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Enfin, les juges-commissaires ou instructeurs, et les tribunaux de quelque ordre que ce soit, impriment le sceau de l'authenticité à la reconnaissance d'un enfant naturel, lorsque cette reconnaissance ayant eu lieu à l'occasion, soit d'un interrogatoire, soit d'une enquête, ils la consignent dans le procès-verbal de ces opérations, ou lorsque, ayant été faite dans le cours d'une instance par l'une des parties qui s'y trouvait engagée, ils en donnent acte à l'autre partie, sur sa réquisition 13.

Les procès-verbaux et jugements constatant les reconnaissances faites, soit au bureau de conciliation, soit en conseil de famille, soit dans le cours d'un interrogatoire, d'une enquête, ou d'une instance, doivent être rédigés suivant les formes ordinaires des actes de cette nature.

L'individu qui veut reconnaître un enfant naturel, doit à cet effet se présenter devant un des officiers publics à ce compétents, soit en personne, soit par un fondé de procuration spéciale et authentique. On ne saurait considérer comme authentique, ni la reconnaissance dont la constatation n'aurait eu lieu qu'en vertu d'une invitation contenue dans une lettre missive, cette lettre se trouvât-elle annexée à l'acte rédigé par l'officier public auquel elle était adressée 14, ni la reconnaissance faite par un mandataire porteur d'une procuration sous seing privé 15.

1o qu'à la différence de la reconnaissance d'un enfant naturel, qui n'est de sa nature qu'un acte de l'état civil, l'adoption est un acte de juridiction gracieuse, et que c'est par ce motif que le procès-verbal des consentements relatifs à l'adoption doit être dressé par un juge de paix; 2o que le tit. X de la loi des 1624 août 1790 est uniquement relatif aux attributions conférées au juge de paix, en qualité de juge conciliateur, et que dès lors il ne peut fournir aucun argument à l'appui du système que nous combattons; 3o que nous avons vainement cherché, dans les procès-verbaux de la discussion au Conseil d'état, la preuve de l'assertion de M. Duranton.

13 Merlin, op. et vo citt., nos 6 et 11. Favard, op. et vo citt., sect. I, § 3. art. 2, no 4. Loiseau, p. 459 à 461. Valette, sur Proudhon, II, p. 149. Demolombe, V, 398. Colmar, 24 mars 1813, Sir., 14, 2, 2.

"Loiseau, p. 429 à 432. Rolland de Villargues, nos 213 à 215. Delvincourt, I, p. 236. Paris, 27 floréal an XIII, Sir., 7, 2, 764 et 765. Cpr. Req. rej., 11 août 1808, Sir., 8, 1, 499; Rouen, 18 février 1809, Sir., 9, 2, 199; Paris, 2 janvier 1819, Sir., 19, 2, 146. Voy. cep. Bruxelles, 11 juillet 1808, Sir., 9, 2, 202.

15 Cette proposition, que nous avions déjà émise dans nos précédentes éditions, contrairement à l'avis de M. Duranton (III, 222), a été implicitement consacrée par l'art. 2 de la loi du 21 juin 1843, qui suppose évidemment que les procurations à l'effet de reconnaître des enfants naturels doivent être passées devant notaires. Demolombe, V, 407. —lest, du reste, bien entendu que le porteur d'une procuration notariée peut valablement reconnaître un enfant naturel, quoique

Il résulte de ce qui précède, qu'on doit également regarder comme dépourvue de toute authenticité, la reconnaissance consignée, soit dans un testament olographe 16, soit même dans un testament mystique 17. Il en serait cependant autrement, si l'acte de suscription renfermait une réitération de la reconnaissance, ou du moins une relation de la teneur du testament, en ce qui concerne cette dernière.

Par la même raison, la reconnaissance consignée dans un acte sous seing privé devient suffisamment authentique par le dépôt que l'auteur de la reconnaissance fait de cet acte en l'étude d'un notaire, avec réquisition de le mettre au nombre de ses minutes, pourvu que l'acte de dépôt, dressé à cette occasion, contienne copie littérale, ou du moins relation de la teneur de l'acte déposé, en ce qui concerne la reconnaissance 18.

sa procuration ne soit qu'en brevet. Loi du 25 ventôse an XI, art. 20. Rolland de Villargues, no 216. Demolombe, V, 408. Paris, 1er février 1812, Sir., 12, 2, 161. Voy. en sens contraire: Girerd, Revue pratique, 1860, IX, p. 133.

16 Loiseau, p. 464 à 466. Rolland de Villargues, no 230. Chabot, Questions transitoires, vo Enfants naturels, § 4, no 5. Delvincourt, I, p. 236. Favard, Rép., vo Reconnaissance d'enfant naturel, sect. I, § 3, art. 2, no 6. Duranton, III, 215. Duvergier, sur Toullier, II, 953, note a. Valette, sur Proudhon, II, p. 149. Richefort, II, 255 et 256. Demolombe, V, 404. Paris, 27 floréal an XIII, Sir., 7, 2, 764 et 765. Rouen, 20 juin 1817, Sir., 17, 2, 423. Limoges, 6 juillet 1832, Sir., 32, 2, 497. Req. rej., 7 mai 1833, Sir., 33, 1, 355. Nimes, 2 mai 1837, Sir., 37, 2, 317. Alger, 4 juin 1857, Sir., 57, 2, 409. Voy. en sens contraire Toullier, II, 953; Merlin, Rép., vo Filiation, no 8; Troplong, Des donations, III, 1498. Cpr. Req. rej., 3 septembre 1806, Sir., 6, 1, 409. Cette dernière opinion, qui repose sur une confusion évidente entre la solennité et l'authenticité, est en opposition ouverte tant avec l'esprit de l'art. 334 qu'avec le texte de l'art. 1317, qui n'attribue le caractère d'acte authentique qu'à celui qui a été reçu par un officier public, et de l'art. 999, qui déclare positivement que le testament olographe n'est qu'un acte sous signature privée.

L'écrit qui renferme la reconnaissance ne participe pas, en pareil cas, de l'authenticité de l'acte de suscription. Il est si peu authentique, qu'on peut en contester la sincérité par une simple dénégation d'écriture ou de signature, sans recourir à la voie de l'inscription de faux. Arg. art. 976, 977 et 1319. Cpr. § 671, texte in fine et note 31. D'ailleurs, le législateur étant parti de l'idée que la preuve de la liberté pleine et entière d'une reconnaissance d'enfant naturel ne peut résulter que d'un aveu fait en présence d'un officier public, il faut en conclure que la reconnaissance consignée dans un testament mystique n'offre pas les garanties exigées par la loi. Duvergier, sur Toullier, et Valette, sur Proudhon, locc. citt. Demolombe, V, 405. Voy. en sens contraire: Loiseau, p. 466 et 467; Delvincourt, loc. cit.; Favard, op., vo et loc. citt.; Richefort, II, 254; Duranton, III, 217.

18 La plupart des auteurs semblent même admettre qu'un simple acte de dépôt,

Du reste, il n'est pas exigé que l'acte authentique dans lequel la reconnaissance se trouve consignée, ait été rédigé dans le but unique de la constater 19. Ainsi, la reconnaissance faite dans un testament public est valable 2. Il n'est pas même nécessaire que la clause dont on prétend faire résulter la reconnaissance, soit conçue en termes dispositifs : des termes simplement énonciatifs constalent suffisamment la reconnaissance, lorsqu'elle en ressort d'une manière non équivoque ". Ainsi, la clause d'un testament public contenant un legs au profit d'un individu que le testateur qualifie son enfant naturel, constitue une reconnaissance suffisante.

La règle posée au commencement de ce paragraphe reçoit exception en ce qui concerne la reconnaissance de la mère, lorsque celle-ci a été indiquée dans l'acte authentique contenant la reconnaissance du père. En pareil cas, la reconnaissance peut être valablement faite par acte sous seing privé; elle résulte même suffisamment de toutes circonstances tendant à établir que la mère a avoué sa maternité, et notamment des soins qu'elle a donnés à l'enfant. Il en est ainsi, alors même que la reconnaissance du

qui ne remplirait aucune des conditions indiquées au texte, suffirait pour rendre authentique la reconnaissance consignée dans l'écrit déposé. Cpr. Chabot, op. et vo citt., § 4, no 4; Rolland de Villargues, no 221; Proudhon, II, p. 172; Lassaulx, II, p. 173; Toullier, II, 951; Merlin, Rép., vo Filiation, no 12; Favard, op. et vo citt., sect. I, § 3, art. 2, no 3; Duranton, III, 218; Req. rej., 3 septembre 1806, Sir., 6, 2, 409. Nous n'en persistons pas moins dans l'opinion énoncée au texte, par les raisons que nous avons déjà indiquées en la note 17 supra. Si l'acte de dépôt ne contient pas en lui-même la preuve de la reconnaissance, et qu'on soit obligé de la chercher dans l'acte déposé, on ne peut pas dire que la reconnaissance soit authentique, puisqu'elle ne résulte pas d'une déclaration reçue et constatée par un officier public. Loiseau, p. 472. Demolombe, V, 406.

Art. 331 et arg. de cet article. Duranton, III, 213. Demolombe, V, 409. 20 Merlin, Rép., vo Filiation, no 7. Demolombe, V, 404. Paris, 2 janvier 1819, Sir., 19, 2, 146. Bastia, 5 juillet 1826, Sir., 27, 2, 106. Voy. aussi les autorités citées à la note suivante.

* Delvincourt, I, p. 236. Loiseau, Appendice, p. 17 à 20. Rolland de Villargues, no 227. Duranton, III, 214. Demolombe, V, 410. Bruxelles, 17 juin 1807, Sir., 7, 2, 325. Riom, 29 juillet 1809, Sir., 10, 2, 266. Bruxelles, 4 juillet 1811, Sir., 12, 2, 274. Poitiers, 28 août 1810, Sir., 13, 2, 290. Colmar, 24 mars 1813, Sir., 14, 2, 2. Paris, 2 janvier 1819, Sir., 19, 2, 146. Agen, 16 avril 1822, Sir., 23, 2, 65. Douai, 22 juillet 1856, Sir., 57, 2, 33.

**Arg, a contrario, art. 336. L'aveu de la mère dont parle cet article ne doit pas être confondu avec la reconnaissance authentique exigée par l'art. 334. Cette proposition, que la jurisprudence a consacrée, résulte à notre avis des diverses transformations qu'a subies l'art. 336. La section de législation avait proposé une

père est inefficace à son égard, comme constatant une paternité adultérine 23.

a

disposition ainsi conçue : « Toute reconnaissance du père seul, non avouée par << la mère, sera de nul effet, tant à l'égard du père que de la mère. » Par suite de la discussion qui eut lieu au Conseil d'état dans la séance du 26 brumaire an X, cette disposition fut remplacée par la suivante : « La reconnaissance du père, si elle est désavouée par la mère, sera de nul effet.» Une nouvelle discussion, dans la séance du 29 fructidor an X, fit modifier cette seconde rédaction, à laquelle on substitua celle qui suit : « La reconnaissance d'un enfant naaturel n'aura d'effet qu'à l'égard de celui qui l'aura reconnu. Enfin, cette dernière disposition fut définitivement remplacée par l'art. 336 du Code Napoléon, sans qu'on trouve dans les travaux préparatoires le motif de ce nouveau changement de rédaction. Cpr. Locré, Lég., VI, p. 30, art. 8; p. 126 à 137, nos 13 à 15; p. 148, art. 23; p. 163 à 166, nos 19 à 24; p. 181, nos 1 et 2. Mais on ne peut raisonnablement l'expliquer qu'en supposant de la part du législateur l'intention d'accorder certain effet à l'indication de la mère dans la reconnaissance du père. Or, cette supposition conduit naturellement à conclure que l'aveu de la maternité est dispensé de la formalité de l'authenticité, lorsque la mère se trouve déjà désignée dans la reconnaissance du père; et cette induction est d'autant plus plausible que, si on ne l'admettait pas, l'incise sans l'indication et l'aveu de la mère, n'aurait aucun sens. On peut même regretter que la loi n'ait pas attaché le même effet à l'indication de la mère, faite dans l'acte de naissance par l'une ou l'autre des personnes désignées en l'art. 56. Une pareille disposition, parfaitement rationnelle et conforme au but dans lequel ont été établis les registres de l'état civil, n'eût présenté aucun danger pour la femme indiquée comme mère de l'enfant, puisque, sans un aveu confirmatif de sa part, cette indication serait restée sans effet à son égard. Toullier, II, 927. Duranton, III, 245. Favard, Rép., vo Reconnaissance d'enfant naturel, sect. I, § 3, art. 1, no 4. Duvergier, sur Toullier, II, 956, note 6. Richefort, II, 278. Taulier, I, 427. Ancelot, Revue de législation, 1852, II, p. 156 et suiv. Devilleneuve, Sir., 57, 2, 465 à la note. Civ. rej., 22 juin 1813, Sir., 13, 1, 281. Douai, 23 janvier 1819, Sir., 20, 2, 102. Civ. cass., 26 avril 1824, Sir., 24, 1, 317. Bordeaux, 19 janvier 1831, Sir., 31, 2, 231. Bordeaux, 15 février 1832, Sir., 32, 2, 410. Paris, 15 décembre 1834, Sir., 35, 2, 5. Req. rej., 22 janvier 1839, Sir., 39, 1, 5. Paris, 20 avril 1839, Sir., 39, 2, 249. Req. rej., 7 janvier 1852, Sir., 52, 1, 12. Bordeaux, 11 mars 1853, Sir., 53, 2, 322. Paris, 21 novembre 1853, Sir., 56, 2, 719. Voy. en sens contraire Rolland de Villargues, no 259; Valette, sur Proudhon, II, p. 142, note a; Marcadé, sur l'art. 336, no 1; Demolombe, V, 383.

23 Req. rej., 7 janvier 1852, Sir., 52, 1, 12. Voy. en sens contraire: Colmar, 20 décembre 1856, Sir., 57, 2, 465. En vain dit-on à l'appui de cette dernière opinion, que la reconnaissance du père étant entachée de nullité, elle doit rester inefficace, même en ce qui concerne l'indication de la mère. En effet, la valeur ou la créance que la loi accorde à l'indication de la mère faite par l'homme qui se reconnaît père de l'enfant, est bien moins attachée à la reconnaissance considérée sous le rapport des effets légaux qu'elle est destinée à produire à l'encontre de son auteur, qu'au fait même de l'aveu de paternité, aveu qui ne saurait être réputé non avenu ou contraire à la vérité, par cela seul que la reconnaissance comme telle se trouve légalement inefficace à l'égard du père.

§ 568 ter.

Des conséquences qu'entraîne l'absence das conditions indiquées aux deux paragraphes précédents.

1o La reconnaissance doit être réputée non avenue :

a. Lorsqu'elle a été faite par une personne qui n'avait pas qualité pour la faire1.

b. Lorsqu'elle est émanée d'un individu en démence 2.

c. Lorsqu'elle ne se trouve consignée que dans un acte sous seing privé, ou dans un acte authentique reçu par un officier public dépourvu de tout caractère pour constater une reconnaissance d'enfant naturel *.

Toutefois, il importe de distinguer, sous ce dernier rapport, entre les reconnaissances de paternité et celles de maternité.

Une reconnaissance de paternité faite par acte sous seing privé ne produit aucun effet juridique. Elle n'est pas susceptible de confirmation; et la possession d'état dont jouirait l'enfant au profit duquel elle a eu lieu, ne lui donnerait pas d'existence légale. Une pareille reconnaissance, enfin, ne devient point efficace par la vérification en justice de la signature de son auteur", lors même

Cpr. § 568, texte n° 1; § 415, texte no 2 et notes 2 à 4. Demolombe, V, 419. * En vain voudrait-on conclure des art. 502 à 504, que la reconnaissance faite par un homme en état de démence est tout au plus sujette à annulation. Ces articles, en effet, ne sont pas applicables à la matière qui nous occupe. Cpr. § 568, texte no 2 et note 3; § 451 bis, texte n° 1 et note 3. Demolombe, loc. cit. * Forma dat esse rei. Cpr. § 37, texte et note 4. Demolombe, loc. cit.

Il faut bien se garder de confondre l'hypothèse où la reconnaissance a été faite devant un officier public dépourvu de tout caractère pour recevoir des reconnaissances d'enfants naturels, et celle où elle a eu lieu devant un officier public qui, quoique incompétent au cas particulier dont s'agit, aurait cependant eu, dans d'autres circonstances, qualité pour constater de pareilles reconnaissances. Dans la première hypothèse, la reconnaissance doit être réputée non avenue: telle est, par exemple, celle qui a été faite devant un huissier. Cpr. § 568 bis, texte et note 2; § 452, texte et note 2. Dans la seconde hypothèse, la reconnaissance est simplement frappée de nullité: telle est, par exemple, celle qu'a reçue un notaire instrumentant hors de son ressort. Loi du 25 ventôse an XI, art. 6 et 68. Cpr. texte n° 2, lettre b infra; § 568 bis, texte, notes 8 et 9. Demolombe, loc. cit. Cpr. § 37, texte et note 5; § 337, texte et note 5.

Loiseau, p. 474. Rolland de Villargues, no 269. Nîmes ou Montpellier, 28 janvier 1806, Sir., 6, 2, 161 et 391. Limoges, 27 août 1811, Sir., 12, 2, 237. Cpr. $569, note 2; § 570, note 3.

'Admettre le contraire, ce serait rendre complétement illusoire la disposition

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