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Lorsqu'un seul des époux est de bonne foi, le mariage putatif ne produit les effets civils qu'en sa faveur. Il peut donc demander que la liquidation de ses droits s'opère, soit d'après les dispositions du contrat de mariage, s'il en existe un, ou d'après les régles de la communauté légale, s'il n'en existe pas, soit d'après les principes ordinaires des sociétés 17.

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La femme de mauvaise foi n'a pas d'hypothèque légale à exercer sur les biens de son mari. Mais elle jouit toujours, même à l'égard de ce dernier, du droit de renoncer à la communauté ou à la société de fait à laquelle le mariage a donné lieu 18.

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L'époux de bonne foi conserve les avantages que l'époux de mauvaise foi lui a faits par contrat de mariage, sans que ce dernier puisse réclamer ceux dont le premier l'a gratifié, encore qu'ils aient été stipulés réciproques 19. L'époux de mauvaise foi a cependant, s'il existe des enfants, le droit de retenir les avantages que des tiers lui auraient faits en vue du mariage 2o. D'un

aurait été prononcé sur sa demande, et en sa faveur, à plus forte raison doit-il en être de même de l'époux dont le mariage a été précédemment annulé. Cpr. § 606, texte et note 6. Delvincourt, II, p. 68. Chabot, Des successions, sur l'art. 767, no 5. Duranton, II, 369. Vazeille, I, 284. Marcadé, sur l'art. 202, no 2. Demolombe, III, 370.

1 Ce droit d'option est une conséquence du principe que l'époux de bonne foi peut seul réclamer les effets civils du mariage. Mais s'il opte pour une liquidation à faire d'après les dispositions du contrat de mariage, ou d'après les règles de la communauté légale, il n'est point admis à scinder ces dispositions ou ces règles, pour n'adopter que celles qui lui sont favorables et rejeter les autres. Il ne peut, par conséquent, priver l'époux de mauvaise foi de sa part aux acquêts. Cpr. Toullier, 1, 663; Duranton, II, 374 et 372; Bellot des Minières, Du contrat de mariage, II, p. 60 et suiv.; Demolombe, III, 375.

18 La faculté de renoncer doit être accordée à la femme, comme une conséquence des pouvoirs exclusifs et pour ainsi dire illimités que le mari aura de fait exercés, en sa qualité de chef de la communauté. Duranton, II, 574. Demolombe, III, 374.

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Cpr. art. 299 et 300. Delvincourt, I, p. 144. Proudhon, II, p. 5. Toullier, I, 662. Duranton, II, 370. Vazeille, 1, 284. Marcadé, sur l'art. 202, no 4. Demolombe, III, 376.

20 Cela ne peut souffrir aucune difficulté pour les donations de biens à venir, ou de biens présents et à venir, puisque la loi exprime formellement qu'elles sont censées faites, tant dans l'intérêt des enfants à naître du mariage, que dans celui des époux. Art. 1082, 1084 et 1089. La proposition émise au texte doit également être admise quant aux donations de biens présents, puisqu'elles ne sont pas faites dans l'intérêt exclusif de l'époux donataire, mais en faveur du mariage, et que ce serait priver les enfants qui en sont issus et l'autre époux d'une partie des effets civils que l'union, quoique annulée, doit produire à leur profit. Demolombe, III, 381 et 382.

autre côté, la survenance d'enfants issus du mariage opère la révocation des donations faites, même par l'époux de mauvaise foi". L'époux de bonne foi conserve, sur la personne et sur les biens de ses enfants, tous les droits qui découlent de la paternité et de la maternité légitimes. L'époux de mauvaise foi en est au contraire privé. Ainsi, par exemple, il est exclu de la succession légale de ses enfants; mais cette exclusion lui est personnelle, et ne s'étend pas à ses parents, en faveur desquels on doit nécessairement admettre le principe de la réciprocité 22.

Les difficultés que présente la liquidation des droits des deux femmes d'un bigame, lorsqu'elles se sont mariées l'une et l'autre sous le régime de communauté, doivent, à notre avis, être résolues de la manière suivante : Les droits de la première femme sont à régler comme s'il n'existait pas de second mariage, et qu'il ne se füt formé entre le mari et la seconde femme qu'une société ordinaire. Elle pourra donc réclamer la moitié de la communauté, telle qu'elle existera au jour de sa dissolution, sous déduction toutefois des reprises de la seconde femme, et d'une part proportionnelle aux apports de celle-ci dans les acquets faits depuis le second mariage. Quant à la seconde femme, en la supposant de bonne foi, elle prendra la moitié de la communauté, telle qu'elle existera au jour de l'annulation ou de la dissolution de son mariage, sous déduction cependant des droits de la première femme, fictivement liquidés au jour de la célébration de ce mariage, et d'une part proportionnelle à ces droits dans les acquets faits depuis cette époque 23.

"Cpr. § 709, texte no 4 et note 25. Aux auteurs cités dans cette note, en sens contraire de l'opinion émise au texte, il faut encore ajouter M. Demolombe (III, 322).

"Duranton, II, 366. Vazeille, 1, 282. Marcadé, sur l'art. 202, no 4. Demolombe, III, 372.

"Le système que nous proposons est, quant à la liquidation des droits de la première femme, conforme à l'opinion de Marcadé (sur l'art. 202, no 4); mais il en diffère quant au règlement de ceux de la seconde. Suivant cet auteur, en effet, la seconde femme prendrait la moitié de la communauté, telle qu'elle existe au jour de l'annulation ou de la dissolution de son mariage, sans aucune déduction préalable en raison des droits de la première femme. Mais ce procédé, d'après lequel on fait entrer comme actif net dans la communauté formée avec la seconde femme, l'intégralité des valeurs dont le mari se trouve détenteur, en qualité de chef de la communauté formée avec la première femme, est évidemment inadmissible. Les droits de celle-ci sur le fonds commun, détenu par le mari au moment de la célébration du second mariage, constituent tout au moins un passif à la charge de ce dernier, passif dont il faut nécessairement tenir

B. SPÉCIALITÉS.

1. Des empêchements de mariage.

a. Des empêchements dirimants.

§ 461.

Des empêchements dirimants qui entraînent une nullité absolue.

1° Ces empêchements résultent de l'absence de l'une ou de l'autre des trois conditions suivantes :

1) Les époux doivent avoir atteint l'âge requis pour contracter mariage. Cet âge est de dix-huit ans accomplis pour les hommes, et de quinze ans accomplis pour les femmes1. Art. 144.

2) Les époux doivent être libres de tout lien conjugal antérieur. Nul ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. Art. 147 cbn. 227. Cette dissolution, qui ne résulte plus aujourd'hui que de la mort naturelle de l'un des conjoints, pouvait également s'opérer, jusqu'à la loi du 8 mai 1816, par un divorce légalement prononcé, et se trouvait en outre attachée, jus

compte pour fixer le montant réel de son apport dans la communauté formée par suite de ce mariage. Cpr. Demolombe, III, 577; Bordeaux, 15 mai 1852, Sir., 52, 2, 609 Un autre système a été proposé par Toullier (I, 603), Vazeille (I, 285) et M. Duranton (III, 373). D'après ces auteurs, la liquidation devrait se faire comme s'il était question de deux sociétés contractées entre personnes étrangères, et dont la durée se trouverait déterminée par la cohabitation du mari avec chacune de ses deux femmes. Ce système, qui léserait évidemment les droits de la première femme, est réfuté d'une manière péremptoire dans l'arrêt précité de la Cour de Bordeaux.

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Voy. cependant art. 145; et § 453, texte in fine.

*La loi du 8 mai 1816, qui a aboli le divorce pour l'avenir, n'a pas défendu aux époux régulièrement divorcés avant sa promulgation, de se remarier ultérieurement. En ne restreignant aux effets de la séparation de corps que les arrêts et jugements restés sans exécution par suite de la non-prononciation du divorce, l'art. 2 de cette loi reconnaît implicitement que les divorces définitivement consommés doivent continuer à produire tous les effets qui s'y trouvaient attachés, d'après la législation sous l'empire de laquelle ils ont été prononcés, notamment celui de dissoudre complétement le lien du mariage, et de lever ainsi l'obstacle que ce lien aurait apporté à une seconde union. La question, il faut bien le remarquer, n'est pas de savoir si la loi du 8 mai 1816 aurait pu, sans rétroactivité, enlever aux époux antérieurement divorcés la faculté de se remarier, mais

qu'à la loi du 31 mai 1854, à la mort civile encourue par l'un des époux3.

La nullité d'un premier mariage pouvant être proposée comme exception préjudicielle à la demande en annulation dirigée contre le second, il en résulte que l'empêchement produit par l'existence d'un premier mariage, non encore dissous, n'est dirimant que dans le cas où ce mariage a été valablement formé1. Art. 189.

A l'inverse, un second mariage peut être attaqué pour cause de bigamie, quoique le premier ait été suivi d'un divorce, si ce divorce n'a pas été légalement prononcé.

3) Les époux ne doivent être, ni parents, ni alliés entre eux, aux degrés auxquels la loi prohibe le mariage. Cpr. art. 161 à 163.

La parenté légitime forme un empêchement de mariage, en ligne directe, entre tous les ascendants et descendants, et en ligne collatérale, entre les frères et sœurs, l'oncle et la nièce, la tante et le neveu".

La parenté naturelle engendre un empêchement de mariage, en ligne directe, entre tous les ascendants et descendants, et en ligne collatérale, entre les frères et sœurs3.

si, en réalité, elle l'a fait. Or, la négative de cette dernière question nous paraît d'autant plus certaine, que le projet de loi sur les effets de l'abolition du divorce, présenté aux deux chambres vers la fin de 1816, contenait un article qui interdisait aux époux divorcés de se remarier, l'un avant le décès de l'autre, et reconnaissait ainsi que cette prohibition ne résultait pas de la loi du 8 mai 1816. Vazeille, I, 103 in fine. — Cpr. sur la question de savoir si un étranger, légalement divorcé dans son pays, depuis la loi du 8 mai 1816, peut contracter mariage en France: § 469, texte et note 10.

-

Cpr. § 82, texte et note 15; § 83, texte, notes 5 et 7; § 83 bis, texte in fine et note 6; § 473, texte et note 1.

Mais l'existence d'une première union, même entachée de nullité, constitue toujours un empêchement prohibitif, qui ne peut être levé que par l'annulation de cette union. Cpr. § 463, texte et note 1.

Cpr. Merlin, Rép., vo Mariage, sect. VI, § 2, quest. 2 sur l'art. 184; Vazeille, I, 224; Civ. rej., 13 août 1816, Sir., 16, 1, 343; Req. rej., 25 février 1818, Sir., 19, 1, 41; Civ. cass., 7 novembre 1838, Sir., 38, 1, 865.

Nous entendons ici par parenté légitime, celle qui a sa source dans le mariage. La parenté fictive, résultant de l'adoption, ne produit, à notre avis, qu'un empêchement prohibitif. Cpr. art. 348; § 463, texte et note 3.

'Sauf, dans ces derniers cas, la levée de l'empêchement, au moyen d'une dispense. Cpr. art. 164 et § 453. Voy. sur le mariage du grand oncle et de la

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Le mariage est permis entre personnes unies par un lien de parenté naturelle, au degré d'oncle et de nièce, de tante et de neveu. Arg. a contrario, art. 163 cbn. 161 et 162. Maleville, sur l'art. 163. Toullier, I, 538. Merlin, Rép., vo Em

L'alliance résultant d'un mariage actuellement dissous produit, alors même qu'il n'en existe pas d'enfants', un empêchement de mariage entre chacun des ci-devant conjoints et les parents légitimes ou naturels 10 de l'autre, savoir, en ligne directe ascendante et descendante, à l'infini, et en ligne collatérale, jusqu'au degré de frère et sœur inclusivement 11.

On doit, sous ce rapport, assimiler à l'alliance civile propre. ment dite, c'est-à-dire à celle qui résulte d'un mariage valable, l'affinité naturelle qui s'est formée par un mariage depuis annulé 12,

pêchement de mariage, § 4, art. 1, no 3. Bedel, Traité de l'adultère, no 93. Duranton, II, 172. Marcadé, sur l'art. 163, no 2. Demolombe, III, 106. Voy. cependant en sens contraire: Loiseau, Traité des enfants naturels, p. 582.

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Paris, 18 mars 1850, Sir., 50, 2, 593. Cpr. § 67, note 10.

10 Merlin, Rép., vo Affinité, no 1. Duranton, II, 155. Vazeille, I, 107. Paris, 18 mars 1850, Sir., 50, 2, 593.

"Ainsi, le mariage est permis entre des alliés au degré d'oncle et de nièce, de tante et de neveu. Merlin, Rép., v° Empêchement de mariage, § 4, art. 1, no 3. Maleville, I, p. 179. Toullier, I, 538. Duranton, II, 171. Demolombe,

III,

111.

12 En effet, l'annulation d'un mariage ne détruit pas l'affinité naturelle qu'a produite le commerce des deux époux (cpr. § 459); et cette affinité suffit, à notre avis, pour créer un empêchement de mariage. Cpr. note 13 infra. MM. Duranton (II, 159) et Demolombe (III, 112) adoptent notre manière de voir pour l'hypothèse où, à raison de la bonne foi des époux, le mariage, quoique annulé, produit les effets civils; mais ils la rejettent dans l'hypothèse contraire, avec cette différence cependant que, comme correctif de son opinion, le premier de ces auteurs admet, pour cette hypothèse, l'existence d'un empêchement simplement prohibitif. La distinction que font MM. Duranton et Demolombe entre le cas de bonne foi et celui de mauvaise foi, est fondée sur une application erronée, selon nous, des art. 201 et 202, dont l'unique objet est de faire maintenir, au profit des époux de bonne foi, les effets civils que le mariage a produits jusqu'au moment de son annulation. Ce serait aller directement contre les dispositions de ces articles et en étendre illégalement la portée, que d'en faire découler, au détriment de ces mêmes époux, un empêchement qui continuerait de subsister même après l'annulation du mariage. Une incapacité ne saurait de sa nature survivre à l'anéantissement de la cause qui l'avait en apparence produite. Si donc il fallait admettre que l'alliance civile proprement dite engendre seule un empêchement de mariage, on devrait, pour être conséquent, aller jusqu'à dire que, malgré la bonne foi des époux, l'annulation de leur union a pour effet de faire disparaître tout empêchement de mariage entre l'un d'eux et les parents de l'autre. Ne serait-il d'ailleurs pas bizarre que l'époux de mauvaise foi fût autorisé à se marier avec un parent de son conjoint, et qu'il y eût pour l'époux de bonne foi, empêchement légal de contracter mariage avec un parent du premier? Quant à l'espèce de moyen terme que propose M. Duranton pour l'hypothèse où les époux sont de mauvaise foi, il nous paraît complétement arbitraire: ou l'empêchement existe ou il n'existe pas; s'il existe, on ne voit pas pourquoi dirimant au cas de bonne foi, il serait sim

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