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Pour terminer l'explication des art. 312 et 315, il reste à examiner un cas particulier qui se prête également à l'application de l'un ou de l'autre de ces articles.

Lorsqu'une femme dont le mariage a été dissous ou annulé, s'est remariée avant l'expiration du délai indiqué par l'art. 228, et qu'elle accouche, après le commencement du cent quatre-vingtième jour à dater de celui de la célébration du second mariage, el avant la fin du trois centième jour à dater de celui de la dissolution ou de l'annulation du premier mariage, d'un enfant dont la conception peut ainsi, aux yeux de la loi, avoir eu lieu pendant le premier comme pendant le second mariage, il appartient aux tribumux de décider, d'après les circonstances, et dans le doute, d'après le plus grand intérêt de l'enfant, quel est celui des deux maris qui doit en être réputé le père 6.

§ 545 bis.

Continuction. De l'action en désaveu et de l'action en contestation de légitimité.

1o Le nari et ses héritiers, ou successeurs universels1, jouissent privativenent à toute autre personne du droit de désaveu. Art. 312, 313, 314 & 317.

du mari et cele des héritiers cette différence, que les intérêts pécuniaires de ces derniers se trouveront couverts par la prescription trentenaire; mais comme ils resteront exposés pendant tout ce laps de temps à la menace d'une réclamation de la part de l'enfant, et au danger du dépérissement des preuves de son illégitimité, ils ont, tot comme le mari, un intérêt sérieux et actuel à exercer immédiatement leur action en désaveu pour se soustraire à ces éventualités. Cpr. § 545 bis, texte et note 26.

6 Deux présomptions légales, également puissantes, se trouvent ici en collision, sans que la loi at déterminé celle qui doit l'emporter sur l'autre. La solution de la difficulté se trouve par cela même abandonnée au pouvoir discrétionnaire des tribunaux. Delvicourt, I, p. 127. Proudhon et Valette, II, p. 49 à 51. Duranton, III, 63. Duvergiei sur Toullier, II, 666. Voy. cep. Demolombe, V, 93 à 94. Suivant cet auteur, l'enfant devrait dans la règle être présumé appartenir au second mari. 'Le terme hériier est, dans l'art. 317 comme dans plusieurs autres, employé sensu lato, pour lésigner toutes les personnes appelées à succéder au défunt à titre universel. Il n'existe, en effet, aucune raison de distinguer entre les héritiers proprement dits & les autres successeurs universels. Le droit de désaveu doit également passer aux uns et aux autres, comme formant, quant aux résultats pécuniaires qu'il eut avoir, une partie intégrante de l'hérédité à laquelle ils se trouvent appelés. Rapport de Lahary et Discours de Duveyrier (Locré, Lég., VI, p. 247, no 16; p.299, no 19) Proudhon et Valette, II, p. 60 à 68. Duranton, III,

Ce droit ne compète pas aux parents du mari en leur seule qualité de parents'. Il n'appartient pas davantage à la femme ou à se héritiers, ni aux parents maternels en général3.

Nul ne peut, du vivant du mari, exercer en son nom le drát de désaveu qui lui appartient. Il en est ainsi, notamment de es créanciers, et même de son tuteur, dans le cas où il aurait été judiciairement interdit 5.

69, 80 et 81. Marcadé sur l'art. 317, no 1. Demolombe, V, 123 à 125, 127 e 129. -Toullier (II, 835) semble ne donner le droit de désaveu qu'aux successeus universels jouissant de la saisine. Delvincourt (I, p. 209) et M. Taulier (I, p 388), au contraire, l'accordent même aux légataires à titre particulier. La premère de ces opinions repose sur une distinction arbitraire; et la seconde, sur une confusion évidente entre l'action en désaveu, qui ne peut être exercée que du chef du mari, et l'action en contestation de légitimité, qui compète nomine poprio à toute personne intéressée. Cpr. texte et note 43 infra. Proudhon et Valete, loc. cit. Bedel, op. et loc. citt. Marcadé, loc. cit. Demolombe, II, 130. Sous le terme héritiers nous comprendrons, dans la suite de ce paragraphe, tous les successeurs universels du mari.

*Proudhon, II, p. 57. Toullier, II, 835. Duranton, III, 72. Demolomke, V, 1 à 133. Voy. en sens contraire: Delvincourt, I, p. 209.

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Toullier, II, 835. Duranton, III, 77. Demolombe, V, 135. Voy. ei sens contraire Merlin, Rép., vo Légitimité, sect. IV, § 1, no 1; Delvincourt, ↓ p. 210. 'Cpr. § 312, note 33. Marcadé, sur l'art. 317, no 1. Demolombe, V 114 et 115. * Bedel, Traité de l'adultère, nos 79 et suiv. Dupret, Revue de Dvit français et étranger, 1844, I, p. 725. Voy. en sens contraire: Merlin, Ques., vo Légitimité, § 8; Pont, Revue de Droit français et étranger, 1845, II, p 347; Demolombe, V, 116 à 118; Civ. cass., 14 juillet 1844, Sir., 44, 1, 626. Il existe sans doute en faveur de cette dernière opinion de très-graves considéntions, qui se tirent surtout du danger du dépérissement des preuves. Mais queque puissantes qu'elles soient, elles ne sauraient prévaloir sur la nature même à désaveu, qui est pour le mari une question de conviction personnelle et intime en même temps qu'une question d'honneur, dont il doit rester le seul appréciateu. Nous n'hésiterions cependant pas à accorder au tuteur de l'interdit le droit deformer le désaveu, si, contrairement à notre manière de voir (cpr. texte, notes17 et 25 infra), il fallait admettre que les délais indiqués en l'art. 316 couren contre le mari malgré son état d'interdiction. Mais alors et par voie de conséquence, on serait aussi obligé de reconnaître que l'inaction du tuteur pendant cesdélais si courts, emporterait pour le mari et pour ses héritiers déchéance défintive du droit de désaveu. Or, une pareille conséquence suffit pour démontrer le dnger du système qui y conduit. Un inconvénient non moins grave résulterait de l'pinion que nous combattons, c'est que le jugement obtenu par le tuteur, une fcs passé en force de chose jugée, priverait irrévocablement le mari qui aurait recuvré ses facultés intellectuelles, du droit d'avouer sa paternité, et que celui quiaurait été rendu contre le tuteur, lui enlèverait la faculté de la désavouer, à moir qu'il ne parvînt à le faire rétracter par voie de requête civile. Ces réflexions, ai s'appliquent à toute espèce de désaveu, deviennent plus décisives encore, qund il s'agit d'un désaveu fondé sur une simple impossibilité morale de cohabitatin.

Au contraire, l'action en désaveu qui compète aux héritiers du mari, peut être formée en leur nom par tous ceux qui jouissent, en général, de l'exercice de leurs actions, et notamment par leurs tuteurs ou par leurs créanciers ".

En cas d'absence du mari, ses héritiers présomptifs au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles sont autorisés à demander l'envoi en possession de ses biens, à l'exclusion des enfants nés plus de trois cents jours après l'une ou l'autre de ces époques, sans avoir même besoin de les désavouer". Que s'il s'agissait d'un enfant né avant l'expiration de ce délai, ils seraient, le cas échéant, admis à le désavouer, pour obtenir ou conserver à son exclusion la possession des biens de l'absent: Mais si ce dernier venait à reparaître, le jugement rendu sur le désaveu tomberait de plein droit avec l'envoi en possession, et ce jugement ne pourrait être invoqué ni par l'absent ni contre lui 8.

La transmission du droit de désaveu aux héritiers du mari ne s'opère qu'autant que ce dernier avait lui-même désavoué l'enfant en temps utile, ou qu'il jouissait encore au moment de son décès du droit de le faire. Elle n'aurait point lieu, par conséquent, si

Cette différence est fondée sur ce que l'action en désaveu repose, relativement aux héritiers du mari, sur un intérêt purement pécuniaire. Cpr. § 312, note 33. Marcadé et Demolombe, locc. cilt.

"Cpr. § 159, texte et note 7. Outre les autorités citées dans cette note, voy. encore, Douai, 12 juillet 1856, Sir., 57, 2, 169.

Les héritiers présomptifs de l'absent au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, étant autorisés à demander l'envoi en possession de ses biens, ont par cela même le droit de contester la qualité de tous ceux qui voudraient l'obtenir concurremment avec eux ou à leur exclusion, et d'introduire à cet effet une action en désaveu. En formant cette action, ils exercent, non le droit qui pourrait appartenir à l'absent s'il vivait encore, mais un droit qui ieur est propre, et ils ne l'exercent que dans le but d'obtenir ou de conserver, à l'exclusion de l'enfant, l'envoi en possession des biens de l'absent. Dans cette situation, ils n'ont pas besoin de prouver le décès de ce dernier, qui est légalement présumé en ce qui concerne la dévolution de sa succession. Ces réflexions conduisent également à reconnaître que le jugement rendu sur le désaveu des héritiers présomptifs du mari ne peut, au cas où l'absent vient à reparaître, ni lui être opposé, ni être invoqué par lui. Zachariæ, § 546, note 41. Voy. en sens contraire: Dupret, Revue de Droit français et étranger, 1844, I, p. 725 et suiv. Voy. aussi Toulouse, 29 décembre 1828, Sir., 29, 2, 157. Cet arrêt n'étant précédé d'aucun exposé de faits, on ne sait s'il s'applique à un enfant né après ou avant l'expiration des trois cents jours depuis la disparition ou les dernières nouvelles.

'Les termes de l'art. 317, Si le mari est mort avant d'avoir fait sa réclamation, sont purement énonciatifs. Si le droit de désaveu passe aux héritiers, dans le cas même où le mari est décédé sans avoir réclamé, et par cela seul qu'il

le mari y avait renoncé ou s'en trouvait déchu. Cette transmission est, du reste, indépendante de la cause qui sert de base au désaveu. Ainsi, les héritiers du mari peuvent exercer l'action en désaveu qui serait fondée, soit sur son impuissance accidentelle, suit sur l'adultère de la femme et le recèlement de la naissance de l'enfant. Ils sont même en droit de désavouer pour cause d'adultère l'enfant né après la mort du mari, lorsque sa naissance leur a été cachée 12.

Les héritiers jouissent individuellement du droit de désaveu. Il en résulte que la renonciation faite, ou la déchéance encourue par quelques-uns d'entre eux, ne peut être opposée aux autres ".

Le désaveu doit, à peine de déchéance, être formé dans un bref délai, dont la durée et le point de départ dépendent des circonstances.

En règle générale, le délai dont jouit le mari n'est que d'un mois, et ce délai court à dater de la naissance de l'enfant.

Par exception, le délai est de deux mois, tant dans le cas où le

se trouvait encore dans le délai utile pour le faire, il doit en être de même, à plus forte raison, lorsque le mari a lui-même formé le désaveu en temps utile. Demolombe, V, 120.

10 En vain dirait-on que l'impuissance ne peut plus se prouver après le décès du mari. Cette objection qui, d'après Brillon, se trouve reproduite au Répertoire de jurisprudence de Merlin (vo Légitimité, section II, § 2, no 4), ne porte évidemment pas sur l'impuissance accidentelle. Demolombe, V, 122.

"Toullier, II, 841. Du Roi, p. 66. Duranton, III, 73. Valette, sur Proudhon, II, p. 56, note a. Marcadé, sur l'art. 317, no 1. Demolombe, V, 121. Ancelot, Revue de législation, 1852, I, p. 381 et suiv. Req. rej. 8 décembre 1851, Sir., 52, 1, 161. -Proudhon (II, p. 55 et 56) et Locré (sur l'art. 313) n'accordent, en pareil cas, l'action en désaveu aux héritiers et successeurs du mari qu'autant que l'adultère a déjà été reconnu sur la plainte de ce dernier. Cette restriction, contraire à la généralité des termes de l'art. 317, est le résultat d'une confusion que ces auteurs ont faite entre l'action principale en adultère, laquelle ne compète qu'au mari, et la preuve de l'adultère offerte à l'appui d'une demande en désaveu, preuve à laquelle doivent nécessairement être admis tous ceux auxquels appartient cette dernière action.

"En vain objecterait-on que la naissance n'ayant pas été cachée au mari luimême, ses héritiers ne se trouvent plus dans les conditions requises par l'art. 313 pour l'exercice du désaveu. Le bon sens indique, en effet, qu'il y a recel dans le sens de cet article, dès que la naissance a été cachée aux personnes auxquelles compétait, au moment de cet événement, le droit de désaveu. La présomption de l'illégitimité de l'enfant est attachée au recel même de la naissance; elle est tout aussi forte, si ce n'est plus, quand la naissance a été cachée aux héritiers du mari, que lorsqu'elle l'a été au mari lui-même. Req. rej. 8 décembre 1851, Sir., 52, 1, 161. 13 Du Roi, p 68. Duranton, III, 71. Demolombe, V, 136.

mari ne se trouvait pas lors de la naissance sur les lieux de cet événement", que dans celui où la naissance lui a été cachée. Dans le premier cas, les deux mois courent à partir du retour du mari 15, dans le second, à partir de la découverte de la fraude 16. Art. 316.

Une exception analogue semble devoir être admise pour le cas où le mari n'a pu, à raison de son état mental, avoir connaissance de l'accouchement de sa femme, ou du moins apprécier les conséquences de cet événement 17. En pareil cas, le délai de deux mois pour former l'action en désaveu court, suivant les circonstances, soit du jour où le mari a recouvré l'usage de ses facultés intellectuelles, soit de celui de sa sortie de l'asile d'aliénés où il était retenu, soit de celui de la main-levée de l'interdiction.

Enfin, si le désaveu est fondé sur la séparation de corps, les délais pour le former sont ceux qu'indique l'art. 316; mais ils ne

"Il n'est pas nécessaire que le mari ait été absent dans le sens propre de ce mot. Mais la non-présence du mari dans la commune où l'accouchement a eu lieu ne snffirait pas, si, à raison de la proximité de sa résidence, il n'était pas raisonnablement permis de supposer qu'il ait ignoré cet événement. Cpr. Locré, sur l'art. 316; Toullier, II, 839; Duranton, II, 85; Du Roi, p. 68; Demolombe, V, 141 et 142; Paris, 9 août 1813, Sir., 13, 2, 310.

15 Cpr. Paris, 9 août 1813, Sir., 13, 2, 310. Les deux mois ne courraient qu'à dater du retour du mari, même dans le cas où il aurait été antérieurement averti de la naissance de l'enfant. Bedel, op. cit., no 80.

16 C'est-à-dire, à dater du moment où le mari a acquis une connaissance positive de la naissance; un simple soupçon ne ferait pas courir le délai. Locré, sur l'art. 316. Du Roi, p. 70. Demolombe, V, 142. Angers, 18 juin 1807, Sir., 7, 2, 201. Req. rej., 9 mai 1838, Sir., 38, 1, 854. Poitiers, 22 janvier 1857, Sir., 58, 1, 97. Cpr. Rouen, 5 mars 1828, Sir., 28, 2, 145; Paris, 7 mai 1855, Sir., 55, 2, 770.-En pareil cas, il ne suffit pas que le mari prouve le recel; il doit de plus établir qu'il n'a découvert la fraude que depuis moins de deux mois avant le jour où le désaveu a été formé, ou, en d'autres termes, que les faits par suite desquels il prétend avoir acquis la connaissance de la naissance se sont passés depuis moins de deux mois. Duranton, III, 86. Demolombe, V, 144. Voy. cep. Req. rej., 14 février 1854, Sir., 54, 1, 225. La doctrine admise par cet arrêt de la Chambre des requêtes nous paraît difficile à concilier avec la jurisprudence de la Chambre civile sur la question analogue que soulève le second alinéa de l'art. 1304. Cpr. § 339, note 28. Il ne faut pas perdre de vue, comme l'a fait à tort, à notre avis, la Chambre des requêtes, qu'en règle le délai pour former le désaveu court à partir de la naissance de l'enfant, et que c'est par conséquent au mari, qui prétend se soustraire à l'application de cette règle et se placer sous l'exception indiquée par le troisième alinéa de l'art. 316, à prouver que la connaissance qu'il a obtenue de la naissance ne remonte pas à plus de deux mois avant le désaveu. Cette preuve, du reste, peut se faire par témoins, et même à l'aide de simples présomptions.

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Maleville, sur l'art. 316. Du Roi, p. 70. Bedel, no80. Cpr. texte et note 25 infra.

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