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le matin pour l'exécution de ce projet, parce que les précautions du commandant se concentraient sur la soirée, et parce que l'évadé se donnait la possibilité de gagner Valenciennes assez à temps pour prendre le convoi de quatre heures au chemin de fer de Belgique (1). Le 25 mai, les ouvriers arrivent et subissent l'inspection accoutumée. Le prisonnier coupe ses moustaches, prend un poignard, passe une blouse et un gros pantalon sur ses vêtements ordinaires; un vieux tablier de toile bleue, une perruque noire à cheveux longs, une casquette, complètent son déguisement; il chausse des sabots, met une pipe de terre à sa bouche, et l'épaule chargée d'une planche, il se dirige vers la porte; il la franchit heureusement et bientôt le voilà sur la grande route, où son valet de chambre l'attend avec un cabriolet; deux jours après, M. Louis Bonaparte était en Angleterre.

Six mois avant la révolution de février, le 29 septembre 1847, les cercueils du père de M. Louis Bonaparte et de son frère, mort dans l'insurrection des Romagnes, ramenés d'Italie, reposaient sur un catafalque au milieu de l'église de Saint-Leu-Taverny, ornée des armoiries, des attributs, des symboles de la monarchie impériale couronne, croix d'honneur, aigle, abeilles. Le gouvernement de Louis-Philippe croit prouver sa force en donnant ainsi le plus grand éclat aux cérémonies de l'impérialisme; les hommes d'État de l'époque déclarent que l'Empire n'est plus qu'un souvenir à demi effacé; cependant la monarchie constitutionnelle, victo

(1) Le Prisonnier de llam,

LE BONAPARTISME ET LA MONARCHIE DE JUILLET.

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rieuse en apparence de l'impérialisme, a été obligée de transiger en quelque sorte avec lui, d'abord en ne livrant pas le conspirateur de Strasbourg à la justice, ensuite en faisant un casus belli de sa présence sur le territoire suisse, enfin en traduisant le conspirateur de Boulogne devant la Cour des pairs, au lieu de le faire comparaître devant un jury. Non, l'impérialisme n'a pas succombé dans sa lutte avec la monarchie de Juillet; les chapitres. suivants le montreront aux prises avec la République.

CHAPITRE II.

LE BONAPARTISME ET LA RÉVOLUTION DE FÉVRIER.

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Il est invité à

M. Louis Bonaparte, réfugié en Angleterre, reçoit l'avis de se tenir prêt à rentrer en France. La révolution de Février éclate. Arrivée de M. Louis Bonaparte à Paris. Sa lettre au gouvernement provisoire. quitter immédiatement le territoire français. - M. Louis Bonaparte repart pour l'Angleterre. Il tombe dans le découragement. partistes en 1848. — La propagande bonapartiste. blicain. M. Louis Bonaparte candidat malgré lui. Devaux.-M. Louis Bonaparte entre dans la lice. · Election de M. Louis Bonaparte.

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Les premiers bonaM. de Persigny répu

La soupente du bottier

La presse bonapartiste. Les rassemblements bonapartistes.

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- Effet de l'élection de M. Louis Bonaparte. - Opinion de Proudhon. ouvriers à la Villette signent une pétition pour demander que Louis Bonaparte soit proclamé Consul. Attroupements bonapartistes sur les boulevards et autour de l'Assemblée.. - Discussion sur la validité de l'élection de M. Louis Bonaparte. M. Jules Favre se prononce pour la validité, et M. Buchez contre. M. de Lamartine fait de vains efforts pour obtenir la prorogation de la loi de bannissement. M. Ledru-Rollin. Il appuie M. de Lamartine. La validité de l'élection de M. Louis Bonaparte est prononcée aux deux tiers des voix. Les rassemblements formés autour du Palais-Bourbon se retirent aux cris de Vive Napoléon! - Le représentant du bonapartisme a forcé les portes de l'Assemblée. Lettres de M. Louis Bonaparte au président de l'Assemblée. Il donne sa démission de représentant. Il ne veut retourner en France que lorsque le calme aura reparu. - Fallait-il maintenir la loi de bannissement contre les Bonaparte?

:

<«< Depuis plusieurs semaines, sous le titre de comité démocratique de la gauche, le parti du National, réuni tantôt chez M. Marie, tantôt chez M. Goudchaux, s'était préoccupé de la formation d'un gouvernement provisoire. Le parti républicain dont nous parlons appelait de ses vœux la république, mais il était convaincu qu'on ne l'obtiendrait point sans de rudes combats. A ses yeux, l'inconnu le plus grave était la conduite de l'armée.

ARRIVÉE DE M. LOUIS BONAPARTE A PARIS.

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L'armée était mécontente du rôle qu'on lui faisait jouer; était-elle républicaine?... Les officiers et les sous-officiers que la propagande avait entraînés pensaient, que le nom d'un Bonaparte entraînerait plus facilement que

tout autre.

>> Une vive discussion eut lieu à ce sujet; personne ne voulait du rétablissement de l'Empire. Mais tout le monde reconnaissait que, la première nécessité étant le renversement de la dynastie régnante, il était utile d'avoir sous la main un en cas propre à surmonter les obstacles qu'on pouvait redouter du côté de l'armée. Auquel des membres de la famille Bonaparte fallait-il recourir?

» M. Napoléon Bonaparte, fils de l'ancien roi de Westphalie, avait protesté de ses sentiments républicains et offrait de servir la révolution comme simple citoyen. Les partisans de ce jeune homme faisaient aussi valoir qu'il n'avait figuré ni à Strasbourg, ni à Boulogne, et ne s'était fait connaître par aucune velléité monarchique.

» Les amis de M. Louis Bonaparte reconnaissaient ce qu'il y avait de vrai dans ces considérations, mais ils ajoutaient que le fils adoptif de l'empereur avait plus de chances auprès de l'armée.

>> Cette opinion prévalut et M. Louis Bonaparte qui, le 20 février, avait reçu l'avis de se tenir prêt à partir, reçut, le 22, l'invitation de passer en France et de s'y soustraire aux regards de la police.

>> M. Louis Bonaparte arriva le 25 février à Paris, et, à peine installé rue du Sentier, chez son ancien précepteur, M. Viellard, il fit prévenir secrètement de sa présence à Paris le seul des membres du gouvernement provisoire qui fût au fait de ce qui se passait Pourquoi ne

pas l'avoir amené? dit Marrast, j'aurais été bien aise de le voir avant d'entretenir le conseil de cet incident. Il faut qu'il nous écrive pour nous offrir ses services (1). »

M. Louis Bonaparte devait-il se rendre à l'Hôtel de Ville pour présenter ses hommages au gouvernement provisoire ou se borner à lui écrire? Le conseil intime de la rue du Sentier jugea que, dans ces premiers moments de trouble et d'émotion, le nouveau débarqué courait grand risque d'être reçu avec indifférence ou même de n'être pas reçu du tout. Le gouvernement provisoire reçut donc, entre minuit et une heure, la lettre suivante, apportée à l'Hôtel de Ville par M. de Persigny :

« Messieurs,

» Le peuple de Paris ayant détruit par son héroïsme les derniers vestiges de l'invasion étrangère, j'accours pour me ranger sous le drapeau de la République qu'on vient de proclamer.

» Sans autre ambition que celle de servir mon pays, je viens annoncer mon arrivée aux membres du gouvernement provisoire, et les assurer de mon dévouement à la cause qu'ils représentent, comme de ma sympathie pour leurs personnes.

» Recevez, Messieurs, l'assurance de ces sentiments,

» NAPOLÉON LOUIS BONAPARTE. »>

Quelques instants avant la réception de cette lettre qui n'était pas inattendue pour tout le monde, la nouvelle de l'arrivée de M. Louis Bonaparte avait été jetée dans la conversation; le conseil décida sans hésitation que le prétendant serait prié de rentrer immédiatement en

(1) Sarrans jeune, Histoire de la Révolution de Février.

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