Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

homme de trente-deux ans, à chevelure blonde et au teint blême; que cet homme était Dubosq, mais que sa ressemblance avec Joseph Lesurques avait fait prendre, durant la première instruction, ce dernier pour Dubosq, et avait amené sa condamnation; que plus tard Dubosq a été arrêté et condamné pour le même crime à la peine capitale; que cependant un seul, de Dubosq et de Lesurques, avait été vu à Mongeron et à Lieursaint; qu'un seul avait pu, par suite, être présent au crime et concourir à sa consommation, d'où résultait que les deux condamnations qui les avaient frappés l'un et l'autre étaient inconciliables; mais attendu d'abord qu'aucun témoin n'ayant vu commettre le crime, n'a pu déterminer avec certitude le nombre des personnes quiavaient coopéré à sa perpétration;- qu'il se pourrait qu'après le départ de Mongeron et de Lieursaint, des quatre individus qui y avaient été remarqués, d'autres se fussent joints à eux, eussent concouru au double assassinat et se fussent séparés après ; —que, d'autre part, mème en supposant, avec la requête, qu'un seul, de Dubosq et de Lesurques, eût pu se trouver sur le lieu du crime et avoir participé à son exécution, il ne pourrait y avoir contradiction entre les deux condamnations qu'autant que Lesurques et Dubosq auraient tous deux été déclarés coupables d'avoir concouru à sa consommation; attendu, en ce qui concerne Lesurques, que le jury de l'an iv a déclaré que le double assassinat et le vol étaient constants, et que Lesurques était convaincu d'avoir, sans provocation et hors le cas de légitime défense, participé à cette action, ce qui constatait suffisamment sa présence sur le lieu où elle se passait, et que Lesurques fut condamné à la peine de mort comme auteur, par application des art. 11 et 14, tit. II, sect. 2, L. 1791, qui punissent les auteurs d'un assassinat; mais attendu, à l'égard de Dubosq, qu'il se défendait, lorsqu'il fut jugé en l'an 1x, en soutenant que, dès que Lesurques avait été condamné, on ne pouvait prononcer contre lui-même aucune autre condamnation pour le mème fait; attendu en outre que sur sept témoins qui avaient, en l'an iv, reconnu Lesurques pour être l'homme à chevelure blonde et au teint blème qu'ils avaient vu à Mongeron et à Lieursaint avant le double assassinat et qui furent rappelés à l'audience et confrontés avec Dubosq, six persistèrent à déclarer que l'homme à chevelure blonde était Lesurques et non Dubosq; que l'autre témoin, la femme Alfroy, revint seule sur sa première déposition et affirma qu'elle s'était trompée primitivement, et que maintenant elle reconnaissait parfaitement Dubosq pour être l'individu dont il s'agissait; que cette dernière déposition était appuyée par des déclarations dans le mème sens qu'avaient faites plusieurs des accusés; - que, de plus, Dubosq était désigné comme un des quatre individus qui avaient pris à Paris, dans l'écurie de Bernard, les chevaux à l'aide desquels le crime devait se commettre et comme étant un de ceux qui avaient pris part au partage des eflets volés; qu'en présence de ce débat, le jury, appelé à choisir entre Dubosq et Lesurques, déclara que Dubosq n'était pas l'un des auteurs du crime, mais, sur des questions subsidiaires de complicité, le jury le déclara convaincu d'avoir aidé ou assisté ces auteurs, volontairement et avec préméditation; attendu que si les éléments constitutifs de cette aide et assistance ne sont énoncés ni dans les questions posées, ni dans les réponses, il y est suppléé par le texte de la disposition répressive qui a été appliquée, l'art. 1er, tit. III, L. 25 septembre-6 octobre 1791, qui a servi de base à la condamnation et auquel se référaient virtuellement les questions et les réponses, article transcrit dans le jugement de condamnation, qui est ainsi conçu : « Lorsqu'un crime aura été commis, quiconque sera convaincu d'avoir sciemment et dans

[ocr errors]
[ocr errors]

le dessein du crime, aidé ou assisté le coupable ou les coupables, soit dans les faits qui ont préparé ou facilité son exécution, soit dans l'acte même qui l'a consommé, sera puni de la peine prononcée par la loi contre les auteurs du crime; » attendu qu'en répondant affirmativement à ces questions, implicitement alternatives, le jury, qui venait de déclarer que Dubosq n'avait pas pris part comme auteur à l'exécution du crime, n'affirme nullement que l'assistance de celui-ci ait été prêtée sur le lieu même du crime et dans les faits qui l'ont consommé; que cette réponse permet au contraire d'admettre que c'est dans les faits qui ont préparé le double assassinat et le vol que Dubosq a prêté son assistance; - attendu que surtout quand il s'agit, comme dans l'espèce, d'un crime commis en bande, prémédité longtemps à l'avance loin du lieu de l'exécution et qui exigeait de nombreux préparatifs, une pareille assistance peut se produire sous différentes formes, en divers lieux et temps; que chaque acte d'une complicité de ce genre, s'il y en a plusieurs, peut se former de circonstances différentes; que cette complicité n'implique donc pas nécessairement la présence de Dubosq à Mongeron dans la soirée du crime ni au lieu de l'exécution; - qu'ainsi les deux condamnations ne sont, même au point de vue de la requète, ni contradictoires, ni inconciliables; attendu enfin que si, quand la justice est appelée à statuer sur le sort d'un accusé, l'innocence de celui-ci doit être présumée jusqu'à preuve contraire, et si le doute doit être interprété en sa faveur, ce principe reste sans application possible lorsque l'accusé a été condamné par une décision passée en force de chose jugée et que le procès se fait, non plus à l'accusé, mais à l'arrêt de condamnation; que c'est alors la décision de la justice qui est protégée par la présomption légale, présomption qui ne peut tomber que devant une preuve administrée avec l'accomplissement des conditions exigées par la loi; et attendu qu'aux termes de l'art. 443 la 'demande en révision ne peut être reçue que quand il est établi que les deux condamnations sont inconciliables; que cette condition n'existe pas dans la cause; — qu'il n'y a donc pas lieu d'entrer dans l'examen de la question du fond; · déclare la demande en révision nou recevable.

Du 17 décembre 1868. C. de cass. - M. Faustin-Hélie, rapp.

[ocr errors]

OBSERVATIONS. Sur la question de principe, résolue conformément au réquisitoire de M. le procureur général Delangle, cet arrêt a des motifs, exacts et décisifs tout à la fois, qui posent une règle sûre dont il n'y aura jamais à s'écarter. Peut-on lui reprocher d'avoir néanmoins examiné si l'inconciliabilité ouvrant la révision ne résulterait pas de certains documents? Non. C'est pour réfuter la requête ellemême, en se plaçant au point de vue qu'elle adoptait, que l'arrêt, dans des motifs qu'on pourrait dire subsidiaires et surabondants, a démontré qu'il n'y avait ni l'inconciliabilité ni les contradictions équivalentes qui étaient articulées; et il l'a fait en se rattachant aux actes juridiques ainsi qu'à la loi contemporaine, qui expliquaient les arrêts de condamnation. C'était une nécessité dans l'affaire, à raison des préjugés qui avaient été conçus et entretenus depuis longtemps, mais que devait dissiper un arrêt rendu après tant de débats. Le résultat prouve que, s'il y a malheureusement des erreurs judiciaires, dont l'humanité gémit dès qu'elles sont connues, ceux qui s'en font un argument pour leur cause ont tort de présenter comme certaines celles qui sont au moins douteuses aux yeux des magistrats les plus éclairés.

ART. 8762.

Que peuvent et doivent faire les juridictions répressives, relativement aux objets saisis comme pièces de conviction, lorsque restitution est due aux ayants droit?

Ce sujet a son importance et aussi ses difficultés. Les saisies pour la justice répressive n'atteignent pas seulement des instruments de délit, à détruire ou à confisquer spécialement au profit de l'État : il est une multitude d'objets, ayant de la valeur, qui sont mis sous la main de justice surtout comme éléments de preuve jusqu'à décision. Or il faut que quiconque a conservé son droit ait des moyens pour l'exercer, sans quoi tous ces objets seraient bientôt livrés au Domaine, qui les vendrait selon des règles administratives1; et comme c'est une juridiction répressive qui a prononcé sur le procès, il paraît rationnel qu'elle ait pouvoir quant à la restitution due. Mais nos lois criminelles n'ont que quelques mots, çà et là, sur les restitutions à ordonner; et les traités ou commentaires ne sont pas plus explicites pour la solution des questions nombreuses que présente cette matière. Nous essayons de poser des règles pour chaque juridiction selon ses attributions principales et sa décision sur le procès, en consultant surtout les solutions diverses de la jurisprudence et en les appliquant distributivement aux cas analogues.

Juridictions d'instruction.

I. Les lois d'instruction ont tracé avec beaucoup de soin la marche à suivre par les magistrats, pour tout ce qui concerne les perquisitions et saisies pouvant procurer des éléments de preuve dans l'information. Mais aucune disposition n'a dit ce qu'aurait à faire la juridiction d'instruction déclarant n'y avoir lieu à suivre, relativement aux objets qui auraient été saisis comme pièces à conviction. Pour combler cette lacune, il faut considérer le but de la saisie et l'effet légal de la déclaration de non-lieu.

Un pouvoir considérable appartient aux procureurs impériaux, dans les cas de flagrant délit, et aux juges d'instruction, dans tous ceux où ils informent, pour la recherche avec mainmise de tout ce qui pourrait

1. Suivant les dispositions combinées d'une loi du 11 germ. an iv et de deux ordonnances des 22 fév. 1829 et 9 juin 1831, les effets mobiliers déposés à l'occasion de procès, civils ou criminels, terminés par jugement ou à l'égard desquels l'action est prescrite, doivent être livrés au Domaine par les greffiers dépositaires pour être vendus à la diligence de ses agents; à cet effet, un receveur provoque la remise, le greffier présente au procureur impérial ou général, pour vérification on visa, et au président, pour autorisation, une requête contenant inventaire des objets déposés et susceptibles d'ètre vendus, sur quoi le président autorise par ordonnance la remise au Domaine; après vente et dans l'année, les propriétaires qui n'ont pas réclamé leur chose en nature doivent s'adresser au Domaine, en justifiant de leur propriété, pour se faire attribuer le prix de la vente.

J. cr.

MARS 1869.

5

concourir à la manifestation de la vérité. Ces magistrats ont le droit de saisir généralement tous les objets paraissant se rattacher au délit, soit pour avoir servi à le préparer ou à le commettre, soit parce qu'ils en seraient le produit, soit en tous cas comme pouvant servir ou à la conviction du coupable ou à la décharge de l'inculpé. En leur attribuant ce pouvoir, la loi a prescrit toutes précautions nécessaires pour les constatations de saisie et les vérifications d'identité, pour la conservation entière et la représentation des objets saisis ou déposés, lesquels doivent rester sous la main de justice tant qu'ils sont utiles à la poursuite. La saisie et ses conditions ne sont donc que des moyens de preuve ou précautions pour éclairer la justice. Quand les premiers actes d'information ont fait reconnaître que tels des objets saisis sont étrangers à l'objet de la poursuite ou inutiles comme pièces à conviction, si le prévenu en demande la remise par ce motif, le juge d'instruction, remplaçant la chambre du conseil, peut bien l'ordonner, mais seulement après communication au procureur impérial et sur ses conclusions. Lorsque la poursuite aboutit à une déclaration de nonlieu à suivre, la saisie, n'ayant plus d'objet, se trouve virtuellement anéantie par une telle décision. Alors il devient nécessaire de restituer les objets saisis à ceux qui les possédaient lorsqu'ils ont été pris, soit l'inculpé sur qui ou chez qui ils se trouvaient, soit le tiers de qui ils auront été obtenus par un moyen quelconque. Mais l'ordonnance de non-lieu pourrait être frappée, dans les vingt-quatre heures, d'une opposition à juger par la chambre d'accusation : cette éventualité s'oppose à ce que le juge ordonne la restitution immédiate; il ne doit l'accorder qu'à défaut d'opposition dans le délai; son ordonnance à cet égard, qu'elle accompagne le non-lieu ou qu'elle soit postérieure, est une simple mesure d'administration judiciaire; s'il y avait contestation par un prétendant droit, ce serait un débat civil à porter ailleurs.

Le non-lieu n'éteignant la poursuite que sauf survenance de nouvelles charges, cette autre éventualité suffirait-elle pour autoriser le juge d'instruction à refuser la restitution demandée? Non, parce que cela maintiendrait en quelque sorte la poursuite et la saisie. C'est ce qu'on doit induire des arrêts qui seront cités plus loin, quoiqu'un magistrat auteur trouve fàcheux qu'on ne soit pas autorisé légalement à retenir pendant un certain temps les pièces à conviction, dans la prévision de leur utilité pour le cas où de nouvelles charges surviendraient 3.

II. Ce qui vient d'être dit s'applique aussi, par identité de motifs, au cas de non-lieu prononcé par une chambre d'accusation. Son arrêt, autant et plus encore que l'ordonnance du magistrat instructeur, éteint la poursuite et met virtuellement à néant la saisie. Au lieu d'opposition il comporterait un pourvoi en cassation par le ministère public, dans

2. C. Cass., 13 mai 1824 (Dalloz, Rép., vo Instr. crim., no 563).
3. Duverger, Manuel des juges d'instruction, 3o éd., t. Ier, p. 526.

les trois jours, ce qui doit faire différer jusqu'à l'expiration de ce délai la restitution de conséquence. Cet arrêt lui-même ne fait chose jugée que provisoirement; mais la possibilité d'une reprise ultérieure de la poursuite, après rétractation de l'arrêt, ne saurait faire maintenir indéfiniment la saisie, pas plus que l'incident d'une poursuite autre et portée devant d'autres juges. La chambre d'accusation a compétence et doit prononcer un dessaisissement qui permette la restitution effective, parce que tel est l'effet nécessaire du non-lieu à suivre. C'est ce qu'ont reconnu deux arrêts de cassation.

Dans l'espèce du premier, l'arrêt de non-lieu n'avait rien dit quant aux pièces de conviction; l'inculpé présentait requête à la chambre d'accusation, pour obtenir qu'elles lui fussent restituées; un nouvel arrêt refusait d'ordonner la restitution en disant que, d'une part, ces pièces étaient inutiles à la réclamante et, d'autre part, elles pourraient servir de pièces à conviction dans des poursuites ultérieures: la cassation a eu pour motifs qu'aucun texte de loi n'autorise à retenir les pièces dont la saisie n'a plus d'objet actuel, que le refus de restitution laisserait l'inculpé sous le coup d'une prévention qui ne porterait pas moins atteinte à sa personne qu'à son droit de propriété. L'autre arrêt ne s'est pas arrêté non plus à la raison de refus donnée par la chambre d'accusation, qui disait que les papiers saisis étaient sortis du greffe où ils avaient été originairement déposés, parce qu'ils étaient transmis à la juridiction saisie d'une action disciplinaire contre le même inculpé : il a proclamé que cette circonstance ne mettait pas obstacle légalement à ce que la chambre d'accusation ordonnât la restitution pour laquelle elle seule avait compétence; sauf au procureur général, ayant l'exécution de ses arrêts, à faire rétablir les pièces au greffe du tribunal où avait eu lieu primitivement le dépôt, pour être ensuite remises à qu de droit sur décharge 5.

Cours d'assises.

III. Quand il s'agit de dommages-intérêts demandés par l'accusé acquitté ou par la partie civile en cas de condamnation ou nonobstant absolution ou acquittement, on trouve pour la Cour d'assises, dans les art. 358 et 366 C. inst. cr., une attribution de compétence qui a été fondée sur cette double considération que les magistrats de la Cour d'assises connaissent tous les éléments du débat et qu'ils constituent une juridiction souveraine, d'où la présomption que le jugement de l'intérêt civil ainsi engagé présentera toutes garanties. C'est sur ce point qu'ont eu lieu tant de controverses, à raison du caractère exceptionnel de l'attribution pour les cas d'acquittement, de l'autorité qui appartient aux verdicts du jury et de l'obligation pour les magistrats d'éviter tout ce qui pourrait les contredire.

4. Cass. 31 mai 1838 (J. du Dr. cr., art. 2154). 5. Cass. 5 avr. 1839 (J. cr., art. 2560).

« PreviousContinue »