Page images
PDF
EPUB

Aux termes de l'art. 314, le désaveu de l'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour du mariage n'est pas admissible dans les hypothèses suivantes :

a. Lorsque le mari a eu connaissance de la grossesse avant l mariage.

b. Lorsqu'il a concouru, en qualité de déclarant ou de témoin, à la rédaction de l'acte de naissance qui désigne sa femme compe mère de l'enfant, et que, sans faire de réserves 15, il a signé cet acte ou déclaré ne savoir signer 16.

c. Quand, après la naissance de l'enfant ou même aupar

qu'en admettant cette paternité, l'illégitimité de l'enfant n'en serait pas moin constante. Cpr. note 8 supra; § 545 bis, texte n° 2. Duranton, III, 25 et 37.

13 La présence matérielle du mari, lors de la rédaction de l'acte de naissanc ne suffit pas; il faut qu'il ait concouru à cet acte. C'est évidemment en ce ses qu'on doit entendre le mot assister dont se sert le no 2 de l'art. 314, puisquela suite de ce numéro suppose que le mari a été appelé à signer l'acte de nassance, et que par conséquent il y a figuré, soit comme déclarant, soit comme témoin. Du Roi, p. 59. Demolombe, V, 69.

"Le concours du mari à un acte de naissance qui ne désignerait pas sa feme comme mère de l'enfant, n'emporterait pas une reconnaissance tacite de lapaternité. Mais la désignation de la mère suffit, et l'indication du mari commepère de l'enfant n'est pas nécessaire pour produire ce résultat. En effet, l'art. 314, no 2, ne l'exige pas, et cela, par la raison bien simple qu'il s'agit, non 'une reconnaissance expresse, mais d'une reconnaissance tacite de la paternité Or, comme tout enfant né d'une femme mariée est, jusqu'à désaveu, réputéavoir pour père le mari de cette femme, ce dernier, en concourant à un acte dstiné à constater la maternité de sa femme, reconnaît implicitement sa paternit, par cela seul qu'il ne la dénie pas. Du reste, si l'acte de naissance ne se bornat pas à garder le silence sur la filiation paternelle, et que ses énonciations setrouvassent en opposition avec la présomption qui attribue la paternité au mai, si, par exemple, l'enfant y était désigné comme né d'un père inconnu, il es bien évident qu'on ne pourrait tirer du concours du mari à cet acte une fin d nonrecevoir contre lui. Demolombe, V, 70.

15 Les réserves s'opposent à ce qu'on puisse attacher au concours du aari à l'acte de naissance une reconnaissance tacite de la paternité. Ici ne s'aplique pas la maxime Protestatio contra actum non valet, parce qu'il n'y a rie d'absolument incompatible entre les réserves et le fait à l'occasion duquel des ont eu lieu. Arg. art. 56, cbn. Code pénal, art. 346. Discussion au Conse› d'état (Locré, Lég., VI, p. 46, no 21). Demolombe, V, 71.

16 Quoique tacite, la reconnaissance de paternité élève en pareil casune fin de non-recevoir absolue, que le juge est obligé d'admettre, dès que le oncours du mari à l'acte de naissance est constant, et qu'il n'a point été accomagné de réserves. Il n'en est pas de même des autres faits dont on voudrait inuire une reconnaissance tacite, lesquels restent abandonnés, sous ce rapport,1 l'appréciation du juge. Cpr. la note suivante.

vant, il s'en est, soit expressément, soit tacitement reconnu le père, ou quand il a renoncé à son droit de désaveu 18.

d. Lorsque l'enfant est venu mort au monde, ou lorsque, né vivant, il est mort par suite de non-viabilité 19, à une époque plus ou moins rapprochée de sa naissance 20.

La preuve des faits sur lesquels reposent les fins de non-recevoir qui viennent d'être énumérées, est, dans tous les cas, à la charge du défendeur à l'action en désaveu ". C'est donc à lui, par exemple, qu'incombe l'obligation de prouver que le père a eu connaissance de la grossesse avant le mariage 22. La preuve contraire, réservée

La proposition énoncée au texte ne peut souffrir difficulté en ce qui concerne la reconnaissance expresse. Arg. a fortiori art. 314, no 2. Delvincourt, sur l'art. 314. Toullier, II, 824. Duranton, III, 32. Marcadé, sur l'art. 314, n° 2. Demolombe, V, 76. Quant à la reconnaissance tacite que, dans nos premières éditions, nous n'avions pas cru devoir admettre en dehors du fait prévu par le n° 2 de l'art. 314, nous pensons, après nouvel examen, que sous le mérite de la distinction indiquée à la note précédente, il est permis de la faire résulter de tous autres faits de nature à l'établir. Discours de Duveyrier (Locré, Lég., VI, p. 296 et 297). Toullier, loc. cit. Marcadé, loc. cit. Demolombe, V, 76. 18 Une renonciation ou une reconnaissance consignée dans un acte sous seing privé serait parfaitement suffisante. L'art. 334 est, d'après la lettre et l'esprit de la loi, étranger à la matière qui nous occupe. Toullier, Duranton et Marcadé, locc. citt. Demolombe, V, 75.

19 Si l'enfant naît vivant et viable, son décès, quelque rapproché qu'il soit de sa naissance, n'est pas un obstacle au désaveu, pourvu qu'il présente encore quelque intérêt. Lassaulx, 1, p. 349. Demolombe, V, 111. Cpr. Besançon, 29 prairial an XIII, Jurisprudence du Code civil, IV, 452.

20 La rédaction primitive de l'art. 314 subordonnait l'admissibilité du désaveu à la condition de la survie de l'enfant, pendant dix jours au moins à dater de sa naissance. La question de viabilité dépendait, dans ce système, du nombre de jours pendant lequel l'enfant avait vécu. Mais cette disposition, contre laquelle on éleva de graves objections au sein même du Conseil d'état, fut retranchée sur les observations du Tribunat, et remplacée par le no 3 de l'art. 314, suivant lequel la question de viabilité doit, sur l'avis des gens de l'art, se décider d'après la durée de la gestation. Cpr. § 53, texte, notes 3 et 4; Discussion au Conseil d'état, Observations du Tribunat et Discours de Duveyrier (Locré, Lég., VI, p. 40, no 14; p. 145, no 1er, art. 3; p. 157 et suiv., no 5; p. 171, no 6; p. 296 et 297, no 16); Proudhon, II, p. 12; Merlin, Rép., vo Légitimité, sect. XI, § 1, no 6; Du Roi, p. 62.

21 Reus excipiendo fit actor.

** Delvincourt, sur l'art. 314. Duranton, III, 29. Dalloz, Jur. gén., vo Filiation, p. 549, no 13. La connaissance de la grossesse peut être établie au moyen de tous les genres de preuves que la loi reconnaît. Il ne s'agit pas ici d'un fait juridique, mais d'un fait pur et simple, dont la justification est susceptible de se faire, soit par témoins, soit au moyen de simples présomptions, indépendamment de tout commencement de preuve par écrit. Discussion au

au demandeur, doit porter sur la non-existence des faits auxquels sont attachées les fins de non-recevoir dont il est question, et l'on ne pourrait repousser ces dernières à l'aide de circonstances qui, sans détruire les faits sur lesquels elles reposent, tendraient seulement à prouver que le mari n'est pas le père de l'enfant.

Les dispositions des art. 316 à 318 sur les délais dans lesquels l'action en désaveu doit être intentée, et sur les personnes qui sont admises à la former, s'appliquent au désaveu dont il est ici question, comme à celui dont il sera traité sous le n° 3 ci-après". Ces dispositions seront développées au § 545 bis.

Du reste, les fins de non-recevoir ci-dessus indiquées et celles qui résultent des art. 316 à 318, sont les seules qui soient susceptibles d'être opposées à l'action en désaveu.

Au fond, le demandeur en désaveu n'a, dans l'hypothèse dont il s'agit, aucune preuve à faire pour établir que le mari n'est pas le père de l'enfant. Le désaveu fait, par lui-même, complétement évanouir la présomption de paternité qui militait contre le mari. Il replace l'enfant désavoué dans la position d'un enfant naturel dont la filiation paternelle est incertaine. Cet enfant n'est

Conseil d'état (Locré, Lég., VI, p. 156 et 157, nos 4 et 5). Locré, IV, p. 61. Merlin, Rép., vo Légitimité, sect. II, § 1, no 6. Proudhon, II, p. 21 et 22. Toullier, II, 826. Duranton, loc. cit. Demolombe, V, 66.

Le défendeur à l'action en désaveu pourrait-il être admis à établir des faits de fréquentation anterieurs au mariage, pour en induire que le mari a eu connaissance de la grossesse? L'affirmative est, à notre avis, une suite nécessaire de la proposition cidessus développée, et nous rejetons, comme beaucoup trop absolue, la solution négative donnée par Proudhon (II, p. 19 et 20). Toutefois nous ne pensons pas, avec Toullier (II, 826), que la preuve des faits de fréquentation élève nécessairement contre le mari la présomption qu'il a connu la grossesse. La question, sous ce point de vue, nous paraît abandonnée à l'appréciation du juge. Cpr. art. 1353. Merlin, op. et loc. citt. Duranton, III, 30. Valette, sur Proudhon, II, p. 20, note a. Allemand, Du mariage, II, 714 et 712. Demolombe, V, 67. 23 Ainsi, par exemple, le mari contre lequel on invoquerait l'une des fins de non-recevoir indiquées dans le premier numéro de l'art. 314, ne serait pas admis à prouver qu'il a été dans l'impossibilité de cohabiter avec sa femme à l'époque correspondante à celle de la conception. Nec obstat art. 312, al. 2: En épousant la femme qu'il savait enceinte, ou en concourant à l'acte de naissance de l'enfant dont elle est accouchée, le mari a renoncé à son action en désaveu. Toullier, II, 823. Duranton, III, 28. Demolombe, V, 80.

24

"Cpr. Duranton, III, 22; Liége, 12 fructidor an XIII, Sir., 6, 2, 24.

25 Merlin, Rép., vo Légitimité, sect. II, § 2, no 4 in fine. Proudhon, II, p. 19. Duranton, III, 23. Demolombe, V, 56. Liége, 12 fructidor an XIII, et Req. rej., 23 août 1806, Sir., 6, 2, 24 et 952.

pas même admis à prouver la paternité du mari 26, si ce n'est dans le cas exceptionnel prévu par l'art. 340 27. Mais, si dans ce cas le mari est déclaré père de l'enfant, celui-ci doit être réputé légitime, en vertu de la fiction légale dont il a déjá été question 28.

2o De la durée de la gestation la plus longue.
la dissolution du mariage.

De l'enfant conçu après

La fin de la gestation la plus longue qu'admette la loi, est fixée à l'expiration du trois centième jour 29, depuis et non compris celui où la conception légitime a cessé d'être possible. En d'autres termes, l'enfant qui naît après le trois centième jour à dater de la dissolution ou de l'annulation du mariage, non compris le jour auquel elle a eu lieu, est réputé conçu après le mariage". Art. 315. Cpr. art. 312.

26 La recherche de la paternité est, en général, interdite aux enfants naturels. Art. 340. Or, l'enfant dont il s'agit se trouve évidemment dans cette catégorie. D'une part, en effet, sa naissance précoce élève contre lui la présomption qu'il a été conçu avant le mariage, et cette présomption absolue ne peut être combattue par aucune preuve contraire. D'autre part, le désaveu a détruit la présomption de paternité qu'avait fait naître en sa faveur sa naissance durant le mariage. Il résulte d'ailleurs de l'art. 314 que, dans l'hypothèse prévue par cet article, le désaveu ne peut, en général, être combattu que par des fins de nonrecevoir, et non par des moyens de fond. Ainsi, des faits de fréquentation antérieurs au mariage ne sauraient être invoqués à l'effet de prouver la paternité du mari. Demolombe, V, 78.

27 Arg. a fortiori, art. 340. Proudhon, II, p. 21. Demolombe, V, 79.

28 La reconnaissance forcée produit les mêmes effets que la reconnaissance volontaire. Cpr. § 567, texte et note 11. Demolombe, loc. cit.

29 La légitimité d'un enfant ne pouvant être contestée qu'autant qu'il est né trois cents jours après la dissolution du mariage, il faut en conclure que celui qui est venu au monde avant la fin du trois centième jour, est encore réputé conçu pendant le mariage, puisque les délais de jours ne se comptent pas de momento ad momentum, sed de die ad diem, et qu'ils ne s'accomplissent qu'avec l'expiration du dernier jour du terme. Art. 2260 et 2261. Toullier, II, 828. Duranton, III, 44. Marcadé, sur l'art. 312, no 2. Demolombe, V, 18. Voy. cep. Legentil et Valette, aux endroits indiqués à la note 5 supra.

30 Dies a quo non computatur in termino. Cpr. note 5 supra. Duranton, Marcadé et Demolombe, locc. citt. Voy. en sens contraire: Delvincourt, I, p. 201; Toullier, II, 792; Proudhon, II, p. 37; Zachariæ, § 546, texte et note 18. 31 Ainsi, pour savoir si un enfant doit être réputé conçu pendant ou après le mariage, il faut compter le nombre de jours qui se sont écoulés depuis la dissolution du mariage jusqu'à l'accouchement, en excluant de ce calcul le jour du terme a quo et celui du terme ad quem. Si cette opération donne un résultat supérieur à trois cents jours, l'enfant sera réputé conçu après le mariage. Le résultat est-il égal ou inférieur à trois cents jours, l'enfant sera réputé conçu dans le mariage.

Cette présomption est en elle-même absolue. Toutefois, elle ne rend pas illégitime de plein droit l'enfant contre lequel elle s'élève 2. Cet enfant ne pourrait être privé que par un jugement de la légitimité à laquelle il prétendrait. Il résulte de là, que s'il se trouve de fait en possession des avantages et des droits attachés à la légitimité, il continuera d'en jouir, tant que sa légitimité ne sera pas judiciairement contestée. Il en résulte encore, que s'il vient à réclamer les avantages et les droits de la légitimité, on ne pourra repousser sa réclamation qu'en le faisant, par voie d'exception, déclarer illégitime. Il en résulte enfin, que sa légitimité ne peut plus être contestée par ceux qui l'ont reconnu comme légitime, ou qui ont renoncé à l'action que la loi leur ouvrait pour le faire déclarer illégitime 33.

Mais toutes les fois que la légitimité d'un enfant est contestée à raison de sa naissance tardive, le juge saisi de la contestation n'a d'autre question à examiner que celle de savoir si cet enfant est véritablement né hors du délai indiqué par l'art. 315. En cas d'affirmative, il doit nécessairement déclarer son illégitimité, sans qu'il lui soit permis de le reconnaître pour légitime, en admettant, contre la présomption de la loi, que sa conception remonte à une époque antérieure à la dissolution du mariage “, et

3 Arg. art. 315. En permettant de contester la légitimité de l'enfant né après le trois centième jour à dater de la dissolution du mariage, cet article suppose nécessairement que l'illégitimité de cet enfant n'a pas lieu de plein droit, et qu'elle doit être déclarée par le juge. Ce qui ne peut d'ailleurs laisser aucun doute à cet égard, c'est que le Tribunat avait proposé de rédiger l'art. 315 de manière que l'illégitimité de l'enfant résultât, ipso jure, de sa naissance tardive, et que cette proposition ne fut pas admise par le Conseil d'état. Pourquoi, en effet, la loi déclarerait-elle illégitime un enfant dont personne ne conteste la légitimité? Il ne s'agit ici que d'intérêts privés, et dès lors l'action de la loi doit se trouver circonscrite dans les limites des contestations auxquelles la collision de ces intérêts peut donner lieu. Cpr. Observations du Tribunal et Discours de Duveyrier (Locré, Lég., VI, p. 172, no 8; p. 298, no 17). Proudhon et Valette, II, p. 39. Marcadé, sur l'art. 315. Demolombe, V, 82 à 84. Voy. cep. Toullier, II, 828. 53 Duranton, III, 102. Demolombe, V, 87. Req. rej., 13 avril 1820, Sir., 21, 1, 8. Angers, 11 avril 1821, Sir., 22, 2, 177.

34 Il résulte de la discussion au Conseil d'état et des opinions émises par les orateurs du gouvernement et du Tribunat, qu'on a voulu, en fixant à trois cents jours le terme le plus long des naissances tardives, faire cesser les incertititudes de la physiologie et les fluctuations de la jurisprudence, et tracer au juge une règle dont il ne pût s'écarter sous aucun prétexte. Cpr. Discussion as Conseil d'état, Exposé de motifs, par Bigot-Préameneu, et Discours de Duveyrier (Locré, Lég., VI, p. 38, no 8; p. 41, no 15; p. 194, no 7; p. 243, no 14; p. 286, no 11). La même conséquence résulte du second al. de l'art. 312, dont la disposi

« PreviousContinue »