supporter la perte résultant de cette dépréciation. Cpr. note 14 supra. Toullier, XIII, 245 à 247. Odier, I, 557. Rodière et Pont, Marcadé et Troplong, loce. citt. Pothier (no 747) enseigne une doctrine différente : Tout en refusant à la femme la faculté d'abandonner aux créanciers les meubles tombés dans son lot, après les avoir usés, cet auteur lui accorde cette faculté en ce qui concerne les immeubles, sauf à tenir compte des dégradations qui procéderaient de son fait. MM. Bellot des Minières (II, p. 522) et Battur (II, 803) ont pleinement adopté l'opinion de Pothier, que M. Duranton (XIV, 489) a également reproduite avec quelques modifications.

communauté soit réparti entre tous, au marc le franc de leurs créances 19. Arg. art. 808.

Du reste, le bénéfice établi par l'art. 1483 ne reçoit application, quant aux créanciers, que pour les dettes dont la femme n'est tenue qu'en qualité de commune en biens. Elle ne peut donc opposer ce bénéfice à un créancier envers lequel elle s'est obligée conjointement avec son mari. Art. 1487.

La règle d'après laquelle la femme est tenue pour moitié des dettes communes, s'applique même à celles dont la communauté n'a été grevée qu'à charge de récompense de la part du mari20. Et la femme ne peut se refuser au paiement de la moitié d'une dette contractée par le mari, sous le prétexte qu'elle ne serait pas constatée par un acte ayant acquis date certaine avant la dissolution de la communautéa1.

Lorsque la femme a payé une dette commune au delà de sa moitié, elle n'a point de répétition contre le créancier pour l'excédant, à moins que la quittance n'exprime qu'elle a entendu acquitter sa moitié ou sa part. Art. 1488. Il en est de même, à plus forte raison, lorsqu'en acquittant sa moitié d'une dette commune, la femme a payé au delà de son émolument de communauté.

La règle que la femme n'est tenue que pour moitié des dettes de la communauté, souffre exception:

a. En ce qui concerne ses dettes mobilières, antérieures au mariage, et les dettes, mobilières ou immobilières, dont se trouvaient grevées les successions ou donations mobilières qui lui sont échues durant la communauté 22. Art. 1486.

b. Relativement aux dettes que la fenime a contractées seule avec l'autorisation du mari, quoique dans l'intérêt de la communauté, et à celles qu'elle a contractées avec l'autorisation de la justice dans les hypothèses exceptionnelles prévues par l'art. 14273.

c. Enfin, en ce qui touche les dettes qu'elle a contractées solidairement avec son mari, quoique dans l'intérêt de la communauté. Art. 1487.

La femme peut, à raison de ces diverses dettes, être poursuivie pour le tout par les créanciers.

19 Duranton, XIV, 490. Troplong, III, 1737.

20 Cpr. texte et note 6 supra.

"Cpr. § 756, texte, no 2, et note 114. Voy. cep. Req. rej., 8 septembre 1807, Sir., 7, 4, 455.

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**Cpr. § 508, texte, no 2, et note 26; § 513, texte, no 2, et note 5. "Odier, I, 542. Rodière et Pont, I, 853. Marcadé, sur l'art. 1486, no 1.

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3) L'époux qui, d'après les règles ci-dessus développées, ne serait tenu envers les créanciers que pour la moitié d'une dette commune, peut cependant, et par exception à ces règles, être poursuivi pour la totalité de cette dette dans les hypothèses suivantes :

a. Lorsque la dette est indivisible 24;

b. Lorsque la dette est garantie par une hypothèque affectant des immeubles qui proviennent de la communauté, et dont l'un des époux se trouve détenteur. Art. 1489.

2o De la manière dont les époux ont à contribuer, l'un à l'égard de l'autre, au paiement des dettes communes.

1) Chacun des époux doit contribuer pour moitié au paiement de toutes les dettes communes, de celles même dont l'un d'eux serait tenu en totalité envers les créanciers. Art. 1482.

La circonstance que l'un des époux s'est trouvé privé, en vertu de l'art. 1477, de sa part dans les objets par lui divertis ou recélés, n'apporte aucune modification à la règle qui vient d'être posée : l'époux qui s'est rendu coupable de divertissement ou de recélé, n'en reste pas moins tenu de contribuer pour moitié aux dettes de la communauté 25.

Celui des conjoints qui a payé, soit forcément, soit volontairement, au delà de la moitié d'une dette commune, a pour l'excédant un recours en indemnité contre son conjoint. Art. 1490, al. 2.

Par exception à la règle posée dans l'art. 1482, les dettes à raison

**Rodière et Pont, I, 858. Cpr. cep. Bruxelles, 29 août 1807, Sir., 8, 2, 58. 25 Les objets divertis ou recélés par l'un des époux étant attribués à l'autre à titre particulier, cette attribution n'engendre pour celui-ci aucune obligation de contribuer aux dettes proportionnellement à la valeur de ces objets. D'un autre côté, l'art. 1482 est conçu en termes absolus, et l'on ne trouve pas au § 2 de la sect. V, intitulé Du passif de la communauté et de la contribution aux dettes, de disposition qui modifie, pour le cas de divertissement ou de recélé, la règle posée par cet article. En vain dit-on qu'en refusant à l'époux coupable de divertissement ou de recélé toute diminution de sa part de contribution aux dettes, on le frappe d'une double peine. Il nous paraît, au contraire, évident qu'en lui accordant une pareille diminution, la peine dont la loi a voulu le frapper cesserait d'être complète, et qu'il ne serait pas entièrement privé de toute part dans les objets divertis ou recélés, puisque la valeur de ces objets lui profiterait indirectement dans une certaine mesure, en le dégrevant proportionnellement de sa contribution aux dettes. Bordeaux, 20 février 1841, Sir., 41, 2, 327. Voy. en sens contraire: Odier, I, 511; Rodière et Pont, I, 842; Troplong, III, 1693.

desquelles l'un des conjoints était soumis à une récompense envers la communauté, resteraient exclusivement à sa charge, s'il n'avait pas dans le partage fait état du montant de cette récompense. Il devrait donc dans ce cas indemniser l'autre époux, qui serait recherché par les créanciers en paiement de dettes de cette nature, du montant de tout ce que celui-ci aurait été obligé de payer à sa décharge.

2) La femme n'est, à l'égard du mari, tenue de contribuer au paiement des dettes communes que jusqu'à concurrence de son émolument, pourvu qu'elle ait fait dresser un inventaire fidèle et exact de la communauté. Un acte de partage, régulièrement fait avec le mari ou ses héritiers, peut cependant, sous ce rapport, remplacer l'inventaire 26. Art. 1483.

Les règles développées au numéro précédent, sur la manière de calculer l'émolument de communauté relativement aux créanciers, s'appliquent également aux rapports de la femme et du mari.

Le bénéfice accordé à la femme par l'art. 1483 s'étend, au regard du mari, à toutes les dettes de la communauté, quelles qu'en soient la nature et l'origine. Ainsi, la femme en jouit relativement aux dettes à raison desquelles elle peut être poursuivie par les créanciers au delà de son émolument. Elle en jouit même pour les dettes procédant de son propre chef", ainsi que pour les récompenses ou indemnités qui lui sont dues par la communauté, et de la moitié desquelles elle est, par suite de son acceptation, devenue débitrice envers elle-même 28

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En vertu du bénéfice dont s'agit, la femme qui a, forcément ou volontairement, payé une dette commune au delà de son émolument, a pour l'excédant un recours en indemnité contre son mari. Art. 1490, al. 2.

Du reste, rien n'empêche que, par le partage, l'un des époux ne soit chargé de payer au delà de la moitié des dettes communes,

26 Pothier, no 745. Toullier, XIII, 250. Duranton, XIV, 489. Odier, I, 362. Taulier, V, p. 161. Rodière et Pont, I, 862. Troplong, III, 1750. M. Battur (II, 804) pense, au contraire, que l'inventaire est absolument indispensable, même à l'égard du mari.

* Pothier, no 739. Duranton, XIV, 491. Tessier, Société d'acquéts, no 228. Odier, I, 563. Rodière et Pont, 1, 863. Troplong, III, 1734.

"La femme qui accepte la communauté ne fait confusion que jusqu'à concurrence de son émolument, de la moitié des reprises, récompenses, ou indemnités qui lui sont dues par la communauté ; le surplus doit lui être payé sur les biens propres du mari. Pothier, no 740. Odier, et Rodière et Pont, locc. citt.

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ou même de les acquitter entièrement. Art. 1490. Mais les conven. tions faites à ce sujet ne peuvent, en aucune manière, être opposées aux créanciers. Et s'il en résultait une lésion de plus du quart au préjudice de l'un des époux, le partage dans lequel elles auraient eu lieu, serait même susceptible de rescision 29.

Les règles développées au présent paragraphe s'appliquent aux héritiers du mari ou de la femme comme aux époux eux-mêmes. Art. 1491. Ainsi, les héritiers de la femme ne jouissent du bénéfice de l'art. 1483 qu'autant qu'il a été fait un inventaire fidèle et exact dans les délais indiqués au § 517 30.

§ 521.

Des effets de la renonciation à la communauté.

En renonçant à la communauté, la femme perd toute espèce de droits sur les objets qui en dépendent, et même sur le mobilier qui y est entré de son chef. Elle ne peut donc, à moins de stipulation contraire1, exercer la reprise de ses apports mobiliers. La loi lui accorde cependant la faculté de retirer le linge et les hardes à son usage. Art. 1492.

La renonciation de la femme ne la prive pas du bénéfice d'une rente viagère constituée au moyen d'un conquêt, et stipulée reversible sur sa tête, sauf la récompense qu'elle peut en pareil cas devoir à la communauté3.

La femme qui renonce se trouve dégagée, à l'égard des créan

29 Toullier, XIII, 264. Odier, I, 565. Rodière et Pont, I, 865.

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Cpr. § 517, texte no 5, et note 29. Troplong, III, 1742.

Cpr. art. 1514, et § 528.

* Comme l'art. 1492 ne limite pas la quantité de linge et de hardes qu'il autorise la femme à retirer, elle peut, en général, retirer toute sa garde-robe. Cpr. cependant Code de commeree, art. 560. En lui accordant ce droit, le Code Napoléon s'est montré plus libéral que la plupart des coutumes, qui ne permettaient à la femme d'emporter qu'un seul habillement : Non debet abire nuda. Pothier, no 569. Toullier, XIII, 279 et suiv. Duranton, XIV, 508 et suiv. Du reste, la femme doit abandonner, à l'exception seulement de sa bague nuptiale, tous ses bijoux et joyaux, y compris même ceux qu'elle possédait avant le mariage ou qu'elle a reçus comme présents de noces. Duranton, loc. cit. Toullier, loc. cit., et XIV, 269 et 270. Troplong, III, 1821.

Req. rej., 15 mai 1844, Sir., 44, 2, 409. La question de récompense n'a pas été agitée dans l'espèce sur laquelle cet arrêt a statué. Mais voy. à cet égard § 511, texte, no 2, et note 32.

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