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Mais, si l'opposition avait été écartée comme non recevable par défaut de qualité dans la personne de l'opposant, elle ne pourrait plus être légalement réitérée, et le juge saisi d'une seconde opposition formée par la même personne, devrait la rejeter sans nouvel examen, en ordonnant, s'il en était requis, l'exécution provisoire de son jugement, nonobstant appel ou nouvelle opposition 13. Il en serait de même, si la première opposition avait été écartée comme mal fondée, bien qu'un nouveau moyen fût invoqué à l'appui de la seconde opposition". Il est, du reste, bien entendu que si, dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, l'opposition avait révélé l'existence d'un empêchement légal au mariage, le tribunal pourrait le signaler à l'officier de l'état civil, et se borner à donner main-levée de l'opposition, sans ordonner qu'il fût passé outre à la célébration du mariage 15.

la chose jugée repoussent une pareille conséquence. Ce système, on ne saurait le méconnaître, peut donner lieu à de graves abus, à des retards préjudiciables, que la loi a précisément cherché à prévenir; et c'est, eu égard à ces inconvé– nients, que dans nos premières éditions nous avions cru devoir, en nous écartant du sentiment de Zachariæ, nous prononcer en faveur du système contraire. Mais un plus mûr examen de la question nous engage à abandonner notre première opinion, parce que, en définitive, il ne peut être permis, en l'absence d'un texte positif, de restreindre l'exercice d'une faculté légale, à raison des abus que cet exercice peut entraîner. Delvincourt, I, p. 122. Duranton, II, 206. Vazeille, I, 177. Zachariæ, § 462, texte et note 7. Demolombe, III, 176. Voy. en sens contraire: Merlin, Rép., vo cit., no 4, quest. 2 sur l'art. 176; Liége, 26 décembre 1812, Sir., 13, 2, 379.

"Cette proposition, qui découle des principes généraux sur l'autorité de la chose jugée, ne nous paraît susceptible d'aucune controverse.

15 Code de procédure, art. 135, et arg. de cet article. Demolombe, loc. cit. 14 Voy. en sens contraire: Demolombe, loc. cit. Le savant auteur nous semble avoir fait erreur, en considérant les divers empêchements qui peuvent être invoqués à l'appui d'une opposition, comme constituant autant de causes différentes, dans le sens attribué à cette expression en matière d'exception de chose jugée. En réalité, le fondement immédiat et direct du droit d'opposition réside uniquement dans la disposition légale qui le concède, et les empêchements que l'opposant fait valoir à l'appui de son opposition ne constituent que des moyens propres à la faire maintenir. Or, la diversité de ces moyens n'entraîne pas diversité de causes (hoc sensu). Cpr. § 769, texte et note 69.

15 L'officier de l'état civil, instruit de l'existence de l'empêchement qui lui aura été dénoncé, devra refuser de procéder à la célébration du mariage, et de cette manière tous les intérêts se trouveront conciliés. Cpr. § 453, texte et note 3. Proudhon, I, p. 426. Duranton, loc. cit. Taulier, I, p. 295. Demolombe, III, 173.

§ 458.

3. Des demandes en nullité de mariage. Des exceptions qui peuvent y être opposées.

1° Conformément au principe général énoncé au § 37, un mariage entaché de nullité reste efficace, tant que l'annulation n'en a pas été prononcée par le juge, sur la demande ou l'exception intentée ou proposée devant lui à cet effet1.

Il n'existe point, en matière de mariage, de nullités virtuelles. Les seules causes qui autorisent à provoquer l'annulation d'un mariage, sont celles à raison desquelles la loi a textuellement établi une action en nullité".

D'un autre côté, le droit de demander, soit par voie d'action, soit par voie d'exception, l'annulation d'un mariage, n'appartient qu'aux personnes auxquelles la loi l'a formellement accordé3. Sous ce rapport, on divise les nullités de mariage en absolues ou rela tives, suivant que la loi reconnaît généralement à toute personne intéressée, ou qu'elle réserve à certaines personnes spécialement désignées, le droit de les proposer*.

'Cpr. Discussion au Conseil d'état (Locrẻ, Lég., IV, p. 437 à 439, nos 8 à 11); et § 450. Demolombe, III, 343.

L'économie des art. 180 et suiv. du Code Napoléon, placés sous le chap. IV, intitulé Des demandes en nullité de mariage, démontre jusqu'à l'évidence l'intention du législateur de n'admettre dans la matière qui nous occupe, que des nullités littérales. Locré, III, p. 201. Merlin, Rép., vo Mariage, sect. VI, § 2, quest. 6 sur l'art. 184. Demolombe, III, 335. Cpr. Toullier, I, 651; Vazeille, I, 100; Civ., rej., 29 octobre 1811, Sir., 12, 1, 46; Req. rej., 12 novembre 1844, Sir., 45, 1, 246. Voy. en sens contraire: Delvincourt, 1, p. 125 et 126; Proudhon et Valette, I, p. 404 et 405.

* Les observations présentées à la note précédente justifient également cette proposition. Cpr. § 450, texte in fine. Merlin, Rép., vo Mariage, sect. VI, § 2, quest. 1 sur l'art. 180, et quest. 6 sur l'art. 184. Civ. cass., 9 janvier 1821, Sir., 21, 1, 157. Douai, 12 juillet 1838, Sir., 39, 2, 256. Req. rej., 12 novembre 1839, Sir., 39, 1, 826. Req. rej., 12 novembre 1845, Sir., 45, 1, 246, Colmar, 27 février 1852, Sir., 52, 2, 488. Voy. cep. Vazeille, ì, 239 et 240.

*Il résulte de la discussion au Conseil d'état (Cpr. Locré, Lég., IV, p. 371 à 374, nos 6 à 8; p. 378, no 14; p. 406, no 2) que, si les rédacteurs du Code n'ont pas cru devoir employer les expressions nullités absolues et nullités relatives, qui, en effet, appartiennent plutôt à la doctrine qu'à la législation, ils les ont cependant considérées comme rendant d'une manière très-nette l'idée de la distinction consacrée par les art. 180 et 182, et par les art. 184 et 191.

Le droit de demander l'annulation d'un mariage entaché de nullité n'emporte pas nécessairement, en faveur de la personne au profit de laquelle il existe, le droit inverse de faire déclarer, par voie d'intervention ou d'appel, la validité d'un mariage qui serait indûment attaqué, ou qui aurait été mal à propos annulés. Il en est ainsi, même pour le ministère public: quoique autorisé à demander l'annulation de tout mariage entaché d'une nullité absolue, il n'a pas le droit d'interjeter appel et de demander la réformation d'un jugement qui, contrairement à ses conclusions, aurait prononcé la nullité d'un mariage".

2o Un mariage entaché, dans son origine d'un vice de nature à en entraîner l'annulation peut, en certains cas, être validé par un événement postérieur qui en efface la nullité.

Les nullités relatives sont toutes susceptibles de se couvrir, soit au moyen de la confirmation du mariage par les personnes dans l'intérêt desquelles ces nullités ont été établies, soit au moyen de la prescription.

Au contraire, les nullités absolues ne peuvent, en général, être effacées par quelque laps de temps, ni par quelque événement que ce soit 10. Mais, si ces nullités ne sont pas en elles-mêmes suscep

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Cpr. Merlin, Rép., vo Mariage, sect. VI, § 3, nos 1 et 2.

Vainement dirait-on que ce droit doit appartenir au ministère public, comme étant chargé de poursuivre l'exécution des lois, dans les matières qui intéressent l'ordre public. Ainsi que nous l'avons déjà démontré à la note 27 du § 454, le ministère public n'a, au civil, la voie d'action que dans les cas spécifiés par la loi, et il n'existe aucune disposition qui la lui confère dans l'hypothèse dont s'agit. Dalloz, Jur. gén., vo Mariage, p. 109 et suiv., nos 1 à 3. Duvergier, sur Toullier, I, p. 372, note 2. Allemand, I, 517. Civ. cass., 1er août 1820, Sir., 21, 1, 154. Civ. cass., 5 mars 1821, Sir., 21, 1, 197. Voy. en sens contraire: Toullier, 1, 648; Merlin, Rép., vo Mariage, sect. VI, § 3, no 3; Valette, sur Proudhon, I, p. 444; Demolombe, III, 312; Bruxelles, 1er août 1808, Sir., 8, 2, 273; Pau, 28 janvier 1809, Sir., 9, 2, 241; Paris, 13 août 1851, Sir., 51, 2, 465. Cpr. Delvincourt, I, p. 149; Duranton, II, 344; Vazeille, I, 255. Ces derniers auteurs s'attachent plutôt à critiquer la loi, qu'à combattre l'interprétation que lui a donnée la Cour de cassation.

7 Cpr. art. 181 et 183; § 462, texte et notes 17 et 18, 50 à 54.

Le temps requis pour la prescription est tantôt d'un an (cpr. art. 183), tantôt de trente ans. Cpr. § 462, note 19.

"Nous ne connaissons qu'une seule exception à cette règle, c'est celle qu'indique l'art. 185. Dans les hypothèses prévues par les art. 186 et 196, la nullité du mariage n'est point couverte en elle-même, malgré la fin de non-recevoir au moyen de laquelle peut être écartée l'action de la personne qui la fait valoir.

10 Sauf l'exception indiquée dans la note précédente, ces nullités sont donc

tibles de se couvrir, rien n'empêche cependant que l'action accordée pour les faire valoir ne puisse, en certains cas, être écartée au moyen d'une fin de non-recevoir fondée, non sur la disparition du vice dont le mariage se trouve entaché, mais sur un motif particulier au demandeur en nullité. C'est ce qui a lieu, notamment, toutes les fois que la personne qui demande la nullité du mariage, est sans intérêt à la faire déclarer11. Ainsi, les personnes auxquelles la loi donne, dans un intérêt purement pécuniaire, le droit de demander l'annulation d'un mariage, sont non recevables à la faire prononcer, lorsqu'elles ont régulièrement renoncé aux droits à raison desquels elles auraient eu intérêt à la faire valoir, ou lorsque ces droits se trouvent éteints par la prescription 12.

$459.

Des effets de l'annulation du mariage.

Le jugement qui prononce l'annulation d'un mariage fait, en règle générale1, évanouir, d'une manière rétroactive, tous les effets juridiques découlant du mariage comme tel.

Mais un pareil jugement ne saurait avoir pour conséquence d'anéantir les droits et les obligations attachés à l'union des époux considérée comme un simple fait, c'est-à-dire comme dépourvue du caractère juridique au point de vue duquel elle a été annulée. Ainsi, l'annulation d'un mariage laisse subsister les rapports rẻsultant de la société de biens qui de fait a pu exister entre les époux, et l'affinité naturelle que leur commerce a produite.

D'un autre côté, l'annulation d'un mariage n'enlève pas aux enfants qui sont nés pendant sa durée ou dans les dix mois de son annulation, le droit de prouver leur filiation, tant paternelle que

irréparables et perpétuelles. Demolombe, III, 313 à 315. Cpr. pour les développements et les applications de cette proposition: § 461, texte et notes 32 à 38; § 467, texte et note 30.

"Cpr. art. 187 et 190.

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Cpr. Merlin, Rép., vo Mariage, sect. V, § 2, no 11; sect. VI, § 2, quest. 5 sur l'art. 184, quest. 3 sur l'art. 196; Demolombe, III, 333.

Voy. au § 460, l'exception établie en faveur du mariage putatif.

'Arg. a contrario, art. 201 et 202. Cpr. § 37, texte et note 18. Toullier, I, 652. Demolombe, III, 344.

* Pothier, De la communauté, no 497. Toullier, I, 655. Cpr. § 37, texte et

note 19.

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Cpr. § 67, texte et note 9; § 461, texte, notes 12 et 13.

maternelle, à l'aide des moyens dont ils auraient pu faire usage, si le mariage avait été maintenu. La preuve ainsi faite constate d'une manière légale, en dehors de toute reconnaissance, leur état d'enfants naturels ".

Enfin, un mariage annulé doit, quant à l'application de l'art. 228, être placé sur la même ligne qu'un mariage valable, dissous par la mort du mari".

Du reste, les personnes dont le mariage a été annulé peuvent valablement se remarier l'une avec l'autre, à moins que l'empêchement dirimant à raison duquel l'annulation en a été prononcée, ne subsiste encore.

§ 460.

Du mariage putatif.

On appelle mariage putatif un mariage qui, dans la réalité, se trouve entaché de nullité, mais que les deux époux, ou l'un d'eux, ont cru valable en le contractant. Par exception au principe énoncé au paragraphe précédent, le mariage putatif dont l'annulation a été prononcée, n'en produit pas moins, tant au profit des enfants qu'au profit des époux ou de l'époux de bonne foi, tous les effets juridiques attachés à un mariage valable. Art. 201 et 202.

Cette exception, n'ayant été établie qu'en faveur des mariages qui se trouvent simplement entachés de nullité, est, en thèse générale, étrangère aux unions qui ne présenteraient pas les caractères essentiels à l'existence d'un mariage1. Ainsi, par exemple,

Demolombe, III, 345. Voy. cependant sur l'hypothèse où, malgré la grossesse de la femme pubère, le mariage est annulé pour cause d'impuberté du mari: Demolombe, III, 346. - Marcadé (II, sur l'art. 202, no 4) admet également en principe la proposition énoncée au texte; mais il en écarte à tort l'application pour le cas d'inceste ou d'adultère. Ce cas, en effet, est précisément un de ceux auxquels se réfèrent les art. 761 et 762, qui supposent une filiation incestueuse ou adultérine légalement constatée en dehors de toute reconnaissance volontaire ou forcée. Cpr. § 572.

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'Cette proposition, que nous avons empruntée à Zachariæ (§ 465), paraît également admise en principe par M. Demolombe (III, 355). Toutefois, ces auteurs ne pensent pas qu'on doive la pousser jusque dans ses dernières conséquences, parce que, disent-ils, la distinction entre le mariage non existant et le mariage simplement annulable, n'a pas toujours été rigoureusement suivie par le législateur. Cette observation peut être fondée en ce sens que les rédacteurs du Code se sont bornés, par des motifs d'utilité pratique, à ouvrir une simple action en

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