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Mais la possession d'état, insuffisante pour établir une filiation simplement naturelle, l'est à plus forte raison pour constater une filiation incestueuse ou adultérine 22.

C'est donc aux hypothèses qui viennent d'être indiquées, et à ces hypothèses seules, que s'appliquent les dispositions légales qui, soit explicitement, soit implicitement, s'occupent des enfants incestueux ou adultérins, et les développements que nous allons donner à ce sujet dans la suite de ce paragraphe 23.

3o En général, la loi ne reconnaît aucun lien de parenté ou d'alliance entre les enfants incestueux ou adultérins d'une part, les auteurs de leurs jours et les parents ou alliés de ces derniers d'autre part. Ce principe est cependant scumis aux exceptions suivantes :

a. Les enfants incestueux ou adultérins doivent honneur et respect à leurs pères et mères. Les dispositions légales qui ne sont que des conséquences de cette règle, leur sont par conséquent applicables".

b. Les enfants incestueux ou adultérins ont le droit de porter le nom de leur père, ou celui de leur mère si leur filiation ne se trouve légalement constatée qu'à l'égard de cette dernière".

adultérine ou incestueuse vis-à-vis des personnes à l'égard desquelles ce jugement aura acquis l'autorité de la chose jugée: Res judicata pro veritate habetur. Demolombe, V, 587. Req. rej., 12 décembre 1854, Sir., 55, 1, 593.

**La possession d'état qui ne tire så force que de l'aveu tacite du père ou de la mère, ne peut pas être plus efficace que ne le serait une reconnaissance formelle. Demolombe, V, 564. Bounier, Revue pratique, 1856, I, p. 347. Voy. en sens contraire Valette, sur Proudhon, II, p. 158; Hérold, Revue pratique, 1856, I, p. 158.

23 Suivant M. Valette (sur Proudhon, loc. cit.), la filiation incestueuse ou adultérine se trouverait encore légalement constatée, lorsque l'officier public a reçu la reconnaissance dans l'ignorance où il était, soit de la parenté ou de l'alliance, soit du mariage préexistant. Mais cette opinion, à l'appui de laquelle notre savant collègue invoque un passage évidemment erroné du discours de Siméon au Corps législatif, ne doit pas être admise. Il ne saurait être permis d'éluder la prohibition portée par l'art. 335, au moyen de réticences commises dans la déclaration de reconnaissance et de précautions prises pour cacher à l'officier public le véritable état des choses.

24 Loiseau, p. 744 et 745 Demolombe, V, 598. Voy. Code pénal, art. 299 et 312; loi du 17 avril 1832 sur la contrainte par corps, art. 19.

25 Arrêt du Parlement de Paris, du 18 juin 1707, rapporté par Augéard, II, p. 26. Loiseau, p. 730. Demolombe, V, 596. Voy. cep. Bedel, no 98. . L'arrêt de la Cour de Paris du 22 mars 1828 (Sir., 29, 2, 75), et celui de la Cour de Douai du 26 décembre 1835 (Sir., 37, 2, 188) ne sont pas contraires à notre manière de voir. Dans les espèces sur lesquelles ces arrèts ont statué, la filiation de l'enfant incestueux ou adultérin ne se trouvait pas légalement établie.

c. Les prohibitions et incapacités légales qui, d'après les explications données au § 567, sont communes aux parents et alliés légitimes et illégitimes, s'appliquent aussi bien au cas où la filiation est incestueuse ou adultérine, qu'à celui où elle est naturelle proprement dite 26. Il en est de même des présomptions légales d'interposition de personnes, établies par les art. 911 et 1100".

d. Les enfants incestueux ou adultérins ont, soit pendant leur minorité, soit après leur majorité, droit à des aliments, lorsqu'ils se trouvent dans le besoin 28. Art. 762, al. 2.

Ces aliments sont dus par les père et mère de leur vivant", et ils forment, après leur décès, une dette de leurs successions **. Art. 763. Cependant toute réclamation est interdite à l'enfant incestueux ou adultérin, lorsque son père ou sa mère lui a assuré des aliments, ou l'a mis en état de pourvoir à ses besoins, ne fût-ce même qu'au moyen d'un simple art mécanique", à moins que l'enfant ne se trouve sans sa faute dans l'impossibilité de gagner sa vie, ou que les aliments qui lui ont été assurés ne soient devenus insuffisants 33. Art. 764.

16 Cpr. § 567, texte no 2 et note 4.

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Cpr. § 567, texte n° 2 et note 5; § 649, texte et note 63; § 690, texte et note 29. Demolombe, V, 600. Cpr. Angers, 8 décembre 1824, Sir., 26, 2, 47; Civ. rej., 1er août 1827, Sir., 28, 1, 49. Ces arrêts ont été rendus dans des espèces où la filiation adultérine ou incestueuse n'était pas légalement constatée. 28 Quoique l'art. 762 ne mentionne pas cette condition, elle doit y être suppléée, d'après les principes généraux sur la dette alimentaire, et comme ressortant implicitement de l'art. 764. Delvincourt, II, p. 67 et 68. Loiseau, p. 556 et 750. Bedel, no 93. Chabot, Des successions, sur l'art. 763, no 1. Marcadé, sur l'art. 763. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 532. Demolombe, XIV, 127. 19 Arg. a fortiori, art. 763. Chabot, Des successions, sur l'art. 762, no 5. Loiseau, p. 749 et 750. Duranton, II, 378. Demolombe, IV, 16 et 17; V, 593.

50 Ce n'est en effet qu'à titre de créance, et non à titre de droit héréditaire, que les aliments peuvent être réclamés. Merlin, Quest., vo Réserve (droit de), § 1. Chabot, op. cit., sur l'art. 762, no 2. Malpel. Des successions, no 172. Bedel, no 102. Demolombe, XIV, 124.

En disant dans l'art. 764, que l'enfant ne pourra élever aucune réclamation contre les successions de ses père et mère, lorsque ceux-ci lui auront fait apprendre un art mécanique, le législateur nous paraît avoir voulu exprimer l'idée que les parents d'un enfant incestueux ou adultérin ne sont pas légalement obligés de lui donner une éducation en rapport avec leur position sociale et leur fortune, comme ils y seraient tenus envers un enfant légitime, et même envers un enfant naturel simple, et qu'ils ont satisfait à leurs obligations par cela seul qu'ils l'ont mis en état de gagner sa vie, en lui faisant apprendre un art méca nique. Demolombe, XIV, 128.

** Delvincourt, II, p. 208 et 209. Rolland de Villargues, no 344. Poujol, successions, sur l'art. 764, no 10. Demolombe, XIV, 129.

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Des

5 Il résulte de la rédaction de cet article, que tout ce que le père a fait pour

Les aliments sont, du vivant des père et mère, réglés dans la proportion de leurs facultés et des besoins de l'enfant. Arg. art. 208. Ils sont fixés, après le décès des père et mère, eu égard tant aux forces de l'hérédité, au nombre et à la qualité des héritiers ou successeurs irréguliers, qu'aux besoins de l'enfant 34. Art. 763 cbn. 208.

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e. Les enfants incestueux ou adultérins ne peuvent, soit par donation entre-vifs, soit par testament, recevoir de lears pères et mères que des aliments 3. Art. 908 cbn. 762. Un legs, quoique fait à titre d'aliments à un enfant incestueux ou adultério, devrait être annulé, si cet enfant se trouvait, par sa fortune ou par sa profession, à même de pourvoir convenablement à son existence, et serait, en tout cas, réductible à la mesure de ses besoins 36. Toute personne intéressée peut demander l'annulation ou la réduction, suivant les circonstances, des libéralités faites à un enfant incestueux ou adultérin 37.

assurer à l'enfant des moyens d'existence, vient à la décharge de la mère, et vice versa. Delvincourt et Poujol, loce. citt. Duranton, VI, 330. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, II, 532. Demolombe, XIV, 127.

34 Loiseau, p. 556 et 750. Chabot, op. cit., sur l'art. 762, nos 1 et 4. Malpel, op. cit., no 174. Delvincourt, loc. cit. Poujol, op. cit., sur l'art. 764, nos 7 à 9. Marcadé, sur l'art. 763. Du Caurroy, Bonnier et Roustain, loc. cit. Demolombe, XIV, 125 à 127.

3 Discours de Jaubert (Locré, Lég., XI, p. 442, no 16). Loiseau, p. 752 et 753. Voy. aussi les différentes autorités citées aux notes 11 à 16 supra.

36 Il n'est pas contestable qu'un legs fait à titre d'aliments à un enfant incestueux ou adultérin par son père ou sa mère, ne soit en cas d'excès réductible à la mesure des besoins réels de cet enfant. Et s'il est ainsi, on doit nécessairement en conclure qu'un pareil legs est annulable, lorsque le légataire n'est pas dans le besoin. La fausse qualification donnée à la disposition ne saurait avoir pour effet de la valider. Demolombe, XIV, 132. Voy. en sens contraire: Zachariæ, § 572, note 10.

37 Suivant Loiseau (p. 755 et 756), l'annulation ou la réduction des dispositions à titre gratuit faites au profit d'enfants incestueux ou adultérins ne pourrait être demandée que par les héritiers ab intestat de leurs pères et mères. Nous avons nous-mêmes adopté une solution analogue en ce qui concerne les enfants naturels simples, en nous fondant sur cette idée qu'à leur égard, l'art. 908 crée plutôt une indisponibilitě partielle dans l'intérêt de la famille légitime, qu'il n'établit une incapacité de recevoir dans le sens strict du mot, puisque, à défaut de parents au degré successible, ces enfants sont appelés par la loi elle-même à recueillir la totalité de la succession de leurs pères et mères. Cpr. § 649, texte et note 73. Mais quant aux enfants incestueux ou adultérins, la disposition de l'art. 908 a un tout autre caractère, et une portée beaucoup plus absolue. Ils sont en effet exclus dans tous les cas possibles des successions de leurs pères et mères, qui, à défaut d'héritiers ou d'autres successeurs irréguliers, sont dévolues à l'État. Ils se trouvent ainsi frappés d'une véritable incapacité, fondée sur des motifs d'ordre 16*

IV.

Sauf ces exceptions, et sous tous autres rapports, il faut s'en tenir au principe ci-dessus posé. Ainsi, l'enfant incestueux ou adultérin n'est point admis, même en l'absence d'héritiers, à exercer sur l'hérédité de son père ou de sa mère les droits successifs dont jouissent les enfants naturels proprement dits. Art. 762, al. 1. Ainsi encore, les père et mère d'un enfant incestueux ou adultėrin ne peuvent, comme les père et mère d'un enfant naturel simple, ni exercer sur sa personne et sur ses biens les droits de puissance paternelle de tutelle, et de succession indiqués au § 571", ni même lui réclamer des aliments ". Enfin, les frères et sœurs d'un enfant incestueux ou adultérin ne sont pas autorisés à lui succéder en vertu de l'art. 766 4o.

public, et que toute personne intéressée est par cela même admise à faire valoir. Bedel, no 102. Demolombe, XIV, 132.

** Bedel, no 104. Favard, Rép., vo Enfant adultérin, nos 2 et 3. Mackeldey, Theorie der Erbfolgeordnung des Codex Napoleon, p. 147. Chabot, op. cit., sur l'art. 765, no 7. Malpel, op. cit., no 173. Poujol, op. cit., sur l'art. 765, no 4. Marcadé, sur l'art. 766. Demolombe, V, 595 et 597; VI, 605; VIII, 370; XIV, 137. Nîmes, 13 juillet 1824, Sir., 25, 2, 318. Voy. cep. en sens contraire : Loiseau, p. 741 à 745; p. 757 et 758.

30 L'enfant incestueux ou adultérin est sans doute obligé natura et pietate à fournir des aliments à ses père et mère qui sont dans le besoin; mais rien ne prouve que le législateur ait entendu accorder la sanction civile à cette obligation naturelle. La doctrine contraire est cependant enseignée par M. Demolombe (IV, 19), qui invoque pour la soutenir la réciprocité de la dette alimentaire, et la disposition de l'art. 371. Ces raisons ne nous paraissent pas suffisantes: si de fait la dette alimentaire est ordinairement réciproque, elle ne l'est pas par essence, et l'on comprend qu'elle cesse de l'être quand il n'y a pas parité de position entre deux personnes dont l'une est soumise à l'obligation alimentaire envers l'autre. Or, c'est précisément ce qui se rencontre dans les rapports d'un enfant incestueux ou adultérin et de ses parents. Bien qu'il n'existe pas entre ces personnes de lien civil de parenté de nature à donner naissance à une obligation alimentaire, le législateur a dû imposer aux père et mère d'un enfant incestueux ou adultérin l'obligation de lui fournir des aliments, en réparation de la faute grave dont ils se sont rendus coupables tant à son égard qu'envers la société. Mais dans cet ordre d'idées, il eût été peu logique de rendre cette obligation réciproque à la charge de l'enfant, victime innocente du vice de sa naissance. Quant à l'argument tiré de l'art. 371, nous ne voyons pas qu'il soit possible de faire découler l'obligation alimentaire du devoir d'honneur et de respect auquel l'enfant se trouve soumis.

40 Chabot, Malpel et Poujol, opp. et locc. citt. Demolombe, XIV, 138. Voy. cep. Duranton, VI, 339.

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

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