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Inents vinrent l'assaillir. Napoléon lui fit un crime d'être restée au milieu de ses ennemis, et refusa d'abord de la voir; cependant il ne tarda pas à être éclairé sur sa conduite, et il lui rendit toute son affection. Hortense n'usa de sa faveur que pour être utile. Sur son instante recommandation, Napoléon permit à la duchesse douairière d'Orléans et à la duchesse de Bourbon de rester en France, fixant à la première 400,000 francs de rente, et 200,000 à la seconde. Après le désastre de Waterloo, elle resta fidèle à Napoléon, l'accueillit à la Malmaison, et lui prodigua tous les soins de la fille la plus dévouée (1). Après avoir reçu les derniers adieux de Napoléon, Hortense revint à Paris le 29 juin; mais le 19 juillet, on lui intima l'ordre de quitter la capitale dans deux heures. Il lui fallut partir avec ses deux enfants, sous la garde du baron de Woyna, aide de camp de Schwartzenberg. Elle résida successivement à Aix en Savoie, où elle avait fondé un hôpital, à Constance, et à Thurgovie. Après avoir commencé la rédaction de ses Mémoires, et surveillé les études de son jeune fils, à qui elle donna, à défaut d'autres maitres, des leçons de danse et de dessin, elle acheta le château d'Arenenberg (1817), sur les bords du lac de Constance, et se plut à embellir cette pittoresque résidence. La même année, elle alla passer l'hiver à Augsbourg, où son frère Eugène vint plusieurs fois la voir. La mort du roi de Bavière Maximilien (13 octobre 1825) et celle de son frère Eugène (1824) lui firent quitter Augsbourg, et comme elle avait sans difficulté obtenu de Léon XII la permission de venir en Italie, elle passait tous les ans l'hiver à Rome et l'été à Arenenberg.

La révolution de Juillet 1830 la jeta de nouveau dans de pénibles agitations, tout en faisant miroiter à ses yeux l'espoir d'un prochain retour dans la patrie. L'illusion fut de courte durée. La seule pensée d'Hortense, en présence des mouvements insurrectionnels de l'Italie, fut de garantir ses deux fils d'entraînements dangereux. Ses espérances furent en partie trompées. Le 15 novembre 1830, elle embrassa pour la dernière fois son fils aîné, qui succomba à Forli au printemps de l'année suivante. Un seul fils lui restait; elle fit taire, pour le sauver, sa douleur maternelle, et à l'aide d'un passe-port anglais, arriva à Paris, où elle s'empressa de faire connaître sa présence à Louis-Philippe. Le roi lui accorda une audience et ne put que lui donner des promesses sur le rappel de la famille de Napoléon, et la possibilité de lui restituer le

(1) Elle lui fit accepter un collier d'une valeur de 800,000 francs, et qui fut cousu dans un ruban de soie noire que l'empereur portait autour de lui. En retour de ce collier, Napoléon lui fit une délégation qu'il avait réservée sur sa liste civile, et qui fut saisie par le gouvernement royal peu de jours après. Ce collier fut remis en 1821 par M de Montholon à Hortense qui, dans un moment de pénurie, le céda en 1835 au roi de Bavière, moyennant une pension viagère de 23,000 francs, que ce prince n'eut à payer que pendant deux ans.

duché de Saint-Leu. De retour à Arenenberg, après avoir passé trois mois en Angleterre, Hortense y passa quelques années assez tranquilles; mais à la première nouvelle de l'arrestation de son fils à Strasbourg (30 octobre 1836); elle se mit en route pour Paris, dans l'intention d'intercéder en sa faveur auprès du gouvernement. Arrivée à Viry, maison de campagne de la duchesse de Raguse, elle écrivit à Louis-Philippe; mais déjà le ministère avait décidé du sort du prince, et un des membres du cabinet fut chargé d'en prévenir la reine Hortense, tout en lui intimant l'ordre de quitter immédiatement la France. Une personne influente fut en même temps chargée de lui demander, au nom du gouvernement, d'engager son fils à rester dix ans aux États-Unis; mais Hortense répondit avec fermeté qu'elle ne pouvait prendre aucun engagement semblable. Déjà si durement éprouvée, elle ne put supporter sans violence la déportation de son fils. Sentant que le terme de sa vie approchait, et voulant embrasser une dernière fois son fils bien-aimé, elle lui écrivit, le 3 avril 1837, de venir recevoir ses adieux. Celui-ci était depuis quatre mois seulement arrivé à New York. La lettre lui parvint au mois de juillet. Ce n'était pas chose facile que de se rendre en Suisse. La France, l'Autriche et l'Italie lui étaient fermées; son nom y était, pour ainsi dire, frappé d'un arrêt de mort, et il était plus que douteus que les gouvernements, dont il devait traverser les États, lui accordassent l'autorisation néces saire. Ces considérations ne purent toutefois arrêter le prince. Sans perdre de temps, il s'embarqua pour l'Angleterre; il passa ensuite en Hollande, la traversa sans être reconnu, gagna le Rhin qu'il remonta jusqu'à Carlsruhe, et atteignit sans obstacles les frontières du canton de Thurgovie. Mais il n'arriva au château d'Arenenberg que pour fermer les yeux à sa mère, qui expira entre ses bras, le 5 octobre 1837, à cinq heures du matin, à l'âge de cinquantequatre ans et demi. Le 3 avril précédent, elle avait fait un testament, qui se termine ainsi : « Que mon mari donne un souvenir à ma mémoire; qu'il sache que mon plus grand regret a été de ne pouvoir le rendre heureux. Je n'ai point de conseils politiques à donner à mon fils; je sais qu'il connaît sa position et tous les devoirs que son nom lui impose. Je pardonne à tous les souverains, avec lesquels j'ai eu des rela tions d'amitié, la légèreté de leurs jugements sur moi. Je pardonne à tous les ministres et chargés d'affaires des puissances la fausseté des rapports qu'ils ont constamment faits contre moi. Je pardonne à quelques Français, auxquels j'avais pr être utile, la calomnie dont ils m'ont accablée pour s'acquitter; je pardonne à ceux qui l'ont crue sans examen, et j'espère vivre un peu dans le souvenir de mes chers compatriotes. » Avant de mourir, Hortense avait exprimé le vœu que ses restes mortels fussent déposés auprès de sa

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NAPOLÉON (NAPOLÉON-CHARLES, NAPOLÉON-LOUIS)

mère, dans l'église de Rueil. Ce vœu fut exécuté
le 19 novembre 1837. Le prince Louis, son fils,
captif à Ham, fit élever à sa mémoire un mo.
nument funèbre dont l'inauguration eut lieu le
20 avril 1846.
H. F.

La reine Hortense en Italie, en France et en Angleterre pendant l'année 1831; Paris, 1833 et 1861, in-12 extrait des Mémoires écrits par elle-même). Mille Cochelet, Mémoires sur la reine Hortense et la famille Impériale. La Cour de Hollande sous le roi Louis; Paris, 1823, in-8°. - Mémoires de Louis Bonaparte. Nicolai, Gedachtnisstede bei erfolgten Ableben der Frau Herzogin von Saint-Leu; Constance, 1837, in-8°. -Moniteur universel, passim.

BONAPARTE (Napoléon-Charles), né à Paris, le 10 octobre 1802, mort à la Haye, le 5 mai 1807. Héritier du trône de Hollande il était destiné à être adopté par Napoléon Ier; mais il mourut du croup, maladie alors peu étudiée.

BONAPARTE ( Napoléon-Louis), né à Paris, le 11 octobre 1804, mort à Forli, le 17 mars 1831. Le premier des membres de la famille Bonaparte il fut inscrit sur les registres de l'État, comme prince français, baptisé à SaintCloud par le pape Pie VII, et tenu sur les fonts par Napoléon 1er et Madame mère. La mort de son frère aîné le rendit prince royal. Lorsque le roi Louis renonça à la couronne en sa faveur, les Hollandais le reconnurent un moment pour roi sous la régence de sa mère. Napoléon 1er qui, le 3 mars 1809, l'avait créé grand-duc de Berg et de Clèves, l'envoya chercher par son aide de camp, le général Lauriston, et amener au château de Saint Cloud. Jusqu'en 1815, le jeune prince habita la France avec sa mère qui lui avait donné pour gouverneur l'abbé Bertrand; mais, à la suite du jugement rendu par le tribunal de la Seine (voy. les articles précédents), il fut rendu à son père, alors établi à Rome. Entouré de bonne heure par cette jeunesse qui rêvait la régénération de l'Italie, le jeune prince s'attacha avec ardeur à la cause d'un peuple soumis à des souverains dont la plupart n'étaient que les vassaux de l'Autriche. Lors des mouvements révolutionnaires de Naples, quelques soupçons s'étant élevés contre lui, son père jugea à propos de l'emmener à Florence. En 1827, le prince épousa sa cousine germaine, Charlotte Bonaparte, seconde fille du roi Joseph. Depuis ce moment, il se livra à de sérieuses études sur la mécanique, et se fit même connaître par quelques inventions industrielles. Une papeterie qu'il avait établie à Seze Vezza, et dont il avait lui-même tracé le plan, occupait tous ses loisirs; il avait inventé pour cette usine des machines perfectionnées sous ses yeux et dont la réussite avait comblé ses espérances. Il parut de lui, en 1828, sur la direction des ballons, un travail ingénieux honorablement mentionné dans le monde savant. Sans préjugés, mettant seulement à honneur d'être utile à l'humanité, il était républi- | cain par caractère, et ne faisait aucun cas des prérogatives de naissance. Sa mère n'avait pu

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le retenir, lors des événements qui se passèrent en Grèce, qu'en lui faisant, dit-on, comprendre combien son nom pourrait nuire à cette cause. Après la révolution de 1830, on écrivit de Paris au prince pour l'engager à venir aider à reconquérir les droits de Napoléon II, son cousin. Le procès des ministres avait été indiqué comme un moment décisif contre un gouvernement, non élu par la nation. Napoléon-Louis hésita d'abord, puis il refusa. « Le peuple est seul maître, disait-il dans sa réponse; il a reconnu un nouveau souverain. Irais-je porter la guerre civile dans ma patrie, lorsque je voudrais la servir au prix de tout mon sang?» De la Corse, on lui avait fait des propositions auxquelles il avait répondu de la même manière. La mort de Pie VIII (30 novembre 1830) parut un moment favorable à la jeunesse italienne pour secouer le joug du gouvernement papal; bientôt la Romagne, Modène, Plaisance se soulevèrent, et la révolution fit des progrès rapides. NapoléonLouis se rappela ses serments d'autrefois, et imposant silence à tous ses intérêts, il quitta, le 20 février 1831, sa jeune femme et son père, qui apprirent bientôt que lui et son frère CharlesLouis organisaient la défense depuis Foligno jusqu'à Civita-Castellana, que toute la jeunesse des villes et des campagnes leur obéissait, qu'à peine armés, ils cherchaient à tirer parti du peu de ressources qu'offrait le pays, et se préparaient à prendre Civita-Castellana, pour y délivrer les prisonniers d'État. Le roi Louis et la reine Hortense parvinrent à détourner leurs enfants du parti qu'ils avaient embrassé, en leur montrant leur nom comme pouvant éloigner l'appui qu'on espérait du gouvernement français. Napoléon-Louis et son frère se rendirent alors à Bologne, et, lorsque les Autrichiens entrèrent sur le territoire pontifical, ils partirent pour Forli. La rougeole régnait dans le pays; les fatigues et les contrariétés morales aggravèrent la maladie du prince qui succomba après trois jours de souffrance, au moment où sa mère accourait au-devant de lui pour le soigner. Il ne laissa point d'enfants de son mariage.

On a du prince Napoléon-Louis : la traduction française de la Vie d'Agricola de Tacite (Avignon, 1828, in-12), et de l'Histoire du sac de Rome de Jacques Bonaparte (Florence, 1829, in-8°), ainsi qu'une Histoire de Florence (Paris, 1833, in-8°). H. F-T.

Biogr. univ. et port. des Contemp. - La Farina, Storia d'Italia dal 1815 al 1851. Gualterio, Dei Rivolgimenti Italiani. Mlle Cochelet, Memoires sur la reine Hortense. F. Wouters, Les Bonaparte depuis 1815. BONAPARTE (Charles - Louis-Napoléon ). Toy. NAPOLÉON III.

D. JÉRÔME et sa famille.

JÉRÔME (Jérôme BONAPARTE), roi de Westphalie, le plus jeune des frères de Napoléon 1er, né le 15 novembre 1784, à Ajaccio, mort le 24 juin 1860, au château de Villegenis, commune

de Massy (Seine et-Oise). Il avait à peine huit ans lorsque sa famille se réfugia en France. En 1797, quitta Marseille et fut envoyé au collége de Juilly, où il fit ses études classiques. Après le 18 brumaire, Napoléon l'appela auprès de lui (19 février 1800). D'abord simple soldat aux chasseurs à cheval dans la garde consulaire il fit une campagne à l'île d'Elbe; il entra, le 29 novembre 1800, dans la marine militaire comme aspirant de seconde classe, à bord du vaisseau l'Indivisible qui portait le pavillon de l'amiral Gantheaume; ce fut alors qu'il prit part dans la Méditerranée au combat et à la capture du Swiftsure (24 juin 1801). Nommé, le 29 novembre 1801, aspirant de première classe, il reçut l'ordre de rejoindre à Rochefort l'expédition de Saint-Domingue, et arriva, le 4 février 1802, avec la flotte devant Port-au-Prince, qui le lendemain était au pouvoir des Français. L'amiral VillaretJoyeuse lui conféra le grade d'enseigne de vaisseau (4 mars), et le chargea d'une mission auprès du gouvernement consulaire. Après avoir rempli sa mission à Paris, Jérôme rallia l'expédition dans l'automne de 1802. Le 2 novembre de cette année, il reçut, avec le grade de lieutenant de vaisseau, le commandement du brick l'Épervier. Jérôme, suivant les instructions de son frère, visita successivement Sainte-Lucie, la Guadeloupe, la Martinique, la Dominique, en releva les attérissements et, en avril 1803, il fut rappelé en France; mais, surveillé et bloqué jusqu'en juillet par les croisières anglaises dans la rade de Fort-Royal, il prit la résolution de tenter la voie des États-Unis pour revenir en France. Cet expédient lui réussit, et le 20 août il abordait à Norfolk, l'un des ports de la Virginie. Après deux jours passés à Washington, il alla, en attendant que l'on frétât un bâtiment, visiter Boston où, comme frère du premier consul, il ne tarda pas à être l'objet de la curiosité et de la sympathie de toute la ville. Le 23 octobre, il fut présenté à Jefferson, président des ÉtatsUnis. Ce fut à cette époque qu'il fit la connaissance de la fille d'un riche négociant de Baltimore, miss Élisa Paterson, pour laquelle il conçut une vive passion. Sur ses instances, l'envoyé d'Espagne demanda pour lui la main de la jeune Américaine, et malgré les protestations de M. Pichon, consul de France, et les hésitations de la famille Paterson, qui comprenait l'irrégularité d'un mariage fait à l'étranger sans le consentement de sa famille, il épousa cette jeune personne (24 décembre 1803). Jérôme et sa femme habitèrent les États-Unis jusqu'au 3 mars 1805. Napoléon, mécontent du mariage irrégulier de son frère, ne voulut pas le reconnaître; sa mère, Mme Lætitia, protesta, le 22 février 1805, par un acte passé devant Me Raguideau, notaire à Paris, contre le mariage de son fils mineur, et, par décret impérial du 2 mars suivant, il fut fait défense à tous officiers de l'état civil de l'Empire de recevoir sur leurs

registres la transcription de l'acte de célébration du prétendu mariage que Jérôme avait contracté en pays étranger, en âge de minorité, sans le consentement de sa mère, et sans publication préalable dans le lieu de son domicile. Enfin, un nouveau décret du 21 mars déclara le mariage nul et les enfants qui pourraient en provenir illégitimes.

Les deux époux faisaient pendant ce temps voile pour l'Europe; le 8 avril, leur navire entrait dans le port de Lisbonne. Sans perdre de temps, Jérôme se dirigea vers l'Italie. Arrivé le 24 avril à Turin, il ne lui fut possible de voir l'empereur que le 6 mai à Alexandrie, et l'on se doute bien que le jeune lieutenant de vaisseau ne fit point plier le monarque. Amenée par l'Erin à Amsterdam, Mile Paterson n'obtint pas la permission de descendre à terre, et se rendit en Angleterre où, un mois après (7 juillet 1805), elle mit au monde à Camberwell (comté de Surrey), un fils qu'elle fit inscrire sous le nom de Je rome Bonaparte, et qui, en 1861, après la mort de Jérôme, ayant voulu réclamer sa légitimation, a vu ses prétentions repoussées par le conseil de famille impérial, le tribunal de première instance de la Seine et enfin définitivement par la cour impériale de Paris, qui ont déclaré le mariage nul et non avenu.

La disgrâce de Jérôme ne fut que passagère. Quoique simple lieutenant de vaisseau, il reçut, dès le 18 mai 1805, le commandement d'une escadre composée d'abord de la Pomone, des bricks l'Endymion et le Cyclope. Le 24 mai 1805, l'Empereur nomma Jérôme capitaine de frégate et fit ajouter à l'escadre qu'il avait placée sous ses ordres, deux autres frégates de quarante-quatre canons, l'Incorruptible et l'E· ranie. Après avoir croisé pendant quelques jours devant Gênes, Jérôme reçut l'ordre de se rendre à Alger, pour y réclamer des Français et des Génois que le dey retenait en esclavage. Intimidé par la fermeté et les menaces du jeune capitaine, le dey fit rendre la liberté à deux cent trente et un prisonniers, que Jérôme ramena a Gênes, le 31 août 1805, en passant à travers les croisières anglaises. Satisfait de la manière brillante avec laquelle Jérôme avait rempli cette mission, l'empereur lui donna, le 1er novembre suivant, le grade de capitaine de vaisseau, et le commandement en second d'une escadre de huit vaisseaux de ligne placée sous les ordres de l'amiral Willaumez, qu'il avait chargé de ravitailler les ports que la France conservait encore aux Antilles Jérôme commandait le vaisseau le Vétéran. Une tempête épouvantable assaillit l'escadre, à la hauteur des États-Unis, la dispersa complétement, et obligea le commandant en chef de cher. cher un refuge dans les divers ports de l'Union. Le frère de l'empereur tint seul la mer. Après avoir vainement cherché pendant plusieurs jours à rallier une partie de l'escadre, il rencontra un immense convoi de navires marchands anglais

qui sortaient des ports du Canada et principalement d'Halifax, pour se rendre en Angleterre sous l'escorte de deux frégates. Jérôme était seul avec son vaisseau, et il avait à une faible distance de lui une escadre anglaise qui s'était mise à la poursuite de l'amiral Willaumez. Plus téméraire que prudent, il attaqua sans hésiter le convoi, s'en empara après une résistance désespérée de la part des deux frégates, et le détruisit, après en avoir enlevé les équipages avec lesquels il fit voile pour la France. Arrivé sur les côtes de Bretagne, Jérôme tomba au milieu d'une escadre anglaise aux ordres de l'amiral Keith. L'imminence du danger stimula son audace: il manoeuvra habilement au milieu de l'escadre ennemie, essuya plusieurs fois son feu, passa entre les nombreux rescifs dont la côte de Bretagne est parsemée sur le littoral du Finistère, et entra dans le petit port de Concarneau, ой jamais, de mémoire de marin, aucun gros vaisseau n'avait osé s'engager (26 août 1806).

Jérôme se rendit immédiatement à Paris, où il arriva dans les premiers jours de septembre. L'accueil que lui fit l'empereur fut des plus affectueux. En récompense de ses services, il fut nommé, par décret du 9 septembre 1806, contreamiral. Peu de jours après, Jérôme passa de la marine dans l'armée de terre, avec le grade de général de brigade. Le 24 septembre, il fut déclaré prince français et appelé éventuellement à la succession au trône par un senatus-consulte. Le soir même, il quittait Paris pour aller se mettre à la tête d'un corps d'armée, composé de 15,000 Bavarois et de 8,000 Wurtembergeois. Mais il n'entendait pas, sans une vive impatience, le bruit des combats qui se livraient sur la Saale, à quelques lieues de lui. Dans chacune de ses lettres il suppliait l'empereur de le rapprocher de sa personne. Ayant reçu l'ordre de rejoindre le quartier impérial avec sa cavalerie légère, il arriva sur le champ de bataille d'Iéna au moment où la victoire venait d'être décidée. Le 5 novembre, Jérôme établit son quartier général à Crossen, où s'était effectuée la concentration des trois divisions allemandes, constituées, dès ce moment, en un corps distinct qui prit le nom d'armée des allies. Il était chargé de faire la conquête de la Silésie, tandis que l'empereur se porterait vers la Pologne au-devant des armées russes. Bien secondé par les généraux placés sous ses ordres, il suppléa par l'activité et la vigueur de ses mouvements à la faiblesse numérique de ses troupes. Investie le 9 novembre, la ville de Gross-Glogau, après un bombardement de quelques jours, se rendit au prince par capitulation, le 1er décembre, et livra aux Français 3,500 hommes, 200 bouches à feu, et des magasins considérables d'armes, de munitions et de vivres. Breslau, investi trois jours après, se trouva réduite à l'extrémité après un siége d'un mois, et ouvrit ses portes le 5 janvier 1807, le jour même où l'empereur ordonnait que les troupes de BaNOUV. BIOGR. CÉNÉR.

T. XXXVII.

vière et de Wurtemberg formeraient le 9o corps de la grande armée. Schweidnitz capitula le 7 février. Neiss, défendu par 6,000 hommes et assiégé le 23 février, capitula le 31 mai, après un bombardement des plus meurtriers, et Glatz, le 26 juin, après un combat sanglant, qui valut la prise d'un camp retranché élevé sous la ville et dans lequel on trouva un parc de 700 pièces d'artillerie. Cette prise compléta la conquête de la Silésie et termina en même temps la guerre de la France avec la Prusse, décidée dans les champs de Friedland. L'empereur, après avoir plusieurs fois cité dans ses bulletins les victoires de l'armée de Silésie, reconnut les services de son frère : une couronne devint la récompense de Jérôme, promu, dès le 14 mars 1807, au grade de général de division. En vertu du traité de Tilsit (7 juillet 1807) les possessions de la Prusse entre l'Elbe et le Rhin, cédées à l'empereur, et d'autres États qu'il avait conquis, furent réunis en un royaume créé pour le prince Jérôme il fut proclamé le lendemain 8 juillet roi de Westphalie. Ce royaume, formé par Napoléon dans une pensée régénératrice afin qu'il servit de modèle au reste de l'Allemagne, comprenait le duché de Brunswick, l'électorat de Hesse-Cassel, une partie du Hanovre, les principautés d'Halberstadt, Magdebourg et Verden, Paderborn, Minden et Osnabrück, cédés à la France par le roi de Prusse.

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Le roi Frédéric de Wurtemberg, dans l'espoir qu'une alliance intime avec la famille impériale lui procurerait, en consolidant son trône, de nouveaux agrandissements de territoire et de puissance, avait sollicité l'union de Jérôme avec sa fille Catherine, née le 21 février 1783. Cette princesse qu'une union avec un prince étranger, ne séduisait pas d'abord, obéit à la volonté de son père, et porta sur le trône, avec le dévouement le plus complet pour son mari, toutes les vertus propres à relever l'éclat d'une couronne. Pendant six années, elle embellit la cour de Cassel par ses grâces et par son inaltérable affabilité. Un décret impérial du 21 mars 1805 avait déclaré nul le premier mariage de Jérôme, et une sentence de l'officialité métropolitaine de Paris du 6 octobre 1806 en avait également prononcé la nullité. Le roi Jérôme épousa le 11 août par procuration, et le 22 août 1807 à Paris, en personne princesse de Wurtemberg.

Le roi de Westphalie s'appliqua avec zèle à l'acccomplissement de ses devoirs. Arrivé, le 10 décembre, dans Cassel, sa capitale, il choisit les hommes les plus distingués pour l'aider dans l'administration de ses États i plaça à la justice M. Siméon; à la guerre, le gé. néral Eblé, et l'historien Jean de Müller à l'instruction publique. Dès le 23 décembre, il assura le rétablissement de l'université de Halle, supprimée dans la dernière campagne, et, le 24, il divisa son royaume en huit départements. Il supprima immédiatement les

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dimes, les corvées, toutes les charges féodales restées en usage, émancipa les Juifs, fit déclarer le code Napoléon loi du pays, établit la liberté des cultes et la conscription militaire, modela les différentes branches de l'administration publique sur celles de la France, en ayant toutefois égard aux exigences locales, régularisa la magistrature, favorisa l'instruction, et introduisit dans son royaume les premiers éléments du gouvernement représentatif en confiant aux États de Westphalie, dont l'ouverture eut lien le 7 juin 1808, le soin de discuter les lois élaborées par le conseil d'État. La fusion des peuples se fit en peu d'années, grâce aux efforts bienveillants du jeune souverain. L'impartialité de l'historien ne saurait faire qu'un reproche à Jérôme, c'est souvent un peu de légèreté et de prodigalité, ce qui lui attira plus d'une fois la désapprobation de l'empereur, qui lui rappela, d'une façon plus ou moins sévère, ce qu'un trône impose d'obligations.

En 1809, dans la guerre contre l'Autriche, une insurrection menaça d'éclater en Westphalie, autour de Cassel; mais le roi la maîtrisa aisément, la réprima sans trop de rigueur, et put ensuite prendre la part qui lui était assignée dans les combinaisons de cette campagne. Le 21 juin, il marcha vers la Saxe avec une partie de ses troupes, et entra à Dresde, le 1er juillet, avec 20,000 Westphaliens, Saxons et Hollandais. De retour dans ses États, il institua, le 25 décembre, l'ordre de la Couronne de Westphalie qu'il dota, le 16 février 1810, des biens confisqués sur l'ordre de Malte. En 1812, Napoléon lui confia le commandement de l'aile droite de la grande armée qui allait franchir le Niémen, composée du 3o, du 7e et du 8e corps d'infanterie et du 4e corps de cavalerie de réserve, formant une masse compacte de plus de 90,000 hommes. Le roi Jérôme passa le Niérnen à Grodno (30 juin). Ses instructions lui enjoignaient d'empêcher la jonction du prince de Bagration, qui commandait la gauche des Russes, avec le centre des ennemis, de le rejeter de la ligne principale des opérations, et de l'écraser, de concert avec le prince de Schwartzenberg qui s'avançait des frontières de la Gallicie, à la tête de 25,000 Autrichiens. Le roi de Westphalie chercha vainement à se mettre en communication avec les troupes autrichiennes. Les lenteurs de Schwartzenberg firent manquer presque toutes ses combinaisons. Un instant surpris sur le Niémen, Bagration put opérer sa retraite, converger vers le centre et rétablir ses communications avec le corps de bataille, à la hauteur de Smolensk. Après ces opérations, dans lesquelles Jérôme, tout historien impartial doit le reconnaître, n'avait commis aucune faute, l'empereur, soit qu'il ignorât les lenteurs des Autrichiens, soit qu'il ne vît que les résultats, détacha le prince d'Eckmühl vers le roi Jérôme, avec ordre de prendre en son nom le commandement en

chef de l'aile droite. Le jeune roi quitta aussitôt l'armée et se retira dans ses États. Cependant les désastres de la retraite de Moscou rendirent bientôt de nouveaux sacrifices indispensables; il n'hésita pas à ordonner la levée de nouveaux régiments, et les dirigea sur l'Elbe pour renforcer l'armée française. Un des princes coalisés lui fit alors proposer de ne point quitter son royaume, que venait d'envahir un corps russe aux ordres du général Czernicheff, et de se joindre aux puissances ennemies; mais Jérôme répondit avec dignité que « prince français, ses premiers devoirs étaient pour la France, et que roi par les victoires des armées françaises, il ne saurait l'être encore après leurs désastres. Lorsque le tronc est à bas, disait-il encore, il faut que les branches meurent. >>

Le roi Jérôme quitta donc ses États (26 octobre 1813), et repassa le Rhin. Il ne prit aucune part à la guerre de France ni à la malheureuse capitulation de Paris. Après l'abdication de Napoléon Ior, il se retira d'abord en Suisse, puis à Trieste. C'est là qu'il apprit le retour de l'empereur en France, et son arrivée à Paris (20 mars 1815). Se dérobant aussitôt à la surveillance dont il était l'objet, il s'embarqua secrètement sur une frégate napolitaine, traversa rapidement l'Italie, et vint se réunir au chef de sa famille. Nommé membre de la chambre des pairs (4 juin), il assista à l'assemblée du champ de mai, et le lendemain quitta Paris, pour aller prendre le commandement d'une division d'infanterie dans le 2° corps. Placé à l'avant-garde, il porta les premiers coups de la campagne dans la journée du 15 juin. Ayant rencontré les Prussiens, il les refoula sur Marchienne qu'il enleva à la baïonnette, passa le pont au pas de charge, sous une pluie de mitraille, et entra à Charleroi. Le lendemain 16, il combattit aux Quatre-Bras; blessé à l'aîne, au milieu de l'action, il ne voulut pas quitter le champ de bataille. A Waterloo, deux jours après, il forma avec sa division l'extrémité de la gauche de la première ligne de l'armée. Ce fut lui qui engagea l'action, en attaquant la droite des Anglais, retranchés dans le bois d'Hougoumont; le soir, il rejoignit l'empereur dans le carré de la vieille garde, et il entendit cette parole qui, dans tout autre moment, eût réjoui son cœur : << Mon frère, je vous ai connu trop tard. » Chargé du commandement de l'armée au départ de l'Empereur, il le garda jusqu'à Laon, où il remit au maréchal Soult près de 25,000 hommes d'infanterie qu'il avait ralliés, 6,000 cavaliers ef deux batteries.

Après le désastre de Waterloo, le roi Jérôme se rendit à Paris, où le comte de Winzingerode, ministre de Wurtemberg, lui communiqua une lettre du roi son beau-père, par laquelle on lui promettait dans le Wurtemberg la liberté, le repos et les égards qu'il était en droit d'attendre. Se confiant à des promesses aussi solennelles que positives, il

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