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mettre l'auteur de la déclaration à la garantie dont il sera ultérieurement parlé; elle oblige en outre l'époux à l'apport duquel elle s'applique, à indemniser son conjoint du montant des dettes dont il se trouvait grevé lors du mariage, et que la communauté a acquittées à sa décharge. La clause dont s'agit renferme donc virtuellement une espèce de convention de séparation de dettes 3.

Cette convention tacite diffère de la clause expresse de séparation. de dettes en ce qu'elle est absolument sans effet à l'égard des créanciers des époux, soit durant la communauté, soit même après sa dissolution, et en ce qu'elle oblige l'époux qu'elle concerne à faire raison à son conjoint, non-seulement du principal de ces dettes, ainsi que des intérêts ou arrérages échus avant le mariage, mais encore de ceux qui ont couru durant le mariage 3.

Le dédommagement dû à l'époux au profit duquel l'apport de l'autre a été déclaré franc et quitte, comprend non-seulement le préjudice que cet époux peut éprouver par suite de l'insuffisance des biens de la communauté ou de ceux de son conjoint pour se couvrir de ses reprises, indemnités, ou conventions matrimoniales, mais encore le dommage résultant de ce que la communauté ayant

La disposition de l'art. 1513, qui a virtuellement consacré ce principe, en statuant que l'indemnité due au conjoint de l'époux déclaré franc et quitte se prend avant tout sur la part de cet époux dans la communauté et sur ses biens personnels, est introductive d'un Droit nouveau. Anciennement on considérait la clause de franc et quitte comme n'ayant d'effet qu'entre le tiers qui avait fait la déclaration et l'autre conjoint. L'époux à l'apport duquel s'appliquait cette clause, n'était tenu de faire raison à la communauté de ses dettes antérieures au mariage qu'autant qu'il s'était expressément obligé à les payer séparément. Cpr. Pothier, nos 370 et suiv.; Lebrun, liv. II, chap. III, sect. III, nos 41 et suiv. Tous les auteurs modernes sont d'accord pour reconnaître l'innovation législative que nous venons d'indiquer, et qui s'explique par cette idée que l'époux dont l'apport a été déclaré franc et quitte par une tierce personne, doit être considéré comme ayant adhéré à cette déclaration. Bellot des Minières, III, p. 191 à 198. Delvincourt, III, p. 89. Toullier, XIII, 364. Battur, II, 425. Duranton, XV, 116 et suiv. Odier, II, 787 et 788. Rodière et Pont, II, 222. Marcadé, sur l'art. 1513, no 1. Troplong, III, 2060 et 2061.

Deivincourt, III, p. 87. Toullier, XIII, 364. Duranton, XV, 115. Odier, II, 788. Rodière et Pont, II, 225. Marcadé, loc. cit. Troplong, III, 2063. — M. Bellot des Minières (III, p. 198) attribue, au contraire, à la clause de franc et quitte tous les effets que la clause expresse de séparation de dettes produit à l'égard des créanciers. Mais son opinion est repoussée par le texte même de l'art. 1513 comparé à celui de l'art. 1510.

* Voy. art. 1512. Pothier, no 375. Delvincourt, III, p. 87. Bellot des Minières, III, p. 202. Duranton, XV, 114. Odier, loc. cit. Rodière et Pont, II, 226. Marcadé, loc. cit. Troplong, III, 2064.

eu à payer les dettes de son conjoint, la masse commune se trouve diminuée du montant de ces dettes *.

La garantie à laquelle se trouve soumise le tiers qui a déclaré franc et quitte l'apport de l'un des époux, n'est que subsidiaire. En d'autres termes, elle ne peut être exercée que dans le cas où les biens de l'époux dont l'apport a été déclaré franc et quitte, sont insuffisants pour couvrir l'indemnité dont il est débiteur. Art. 1513, al. 1.

Le mari est autorisé à exercer, même durant la communauté, le recours en garantie qu'il peut avoir à former contre les tiers qui ont déclaré franc et quitte l'apport de la femme. Celle-ci, au contraire, ne peut agir contre les tiers qui lui doivent garantie à raison de l'apport du mari, qu'après la dissolution de la communauté. Art. 1513, al. 2.

Du reste, les tiers qui sont, en pareil cas, recherchés en ga rantie, ont leur recours contre l'époux dont l'apport a été déclaré franc et quitte. Ce recours ne peut être exercé contre la femme qu'après la dissolution de la communauté, lors même que les tiers qui avaient garanti son apport, ont été poursuivis par le mari avant cette époque. Art. 1513, al. 2.

On admettait généralement dans l'ancien Droit que lorsque la femme avait été déclarée franche et quitte, le mari avait action pour se faire indemniser du préjudice que les dettes de la femme antérieures au mariage causaient à la conmunauté. Mais on n'était pas d'accord sur les effets de la déclaration de franc et quitte appliquée au mari. Suivant les uns, la femme n'avait de dédommagement à demander qu'à raison des pertes que les dettes du mari antérieures au mariage lui faisaient éprouver sur ses reprises et conventions matrimoniales. Suivant les autres, elle pouvait en outre, en cas d'acceptation, se faire indemniser de la diminution de sa part de communauté par suite de l'existence de pareilles dettes. Voy. pour la première opinion: Lebrun, liv. II, chap. III, sect. III, nos 41 et 42; Duplessis, De la communauté, liv. II, chap. I, sect. IV, in fine; Pothier, no 366. Voy. pour la seconde opinion: Renusson, part. I, chap. XI, nos 36 et 37; Bourjon, Droit commun de la France, tit. X, part. III, chap. V, sect. I, nos 3 et 6. Il résulte nettement de la rédaction de l'art. 1513, que c'est la dernière solution que le législateur a entendu consacrer. Delvincourt, III, p. 88. Toullier, XIII, 366. Duranton, XV, 123. Bellot des Minières, III, p. 196. Odier, II, 789. Rodière et Pont, II, 229. Marcadé, sur l'art. 1513, no 2. Troplong, III, 2059. Voy. en sens contraire: Battur, II, 425.

§ 528.

c. De la clause par laquelle la femme stipule la reprise de son apport franc et quitte, en cas de renonciation à la communauté1.

La femme peut, par une clause du contrat de mariage, se réserver la faculté de reprendre franc et quitte, en cas de renonciation à la communauté, tout ou partie de ses apports. Art. 1514, al. 1.

Toute clause de cette nature doit, comme dérogeant aux règles de la communauté légale, être interprétée restrictivement, tant en ce qui concerne les objets dont la reprise peut être exercée, qu'en ce qui concerne les personnes admises à invoquer le bénéfice de la clause. Art. 1514, al. 1.

De là résultent plusieurs conséquences:

a. Lorsque la femme s'est réservé la faculté de reprendre le mobilier qui lui écherra durant la communauté, elle n'est point autorisée à exercer la reprise de celui qu'elle possédait au jour de la célébration du mariage.

b. Lorsqu'elle a stipulé la reprise de ses apports, ou même de son mobilier, sans mentionner spécialement son mobilier futur, elle n'est autorisée à reprendre que le mobilier qu'elle possédait au jour de la célébration du mariage. Art. 1514, al. 2.

c. La faculté de reprise stipulée en faveur de la femme ne s'étend point à ses enfants. Si elle a été stipulée en faveur de la femme et de ses enfants, elle ne profite ni à ses ascendants ni à ses collatéraux; et si elle l'a été en faveur de la femme et de ses héritiers, elle ne s'étend point à ses successeurs universels, encore

'Lorsqu'en stipulant la reprise de son apport franc et quitte, la femme l'a fait en ajoutant qu'il resterait affranchi même des engagements qu'elle aurait contractés avec son mari et des condamnations qui seraient prononcées contre elle à raison de pareils engagements, cette addition change-t-elle la nature et l'objet de la clause, de telle sorte qu'elle devienne opposable aux tiers comme emportant une soumission partielle et conditionnelle au régime dotal? Cpr. sur cette question, qui a été soulevée dans ces derniers temps: § 533, texte et notes 10 à 12.

* La clause par laquelle la femme se serait réservé la faculté de reprendre en cas d'acceptation tout ou partie du mobilier par elle apporté, ne serait plus celle dont s'occupe l'art. 1514, mais une espèce de réalisation portant sur la valeur de ce mobilier. Cpr. Bellot des Minières, III, p. 213; Rodière et Pont, II, 240; Troplong, III, 2105; Toulouse, 27 janvier 1844, Sir., 44, 2, 391.

que ceux-ci jouissent de la saisine légale, en vertu de l'art. 10063. Art. 1514, al. 3.

Mais cette règle d'interprétation restrictive ne serait plus admissible, si elle devait avoir pour effet d'exclure du bénéfice de la reprise des parents qui, au point de vue du droit de succession, sont préférables à ceux dont la clause fait expressément mention. Ainsi, la reprise stipulée au profit de la femme et de ses collatéraux s'étend à ses enfants".

Quant au terme enfants, il comprend les descendants à quelque degré qu'ils se trouvent, et s'applique non-seulement aux enfants à naître du mariage, mais encore à ceux que la femme peut avoir d'une précédente union, et même à ses enfants naturels.

Du reste, lorsque, par la dissolution de la communauté, le droit de reprise s'est une fois ouvert au profit de la femme ou des autres personnes en faveur desquelles il avait été stipulé, il passe à tous leurs successeurs universels sans distinction, et peut être exercé par leurs créanciers".

3 Duranton, XV, 160 et 161. Odier, II, 850. Rodière et Pont, II, 258. Marcadé, sur l'art. 1514, no 2. Voy. cependant Bellot des Minières, III, p. 228; Battur, II, 463. - Il est bien entendu que le légataire universel qui eût été, à défaut d'institution testamentaire, appelé à la succession en qualité d'héritier, serait admis à exercer la reprise.

* L'argument a contrario doit faire place en pareil cas à l'argument a fortiori. Pothier, nos 389 et 390. Toullier, XIII, 386 et 387. Battur, II, 453. Duranton, XV, 158. Rodière et Pont, II, 253. Marcadé, loc. cit. Troplong, III, 2082. Voy. en sens contraire: Odier, II, 849.

Pothier, no 387. Duranton, XV, 156. Odier, II, 847. Rodière et Pont, II, 248 et 249. Marcadé, loc. cit. Troplong, III, 2083. Il en serait autrement si la reprise n'avait été stipulée qu'en faveur des enfants à naître du mariage. Pothier, no 387. Duranton, XV, 157. Rodière et Pont, et Troplong, locc. citt.

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Rodière et Pont, II, 249. Marcadé, sur l'art. 1514, no 2. Voy. en sens contraire: Odier, II, 847. La reprise stipulée au profit de la femme et de ses héritiers s'étend-elle à ses enfants naturels? Après nouvel examen de la question, nous croyons devoir la résoudre par l'affirmative. Il nous paraît impossible d'admettre qu'en stipulant la reprise au profit de ses héritiers même collatéraux, la femme n'ait pas entendu la stipuler également, et à plus forte raison, en faveur de ses enfants naturels. En vain objecterait-on que ces enfants ne sont point héritiers. Cette objection, qui serait péremptoire sans doute s'il s'agissait de l'application d'une disposition légale, ne nous paraît rien moins que décisive quand il est question de l'interprétation d'une convention. Voy. cep, en sens contraire: Delvincourt, III, p. 92; Duranton, XV, 162; Odier, II, 850; Rodière et Pont, II, 251. Voy. aussi Bellot des Minières, III, p. 224.

'Pothier, no 393. Battur, II, 461. Duranton, XV, 151 et 163. Odier, II, 855 et 856. Rodière et Pont, II, 256. Marcadé, loc. cit. Troplong, III, 2087 à 2089.

D'un autre côté, il se peut que telle personne qui, de son propre chef, ne serait pas fondée à exercer la reprise du mobilier de la femme, profite de la reprise exercée par une autre personne en faveur de laquelle elle a été réservée. C'est ainsi que, dans l'hypothèse où une femme ayant des enfants d'un premier lit n'a stipulé la reprise de son mobilier qu'en faveur des enfants à naître du nouveau mariage, les enfants du premier lit profitent de la reprise exercée par ces derniers, en ce sens que le mobilier qui en forme l'objet se partage entre eux et les enfants du second lit, comme le surplus des biens délaissés par leur mère. C'est ainsi encore que le légataire à titre universel de la femme peut être appelé à profiter de la reprise exercée par un héritier en faveur duquel elle a été réservée".

La règle d'interprétation ci-dessus posée n'empêche pas que les personnes en faveur desquelles a été réservée la faculté de reprendre le mobilier de la femme, ne puissent l'exercer en cas de dissolution de la communauté par suite de séparation de corps ou de biens, quoique, en la stipulant, les parties n'aient expressément mentionné que l'hypothèse de la dissolution de la communauté par le décès de l'un des époux ".

La clause de reprise de l'apport de la femme n'a pas pour effet de réserver à celle-ci la propriété de son mobilier. Ce mobilier tombe dans la communauté. Il en est de même des immeubles que la femme a ameublis d'une manière absolue. Ainsi, les créanciers de la communauté ou du mari peuvent frapper de saisie le mobilier de la femme, de même que les autres biens communs. Ainsi encore, la femme ne peut revendiquer contre les tiers détenteurs les immeubles ameublis que le mari a aliénés; et elle est tenue de respecter les hypothèques ou les servitudes qu'il peut avoir consenties sur ces immeubles 10.

Pothier, no 387. Duranton, XV, 149 et 165. Odier, II, 852 et 853. Rodière et Pont, II, 249 et 258. Ces hypothèses ne sont pas les seules où une personne obtient, par le moyen d'un tiers avec lequel elle se trouve en concours, des avantages qu'elle ne serait pas admise à réclamer de son propre chef. Cpr. art. 1098 et § 690, texte et note 40; art. 757 et § 605, note 11.

* Si la femme n'a mentionné que cette hypothèse, c'est parce qu'elle ne devait pas supposer que son mari la mettrait dans la nécessité de provoquer la séparation de corps ou de biens. Pothier, no 381. Bellot des Minières, III, p. 214. Battur, II, 446. Duranton, XV, 150. Odier, II, 851. Rodière et Pont, II, 241. Troplong, III, 2085 et 2086.

10 Pothier, no 409. Duranton, XV, 171. Odier, II, 857 et 861. Rodière et Pont, II, 266, 267 et 271.-M. Battur (II, 399 et 444) enseigne le contraire; mais son opinion est évidemment en opposition avec l'art. 1507, al. 1 et 2.

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