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APPENDICE. -DES MINEURS SOUMIS A LA TUTELLE OFFICIEUSE.

§ 562. Notions générales.

La tutelle officieuse est un acte juridique par lequel une personne, en se soumettant aux obligations qu'impose la tutelle ordinaire, contracte en outre envers le pupille celle de le nourrir à ses frais, et de le mettre gratuitement en état de gagner sa vie. Arg. art. 364 et 365.

La tutelle officieuse, entièrement inconnue sous l'ancien Droit français, a été introduite par le Code Napoléon dans la vue de donner aux personnes âgées de plus de cinquante ans et n'ayant pas d'enfants légitimes, le moyen de s'attacher un mineur par un titre légal, et de faciliter l'adoption sous le double rapport de l'accomplissement de la condition exigée par l'art. 345, et de la possibilité pour le tuteur officieux d'adopter son pupille par testament avant la majorité de ce dernier1.

§ 563.

Des conditions intrinsèques et des formalités extrinsèques relatives à l'établissement de la tutelle officieuse.

1o Les conditions intrinsèques relatives à l'établissement de la tutelle officieuse sont les suivantes :

a. Le consentement de la personne qui veut devenir tuteur officieux. Art. 363.

b. Le consentement des personnes sous l'autorité desquelles se trouve placé le mineur qui doit être soumis à la tutelle officieuse1, c'est-à-dire le consentement de son père et de sa mère, et si l'un des deux est décédé, ou se trouve dans l'impossibilité de manifester sa volonté, celui de l'autre; à défaut du père et de la mère, le consentement du conseil de famille'; enfin, si le mineur est

Cpr. Proudhon, II, p. 228; Duranton, III, 332; Demolombe, VI, 214. Il ne peut être question du consentement du mineur lui-même. Son état de minorité le place dans l'impossibilité légale de donner un consentement juridiquement valable.

"Il en serait ainsi, même dans le cas où le mineur aurait encore d'autres ascendants que ses père et mère. Lassaulx, II, p. 269. Cpr. sur les motifs de la diffé

sans parents connus, le consentement des administrateurs de l'hospice où il aura été recueilli, ou s'il ne se trouve pas dans un hospice, celui du maire du lieu de sa résidence3. Art. 361.

c. La capacité de la personne qui veut se charger d'une tutelle officieuse.

Aux termes des art. 361 et 362, cette personne doit être âgée de cinquante ans accomplis; n'avoir ni enfants ni descendants légitimes ou légitimés ; et obtenir, si elle est mariée, le consentement de son conjoint.

Cette personne doit de plus être apte à gérer la tutelle. Toutefois les femmes, qui sont en règle générale incapables de gérer une tutelle ordinaire, ne sont pas frappées de la même incapacité en ce qui concerne la tutelle officieuse ".

d. La capacité du mineur qu'il s'agit de soumettre à la tutelle officieuse.

Il doit être âgé de moins de quinze ans, et ne pas se trouver déjà soumis à une tutelle officieuse. Art. 364, al. 1. Cependant un mineur qui aurait pour tuteur officieux une personne mariée, pourrait encore être soumis à la tutelle officieuse du conjoint de cette personne 7.

2o Les formalités extrinsèques concernant l'établissement de la tutelle officieuse consistent uniquement dans la rédaction d'un acte instrumentaire, que doit recevoir le juge de paix du domicile du mineur3, et qui doit constater les consentements requis en pareille matière, ainsi que les conventions particulières intervenues entre les parties. Art. 363.

rence qui existe à cet égard entre l'art. 160 et l'art. 361: Delvincourt, I, p. 265 et 266; Demolombe, VI, 218.

L'art. 361 dit: ou de la municipalité du lieu de sa résidence. Mais la municipalité comme telle se personnifie dans le maire, qui est seul chargé de l'administration. L'expression dont se sert l'art. 361 ne saurait s'appliquer, ni au conseil municipal, ni à une assemblée composée du maire et des adjoints. Cpr. loi du 28 pluviôse an VIII, art. 13 à 15; Code d'instruction criminelle, art. 620; loi du 18 juillet 1837, art. 9 et 14. Demolombe, VI, 219. Voy. cep. Taulier, I, p. 467; Marcadé, sur l'art. 361, no 1.

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Cpr. § 556, texte et notes 2 à 6.

Cpr. art. 442 à 444; § 104. Duranton, III, 334. Demolombe, VI, 220.

6 Arg. art. 343 cbn. 368 et 369. Voy. aussi art. 361 et 362. Delvincourt, I, p. 265. Toullier, II, 1026. Duranton, loc. cit., à la note. Demolombe, VI, 221. Arg. art. 344 cbn. 366, 368 et 369. Demolombe, VI, 223 et 224.

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L'art. 406 donne l'explication de la différence qui existe, sous le rapport de la compétence du juge de paix, entre l'adoption et la tutelle officieuse. Cpr. art. 353 et 363; Delvincourt, I, p. 266; Duranton, III, 436, à la note; Demolombe, VI, 225. Arg. art. 364, al. 2, et 367. Demolombe, VI, 226.

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§ 564.

Des effets de la tutelle officieuse.

1o La tutelle officieuse fait passer au tuteur officieux le gouvernement de la personne et l'administration des biens du mineur, dans le cas même où ce derrier a encore ses père et mère1. Art. 365.

Le tuteur officieux jouit à cet égard des mêmes droits, et se trouve soumis au même contrôle, aux mêmes obligations et aux mêmes incapacités que le tuteur ordinaire. Ainsi, par exemple, il y a lieu de nommer un subrogé tuteur dans la tutelle officieuse3. Ainsi encore, les immeubles du tuteur officieux sont grevés d'une hypothèque légale au profit du pupille‘. Ainsi enfin, le tuteur officieux est comptable de son administration. Art. 370.

Cependant la tutelle officieuse ne fait point cesser la puissance paternelle du père ou de la mère du mineur, ni les droits qui s'y trouvent attachés, en tant du moins que l'exercice en est compatible avec l'autorité tutélaire".

2o A la différence de la tutelle ordinaire, la tutelle officieuse impose de plein droit au tuteur officieux l'obligation de nourrir le pupille à ses frais, pendant tout le temps de sa minorité, et de le

'Il est vrai que dans ce cas le mineur se trouve soumis à l'administration légale de son père, et non à la tutelle, d'où l'on pourrait inférer, en présence des termes de l'art. 365, s'il était antérieurement en tutelle, que le gouvernement de la personne et l'administration des biens du mineur restent en pareil cas entre les mains du père. Mais une pareille conclusion, qui serait évidemment contraire à l'institution de la tutelle officieuse, est d'autant moins admissible que les termes ci-dessus cités sont purement énonciatifs. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, 1, 533. Marcadé, sur l'art. 365, no 3. Demolombe, VI, 232, 233 et 235. Il est bien entendu que le père et, après son décès, la mère conserveraient l'administration des biens dont ils auraient l'usufruit légal. Duranton, III, 339. Marcadé et Demolombe, locc. citt.

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Arg. art. 420. Delvincourt, I, p. 283. Magnin, Des minorités, 1, 552. Chardon, Puissance tutélaire, no 72. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, 1, 620. Demolombe, VI, 237. Voy. en sens contraire: Duranton, III, 340 et 517; De Fréminville, De la minorité, I, 183, 6°. Voy. aussi Marcadé, sur l'art. 370. *Cpr. § 264.

* Ainsi, par exemple, le père ou la mère du pupille conserve le droit de correction, celui de consentir à son mariage, et l'usufruit légal de ses biens. Proudhon, II, p. 231. Delvincourt, I, p. 263. Toullier, II, 1029. Duranton, III, 339. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, I, 534. Demolombe, VJ, 234.

mettre gratuitement en état de gagner sa vie. Art. 364, al. 2. Il en est ainsi, lors même que le pupille possède des revenus suffisants pour subvenir à son entretien et à son éducation, de sorte que le tuteur ne peut, même dans ce cas, porter en dépense les sommes qu'il a déboursées pour ces objets. Art. 365.

Lorsque le tuteur officieux meurt avant la majorité du pupille sans l'avoir adopté par testament, l'obligation dont il vient d'être parlé passe à ses héritiers et successeurs universels'. Art. 367. Elle ne s'éteint même pas dans le cas où le tuteur officieux aurait fait à son pupille un legs plus ou moins considérable 7.

Cette obligation, dont le mode d'exécution peut être spécialement déterminé par les conventions particulières des parties, entraîne virtuellement, et indépendamment de pareilles conventions, la conséquence suivante : Si l'adoption requise par le pupille dans les trois mois après sa majorité, n'a pas eu lieu par suite du refus du tuteur, ou même à raison d'un empêchement involontaire de sa part 10, et que le pupille ne soit pas en état de gagner sa vie, le tuteur ou ses héritiers et successeurs universels peuvent

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Proudhon, II, p. 231. Toullier, II, 1031. Demolombe, VI, 245. C'est évidemment à tort que Delvincourt (1, p. 168), Locré (sur l'art. 367) et Lassaulx (II, p. 270) prétendent que les héritiers du tuteur officieux sont déchargés de cette obligation, lorsque le pupille possède des revenus suffisants pour pourvoir à son entretien et à son éducation. Il s'agit ici d'une dette alimentaire d'une nature toute spéciale, et qui n'a point sa cause dans le besoin du créancier, puisque l'art. 365 défend au tuteur officieux d'imputer les dépenses d'éducation sur les revenus du pupille. En disant qu'il sera fourni au pupille des moyens de subsister pendant sa minorité, l'art 367 n'a eu d'autre objet que de consacrer, dans la matière qui nous occupe, le principe général de la transmission des obligations aux héritiers et successeurs universels du débiteur.

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Arg. art. 1023. Nancy, 4 août 1829. Sir., 29, 2, 287. Req. rej., 24 août 1831, Sir., 31, 1, 321.

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* Arg. art. 364, al. 2, 367 et 369, al. 2. Cpr. Proudhon, II, p. 233 et 234; Demolombe, VI, 240 à 242.

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Le ci-devant pupille serait déchu de la faculté d'invoquer les dispositions de l'art. 369, s'il n'avait requis son adoption qu'après les trois mois à partir de sa majorité. Discussion au Conseil d'état (Locré, Lég., VI, p. 569, no 8). Locré, sur l'art. 369. Delvincourt, I, p. 266. Proudhon, II, p. 232. Toullier, II, 1035. Taulier, I, p. 469. Voy. en sens contraire: Valette, sur Proudhon, I, p. 232, note a; Duvergier, sur Toullier, II, 1035, note a; Marcadé, sur l'art. 369, no 1. -A plus forte raison l'art. 369 serait-il inapplicable, si le ci-devant pupille refusait l'adoption offerte par son ancien tuteur. Proudhon, loc. cit. Toullier, II, 1032. 10 Lex non distinguit. Observations du Tribunat, sur l'art. 369 (Locré, Lég VI, p. 592, no 15). Locré, sur l'art. 369. Proudhon, II, p. 233. Delvincourt, - p. 266. Toullier, II, 1034. Demolombe, VI, 252. Voy. cep. Riffé, p. 104.

être condamnés à indemniser ce dernier de l'incapacité où il se trouve de pourvoir à sa subsistance". Cette indemnité se résoudra en secours propres à lui procurer un métier 1. Art. 369.

La tutelle officieuse cesse par les mêmes causes que la tutelle ordinaire, et notamment par la mort du tuteur et par la majorité du pupille, sauf cependant l'accomplissement des obligations imposées aux héritiers du ci-devant tuteur et à ce dernier par les art 367 et 369.

3o Si, à la majorité du pupille, son tuteur officieux veut l'adopter, et que ce dernier y consente, l'adoption est, quant à ses conditions intrinsèques et quant à ses formalités extrinsèques, soumise aux règles du Droit commun13. Art. 368.

CHAPITRE TROISIÈME.

DES ENFANTS ILLÉGITIMES.

BIBLIOGRAPHIE.
Code Napoléon, art. 334-342.

SOURCES. Traité des enfants naturels, par Rolland de Villargues; Paris 1811, 1 vol. in-8°. Traile des enfants naturels, adultérins, incestueux et abandonnés, par Loiseau; Paris 1811, 1 vol. in-8°, avec un appendice de 127 pages, publié en 1819. — Nouveau traité de l'adultère et des enfants adultérins, suivant les lois civiles et pénales, par Bedel; Paris 1825, 1 vol. in-8°. - Die Rechts-Verhaltnisse aus der ausserehelichen Geschlechtsgemeinschaft so wie der unehelichen Kinder, nach gemein. bair. österreich. preuss. und franz. Rechte, von A. F. Geth; München 1837.- Traité des enfants naturels, par Cadrès; Paris 1847, 1 vol. in-8°.

"L'art. 369 a été rédigé d'une manière facultative, afin de laisser à l'arbitrage du juge l'appréciation des circonstances par suite desquelles le ci-devant pupille se trouverait hors d'état de gagner sa vie, et de lui donner le pouvoir de condamner ou d'absoudre le tuteur, suivant que ce dernier aurait ou non quelque négligence à se reprocher à cet égard. Delvincourt, I, p. 266. Proudhon, II, p. 233. Toullier, II, 1036. Favard, Rép., vo Tutelle officieuse, § 8. Demolombe, VI, 251.

1 Il faut conclure de là, contrairement à l'opinion de Zachariæ (§ 564, note 8 in fine), qui se trouve reproduite dans nos premières éditions, que le pupille n'aurait aucune indemnité à réclamer, si sa fortune le mettait au-dessus du besoin, et si, à raison de sa position sociale, il n'eût pas été convenable de lui faire apprendre un métier. Demolombe, VI, 250. Cpr. Maleville, sur l'art. 369.

13 Ainsi, par exemple, l'époux qui s'est chargé d'une tutelle officieuse avec le consentement de son conjoint, est obligé de se munir d'un nouveau consentement de ce dernier, lorsqu'il veut adopter son ci-devant pupille. Non obstat art. 362: Arg. art. 344 cbn. 368. Lassaulx, II, p. 272. Demolombe, VI, 253. Voy. en sens contraire: Grenier, no 33.

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