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Ces différentes charges constituent moins des obligations personnelles, que des obligations réelles dont le père et la mère ne sont tenus qu'à raison de leur jouissance. On doit en conclure qu'ils peuvent, en renonçant à cette jouissance pour l'avenir, et en rendant compte des fruits qu'ils ont perçus, se soustraire à l'acquittement de ces charges, même de celles indiquées sous les nos 3 et 4 de l'art. 385 22.

Il est du reste bien entendu que, sauf son recours contre le père ou la mère, l'enfant demeure obligé envers les tiers créanciers des charges de la dernière espèce 23.

4° La jouissance légale des biens des enfants ne constitue, au profit du père ou de la mère, un droit pécuniaire que pour l'excédant des revenus sur les charges à l'acquittement desquelles ils sont affectés. Il en résulte que les créanciers du père ou de la mère ne sont autorisés à saisir que cet excédant", et que, dans aucun cas, ils ne peuvent exproprier la jouissance elle-même 25.

"Voy. cep. Proudhon, op. cit., I, 216, 217, 224 et 225; Duranton, III, 403; Demolombe, VI, 590. Ces auteurs, tout en reconnaissant que les charges dont s'agit ne constituent que des obligations réelles, dont le père ou la mère peut s'affranchir pour l'avenir en renonçant à son usufruit, enseignent qu'il en est autrement de celles de ces charges qui remontent à une époque antérieure à la renonciation, et notamment de celles dont s'occupent les nos 3 et 4 de l'art. 385. Ils se fondent sur ce qu'en acceptant l'usufruit, le père ou la mère se trouve, par l'effet d'une espèce de quasi-contrat, soumis à une obligation personnelle dont il ne saurait se dégager pour le passé. Mais l'idée d'un pareil quasi-contrat, qui, dans l'ancien Droit, pouvait s'admettre en ce qui concerne la garde noble ou bourgeoise, n'est plus compatible avec l'esprit dans lequel le Droit nouveau a établi l'usufruit paternel. Il serait contraire aux motifs de la loi que cet usufruit pût devenir une cause de perte pour les parents et de profit pour les enfants. Nous ajouterons que la concession faite aux pères et mères par les auteurs ci-dessus cités est à peu près illusoire, et qu'elle semble d'un autre côté impliquer contradiction, puisqu'en partant de l'idée d'un quasi-contrat, il ne devrait pas plus être permis aux parents de se dégager pour l'avenir que pour le passé, des conséquences de leur engagement personnel.

* Demolombe, VI, 549 et 550. — Les créanciers des frais de pension de l'enfant auraient-ils également action contre ce dernier? La solution de cette question dépend des circonstances, et surtout du point de savoir si les revenus de l'enfant étaient ou non suffisants pour son entretien. Cpr. Civ. rej., 18 août 1835, Sir., 35, 1, 873.

24 Proudhon, op. cit., I, 219 et 220. Rolland de Villargues, Rép. du not., vo Usufruit légal, no 64. Roger, De la saisie-arrêt, no 283. Chardon, op. cit, no 109. Magnin, Des minorités, I, 283. Marcadé, sur l'art. 385, no 2. Demolombe, VI, 528 et 529. Paris, 19 mars 1823, Sir., 25, 2, 323. Colmar, 27 janvier 1835, Sir., 35, 2, 246. Lyon, 1849, Sir., 49, 2, 682. Cpr. Bordeaux, 19 juin 1849, Sir., 49, 2, 681.

25 Cette dernière proposition se justifie, non-seulement par le principe énoncé

5° L'usufruit légal des père et mère s'éteint :

a. Lorsque l'enfant est parvenu à l'âge de dix-huit ans accomplis 26. Art. 384.

b. Lorsque la puissance paternelle vient à cesser avant cette époque par une cause quelconque, c'est-à-dire, par la mort de l'enfant, par son émancipation expresse ou tacite, et par la déchéance encourue conformément à l'art. 335 du Code pénal 28.

L'émancipation opère l'extinction absolue de l'usufruit légal, alors même qu'elle a été consentie par la mère, en cas d'absence ou d'interdiction du père 29. Toutefois, l'usufruit ainsi éteint revit par la révocation de l'émancipation 3o.

au texte, mais encore par les considérations suivantes : Si l'usufruit légal était susceptible d'expropriation, l'adjudicataire serait en droit d'exiger la mise en possession des biens soumis à cet usufruit. D'un autre côté, il faudrait chaque année régler contradictoirement avec lui le montant des dépenses auxquelles les revenus de ces biens sont affectés. Or, ce double résultat est inadmissible, et nous porte à rejeter l'opinion contraire que nous avions admise dans nos précédentes éditions. Duranton, IV, 486. Demangeat, Revue de Droit français et étranger, 1845, II, p. 674, note 2. Demolombe, VI, 527. Voy. en sens contraire : Proudhon, op. cit., I, 125 et 221; Duvergier, De la vente, I, 213.

26 L'usufruit légal a été restreint à cet âge, dans la crainte que les parents, pour conserver la jouissance des biens de leurs enfants, ne se refusassent à les émanciper et à consentir à leur mariage. Locré, sur l'art. 384. Une supposition aussi injuste n'aurait pas dû entrer dans l'esprit du législateur.

27 Merlin, Rép., vo Usufruit paternel, § 5, no 4. Maleville, sur l'art. 387. Proudhon, op. cit., I, 126. Toullier, II, 1072. Duranton, III, 392. Demolombe, VI, 556, Turin, 19 janvier 1806, Jurisprudence du Code civil, VIII, 256.

28 La déchéance prononcée par cet article n'étant encourue que par rapport à l'enfant envers lequel a été commis le délit prévu par l'art. 334, les père et mère conservent l'usufruit légal sur les biens de leurs autres enfants. Cpr. § 551, texte et note 2. Magnin, Des minorités, I, 302. Demolombe, I, 558. Voy. en sens contraire Duranton, Ill, 384; Taulier, I, p. 392 et 393; Marcadé, sur les art. 386 et 387, no 4.

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Cpr. § 129, texte et note 9. Taulier, 11, p. 86 à 88. Demolombe, VIII, 209 et 210. Voy. en sens contraire: Duranton, III, 655.

30 Cpr. art. 485. C'est à cette solution que nous croyons devoir nous arrêter. L'extinction de l'usufruit légal n'ayant été que la conséquence de l'émancipation, la révocation de celle-ci doit avoir pour effet de le faire revivre, d'autant plus que cette extinction est bien moins à considérer comme le résultat d'une renonciation de la part des père et mère, que comme une suite naturelle du droit d'administration qu'ils avaient conféré à l'enfant. Delvincourt, I, p. 317. Proudhon et Valette, II, p. 445, note a. De Fréminville, De la minorité, II, 1083. Taulier, II, p. 96. Demolombe, VI, 555. Zachariæ, § 134, note 3. Voy. en sens contraire Toullier, II, 1303; Duranton, III, 396; Favard, Rép., vo Emancipation, § 2, no 6; Marcadé, sur l'art. 387, no 7; Du Caurroy, Bonnier et Roustain, I, 697; Demante, Cours, II, 129 bis, 8o, et 257 bis.

La déchéance attachée par l'art. 335 du Code pénal à la condamnation prononcée en vertu de l'art. 334 du même Code, éteint aussi d'une manière absolue l'usufruit légal, lorsque cette condamnation a été prononcée contre les deux époux ou contre le survivant. Mais si elle avait été prononcée contre le père seul, la mère conserverait son droit éventuel à l'usufruit, pour l'exercer après la mort de ce dernier.

L'usufruit légal des père et mère s'éteint :

c. Lorsque la mère, usufruitière des biens de ses enfants d'un premier lit, convole à de secondes noces 32. Art. 386. L'usufruit éteint par cette cause ne renaît, ni par la dissolution du second mariage ", ni même, en général, par son annulation 3⁄4.

d. Lorsque, sous le régime de la communauté, le survivant des époux n'a pas fait, avant l'expiration du délai légal ou de la pro

31 Voy. les autorités citées à la note 6 supra.

32 En est-il de même de la veuve qui, vivant dans un état d'impudicité notoire, donne le jour à des enfants naturels? Voy. pour l'affirmative: Proudhon, op. cit., I, 146; Delvincourt, I, p. 248; Limoges, 16 juillet 1807 et 2 avril 1810, Sir., 13, 2, 290; Limoges, 23 juillet 1824, Sir., 26, 2, 169. Voy. pour la négative: Duranton, III, 388; Magnin, op. cit., 1, 307; Chardon, op. cit., no 163; Marcadé, sur les art. 386 et 387, no 6; Taulier, I, p. 497; Demolombe, VI, 565; Aix, 30 juillet 1813, Sir., 14, 2, 70; Req. rej., 19 avril 1843, Sir., 43, 1, 385; Besançon, 1er août 1844, Sir., 46, 2, 176. Cette dernière opinion nous paraît préférable: Pœnalia non sunt extendenda. Non obstat art. 444: L'extinction de la puissance paternelle et des droits qui s'y trouvent attachés, n'est pas une conséquence de la perte de la tutelle. Cpr. § 551, texte no 5, et note 9.

* Proudhon, op. cit., I, 144. Delvincourt, loc. cit. Duranton, III, 386. Vazeille, op. cit., II, 470. Demolombe, VI, 562. Voy. en sens contraire: Taulier, I, p. 496.

3 Proudhon, op. et loc. citt. Marcadé, sur les art. 386 et 387, no 6. Demolombe, VI, 563. Voy. en sens contraire: Duranton, III, 387; Vazeille, op. et loc. citt. C'est en vain que ces auteurs invoquent, à l'appui de leur opinion, la règle Quod nullum est, nullum producit effectum, qui ne doit pas plus empêcher l'application de la pénalité édictée par l'art. 386, qu'elle n'empêcherait, au cas où le mariage serait annulé pour cause de bigamie, la condamnation à la peine prononcée par l'art. 340 du Code pénal. Cpr. § 37, texte in fine, notes 19 et 20; § 459. L'opinion de M. Duranton est d'autant moins admissible que, par une exception aussi inique qu'inconséquente, il applique l'art. 386 dans toute sa rigueur au cas où le mariage annulé aurait été contracté de bonne foi, en rétorquant ainsi contre les époux les dispositions des art. 201 et 202, introduites en leur faveur. Il est du reste bien entendu que la déchéance prononcée par l'art. 386 ne serait pas encourue par la femme qui ferait annuler le second mariage qu'elle n'aurait contracté que par suite de violences commises à son égard. Demolombe, VI, 564.

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rogation qu'il en a obtenue, inventaire des biens communs *. Art. 1442 36, al. 2.

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e. Dans les différents cas où, de Droit commun, l'usufruit vient à s'éteindre ", par exemple, lorsque le père ou la mère renoncent à leur jouissance 38, et lorsqu'ils en sont déclarés déchus en conformité de l'art. 61839.

L'époux contre lequel la séparation de corps a été prononcée, ne perd pas pour ce motif son droit d'usufruit, comme le perdait autrefois celui contre lequel le divorce avait été admis ".

6o Les père et mère sont, en leur qualité d'usufruitiers légaux des biens de leurs enfants, dispensés de fournir caution. Art. 601. D'un autre côté, et par exception à la disposition de l'art. 589,

S'agit-il, au contraire, soit de biens provenant d'une autre origine que de la communauté dissoute, soit de biens échus aux enfants durant le mariage, l'omission d'inventaire n'entraîne plus la déchéance établie par l'art. 1442, qui n'est pas susceptible d'être étendue par voie d'analogie à d'autres hypothèses qu'à celle dont cet article s'occupe. Duranton, III, 390. Demolombe, VI, 579. Dijon, 17 janvier 1856, Sir., 56, 2, 349. Voy. cep. Toullier, II, 1063, et XIII, 9.

36 Cpr. sur l'interprétation de cette disposition: § 515, texte n° 1, notes 3 à 14. 57 Vazeille, op. cit., II, 463. Demolombe, VI, 581 à 584.

38 Sauf l'action révocatoire des créanciers au préjudice desquels le père ou la mère aurait directement et expressément renoncé à son droit d'usufruit. Cpr. art. 622 cbn. 1167. Proudhon, op. cit., V, 2398. Duranton, III, 394. Marcadé, sur les art. 386 et 387, no 5. Demolombe, VI, 593. Req. rej., 11 mai 1819, Sir., 19, 1,446. Mais les créanciers des père et mère n'auraient pas le droit d'attaquer l'émancipation par suite de laquelle ces derniers auraient indirectement et tacitement renoncé à leur usufruit légal, et dès lors ils ne pourraient pas non plus faire révoquer cette renonciation elle-même. Cpr. § 313, note 4. Toullier, VI, 368. Duranton, loc. cit. Magnin, Des minorités, I, 282. Proudhon, op. cit., V, 2399. Allemand, Du mariage, II, 1138. Demolombe, VI, 594. Voy. en sens contraire Merlin, Quest., vo Usufruit paternel, § 1; Zachariæ, § 118, note 10. 39 Cpr. art. 618. Les père et mère encourent-ils la déchéance de l'usufruit légal, lorsqu'ils n'accomplissent pas les différentes obligations qui leur sont imposées par l'art. 385? La disposition de l'art. 618 étant toute spéciale et exceptionnelle, nous ne croyons pas qu'elle soit susceptible d'être étendue à des hypothèses étrangères à celle dont il y est question. Mais nous pensons que les tribunaux pourraient, tout en maintenant le droit d'usufruit, prendre les mesures nécessaires pour empêcher que les parents ne se soustraient à l'acquittement des charges dont ils sont grevés. Chardon, op. cit., no 158. Demolombe, VI, 599 et 600. Besançon, 1er août 1844, Sir., 46, 2, 176. Voy. en sens contraire: Proudhon, op. cit., V, 2426; Magnin, op. cit., I, 285 à la note; Paris, 29 août 1825, Sir., 26, 2, 44; Paris, 4 février 1832, Sir., 32, 2, 332.

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Cpr. art. 386; § 494, texte no 2 et note 9. Aux autorités qui y sont citées, ajoutez Valette, sur Proudhon, II, p. 260, note a; Marcadé, sur l'art. 311, n° 2, et sur les art. 386 et 387, no 7 in fine.

le survivant des père et mère qui a usé de la faculté de conserver en nature les meubles compris dans son usufruit, est tenu de payer la valeur estimative de ceux qu'il ne peut représenter, alors même qu'ils auraient péri par cas fortuit, ou qu'ils se trouveraient hors de service par l'effet du temps et d'un usage conforme à leur destination". Art. 453.

Sauf ces particularités, et celles qui ont été indiquées dans le cours du présent paragraphe, l'usufruit légal des père et mère est soumis aux règles qui régissent l'usufruit ordinaire.

$ 551.

40 Des différentes manières dont la puissance paternelle s'éteint ou se perd, et des causes par lesquelles l'exercice peut en être suspendu.

1o La puissance paternelle s'éteint :

Par la mort du père et de la mère, ou par celle de l'enfant.
Par la majorité de l'enfant. Art. 372 et 388.

Par son émancipation. Art. 372.

2o Les père et mère sont de plein droit déchus de la puissance paternelle par suite de la condamnation prononcée contre eux en vertu de l'art. 334 du Code pénal 1. Art. 335, même Code. Cette déchéance n'est encourue que relativement à l'enfant envers lequel les père et mère se sont rendus coupables du délit prévu par l'article précité3..

La dégradation civique n'entraîne pas déchéance de la puissance paternelle3.

3o L'exercice de la puissance paternelle est suspendu pendant la durée de l'interdiction légale ou judiciaire des père et mère". 4o Les tribunaux ne peuvent point, par mesure générale, priver

"Proudhon, op. cit., V, 2639 et suiv. Demolombe, VI, 524. Cpr. § 123, texte et note 21.

'Il n'est pas nécessaire que cette déchéance soit prononcée par le jugement de condamnation. Carnot, Commentaire du Code pénal, sur l'art. 335, no 3. Demolombe, VI, 360.

* Carnot, op. cit., sur l'art. 335, no 5. Magnin, Des-minorités, I, 302. Demolombe, VI, 361. Voy. en sens contraire: Duranton, III, 384; Taulier, I, p. 392; Marcadé, sur les art. 386 et 387, no 4.

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Arg. art. 221 du Code Napoléon, et art. 34 du Code pénal. Demolombe, VI, 363. Voy. en ce qui concerne l'interdiction légale : Code pén., art. 29; Code Nap., art. 221; § 85; Demolombe, VI, 364. Voy. quant à l'interdiction judiciaire : Code Nap., art. 222 et 511; § 87, texte et notes 4 à 6; Demolombe, VIII, 611 et suiv.

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