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ne peut céder les revenus à échoir de ses biens dotaux que jusqu'à concurrence de l'excédant sur les besoins du ménage9.

Par exception à la règle que la séparation de biens ne modifie pas la dotalité et les effets qui s'y trouvent attachés, les immeubles dotaux, d'imprescriptibles qu'ils étaient avant la séparation, deviennent prescriptibles après qu'elle a été prononcée. Art. 1561, al. 2 10.

2° La femme reprend, en vertu de la séparation, la jouissance et la libre administration de ses biens dotaux, et se trouve par cela même investie des pouvoirs dont jouissait le mari en qualité d'administrateur de la dot. Art. 1449, al. 1. Elle peut donc exiger et recevoir le remboursement de ses reprises et de ses capitaux dotaux, sans être tenue de justifier d'un emploi, à moins que le mari

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Cpr. § 535, texte n° 2, notes 30 à 32. Rodière et Pont, 488. Troplong, II,

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"Cette solution, qui paraît définitivement prévaloir, a été vivement controversée. On a dit pour la combattre, que le régime dotal resterait incomplet, si la femme pouvait, comme le mari, toucher les capitaux dotaux sans être tenue d'en faire emploi, puisque les intérêts de la famille seraient désormais destitués de toute garantie, tandis qu'ils se trouvaient protégés par l'hypothèque légale contre les dilapidations du mari. Mais cette considération, fût-elle parfaitement fondée, n'autoriserait pas à créer pour la femme une obligation d'emploi qui n'aurait pas été établie par le contrat de mariage. On peut d'ailleurs y répondre que le système de garanties organisé par le régime dotal étant principalement dirigé contre la mauvaise administration du mari, et contre l'abus qu'il pourrait faire de son ascendant sur la femme pour obtenir son concours à des actes contraires aux véritables intérêts de la famille, on s'explique parfaitement que le législateur ait considéré ces intérêts comme suffisamment protégés, après séparation de biens, par le maintien du principe de l'inaliénabilité de la dot. Merlin, Quest., vo Remploi, § 10. Duranton, XV, 488. Sériziat, no 129. Odier, III, 1370 à 1372. Rodière et Pont, II, 886. Troplong, II, 1424 à 1426. Montpellier, 26 novembre 1806, Sir., 7, 2, 55. Riom, 5 février 1821, Sir., 23, 2, 23. Caen, 4 juillet 1824, Sir., 26, 2, 25. Civ. cass., 25 janvier 1826, Sir., 26, 1, 463 Grenoble, 29 mars 1828, Sir., 28, 2, 340. Bordeaux, 19 juin 1834, Sir., 34, 2, 661. Caen, 9 décembre 1836, Sir., 37, 2, 165. Civ. cass., 25 décembre 1839, Sir., 40, 1, 242. Nîmes, 29 juin 1840, Sir., 41, 2, 57. Req. rej., 11 avril 1842, Sir., 42, 1, 315. Paris, 25 avril 1843, Sir., 43, 2, 261. Limoges, 16 décembre 1848, Sir., 49, 2, 342. Agen, décembre 1851, Sir., 52, 2, 116. Paris, 14 janvier 1856, Sir., 56, 2, 463. Voy. en sens contraire: Tessier, De la dot, I, note 550, et Questions sur la dot, no 115; Benoît, I, 321; Bellot des Minières, IV, p. 228; Benech, op. cit., nos 137 et 138; Bordeaux, 2 août 1813, Sir., 15, 2, 106; Montpellier, 22 juin 1819, Sir., 20, 2, 310; Montpellier, 24 mai 1823, Sir., 24, 2, 318; Toulouse, 7 mai 1824, Sir., 37, 2, 55; Toulouse, 17 mai 1827, Sir., 27, 2, 204; Montpellier, 29 novembre 1831, Sir., 32, 2, 471; Limoges, 1er septembre 1834, Sir., 34, 2, 659; Limoges, 14 juillet 1847, Sir., 47, 2, 625; Agen, 9 février 1849, Sir., 49, 2, 222.

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n'y eût lui-même été assujetti par le contrat de mariage 12. Elle peut même céder ses créances dotales, comme le mari aurait pu le faire 13. Art. 1449, al. 2.

Du reste, la capacité personnelle de la femme séparée est régie sous le régime dotal par les mêmes règles que sous celui de communauté. C'est d'après ces règles, telles qu'elles ont été développées au § 516, que doit se résoudre la question de savoir quels sont les actes que la femme peut faire sans autorisation, et quels sont ceux, au contraire, pour lesquels elle a besoin d'être autorisée par son mari ou par justice.

3o La séparation de biens ne modifiant en aucune manière le principe de l'inaliénabilité de la dot, les obligations contractées par la femme même après séparation sont, en ce qui concerne le droit de poursuite des créanciers sur le fonds de la dot immobilière ou mobilière, régies par les règles développées au § 538. C'est ainsi que les objets mobiliers ou immobiliers livrés par le mari en paiement des reprises dotales, quoique n'étant pas frappés de dotalité, ne peuvent cependant être saisis par les créanciers même postérieurs à la séparation, qu'à charge par eux d'en faire ressortir la partie de la dot mobilière qu'ils représentent 14. Quant aux revenus des biens dotaux, les créanciers envers lesquels la femme s'est obligée depuis la séparation ne sont pas, à la vérité, privés d'une manière absolue du droit de les saisir entre ses mains 15; mais ils ne peuvent le faire que dans la limite de l'ex

12 Benech, op. cit., no 136. Troplong, II, 1427 et 1428. Civ. cass., 23 décembre 1839, Sir., 40, 1, 242: Limoges, 16 décembre 1848, Sir., 49, 2, 342.

13 La femme se trouvant substituée aux pouvoirs du mari en ce qui concerne l'administration de la dot mobilière, et ayant le droit de toucher le montant des créances dotales, il n'existe aucun motif solide pour lui refuser celui de les céder. Voy. en sens contraire: Tessier, De la dot, I, p. 347, note 548; Questions sur la dot, no 114.

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Cpr. § 538, texte n° 2 et note 22. Riom, 8 août 1843, Sir., 44, 2, 590. Montpellier, 18 février 1853, Sir., 53, 2, 684. Bordeaux, 14 mai 1857, Sir., 57, 2, 547. Cpr. Grenoble, 11 juillet 1857, Sir., 57, 2, 549. Voy. en sens contraire: Troplong, IV, 3189 à 3193; Marcadé, sur l'art. 1553, no 4; Montpellier, 21 février 1851, Sir., 53, 2, 671. Cpr. Rouen, 26 juin 1824, Sir., 25, 2, 19; Grenoble, 1er juillet 1846, Sir., 47, 2, 280. Ces derniers arrêts sont allés trop loin en refusant d'une manière absolue aux créanciers le droit de saisir les objets cédés par le mari à la femme en paiement de ses reprises, puisque ces objets, quoique représentant des valeurs dotales, ne sont point dotaux. Voy. texte no 1 et note 2 supra.

15 Il existe à cet égard une notable différence entre les engagements contractés par la femme depuis la séparation, et ceux qu'elle a contractés auparavant. Cpr. § 538, texte n° 2 et note 15.

cedant sur les besoins du ménage". D'un autre côté, après la dissolution du mariage par la mort de la femme, les revenus des biens dotaux sont complétement insaisissables au détriment de ses héritiers, pour les engagements qu'elle a contractés en état de séparation 17.

§ 540.

De la restitution de la dot.

1o Des causes qui donnent lieu à la restitution de la dol, et des personnes qui sont tenues de cette restitution.

La restitution de la dot devient exigible dans les trois circon. stances suivantes :

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** La jurisprudence de la Cour de cassation a singulièrement varié sur ce point. Après avoir d'abord admis la solution indiquée au texte (Civ. rej., 10 janvier 1820, Sir., 20, 1, 152), elle avait décidé à deux reprises que les revenus des biens dotaux étaient saisissables en totalité pour les engagements contractés par la femme après séparation (Civ. cass., 9 avril 1823, Sir., 23, 1, 331. Civ. cass., 28 mars 1827, Sir., 27, 1, 299). Enfin, par ses décisions les plus récentes, elle a de nouveau consacré la doctrine pour laquelle elle s'était d'abord prononcée (Req. rej., 16 février 1834, Sir., 34, 1, 176. Civ. rej., 6 février 1840, Sir., 40, 1, 133. Civ. cass., 4 novembre 1846, Sir., 47, 1, 201). Voy. également dans ce sens : Odier, III, 1368; Rodière et Pont, II, 488; Troplong, II, 1441 et 1442, et IV, 3310; Marcadé, sur l'art. 1554, no 4; Pau, 12 mars 1824, Sir., 26, 2, 38; Grenoble, 14 juin 1825, Sir., 26, 2, 38; Paris, 14 février 1832, Sir., 32, 2, 290; Lyon, 4 juin 1841, Sir., 41, 2, 612.

"Cette proposition, quelque dure qu'elle puisse paraître à l'égard des créanciers envers lesquels la femme s'est engagée après séparation de biens, nous paraît cependant être une conséquence forcée de la dotalité. Dans le système contraire, il faudrait aller jusqu'à dire que de pareils engagements sont, après le décès de la femme, susceptibles d'être poursuivis sur l'intégralité des revenus des biens dotaux, puisqu'alors il n'y a plus de ménage. Or, ce résultat est inconciliable avec l'esprit et le but du régime dotal, destiné à protéger non-seulement les intérêts de la femme elle-même, mais encore ceux de ses héritiers, qui doivent retrouver les biens dotaux francs de tous les engagements qu'elle a contractés depuis la séparation, aussi bien que de ceux qu'elle aurait pris antérieurement. En vain dirait-on, qu'il serait peu rationnel que le décès de la femme privât ses créanciers du droit de saisir les revenus des biens dotaux, dans la même mesure du moins qu'ils étaient autorisés à le faire de son vivant. Pour écarter cette objection, il suffit de faire remarquer que si les créanciers peuvent saisir l'excédant des revenus dotaux sur les besoins du ménage, c'est uniquement par le motif que cet excédant est entré dans le patrimoine disponible de la femme, au fur et à mesure de l'échéance de ces revenus. Civ cass., 1er décembre 1834, Sir., 35, 1, 925. Cpr. § 538, texte n° 2 et note 15.

a. Lorsque le mariage a été dissous. Art. 1564 et 1565.

b. Lorsque les époux ont été séparés de corps ou de biens. Art. 1563 cbn. 311 et 1441, nos 4 et 5.

c. Lorsque l'absence de l'un ou de l'autre des époux a été déclarée1. Art. 123*.

La restitution de la dot faite par le mari avant l'une ou l'autre de ces époques, ne serait pas libératoire, sauf cependant l'imputation des objets ou valeurs que la femme posséderait encore au moment où la restitution de la dot est devenue exigible '.

Le mari ou ses héritiers sont tenus de la restitution de la dot, qu'il l'ait reçue lui-même, ou qu'elle ait été livrée de son consentement à un tiers, par exemple à son père. Ce tiers est également, en cas d'insolvabilité du mari, responsable de la dot, lorsqu'il s'en est chargé. En l'absence d'engagement de sa part, la femme ne peut agir contre lui qu'en vertu de l'art. 1166, et jusqu'à concurrence seulement des valeurs dotales dont il se trouverait encore détenteur 5.

2o De la preuve de l'apport de la dot.

La femme n'est en général admise à réclamer la restitution de la dot qu'à charge de prouver que le mari l'a reçue. Elle doit de plus, lorsque la constitution de dot comprend un ensemble de biens présents ou à venir, établir la consistance des biens dotaux. Les moyens à l'aide desquels cette double justification peut être faite, varient selon les distinctions suivantes :

Quand la dot a été promise par un tiers, la femme peut, même en l'absence de tout commencement de preuve par écrit, en établir la réception par témoins ou à l'aide de simples présomptions". Dans cette hypothèse, la femme est même autorisée à réclamer la

Voy. cependant pour l'hypothèse où les époux mariés sous le régime dotal ont stipulé une société d'acquêts: Art. 124; § 155, texte, notes 2 et 3.

La restitution de la dot n'a lieu, en pareil cas, que provisoirement, c'est-àdire sauf le retour de l'absent, et sous les conditions indiquées au § 152.

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* Tessier, II, p. 229. Toullier, XIV, 262. Rodière et Pont, II, 641. Troplong, IV, 3618.

Tessier, II, p. 255, note 995. Rodière et Pont, II, 630. Troplong, IV, 3613. Montpellier, 3 janvier 1827, Sir., 27, 2, 211. Nîmes, 12 juillet 1831, Sir., 31, 2, 220. Montpellier, 21 mars 1848, Sir., 48, 2, 592.

* Rodière et Pont et Troplong, loce, citt.

• Tout ce que nous dirons, sous ce numéro, de la femme elle-même, s'applique également à ses héritiers.

Art. 1348. Rodière et Pont, II, 629. Caen, 10 janvier 1855, Sir., 55, 2, 273.

restitution de la dot, sans être tenue de prouver que le mari fa reçue, si le mariage a duré dix ans depuis l'époque à laquelle elle était devenue exigible', et que, pendant ce laps de temps, l'action en paiement fût restée ouverte 10. Toutefois, le mari est admis à décliner l'obligation de restituer la dot qu'il n'aurait pas reçue, en justifiant qu'il a fait les diligences nécessaires pour s'en procurer le paiement", ou que le promettant se trouvait dans un état notoire d'insolvabilité 12. Art. 1569 13.

L'art. 1569 ajoute: après la dissolution du mariage. Mais il est évident que ces expressions sont purement énonciatives, et que la disposition de cet article doit recevoir son application toutes les fois qu'il y a lieu à restitution de la dot, quelle que soit d'ailleurs la circonstance qui rende cette restitution exigible. — Il est cependant bien entendu que si la séparation de biens avait été prononcée avant les dix ans dont parle l'art. 1569, la femme ne pourrait invoquer plus tard la disposition de cet article. Tessier, II, p. 159. Rodière et Pont, II, 637 in fine. Cpr. texte et note 10 infra.

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Lorsque la dot est payable en plusieurs termes, le délai de dix ans commence à courir pour chacun d'eux en particulier à dater du jour de son arrivée, et non pour tous ensemble à compter du jour de l'expiration du dernier. Bellot des Minières, IV, p. 259. Tessier, I, p. 160. Duranton, XV, 566. Rodière et Pont, II, 638. Marcadé, sur l'art. 1569, no 1. Cpr. Civ. rej., 29 août 1838, Sir., 38, 1, 769. 10 Cette seconde condition, qui n'est point exprimée dans l'art. 1569, doit, d'après les motifs sur lesquels il est fondé, être sous-entendue pour la saine application de sa disposition. C'est ainsi que la femme ne peut, sur le fondement de l'art. 1569, réclamer la restitution d'une dot constituée en avancement d'hoirie, lorsque le constituant est décédé dans les dix ans de la célébration du mariage, et que la femme est venue à sa succession. Riom, 20 juin 1857, Sir., 58, 2, 47. Une autre conséquence de la proposition énoncée au texte se trouve déjà indiquée dans la note 8 supra.

"La question de savoir si les actes ou démarches faits par le mari constituent ou non des diligences suffisantes, est abandonnée à l'appréciation des tribunaux. Rodière et Pont, II, 636. Troplong, IV, 3663. Marcadé, loc. cit. Voy. cep. Bellot, IV, p. 261; Benoît, II, 134; Toullier, XIV, 274. Suivant ces auteurs, il faudrait que le mari justifiât de poursuites dans le sens rigoureux de cette expression. 12 Sériziat, no 286. Rodière et Pont, II, 637. Troplong, IV, 3664. Voy. cep. Agen, 15 décembre 1844, Sir., 45, 2, 229. Mais le mari ne serait pas admis à prouver simplement qu'il n'a pas reçu le montant de la dot. L'opinion contraire enseignée par M. Troplong (IV, 3661), nous semble repoussée par le texte et l'esprit de l'art. 1569.

La disposition de l'art. 1569 n'a point été tirée, ainsi que l'ont supposé à tort certains auteurs, de la novelle 100, ou plutôt de la fausse interprétation qu'elle avait reçue dans le ressort du Parlement de Paris. Cette disposition a été en réalité puisée dans la loi 33, D. de jure dotium (23, 3), et dans la jurisprudence du Parlement de Toulouse. Merlin, Rép., vo Dot, § 3, no 8. Cpr. Troplong, IV, 3656; Bastia, 30 août 1854, Sir., 54, 2, 481. Or, en se reportant à cette jurisprudence, on est conduit à reconnaître que l'art. 1569 est plutôt fondé sur

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