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PENDANT

LE CONSULAT ET L'EMPIRE

DE NAPOLEON.

CHAPITRE PREMIER.

CARACTÈRE DES HOMMES POLITIQUES INFLUENTS SOUS LE DIRECTOIRE.

Fouché de Nantes). Sieyes. — Merlin (de

Barras. 1
Douai ).

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Lareveillère-Lépeaux.

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Gohier. François de Neuf

château. Boulay (de la Meurthe).

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Roederer. Bailleul. Société de madame de Staël.

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La crise révolutionnaire, en imprimant un mouvement énergique à l'esprit national, avait fait surgir une multitude d'hommes d'une certaine portée, pour diriger les destinées de la république naissante. Les comités de salut public et de sûreté

CAPEFIGUE.

L'EUROPE. T. II.

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générale furent composés de capacités d'une remarquable valeur. Ces proconsuls mêmes qui traversèrent les provinces dans les temps de périls pour la patrie, furent la plupart marqués d'une empreinte supérieure, et les taches de sang qui souillaient leurs mains et leur front, ne peuvent faire oublier le talent et le courage déployés pour le triomphe de la révolution française, cause à laquelle ils s'étaient dévoués à mesure que les temps s'éloignent, il se manifeste quelque chose d'antique et de sauvage dans ces âmes si mâles, si fortes. Deux caractères distincts signalèrent l'existence des comités; ce furent l'unité de pensée et l'énergie politique; rien n'arrêtait ces cœurs si implacables; ils semblaient trempés dans une force mystérieuse que l'histoire n'a point révélée encore aux générations. Un jour viendra où l'on saisira corps à corps ces étranges et sombres courages; on n'y verra pas que de la fange et du sang; les conventionnels apparaîtront alors comme ces figures de triumvirs et de décemvirs au temps de Rome primitive.

Les membres des comités ne périrent pas tous au 9 thermidor; plusieurs survécurent à la chute de Robespierre, ils ne tombèrent point avec lui, ils l'abandonnèrent, et leur force se retrouva dans l'époque directoriale. Ils étaient là debout, comme les derniers débris de la convention. Une réaction avait eu lieu contre les jacobins, forcés un moment de s'éloigner de la scène politique; quand le Directoire eut besoin de recourir une fois encore aux

patriotes, il s'adressa aux débris des comités, et ce fut parmi eux que s'élevèrent les hommes de capacité gouvernementale.

Le général comte de Barras, que le Directoire plaçait à sa tête, était-il autre chose qu'un de ces proconsuls qui s'étaient séparés de Robespierre, comme Tallien, pour sauver leur vie et défendre leurs jours menacés? Le général comte de Barras, je l'ai dit déjà (1), appartenait à une des plus nobles familles de Provence, vieille comme ses rochers : officier de marine dans les derniers temps de la monarchie, il avait visité l'Inde au milieu des périls de la grande mer, et dès l'enfance il s'était ainsi habitué à jouer avec la mort, et à braver les flots de l'Océan, image de son existence agitée. Le comte de Barras servit sous le bailli de Suffren aux immortelles campagnes de l'Inde, et il ne faillit point à son épée; aimant les plaisirs, les femmes, le jeu, avec l'imagination provençale, dissipateur de sa fortune, il se trouvait à Paris dans les premiers temps de la révolution française, et il s'y jeta corps et âme, parce qu'elle lui parut une source de fortune, et un acheminement vers de plus hautes destinées. Patriote exalté comme tant d'autres gentilshommes, le marquis d'Antonelle (2) et le

(1) Les Mémoires du directeur Barras, écrits de sa main, existent chez M. Rousselin Saint-Albin, qui a bien voulu m'en lire des fragments.

(2) Issu d'une des grandes familles d'Arles, le marquis d'Antonelle faisait partie du tribunal révolutionnaire.

marquis de Pontécoulant, nommé à la convention, il vota sans hésiter la mort du roi ; puis, représentant du peuple aux armées, Barras déploya toute l'énergie de son caractère; il ne tint compte ni des périls, ni des excès; et sa mission dans le Midi a laissé de longues et fatales traces, triste résultat des réactions sous les feux du soleil! Barras, menacé par Robespierre, n'hésita point au 9 thermidor, il frappa énergiquement le dictateur, et cette journée lui acquit une grande puissance d'opinion; il sauva la convention, et l'on se souvint toujours de sa conduite contre la commune. Le caractère de Barras était pourtant enclin à la mollesse ; comme tous les hommes de plaisirs il se laissait facilement bercer par les joies et l'espérance; les fatigues et les soins l'importunaient; mais dès qu'il prenait une résolution, il se réveillait de son sommeil, et des, bras d'une femme, au milieu des festins, la tête encore appesantie de volupté, il passait sur la place publique ou dans les camps, avec un courage remarquable, l'épée au poing, à la bouche du canon (1). Barras, si puissant pour un

(1) Carnot, de son exil en Angleterre, jugea sévèrement tous ses collègues : voici ce qu'il écrivit sur Barras:

« J'ai entendu Barras gémir plus d'une fois de ce qu'on n'avait pas assez tué en vendémiaire; et Rewbell, parfaitement de son avis, proposant, un jour que nous étions dans une grande pénurie, de lever sur Paris une contribution forcée de 60,000,000 dans les vingt-quatre heures: -Vous voulez donc, m'écriai-je, remettre à l'ordre du jour la terreur et la mort? — Je voudrais qu'elles y fussent déjà, répondit Rewbell; je n'ai jamais eu qu'un reproche

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