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juges sur l'application de l'article 87, et de frapper de mort tous les attentats politiques, en les replaçant sous le coup de l'article 86. La commission chargée d'examiner le projet ne voulait pas aller aussi loin : elle se bornait à demander la peine des parricides, c'est-à-dire la mort avec voile noir et poing coupé, pour les gens convaincus d'attentat contre la vie ou la personne de l'Empereur; la mort pour les accusés coupables d'attentat contre la vie des membres de la famille impériale; la déportation dans une enceinte fortifiée devait remplacer la mort pour le cas d'attentat contre la personne des membres de la famille impériale et pour les crimes prévus par l'article 87 du Code pénal. Un seul député, M. Caffarelli, se leva pour regretter qu'on n'eût pas adopté le projet du gouvernement.

M. Achille Jubinal, rapporteur du projet de loi sur la propriété littéraire, fit entendre, au moment où le Corps législatif allait se séparer, une bouillante protestation contre les retards qu'éprouvait la discussion de ce projet de loi, dont il demandait le vote immédiat. Vingtquatre heures doivent s'écouler entre le dépôt et la discussion d'un projet de loi; vingt-deux heures s'étaient passées, il y avait du temps encore pour la séance de nuit, que demandait l'orateur; ses collègues trop fatigués repoussèrent sa demande; M. Jubinal les accusa « de commettre une barbarie législative ».

Les députés étaient bien en droit de se reposer; M. Billault pouvait féliciter le Corps législatif du laborieux usage qu'il avait fait de son temps; il dépendait à l'avenir du conseil d'État et de son empressement à emettre aux députés les pièces probantes qui doivent

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servir de base à leur travail, que ce temps fût encore mieux employé.

Les relations du Corps législatif avec la presse, et par conséquent avec le public, étaient à peu près nulles. Le fait suivant en fournit la preuve : M. Billault, dans les premiers jours de mai, s'était rendu chez l'Empereur, pour l'informer que la Chambre serait loin d'avoir terminé les travaux à l'époque fixée pour sa clôture. L'Empereur lui répondit qu'il était décidé à ne pas emprisonner la session dans le délai qu'impose la Constitution et qu'un décret spécial y pourvoirait. Il y avait là une déclaration implicite d'une prorogation de la session; le public ne connut la réponse de l'Empereur que trois jours après. Le compte rendu analytique jetait très-peu de lumière sur les séances du Corps législatif; la Constitution défendait absolument de parler de ce qui se passait au sein des commissions. Le mystère planant sur le Palais-Bourbon faisait comprendre la nécessité du rapport public, par le Moniteur, après chaque session. Le président du Corps législatif énumérait, dans ce rapport au chef de l'Etat, qui les avait à lui-même proposées, le nombre et le but des lois votées dans la session.

CHAPITRE II.

1854.

SOMMAIRE. Ouverture de la session législative.

Discus

Discours de l'Empereur. Effet de ce discours. →→ L'emprunt de 250 millions. La mort civile. Nouvelle loi sur l'instruction publique. Le livret des ouvriers. sion du budget. Demande en autorisation de poursuites contre M. de Montalembert. La question d'Orient. Mission du prince Mentschikoff. Aali-Pacha et Fuad-Pacha. Lord Redcliff. Ultimatum de la Russie. Comment le czar est poussé à la guerre. → Les flottes anglaise et française franchissent le Bosphore. La Russie compte sur le concours de Il vient demander lå Mission

l'Autriche. Mission du comte Orloff à Vienne. neutralité de l'Autriche. La Prusse.

Caractère de son roi.

- Bataille de

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de M. de Budberg à Berlin: Les petits Etats allemands. Sinope. Colère du peuple anglais. Hésitation de lord Aberdeen. || envoie un petit corps de troupes anglaises à Malte. Traité du 18 avril entre la France et l'Angleterre. Nicolas er autocrate et pape. tombe dans le piége qui lui est tendu. gtterre. ties. Prise de Bomarsund.

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Etat de l'opinion au moment de la La nation et l'armée. La Russie repousse les quatre garanCréation de la garde impériale. Lord Raglan et le général Saint-Arnaud. — Les Français débarquent à Gallipoli. Le général Saint-Arnaud voudrait faire parvenir à Paris un bulletin de victoire le 15 août. Il décide l'expédition de la Dobrutscha. Plus de Bombardement d'Odessa.

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Conseil de guerre sur le Caradoc. L'embouchure de l'Alma est choisie comme lieu de débarquement. — Bataille de l'Alma. — Un Tartare apporte à Silistrie la nouvelle de la prise de Sébastopol. Désappointement de l'opinion publique en apprenant la fausseté de cette nouvelle. Marche des alliés sur Sébastopol. Formation de l'armée de siége. d'Inkermann. · Invasion du choléra. Le champ de bataille des hôpitaux. État des négociations. Traité entre l'Autriche, la France et l'An

gleterre.

Bataille

La session du Corps législatif, impatiemment attendue à cause des craintes provoquées par les affaires d'Orient, s'ouvrit le 2 mars 1854.

Le discours de l'Empereur roulait sur l'insuffisance des récoltes et sur la guerre. Dix millions d'hectolitres

FONDATION DE LA CAISSE DE LA BOULANGERIE.

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environ, représentant la valeur de près de deux cents millions de francs, manquaient à la quantité de froment nécessaire à la consommation du pays. Le gouvernement, au lieu d'acheter lui-même ces dix millions d'hectolitres sur tous les marchés du globe, avait mieux aimé s'adresser directement au commerce, seul capable de mener à bonne fin une si grande opération. Ce déficit ne permettait pas de se soustraire à l'inconvénient du prix élevé du blé, car si ce prix eût été inférieur en France à celui des pays voisins, il est évident que les marchés étrangers se seraient approvisionnés aux dépens des siens. La chárité, ajoutait le discours impérial, ou le travail, peut seul adoucir les misères causées par la cherté de la principale nourriture du pauvre. L'ouverture de crédits spéciaux, le concours des communes et des compagnies amèneront une masse de travaux évaluée à plus de quatre cents millions, sans compter deux cents millions affectés aux établissements de bienfaisance par le ministre de l'intérieur.

La caisse de la boulangerie, destinée à faciliter dans les années de mauvaise récolte les moyens de donner le pain à meilleur marché que la mercuriale, sauf à le faire payer plus cher dans les années fertiles, avait été créée à Paris; l'Empereur recommandait fort l'emploi, dans les grands centres de population, d'une institution de crédit qui, grâce à la supériorité généralement constatée du nombre des bonnes récoltes sur les mauvaises, au lieu de gagner d'autant plus que le pain est plus cher, est intéressé comme tout le monde à ce qu'il devienne à bon marché; malgré cet éloge de la caisse de la boulangerie, il était permis de douter du succès d'un système qui compte principalement sur les deux choses dont le peuple

manque le plus, la science économique et la résignation. Le système des bons de pain, déjà pratiqué en 1846 et en 1847, paraissait préférable à cette compensation entre le années maigres et les années grasses. Se résigner à payer le pain plus cher une année, parce qu'on l'a payé meilleur marché les années précédentes, grâce à la caisse de boulangerie, il y avait à faire là un effort de mémoire et de raisonnement dont les masses ne sont pas toujours capables. La conséquence de la création de la caisse de la boulangerie semblait donc devoir être, dans un temps prochain, l'inscription au passif de la ville de Paris de vingt-quatre millions de subventions accordés au nouvel établissement.

L'assurance donnée par l'Empereur, que sept millions d'hectolitres de froment avaient été déjà livrés à la consommation, et que des quantités non moins considérables étaient en route ou dans les entrepôts, rassura le public plus que la caisse de la boulangerie.

<«< La disette à peine finie, la guerre commence. » Aces mots de l'Empereur, il se fit dans la salle un grand silence d'attention. L'orateur se hâta d'ajouter, après avoir montré l'Angleterre resserrant chaque jour davantage les liens d'une alliance intime avec son ancienne rivale, l'Autriche prête à en faire autant, et le reste de l'Allemagne renonçant à de vieilles méfiances contre la France :

<<< Voici la question telle qu'elle s'engage. L'Europe, préoccupée de luttes intestines depuis quarante ans, rassurée d'ailleurs par la modération de l'empereur Alexandre en 1815, comme par celle de son successeur jusqu'à ce jour, semblait méconnaître le danger dont la menaçait la puissance colossale qui, par ses envahissements successifs, embrasse le nord et le midi, qui possède presque exclusivement deux mers intérieures, d'où il est facile à ses armées et à ses flottes de s'élancer sur

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