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Si l'aliénation de l'immeuble dotal avait été permise hors des cas où le juge a le pouvoir de l'autoriser, elle serait nulle, tout comme si les époux l'avaient faite sans permission 115. Mais lorsque l'autorisation de justice a été accordée pour une des causes prévues par la loi, le tiers acquéreur ne peut être inquiété, sous le prétexte de la fausseté des faits allégués pour obtenir cette autorisation 16.

4) Lorsqu'un immeuble dotal indivis avec des tiers, ou même entre les époux 117, n'est pas susceptible d'être commodément partagés, le tribunal peut autoriser ces derniers à concourir ou à procéder à la licitation volontaire de cet immeuble, suivant les formes prescrites par l'art. 997 du Code de procédure 119. Art. 1558,

gir sur la validité de cette aliénation. Benech, op. cit., no 134. Voy. en sens contraire Tessier, I, p. 237; Sériziat et Marcadé, locc. cilt.

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145 Troplong, IV, 3493, 3495 et 3499. Marcadé, sur l'art. 1558, no 6. Caen, 5 juillet 1826, Sir., 27, 2, 150. Civ. cass., 26 avril 1842, Sir, 42, 1, 541. Caen, 12 juin 1842, Sir., 42, 2, 462. Req. rej., 7 juillet 1851, Sir., 51, 1, 472. Cpr. aussi Grenoble, 4 juillet 1832, Sir., 33, 2, 427. Voy. en sens contraire : Devilleneuve, Sir., 42, 1, 541, à la note; Odier, III, 1289. Cpr. aussi : Grenoble, 9 novembre 1839, Sir., 40, 2, 209; Lyon, 4 juin 1841, Sir., 41, 2, 612.

116 Troplong, IV, 3496 et 3197. Marcadé, loc. cit. Caen, 12 juin 1842, Sir., 42, 2, 462. Civ. cass., 17 mars 1847, Sir., 47, 1, 576. Rouen, 29 mai 1847, Sir.. 48, 2, 245. Req. rej., 14 février 1848, Sir., 49, 1, 387. Req. rej., 30 décembre 1850, Sir., 51, 1, 29. Montpellier, 22 décembre 1852, Sir., 53, 2, 69. Req. rej., 22 août 1855, Sir., 56, 1, 319. Req. rej. 7 juillet 1857, Sir., 57, 1, 734. Cpr. aussi Req. rej., 25 mai 1840, Sir., 40, 1, 699.

117 MM. Rodière et Pont (II, 523) enseignent que la licitation ne peut être autorisée, lorsque l'immeuble n'est indivis qu'entre le mari et la femme. Mais cette opinion ne nous paraît pas devoir être suivie. Le mari, en tant que copropriétaire, est évidemment un tiers; et il est d'autant moins permis de le priver du droit que lui assure à ce titre l'art. 815, qu'il peut avoir un intérêt sérieux à l'exercer, pour tirer de sa portion indivise le parti le plus profitable. Rouen, 1er août 1853, Sir., 54, 2, 265. Grenoble, 18 août 1854, Sir., 55, 2, 91.

118 Il n'est pas nécessaire que l'immeuble soit absolument impartageable; il suffit qu'il ne puisse être partagé sans inconvénient réel et sans perte pour les parties intéressées. Arg. art 827. Cpr. § 624, texte n° 2 et note 15. Benoît, I. 243. Odier, III, 1300 et 1301. Rodière et Pont, II, 523.

119 L'alinéa 6 de l'art. 1558 nous paraît avoir eu particulièrement en vue l'hypothèse où tous les copropriétaires sont d'accord pour procéder à la licitation. Il a pour objet d'exprimer cette double idée que, malgré cet accord, la femme a besoin de l'autorisation de la justice pour concourir à la licitation, et que le juge peut, en reconnaissant l'impartageabilité, accorder cette autorisation sur simple requête et sans procédure contradictoire. Cpr. Code de procédure, art. 997. Quant au cas où la licitation serait provoquée par voie d'action, soit par les consorts de la femme, soit même par les époux, il est régi par les art. 815 et 818. Cpr. § 535, texte n° 1, notes 11 et 12. Nous croyons devoir modifier en ce sens les

al. 6. Mais il ne pourrait permettre l'aliénation de la part indivise de la femme, si ce n'est pour l'une des causes indiquées par les alinéas 2 à 5 de l'art. 1558 120

Si la femme se rend adjudicataire de l'immeuble licité, les portions par elle acquises sur ses consorts deviennent dotales ou paraphernales, suivant les distinctions établies au § 534, texte n° 5.

Si c'est le mari qui s'est porté adjudicataire, soit en son nom personnel, soit même pour le compte de la femme, mais sans mandat de celle-ci, elle jouit du droit d'option que l'art. 1408 accorde en pareil cas à la femme mariée sous le régime de la communauté 121. L'exercice et les effets de ce droit sont régis par les règles développées au § 507122. C'est ainsi que la femme peut exercer son option même avant la dissolution du mariage ou la séparation de biens 123. Du reste, lorsque la femme opte pour le retrait, la question de savoir si les portions de ses consorts deviennent dotales ou paraphernales se décide d'après les mêmes distinctions que dans l'hypothèse où la femme s'est elle-même rendue adjudicataire,

Enfin, si l'immeuble est adjugé à un tiers, la portion du prix afférente à la femme est dotale, et doit, comme telle, être em

explications données dans nos premières éditions sur la disposition de l'alinéa 6 de l'art. 1558, dont la véritable signification ne nous paraît pas avoir été indiquée d'une manière satisfaisante par les auteurs. Cpr. Odier, 1301; Rodière et Pont, II, 523 à 525; Troplong, IV, 3477 à 3480.

120 L'opinion contraire, que professent MM. Rodière et Pont (II, 524), nous semble repoussée par le texte de l'art. 1558, qui ne permet que l'aliénation de l'immeuble commun, et non celle de la part indivise que la femme peut y avoir. Il y a d'autant plus de raison de se tenir à la lettre de la loi, qu'une vente de part indivise ne se fait le plus souvent qu'à des conditions désavantageuses. Les époux sans doute ne sont pas tenus de rester dans l'indivision; mais il ne résulte pas de là que le juge puisse les autoriser à en sortir autrement que par la voie du partage ou de la licitation.

121 La disposition de l'art. 1408 est en effet fondée sur l'état de dépendance où se trouve la femme; et elle est par cela même applicable à tous les régimes matrimoniaux. Tessier, I, p. 279, note 472. Delvincourt. III, p. 109 et 110. Toullier, XIV, 218 et 219. Duranton, XV, 363. Taulier, V, p. 237. Sériziat, no 170. Rodière et Pont, II, 643. Babinet, Revue de Droit français et étranger, 1845, II, p. 709 et 710. Troplong, IV, 3482. Riom, 10 décembre 1836, Sir., 36, 2, 186. Riom, 20 mai 1839, Sir., 39, 2, 513. Riom, 29 mai 1843, Sir., 44, 2, 243. Grenoble, 18 août 1854, Sir., 55, 2, 91. Voy. en sens contraire: Bellot des Minières, IV, p. 143; Odier, III, 1309. - Cpr. sur la question de savoir si l'art 1408 s'applique aux immeubles paraphernaux, § 541, texte et note 11. Cpr. § 507, texte n° 3 et notes 90 à 100. 123 Grenoble, 18 août 1854, Sir., 55, 2, 91.

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ployée à son profit 12. L'adjudicataire peut donc refuser le paiement de cette portion du prix, tant qu'il ne lui est pas justifié d'un remploi régulier 125. S'il l'avait acquittée sans exiger de remploi, il pourrait être contraint à la payer une seconde fois; mais la femme ou ses héritiers ne seraient pas admis à demander pour ce motif la nullité de la licitation 126.

5) Le juge peut permettre au mari 127 d'échanger un immeuble dotal, mais seulement sous les trois conditions suivantes, savoir: que la valeur de l'immeuble offert en échange soit des quatre cinquièmes au moins de celle de l'immeuble dotal; que l'utilité de l'échange soit justifiée; et, enfin, que la femme y donne son consentement. L'existence des deux premières conditions doit être établie au moyen d'une vérification faite par des experts nommés d'office. Art. 1559, al. 1.

L'immeuble reçu en contre-échange devient de plein droit dotal, soit pour le tout, soit jusqu'à concurrence seulement de la valeur de l'immeuble donné en échange, suivant les distinctions indi-quées au § 534 128. La soulte qui peut être due à la femme est également dotale, et il doit en être fait emploi conformément à ce qui a été dit ci-dessus 129.

6o Le principe de l'inaliénabilité des immeubles dotaux n'empêche pas qu'un jugemeut qui a reconnu à un tiers la propriété d'un immeuble constitué en dot, ou qui a mal à propos méconnu la dotalité d'un pareil immeuble, n'acquière, pendant le mariage, l'autorité de la chose jugée 130.

Il ne forme pas non plus obstacle à l'expropriation d'un pareil immeuble, pour cause d'utilité publique 131.

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*** Cpr. Req. rej., 10 mars 1856, Sir., 56, 1, 657.

125 Rouen, 24 avril 1828, Sir., 28, 2, 190. Voy. aussi les autorités citées à la note 113 supra.

126 Cpr. texte et note 114 supra.

17 M. Taulier (V, p. 327) enseigne qu'au refus du mari, la justice pourrait permettre à la femme de conclure l'échange en réservant l'usufruit de ce dernier. Mais cette opinion nous paraît en opposition avec les principes sur l'administration de la dot, et avec l'art. 1559 qui suppose évidemment que l'échange est proposé par le mari. Rodière et Pont, II, 529. Odier, III, 1317.

198 Cpr. § 534, texte no 4 et note 33; texte no 5 et notes 40 à 42.

120 Cpr. texte, notes 113, 114, 125 et 126 supra.

150 Req. rej., 26 novembre 1822, Sir., 49, 1, 641, à la note. Cpr. Crenoble, 19 novembre 1831, Sir., 32, 2, 557; Riom, 4 février 1843, Sir., 43, 2, 186. Voy. aussi § 535, texte et note 10.

131 L. du 3 mai 1841, art. 25. Cpr. § 534, texte no 4; § 535, texte et note 14.

Enfin, ce principe ne s'oppose pas davantage à ce que les époux procèdent à l'amiable au partage en nature d'une succession indivise entre la femme et des tiers, et comprise pour sa part dans la constitution de dot 132, sauf à se conformer à la disposition de l'al. 6 de l'art. 1558, dans le cas où il s'agirait de liciter des immeubles dépendant de la succession 133.

§ 537 bis.

La dot mobilière est-elle inaliénable? Dans quel sens ou dans quelle mesure la jurisprudence a-t-elle admis cette inalienabilité ?

En Droit romain, le mari avait, comme dominus dotis, le droit d'aliéner les meubles dotaux; et la femme n'était pas autorisée à les revendiquer contre les tiers à l'époque où devait se faire la restitution de la dot. D'un autre côté, la femme pouvait renoncer à son hypothèque légale; et la novelle 61 ne restreignit cette faculté, dont elle avait joui jusqu'alors d'une manière illimitée, que relativement à l'hypothèque qui lui compétait sur les biens compris dans une donation anténuptiale. Enfin, il n'existait en Droit romain aucune disposition qui frappa spécialement d'inefficacité, quant aux biens dotaux, les engagements contractés par la femme durant le mariage.

132 Troplong, IV, 3112. Bordeaux, 11 février 1836, Sir., 36, 2, 223. Req. rej., 29 janvier 1838, Sir., 38, 1, 751. Rouen, 4 décembre 1838, Sir., 39, 2, 191. Caen, 9 mars 1839, Sir., 39, 2, 351. Rouen, 23 juin 1843, Sir., 43, 2, 486. Grenoble, 18 janvier 1849, Sir., 52, 2, 395. Bordeaux, 29 avril 1856, Sir., 57, 2, 54. Voy. en sens contraire: Tessier, I, p. 412, note 626 in fine; Lacoste et Raffet, Consultation, Sir., 36, 2, 324, à la note; Sériziat, no 169; Rodière et Pont, II, 569. Voy. aussi Duranton, VII, 127, et XV, 506; Marcadé, sur l'art. 1549, no 3 in fine, et sur l'art 1558, no 5. Ces deux auteurs, tout en reconnaissant que le partage peut avoir lieu à l'amiable quand il s'agit d'immeubles déterminés, se prononcent en sens contraire pour le cas où il est question du partage d'une succession. La solution que nous avons cru devoir adopter ne se fonde pas précisément sur la disposition de l'art. 883, mais sur cette idée que, lorsque la constitution de dot porte sur des droits héréditaires présents ou futurs, le caractère dotal ne s'attachera réellement et définitivement qu'aux objets échus au lot de la femme, et qu'ainsi le partage ne peut donner lieu à l'application du principe posé par l'art. 1554. Cpr. § 534, note 39. D'ailleurs l'art. 1558, al. 6, qui n'exige l'intervention de la justice que pour la licitation, conduit à reconnaître que dans la pensée du législateur le partage en nature peut se faire à l'amiable.

133 Bordeaux, 11 février 1836, Sir., 36, 2, 323. Cpr. Troplong, IV, 3113.

Les conséquences de ce système législatif n'étaient atténuées que par l'hypothèque légale et privilégiée accordée à la femme, et par le sénatus-consulte velléien qui la protégeait contre les engage. ments contractés par voie d'intercession dans l'intérêt de son mari.

Cependant certains commentateurs avaient admis, par une interprétation erronée de la loi 30 au Code, de jure dotium (5, 12), que la femme était en droit de revendiquer contre les tiers les meubles dotaux aliénés par le mari, soit d'une manière absolue, soit du moins dans le cas où il se trouvait insolvable à l'époque où devait se faire la restitution de la dot'; et, d'un autre côté, ils avaient, pour le même cas d'insolvabilité, étendu à tous les biens du mari les restrictions apportées par la novelle 61 à la faculté pour la femme de renoncer à son hypothèque légale '.

En s'attachant à l'esprit de ces doctrines qui tendaient à entourer la dot mobilière de garanties plus efficaces, les parlements, tout en refusant à la femme, par application de la règle Mobilia non habent sequelam, le droit de revendiquer les meubles dotaux aliénés par son mari, proclamèrent le double principe que la femme ne pouvait renoncer à son hypothèque légale, et que les engagements par elle contractés durant le mariage n'étaient pas suscep. tibles d'être exécutés sur ses meubles dotaux 3.

Le Code Napoléon n'ayant posé que quant aux immeubles dotaux le principe de l'inaliénabilité, on devait rigoureusement en conclure que la dot mobilière est à tous égards aliénable'. Mais la

Voy. entre autres: Perezius, Prælectiones in Cod., liv. V, tit. XXIII, no 6. Despeisses, part. I, tit. XV, De la dot, sect. III, no 29. Cette interprétation a été adoptée par M. Tessier (Questions sur la dot, no 85). Cpr. sur le véritable sens de cette loi, qui ne s'occupe que du conflit entre les droits de la femme et ceux des créanciers hypothécaires du mari: Cujas, ad tit. C. de jur. dot. (5, 12). · Voy. Brunemann, sur la loi 11, C. ad sen. cons. vell. (4, 29); Faber, C. liv. IV, tit. XXI, def. 26, liv. VIII, tit. XV, def. 3.

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Voy. à cet égard le résumé de la jurisprudence des Parlements, présenté par M. Odier (III, 1234) et par M. Tessier (op. cit., nos 91 à 99).

Voy. en ce sens : Toullier, XIV, 76 et suiv.; Duranton, XV, 542 et suiv.; Vazeille, Du mariage, II, 330; Coulon, Quest. de droit, II, p. 206; Sériziat, p. 145 et suiv.; Odier, III, 1239; Troplong, Des hypothèques, III, 923, et Du contrat de mariage. IV, 3225 et suiv.; Marcadé, sur l'art. 1554, nos 2 et 3, et Revue critique, 1851, I, p. 602 et 622, 1852, II, p. 206 et 458, 1853, III, p. 212; Zachariæ, § 537, texte, notes 52 et 53. Voy. en sens contraire: Delvincourt, III, p. 112; Benoît, I, 206; Bellot des Minières, IV, p. 88; Grenier, Des hypothèques, I, 34; Tessier, De la dot, 1, p. 288 et suiv., et Questions sur la dot, nos 106 et suiv.; Taulier, V, p. 278 et suiv.; Rolland de Villargues, Rep du not., vo Régime dotal, no 101; Rodière et Pont, II, 494 à 498; Pont, Revue critique, 1853, III, p. 655.

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