Page images
PDF
EPUB

même avant l'établissement de l'entreprise qui se plaignait de la concurrence qui lui était faite par cette société et qui a continué d'exister après sa suppression; 2o Qu'est licite, en ce qu'elle n'a rien de contraire à l'ordre public, aux bonnes mœurs, ni à la liberté du commerce en général, et par conséquent ne tombe pas sous le coup de l'art. 419 c. pén., la convention par laquelle les

dans celui de marchandises tout ce qui pouvait faire le sujet des spéculations du commerce;

propriétaires indivis d'une usine, après avoir convenu qu'ils l'exploiteraient chacun alternativement, ont fixé un prix au-dessous duquel il ne leur serait pas permis de faire les travaux de leur manufacture, même pendant l'espace de quatre-vingt-dix neul ans (Req. 4 janv. 1842) (1).

419. 2° Il ne suffit pas d'ailleurs qu'il y ait coalition entre

nité, ils n'auraient en cela fait autre chose qu'amener la baisse des prix en diminuant leur tarif ou le réduisant à rien; mais que ces faits ne constituent point de manœuvres dolosives, qui seules pourraient faire appliquer à la cause l'art. 419 c. pen.; que c'est donc le cas de démettre Duroux de son appel, et de le condamner, puisqu'il succombe, aux dépens;-Par ces motifs, dit qu'il a été bien jugé;-Confirme en conséquence le jugement rendu le 13 avril 1837 par le tribunal civil de Toulouse, en séance de police correctionnelle, lequel sera exécuté suivant sa forme et teneur ; condamne Duroux au dépens.»>-Pourvoi. - Arrêt. LA COUR;-Attendu que le délit prévu par l'art. 419 c. pén. n'existe, d'après les termes mêmes de cet article, qu'autant que la hausse ou lá baisse auraient été causées par l'un des moyens qu'il énumère ;—Que la cour royale de Toulouse, en décidant que les membres d'une société commerciale qui réunissent leurs capitaux et leur industrie, ne pouvaient être considérés comme se rendant coupables de coalition, n'a point violé ledit article; qu'une coalition ne peut se former qu'entre plusieurs personnes, et qu'une société commerciale ne forme légalement, quel que soit le nombre des membres qui la composent, qu'une seule personne morale; - Que cette cour, en appréciant les faits résultant de la plainte et des débats, et en jugeant, par suite de cette appréciation, qu'il n'y avait point, de la part des prévenus, emploi de voies ou moyens frauduleux, n'a fait qu'user d'un pouvoir qui lui appartenait légalement; -- Par ces motifs, et sans approuver le motif de l'arrêt attaqué pris de ce que l'art. 419 c. pen. ne serait point applicable à ceux qui opèrent la hausse ou la baisse des transports; Rejette.

» Attendu que la possession des marchandises peut, comme celle de tous les autres effets mobiliers, être cédée pour un temps; qu'alors elles, sont louées, mais que le propre des marchandises est que leur propriété puisse être aliénée; qu'ainsi l'entend l'art. 419 en punissant précisément les principaux détenteurs qui se sont réunis pour ne les point vendre ou ne les vendre qu'à un certain prix ;-Que, néanmoins, le transport des personnes constitue entre le 'messagiste et celui avec lequel il traite seulement un contrat de louage d'industrie; que telle est la définition expresse qu'en donne l'art. 1779 c. civ. ; qu'en vain on dirait que le propriétaire de la voiture fait une vente à temps de transport; qu'on n'achète point, mais qu'on loue en payant la place que l'on occupera dans une diligence, pendant le temps, déterminé à l'avance, qui doit séparer le départ de l'arrivée ;-Que, si une marchandise ne se peut comprendre qui ne puisse pas être vendue; si la loi a eu principalement en vue d'atteindre ceux qui, par des manœuvres coupables, opèrent la baisse dans les ventes; si les choses sur lesquelles les prévenus spéculent ne peuvent être que louées, leur action ne tombe pas sous la répression de l'art. 419, qui, sous le nom de marchandises, ne désigne pas plus les moyens de transport que le transport lui-même;-Que c'est dans le code de commerce surtout que se découvre le sens qu'il faut donner à cette expression; que les droits qu'il donne, par les art. 93, 94 et 95, aux commissionnaires sur les marchandises, prouvent que par ce mot il entend désigner des choses purement matérielles qui peuvent être l'objet d'une rétention ou d'une vente; que, dans l'art. 77, il fixe la différence entre les courtiers de marchandises et de transport; qu'il défend à ceux-ci, dans l'art. 82, de cumuler les fonctions des autres; qu'enfin l'art. 632 distingue par deux paragraphes différents l'achat des denrées ou marchandises, et le transport par terre ou par eau;- Qu'on ne saurait admettre qu'avertis par cette différence dans la désignation des deux industries, les auteurs du code pénal aient voulu les confondre sous la même dénomination; que. le magistrat ne doit pas sans doute, même en matière pénale, s'exposer à énerver la force de la loi, en s'attachant rigoureusement à la lettre, pour refuser de pénétrer dans l'intention qui l'a dictée; mais qu'il n'appartient à personne de donner à la pensée du législateur une extension qu'il n'a pas autorisée, puisqu'il a manifesté la volonté de la restreindre par l'emploi des termes dont il avait récemment, dans le code de communion d'un immeuble indivis; que, lorsqu'une société ne peut exister merce, fixé la signification; que, sous ce rapport donc, les premiers juges ont, à bon droit, déclaré que Duroux n'avait pu poursuivre par voie de police correctionnelle la réparation du dommage qu'il a dit avoir éprouvé;

» Attendu, d'ailleurs, que l'art. 419 ne punit celui qui a opéré la hausse ou la baisse des marchandises qu'autant qu'il l'a causée par les moyens coupables qu'il énumère;- Que Duroux allègue bien que c'est par une réunion ou coalition que les divers membres de la société Bimar, Claize père et fils et comp. ont atteint ce but; que, du moins, ils ont usé de voies ou moyens frauduleux; mais qu'aucun de ces deux faits n'existe; - Qu'en parlant d'une coalition, l'art. 419 a prévu que deux ou plusieurs individus se concerteraient pour lutter contre un autre concurrent; que c'est pour le cas où, par suite de cet accord coupable, ils exerceraient sur la marchandise, objet de leur commerce respectif, une baisse au-dessous du prix courant et naturel, que le législateur a puni un fait dont, en définitive, le public souffrirait par suite de l'extinction de la concurrence;

>> Mais que ceux qui font partie de la société Bimar, Glaize père et fils aîné et comp., exploitaient isolément diverses routes du Midi; qu'en se réunissant, en 1834, pour servir en commun les pays dans lesquels chacun d'eux avait jusqu'alors envoyé ses voitures, ils n'ont fait que concentrer leurs forces afin d'en mieux assurer l'emploi par l'unité d'une direction mieux entendue; que ce fait licite ne constitue pas une coalition dans le but de détruire des établissements rivaux; que surtout Duroux ne peut pas se plaindre qu'ils se soient réunis dans la vue de lui nuire, puisqu'il n'a créé son service de Toulouse à Marmande que plus de deux ans après; - Qu'ainsi la société formée en février 1854, quel que soit le nombre de ceux qui la composent, n'est qu'un être moral qui doit, dans la cause, être considéré dans son individualité ;-Attendu que la loi ne punit pas celui qui seul a opéré la hausse ou la baisse d'une marchandise, même quand il a abusé de la puissance de ses ressources contre un concurrent moins riche que lui, à moins qu'il n'ait usé de voies ou de moyens frauduleux; Attendu que, quand même des agents de Bimar, Glaize père et fils aîné et comp. auraient offert de porter les voyageurs à un prix inférieur à celui que réclamaient les conducteurs des Jumelles, et auraient proposé le transport gratuit ou donné une indem

Du 26 janv. 1838.-C. C., ch. crim.-MM. de Bastard, pr.-Vincens, rap.

(1) Espèce:-(Marrot C. Desbeaux.) — 21 fév. 1840, arrêt de la cour de Toulouse ainsi conçu :-« Attendu qu'un des droits dérivant de la liberte de l'homme est pour chacun d'exploiter son industrie; qu'il s'ensuit que Desbeaux a pu utiliser l'usine Bergasse, à moins que de sa situation personnelle ne résulte une interdiction particulière; qu'aussi Marrot prétend trouver la preuve de cette interdiction dans l'art. 1847 c. civ. et dans l'acte du 27 mars 1834; - Attendu que l'art. 1847 veut que chaque associé fasse compte à son coassocié des gains qu'il a faits par l'espèce d'industrie qu'ils exploitent en commun; mais que Desbeaux prétend que la société a cessé entre eux, et qu'ils ne sont plus liés que par la com

qu'entre personnes qui ont mis en commun une chose pour en partager les profits, ceux-là seuls sont associés qui doivent contribuer aux pertes ou retirer les bénéfices des affaires qui se font dans l'intérêt de tous; qu'une des conditions de toute société est qu'elle soit tenue des obligations que l'un de ses membres a contractées de bonne foi dans ses interêts; que le droit de chaque associé est de surveiller la gestion de l'autre, de s'immiscer dans l'affaire commune, de demander compte au gérant de ses opérations et du résultat de sa gestion; que l'acte du 25 mars, dont les termes formels expriment assez l'objet, puisque l'art. 2 énonce la dissolution de la société qui avait antérieurement uni les parties, n'est point d'ailleurs dans les conditions qui viennent d'être indiquées; qu'il n'a pour but que de régler le mode de jouissance de la chose commune en donnant successivement à chacun des propriétaires le droit d'exploi ter pendant une période de trois ans la carderie indivise ; mais qu'an lien d'être soumis aux chances qui peuvent mettre à la charge de chaque associé la part des pertes, ou le faire profiter, dans la proportion fixée, du profit..., celui qui gère s'oblige à tout ce qui est relatif aux opérations de la carderie; que l'autre n'a nul droit de lui demander des comptes; qu'il ne peut pas davantage demander à connaître la situation des affaires de l'usine... ; que de là il résulte que le 25 mars les parties, en dissolvant leur société, ont formé une espèce de bail dans lequel chacun est tour à tour preneur et bailleur ; mais qu'ils ont cessé d'être associes, ce qui n'empêche point l'application de la clause de l'acte dans laquelle il est dit que celui du 15 août 1830 conserve sa valeur en tout ce à quoi il n'est pas dérogé; que cela doit s'entendre en ce sens que, si la société qui avait été alors stipulée a cessé d'exister, les conventions relatives a la concession de l'immeuble n'en existent pas moins en ce qui a trait à la part de chacun et au terme de sa durée; que de là il suit que l'art. 1847 est inapplicable; qu'il est impossible de voir davantage dans l'acte du 25 mars 1834 une défense à l'un des contractants d'utiliser pendant les trois années de repos son industrie en exploitant une usine de même nature; Qu'ainsi Desbeaux a usé de son droit en affermant la carderie Bergasse; qu'il y a donc lieu de réformer la décision des premiers juges en ce qu'elle a pour ce fait condamné à des dommages-intérêts;

» Attendu que l'art. 9 de la transaction du 25 mars 1834, qui fixe le prix au-dessous duquel il ne sera pas permis de carder, n'intéresse

les détenteurs d'une même marchandise ou denrée, il faut encore que cette coalition soit formée entre les principaux déten- | teurs. Il est évident, en effet, que la coalition ne peut avoir d'influence sur le prix courant d'une marchandise qu'autant qu'elle est formée entre ceux qui sont à la tête d'un genre d'industrie, entre les primates, pour nous servir des expressions de Zénon; les coalitions entre ceux qui font peu d'affaires ne peuvent avoir un grand résultat par rapport au prix. Et puis, s'il est bon de protéger les faibles contre la réunion ou la coalition des forts, il n'est nullement nécessaire de protéger les forts contre la réunion ou la coalition des faibles, réunion, coalition qui seule peut quelquefois permettre à ces derniers de ne pas être écrasés par la concurrence qu'ils ont à soutenir contre les premiers, pourvu

que les propriétaires communs qui se sont réciproquement assujettis à cette condition; que la clause n'est en rien contraire à l'ordre public, et ne blesse point les bonnes mœurs; qu'il est possible qu'elle soit une entrave pour les contractants; mais qu'il faudrait que ce fût le commerce considéré dans son sens absolu et relativement au droit des tiers qui fût gêné dans sa liberté pour que les tribunaux pussent, dans un intérêt général, annuler cet article; qu'ainsi les premiers juges ont erré lorsque sur ce motif ils en ont prononcé l'annulation; Que les parties ont pu sans doute mal comprendre leurs véritables intérêts lorsqu'elles ont fixé pour un temps aussi long un droit toujours le même; mais que les conventions qui forment leur loi doivent être respectées; que, quand on devrait admettre qu'elles devraient subir dans la si longue période pour laquelle la communion est stipulée les modifications qui doivent, dans l'intérêt même de l'usine, résulter des effets de la concurrence et de l'abaissement ou de la hausse du prix moyen du cardage dans le pays, il serait au moins nécessaire que les parties, après avoir prouvé que les 15 c. exigés dans la carderie commune ne sont pas en rapport avec ce qui est payé dans les autres, eussent demandé une réduction dans le taux qu'elles se sont fixé à elles-mêmes; que, lorsque l'une d'elles conclut à l'annulation de cette partie de l'acte, tandis que l'autre a le droit de demander que la cour pose dans son arrêt un principe sans application actuelle dans la cause, elle ne peut statuer quant à présent à cet égard, et doit se borner à réformer le jugement en la partie qui a annulé ledit art. 9.... » - Pourvoi. - Arrêt.

LA COUR;

Sur le premier moyen, pris de la violation des art. 1847 et 1832 c. civ., et subsidiairement des art. 1728 et 1729 du même code: Attendu que les art. 1847 et 1832 ne s'appliquent qu'à des associés; que l'arrêt attaqué a décidé que la société qui avait existé entre les parties avait été dissoute par l'acte du 25 mars 1834, et que les conventions stipulées dans cet acte ne constituaient pas une société nouvelle; qu'en jugeant ainsi, l'arrêt attaqué, loin de violer les articles susdits, s'est conformé aux vrais principes de la matière; Attendu que les art. 1728 et 1729 c. civ. sont inapplicables dans la cause, puisque le moulin dont les parties ont le droit de jouir n'a point cessé d'être employé à l'usage auquel il était destiné ; Sur le deuxième moyen, pris de la violation des art. 1108 et 1133 c. civ., en ce que l'acte du 25 mars 1834 contenait une convention illicite : - Attendu que la cour royale, tout en reconnaissant que la convention susdite pouvait entraver l'industrie des contractants, a dit avec juste raison qu'elle n'avait rien d'illicite, puisqu'elle ne blessait ni l'ordre public ni les mœurs, ce qui, au surplus, n'était pas même allégué; qu'elle a déclaré encore que cette convention ne nuisait en rien à la liberté du commerce, puisqu'elle n'imposait d'obligation qu'aux contractants, et laissait à tous autres la faculté de se servir ou non du moulin qu'ils exploitaient, ou de moulins différents qui étaient à leur portée; qu'il s'ensuit que les art. 1108 et 1137 c. civ. n'ont été aucunement violés par cette décision; - Rejette.

Du 4 janv. 1842.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-De Gaujal, rap.-Delangle, av. gén., c. conf.-Bechard, av.

(1) Espèce : — (Mille, etc. C. min. pub.)-Le 27 juin 1838, arrêt de la cour d'Aix, chambre correctionnelle, qui condamne les sieurs Mille, Duclos, etc., comme coupables de coalition entre les détenteurs d'une même marchandise ou denrée, délit prévu par l'art. 419 c. pén., par les motifs suivants : - «Vu les art. 419, 463, § 8, 59, 60, § 3, 52, 55, c. pén.; 194 c. inst. crim., 40, § 1, 27, § 1, de la loi du 27 avril 1832...;-1o Attendu qu'il est établi, en fait, que les fabricants de soude approvisionnant le marché de Marseille s'étaient interdit de vendre leurs produits autrement que par l'intermédiaire de Mille, leur consignataire unique et exclusif; qu'en même temps que celui-ci faisait ces traités ayant pour objet de se rendre, au nom et pour compte des fabricants de soude, maître des prix sur le marché de Marseille, il y joignit la précaution de prendre à bail le local de six fabriques inoccupées, non pour les remettre en activité, mais pour empêcher qu'elles ne servissent à rétablir la concurrence que ses accords avec les fabricants avaient pour objet de détruire; qu'il importe peu que cette coalition des fabricants ait été formée dans une assemblée générale ou par des adhésions obtenues de cha

que cette coalition ne se forme pas dans une intention frauduleuse, car alors elle serait punie par l'art. 419, non pas comme coalition, mais comme moyen frauduleux tendant à opérer la hausse ou la baisse. Sila coalition des principaux détenteurs est seule punie par l'art. 419, dans la disposition dont nous nous occupons, nul doute qu'il n'en soit ainsi, et à plus forte raison, de la coalition de tous les détenteurs d'une même marchandise ou denrée (V. en ce sens MM. Chauveau et Faustin, t. 7, p. 486). -Décidé en ce sens que l'art. 419 est applicable à la coalition de l'universalité des détenteurs d'une marchandise comme à celle formée entre ses principaux détenteurs (Crim. rej. 31 aoû 1838) (1); ... et il n'y a pas lieu d'exempter des peines ceux qui se sont affiliés à la coalition, lorsqu'elle était déjà en cours d'exer

-

cun d'eux ; qu'il est certain, et cela suffit, que tous ont parfaitement su qu'en traitant avec Mille ils adhéraient à une coalition qui n'avait eu et ne pouvait avoir d'autre but que celui d'élever les prix par la destruction de la concurrence, à raison de quoi ils consentirent à grever leur fabrication de frais purement gratuits, tels que le loyer des fabriques inactives, le droit de commission de deux et quart payé à Mille et les frais de gestion comme gérant de la coalition; -2° Attendu qu'il est également établi que les accords constitutifs de la coalition ayant été mis à exécution au mois de mai 1836, cette exécution eut pour effet immédiat de porter le prix de la soude de 12 fr. 20 cent. à 16 fr. 25 cent. les 100 kilogrammes, et, bientôt après, à 17 fr. 15 cent. et 16 fr. 77 cent., alors qu'une notable diminution de prix se manifestait sur les matières premières servant à la fabrication; 3o Attendu que la soudaineté et l'énormité de cette hausse, en pareilles circonstances, démontrent assez que les prix nouveaux ont été imposés par la coalition, et qu'ils ne se seraient certainement pas produits si l'on fût resté dans les conditions de la libre et naturelle concurrence du commerce; 40 Attendu que l'existence et l'action de la coalition se sont manifestées en outre par diverses manœuvres ayant pour objet de contraindre les fabricants de savon à former eux-mêmes une coalition qui, soumise à la domination de celle des fabricants de soude, eût assuré à ces derniers l'écoulement de leurs produits aux prix par eux déterminés; qu'ainsi plusieurs fabricants de savon n'ont obtenu des soudes qu'avec difficulté, tardivement, quelquefois pour une faible partie de leurs demandes, et la menace d'un refus complet était faite à ceux qui refusaient d'adhérer à la coalition et de la reconnaître; enfin, les choses en sont venues à ce point, qu'un fabricant de savon, craignant de manquer de soudes, a été obligé d'en faire venir de Rouen à Marseille, tandis que la coalition, faisant l'opération inverse, vendait une partie de soude assez importante à 2 fr. 50 cent. au-dessous du cours, mais sous la condition d'exportation; -5° Attendu, en droit, qu'une coalition présentant les caractères qui viennent d'être exposés rentre dans les dispositions de l'art. 419 c. pen.;-Qu'inutilement invoque-t-on la faveur due au principe de l'association; que cette faveur doit cesser lorsqu'il s'agit d'une coalition qui poursuit un but évidemment contraire à l'intérêt général de la société et du commerce, tel que celui de se rendre maître du prix d'une marchandise, afin d'en produire à volonté la hausse ou la baisse ; qu'en pareil cas, ce n'est pas seulement le principe abstrait de la libre concurrence qui est violé, mais il y a dommage aussi réel que certain, et perturbation commerciale d'autant plus fâcheuse qu'il est presque impossible d'en calculer exactement la portée; -6° Attendu que l'art. 419 est applicable à tous les détenteurs de marchandises, sans distinction entre ceux qui les ont fabriquées eux-mêmes ou qui les ont achetées sortant d'une fabrication étrangère; qu'il est applicable aussi bien aux coalitions formées entre l'universalité des détenteurs qu'à celles qui ne l'auraient été qu'entre les principaux d'entre eux, car, d'une part, les principaux sont compris dans l'universalité comme la partie l'est dans le tout, et, d'autre part, il n'est pas exact de dire que la coalition des principaux détenteurs a nécessairement et dans tous les cas un but opposé à celui d'une coalition de l'universalité; qu'il est très-possible, au contraire, que les principaux détenteurs se coalisent pour produire la hausse; que cette coalition serait certainement punissable d'après les termes exprès et formels de l'art. 419, et qu'elle doit l'être également si tous les détenteurs se sont réunis pour assurer d'autant mieux la réussite de l'entreprise; -7° Attendu que l'excuse des prévenus tendant à dire qu'ils n'ont fait que se défendre contre la ruine dont leur industrie était menacée n'est pas fondée en fait, parce qu'ils ont évidemment dépassé les bornes d'une association purement défensive; qu'il est établi, en effet, qu'à l'époque où la coalition s'est formée, les prix de revient des soudes étaient inférieurs à 12 fr. les 100 kilogrammes, que cela résulte non-seulement du rapport de l'expert, contre lequel nulle objection précise n'a été dirigée, mais encore de plusieurs faits bien constatés et émanés des fabricants eux-mêmes; qu'ainsi l'un d'eux s'est engagé à approvisionner à ce prix un fabricant de savon pour plusieurs années, et un autre a déclaré avoir gagné encore 25,000 fr. avec un priz moyen inférieur à 12 fr.; enfin tous les fabricants de soude, sans exception, ayant autorisé Millé à vendre la totalité de leurs produits à 13 fr.

cice, s'ils y sont entrés librement et volontairement (même arrêt). 420. Les mots détenteurs, dont s'est servi l'art. 419, doivent être aussi considérés attentivement; car ils comprennent tous ceux qui détiennent la marchandise ou denrée à un titre quelconque, par exemple à titre de fabricant ou à titre de marchand.

Jugé dans ce sens que l'art. 419 est applicable à la coalition des fabricants comme à celle des marchands proprement dits, le fabricant étant le premier détenteur de la marchandise qu'il a créée pour la vendre (Crim. cass. 31 août 1858, aff. Mille, no 419). V. dans le même sens MM. Chauveau et Faustin-Hélie, loc cit.

421. Ils comprennent également dans leur généralité ceux qui ne sont ni fabricants ni marchands, mais qui sont néanmoins détenteurs d'une même marchandise ou denrée, à un autre titre, par exemple à titre de propriétaires ou de fermiers. Les propriétaires ou fermiers doivent être d'autant mieux compris dans la disposition de l'art. 419, qu'aucune autre loi (la loi de 1791, tit. 2, art. 19 ne s'applique pas à ce cas) ne réprime les coalitions qu'ils pourraient former entre eux, pour ne pas vendre ou ne vendre qu'à un certain prix les denrées ou autres produits de première nécessité, et que ces coalitions non-seulement auraient les mêmes conséquences que celles des fabricants ou marchands, mais pourraient être encore beaucoup plus désastreuses. Ainsi l'art. 419 s'applique à tous les producteurs industriels ou agricoles et aux commerçants. La rubrique du paragraphe dans lequel se trouve compris l'art. 419 ne saurait être invoquée contre cette opinion; car les règlements relatifs aux manufactures, au commerce et aux arts peuvent être violés par d'autres que par des manufacturiers ou des commerçants.

422. Mais la principale difficulté consiste dans l'interprétation des mots marchandise ou denrée. Le mot marchandise a, en effet, trois significations différentes: 1o Dans son sens le plus large, et d'après son étymologie, il signifie tout ce qui se vend et s'achète. Il est ainsi défini dans le dictionnaire de Richelet (1667) qui dit : - Marchandise, merx. Chose dont on trafique. Tout le bien qui est en commerce, qui s'achète et se vend. Tout ce qui s'expose pour être acheté et vendu. Acheter ou vendre de fort bonne marchandise. Le dictionnaire de l'Académie française (édition officielle de 1762, la seule qui fit autorité jusqu'à la publication de celle de 1855) n'a fait qu'abréger la définition de celui de Trévoux. Mais il faut remarquer qu'il l'a commencée autrement que les autres dictionnaires ne l'avaient fait jusqu'alors, puisqu'il dit d'abord : Marchandise. Denrées. Les choses dont les marchands font trafic et commerce. L'Encyclopédie:

[ocr errors]
[ocr errors]

« Marchandise (commerce) se dit de toutes choses qui se vendent et se débitent, soit en gros, soit en détail... » Boiste, dont le dictionnaire est si estimé, définit la marchandise: chose dont on fait trafic. Enfin, Napoléon Landais, qui a eu aussi de la vogue: Chose dont on trafique; le trafic même. - Domat (Lois civiles, liv. 1, tit. 2, du Contrat de vente) intitule la sect. 4 de ce titre de la marchandise ou chose vendue. Il dit ensuite (no 1) que toutes choses peuvent être vendues, à la réserve de celles dont le commerce est impossible ou défendu par la nature ou par la loi qu'on peut vendre non-seulement des choses corporelles, mais aussi des choses incorporelles, telles que... 25 cent., ont reconnu par là que ce prix de 13 fr. 25 cent. leur présentait un bénéfice suffisant pour soutenir leur établissement; qu'il y a donc un abus manifeste à porter les prix à 17 fr. 77 cent., taux auquel a eu hieu la vente faite à Ricard, par suite de laquelle celui-ci, devenu maître des prix, les a sur-le-champ portés à 19 fr. ;-8° Attendu qu'en faisant cette vente à Ricard, ainsi que dans tous les autres actes relatifs à la vente des soudes, Mille n'était que l'agent des fabricants coalisés; qu'il ne faisait qu'user des pouvoirs qu'il tenait d'eux; que ceux-ci, d'ailleurs, exécutant les livraisons ordonnées par Mille, approuvaient ses opérations; qu'ils en partageaient les profits et doivent en partager la responsabilité;

Attendu qu'il n'y a pas de motifs d'exempter de cette responsabilité Prat, Brest et Duclos; que, s'ils se sont affiliés à la coalition lorsqu'elle était déjà en cours d'exercice, il n'en est pas moins vrai qu'ils y sont entrés par le libre effet de leur volonté et avec pleine connaissance de cause, etc. »Pourvoi.-Arrêt.

LA COUR; - Attendu qu'il est reconnu et déciaré par l'arrêt attaqué: 1° que les fabricants de soude approvisionnant le marché de Marseille se sont interdit de vendre leurs produits autrement que par l'intermédiaire d'un consignataire unique et exclusif, qui, par là, est devenu, pour leur compte, maitre des prix sur le marché;-20 Qu'ils l'ont autorisé A vendre leurs produits à 13 fr. 25 cent. les 100 kilogrammes;-3° Que

une servitude et tout autre droit (no 2). — Il ne parle qu'au no 6 des denrées ou autres choses qui se comptent, se pèsent ou se mesurent (Rapp. de M. Rives dans l'aff. des mess. franç., no 424).

2o Le mot marchandise se prend aussi pour le trafic lui-même ou pour le commerce mercatura. Un grand nombre d'ordonnances anciennes l'emploient dans ce sens.- -« On ne peut pas avoir lu l'histoire de Paris, dit M. le conseiller de Rives, dans son remarquable rapport de l'affaire des messageries françaises, que nous résumons, sans se rappeler que le corps des négociants qui l'administraient, dès son origine, formait une corporation puissante.

[ocr errors]
[ocr errors]

Ce que nous appelons aujourd'hui l'hôtel de ville était le parlouer des bourgeois (Recueil d'anciennes lois françaisss, par M. Isambert, 7, 529), ou la Maison de la marchandise. On le nommait aussi le parlement des marchands qui composaient l hanse de la marchandise de l'eau, et possédaient, sous cette dénomination, le privilége exclusif du commerce par la Seine. Au temps de saint Louis, le sceau de l'association était le scel de la marchandise (dissert. sur l'origine de l'hôtel de ville de Paris, t. 1 de l'hist. de Paris, par Félibien et Lobineau, p. 23, 29, 31, 32, 35). - Charles VI consacre ses statuts par le règlement général du mois de février 1415. Le premier officier de la ville se nommait le prévôt des marchands, les autres officiers étaient les échevins de la marchandise. « Ces magistrats connaissaient de tous les différends mus entre officiers, marchands, et toutes autres personnes, pour raisons des achats, ventes, livraisons, exploitage, voitures, etc.; ils fixaient le prix de cellesci» (eod.).—Le procureur, le greffier et les sergents de la ville, l'étaient de la marchandise.-On choisissait toujours le membre du conseil parmi ceux qui avaient serment à la marchandise. — Dans le règlement général précité, le mot marchandise est employé pour commerce. Un des titres concerne la marchandise des vins; un autre, les courctiers de chevaulx sur le fait de la marchandise. Il y avait quatre sergents de la marchandise. - Au mois d'août 1560, François II, sous la chancellerie de l'Hospital, prescrit aux marchands du royaume, «parce qu'il n'y a rien qui plus enrichisse les villes, pays et royaumes, que le trafic de marchandise,» de soumettre à des arbitres les différends qui pourront s'élever entre eux pour fait de marchandise.-En novembre 1563, Charles IX crée à Paris la juridiction des juges et consuls, et règle leur compétence. L'art. 3 de cet édit porte qu'ils connaissent de tous procès et différends entre marchands, pour fait de marchandise seulement. >> L'art. 240 de l'ordonnance de Blois, du mois de mai 1579, prononce la suppression des juges et consuls établis ès villes inférieures ; il attribue aux juges ordinaires la connaissance des procès de marchand à marchand, et pour fait de marchandise. Au mois de déc. 1672, Louis XIV régla la juridiction des prévôt et échevins de Paris (Rec. d'anciennes lois françaises, 19, 25), et notamment concernant la marchandise des grains (eod., 43), la marchandise de vins et cidres, la marchandise de poisson d'eau douce, etc., etc. (50,51).-Cet édit contient trois titres semblables sur d'autres marchandises (58). « L'ordonnance du commerce, qui parut au mois de mars de l'année suivante, veut que l'apprentissage ait lieu chez personnes faisant profession de la même marchandise (art. 1, tit. 1). L'art. 6 l'existence et l'action de la coalition se sont manifestées par des mancovres ayant pour objet d'assurer aux fabricants de soudes l'écoulement de leurs produits aux prix par eux déterminés;-4° Qu'elle a eu pour résultat de produire une hausse soudaine et énorme, qui ne se serait certainement pas produite si l'on fût resté dans les conditions de la libre et naturelle concurrence du commerce;-Que de l'ensemble de ces faits il résulte que la coalition dont il s'agit réunit tous les caractères exigés par l'art. 419 c. pén.; - Attendu que cet art. 419 est applicable à la coalition de l'universalité des détenteurs d'une marchandise comme à celle de ses principaux détenteurs, puisque le même préjudice pour le public peut résulter de l'une comme de l'autre ; -Qu'il l'est à celle des fabricants comme à celle des marchands proprement dits, puisque le fabricant est le premier détenteur de la marchandise qu'il a créée pour la revendre;-Attendu, enfin, que la nécessité où se seraient trouvés les demandeurs de défendre leur industrie de la ruine dont elle était menacée n'a pu les autoriser à recourir à des moyens qualifiés délits par la loi, et que, d'ailleurs, l'arrêt attaqué déclare qu'ils ont dépassé les bornes d'une association purement défensive; Attendu, d'ailleurs, la régularité de l'arrêt attaqué et l'application légale de la peine;- Rejette. Du 51 août 1858.-C. C., sect. cr.-MM. de Crouseilhes, f. f. pr.-Vincens Saint-Laurent, rap.-Hébert, av. gén., c. conf.-Mandaroux-Vertamy, av.

[ocr errors]

La disposition no

facile de les détailler que de les prévoir
peut s'appliquer à ces spéculations franches et loyales qui distin-
guent le vrai commerçant. Celles-ci, fondées sur des réalités,

cessives et les hausses exagérées, elles tendent à les contenir
dans les limites que comporte la nature des circonstances, et,
par là, servent le commerce, en le préservant des secousses qui
lui sont toujours funestes» (Locré, 151, 153, 154). Il résulte de
là que le législateur a voulu punir tous les actes qui portent pré-
judice au commerce en détruisant la concurrence, et par suite
qu'il a dû prendre le mot marchandise dans le premier sens, dans
le sens le plus général. Comment, d'ailleurs, le législateur n'au-

parle du commerce et banque des négociants et banquiers. L'art. 8 du tit. 12 porte que les juges et consuls connaîtront du commerce fait pendant les foires des lieux de leur établissement. L'art. 19 du même titre, dont l'art. 420 de notre code de procé-sont utiles à la société. Loin de créer tour à tour les baisses exdure n'a fait que reproduire au fond la disposition, permet d'assigner le débiteur au lieu où la marchandise a été fournie. Pendant qu'il exerçait sa charge de procureur général près le parlement de Paris, M. d'Aguesseau rédige, pour le gouvernement qui l'a consulté au sujet des réclamations de plusieurs négociants, un mémoire sur les juridictions consulaires. Il y emploie tour à tour et plusieurs fois les expressions: en matière de marchandise, en matière de commerce, pour fait de marchandise, pour fait de commerce, afin de désigner l'objet des opéra-rait-il réprimé que les atteintes portées à la libre et naturelle tions commerciales (OEuvres du chancelier d'Aguesseau, in-8°, t. 9, p. 511-524). Il est vrai que, de nos jours, l'usage incline à détourner le mot marchandise de son sens primitif, et semble préférer le mot commerce. La dernière édition du Dictionnaire de l'Académie devait tenir compte de ce changement; aussi nous y lisons que marchandise se dit quelquefois commerce. Dans l'édition de 1814, on établissait entre les deux mots une synonymie plus complète: marchandise se dit aussi. Mais ce dictionnaire nous atteste qu'en 1810, le mot marchandise était loin d'avoir perdu l'autorité de sa première acception. A cette époque, en effet, le législateur se trouvait sous l'empire de la définition académique de 1762, qui attribuait aux mots commerce et marchandise l'identité dont nous avons parlé. >>

3o Le mot marchandise a une troisième acception moins étendue; il désigne alors seulement les choses corporelles et mobilières qui se comptent, se pèsent ou se mesurent. C'est en ce sens que ce mot est pris dans plusieurs dispositions de nos lois modernes, et spécialement du code de commerce.-V. c. civ., art. 1585, 1586, 1779, 2272; c. pr., art. 420 et 588; c. com., art. 72, 77, 78, 82, 93, 94, 95, 97 et suiv., 108, 110, 464, 472, 576, 632 et 633.

428. Dans lequel de ces trois sens le mot est-il employé dans l'art. 419 c. pén.? Pour le déterminer, il faut consulter à la fois l'esprit et la lettre de cet article. Or quel était le but que se proposait le législateur? Il voulait, après avoir atteint les actes qui tendent à exercer une pression sur le prix du travail, sur les salaires de la part des maîtres ou de la part des ouvriers, atteindre ceux qui tendent à exercer la même pression sur le prix des marchandises ou denrées. C'est ce qui résulte du discours de M. Faure, qui fut chargé d'exposer les motifs de la loi, après avoir concouru à sa rédaction, et qui, dans la partie de son exposé sur le § 5 qui nous occupe et qui a pour rubrique, dans son discours: préjudice porté aux manufactures, au commerce et aux arts, s'exprime dans les termes suivants : «Le code, dit-il, s'occupe de divers délits qui portent un préjudice notable non-seulement aux intérêts de quelques personnes en particulier, mais encore à ceux du commerce en général. Plus les gouvernements ont senti combien la prospérité de l'État était liée à celle du commerce, plus ils ont pris des précautions pour prévenir les fraudes qui pouvaient y porter atteinte... C'est pour cette raison et plusieurs autres dont nous parlerons dans un instant, que la loi du 22 germ. an 11 (12 avr. 1803) fut rendue. Les abus qu'elle prit soin de réprimer avaient été l'objet de vives réclamations, et il ne fallait rien moins que la crainte d'une juste peine pour en arrêter le cours. Plusieurs dispositions de cette loi salutaire ont été rapportées dans le nouveau code; d'autres, que le besoin a sollicitées, y ont également trouvé place. Le nouveau code défend, comme l'a fait la loi de 1791, les coalitions entre les maîtres contre les ouvriers, et entre les ouvriers contre les maîtres.>>

[ocr errors]

Plus loin, le rapport ajoute : - «Elles n'ont pas non plus échappé à la prévoyance du code, ces manœuvres coupables qu'emploient des spéculateurs avides et de mauvaise foi, pour opérer la hausse ou la baisse du prix des denrées ou des marchandises, ou des papiers et effets publics, au-dessus ou audessous du prix qu'aurait déterminé la concurrence naturelle et libre du commerce. Le code cite, pour exemples de ces mancuvres, les bruits faux ou calomnieux semés à dessein dans le public, les coalitions entre les principaux détenteurs de la marchandise ou denrée; il ajoute toute espèce de voie ou moyens frauduleux, parce qu'en effet, ils sont si multipliés, qu'il ne serait guère plus

concurrence du commerce pour certaines marchandises seulement ? Est-ce que celles qui ont pour objet d'autres marchandises ne portent pas au commerce un préjudice aussi réel? Pourquoi établir en faveur de certaines choses parce qu'elles sont incorporelles, mais qui font l'objet de trafics, de spéculations, qui se vendent et qui s'achètent, le privilége de mettre ceux qui en font le commerce à l'abri des atteintes du code pénal? S'il eût établi ce privilége, le législateur de 1810 se serait montré moins soucieux de la liberté du commerce et de la concurrence que le législateur romain, qui punissait le délit de coalition quelle que fût la profession exercée par les coupables, et que le législateur de 1791. Or tout prouve qu'il a voulu donner à cette liberté et à cette concurrence des garanties plus efficaces, en frappant tous les actes qui leur étaient contraires de peines beaucoup plus sévères, bien loin d'avoir voulu laisser impunis quelques-uns de ces actes.

Si l'on consulte l'ensemble de l'art. 419, il sera encore plus évident que le législateur de 1810 a voulu employer ce mot dans son sens le plus large. Ce mot n'est pas seul, en effet, il est accompagné ou précédé du mot denrées, qui signifie les choses qui se comptent, se pèsent ou se mesurent, et dès lors il doit comprendre tout ce que ne comprend pas ce dernier. De plus, en punissant tous ceux qui, par coalition ou par des voies et moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse des papiers et effets publics, au-dessus ou au-dessous des prix qu'aurait déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce, l'art. 419 fait suffisamment entendre qu'il doit être appliqué à toutes les choses qui font l'objet du commerce et qui ont un prix déterminé par la concurrence naturelle et libre.

On objecte, il est vrai, contre cette interprétation du mot marchandise, les mots détenteurs, vendre, qui indiquent qu'il s'agit d'une chose corporelle qui se détient, qui se vend, et non d'une chose incorporelle qu'on ne peut détenir et qui quelquefois ne se vend pas, mais fait l'objet du contrat de louage seulement, par exemple du transport des personnes ou des marchandises. Mais l'objection tirée du mot détenteurs et de ce que le transport serait un louage d'industrie, n'a pas grande force; car, d'une part, la circonstance que l'objet de l'industrie du messagiste est, comme celle du banquier, du commissionnaire, mélangé de louage, n'empêche pas que ce ne soit une marchandise dans le sens de l'art. 419; et, d'autre part, la détention est souvent employée dans la loi comme synonyme de possession: ici, elle l'est d'une manière démonstrative; accolée au mot marchandise, elle désigne tous les objets, matériels ou non, qui se trouvent dans le commerce d'un individu et qui sont susceptibles de possession ou de quasi-possession. Le contrat qui se forme d'ailleurs entre le messagiste et le voyageur peut être considéré comme une vente; car si on ne vend pas une chose matérielle, on vend un droit, celui d'occuper une place dans la voiture.-C'est précisément à propos de l'industrie du transport de personnes ou de marchandises que s'est élevée la question de savoir dans quel sens il fallait interpréter le mot marchandise et que la iurisprudence s'est divisée.

424. Ainsi il a été jugé, dans le sens de l'interprétation la plus large du mot marchandise; 1° que l'art. 419 c. pén. s'applique à tout ce qui, étant l'objet des spéculations du commerce, a un prix habituellement déterminé par la libre et naturelle concurrence d'un trafic : il n'est pas limité aux marchandises corporelles; et, spécialement, que sous le mot marchandise, employé dans cet article, on doit comprendre l'usage des moyens de tansport, lequel est la marchandise objet du commerce des messagistes, voituriers et autres entrepreneurs de transport; — Que,

par suite, la coalition entre ces derniers ayant pour objet d'opérer la hausse ou la baisse du prix des transports, tombe sous le coup des dispositions pénales de cet article (Crim. rej. 1er fév.

(1) 1re Espèce :-(Durand C. Gontié, etc.)-En 1832, la presque totalité des commissionnaires de roulage ordinaire et accéléré existant alors à Paris, s'unirent par un acte dont les principales dispositions furent : - «Que toutes les maisons nouvelles qui s'établiraient sans l'agrément de l'union, seraient interdites; Que nul commissionnaire en accéléré ne pourrait établir un service nouveau sur une route déjà exploitée par un accéléré membre de l'union; - Que nul commissionnaire en ordinaire ne pourrait entreprendre l'exploitation d'une route libre, qu'autant qu'il ne conviendrait pas à un accéléré de la desservir; Que nul d'entre les commissionnaires unis ne pourrait, sans autorisation, doubler un service simple; Que celui d'entre eux qui organiserait un service pour une destination éloignée non encore pourvue, ne pourrait changer pour les points intermédiaires desservis par ses confrères; - Qu'un commissionnaire ordinaire, ayant moins de deux milliers pesant pour une destination, ne pourrait charger directement; - Qu'il serait interdit aux courtiers de réunir plusieurs petites charges pour en composer un chargement complet; Que les prix seraient fixés en commun par une assemblée générale, formée de la réunion de la chambre des commissionnaires accélérés, et de celle des commissionnaires ordinaires;-Que nul à l'avenir ne pourrait s'établir messager et obtenir des marchandises de retour, sans l'agrément de l'union; - Qu'il serait défendu à tout voiturier de traiter avec un commerçant directement, c'est-à-dire sans l'entremise d'un commissionnaire, et que celui qui enfreindrait cette défense serait interdit; - Que l'interdiction serait également prononcée contre tout auxiliaire ou agent, tel que courtier, layetier, emballeur, etc., etc., qui se mettrait en relation de travail avec une maison non agréée ou interdite; - Enfin, qu'un fonds de 300,000 fr. serait fait pour combattre tout entrepreneur nouveau ou interdit qui essayerait de lutter avec l'union. »>

Lésés dans les mouvements de leur industrie par une telle association, trois commissionnaires de roulage, les sieurs Durand, Perrault et Gouvernant, qui n'y avaient pris aucune part, adressèrent une plainte au procureur du roi contre les commissionnaires coalisés. Ce magistrat cita ceux-ci devant le tribunal correctionnel.

[blocks in formation]

tablir ou de ne conserver de relations qu'avec les négociants ou les agents
avec lesquels il lui convient de les établir ou de les conserver; mais que
l'exercice de ce droit devient un abus quand, au moyen de l'union du
plus grand nombre de ceux qui exploitent une branche d'industrie, il tend
à mettre hors la loi du monde commercial ceux qui ne font pas partie
de l'union; Attendu que l'industrie, et par conséquent l'industrie du
roulage, est une marchandise, puisque sous ce mot générique est compris
tou ce qui est dans le commerce; — Attendu que les signataires et adhé-
rents de l'acte d'union générale ou des actes spécialement relatifs soit au
roulage accéléré, soit au roulage ordinaire, forment la presque totalité
des commissionnaires de roulage de la capitale, et sont, par conséquent,
les principaux détenteurs d'une même marchandise; -Que leur réunion
ou coalition tend à ne vendre ladite marchandise, c'est-à-dire à n'effec
tuer les transports qu'à un certain prix; qu'en effet ils établissent, dans
des circonstances données, l'uniformité du prix, en soumettant la varia-
tion à des conditions déterminées, et n'autorisent de baisse locale dans
des cas prévus, qu'en imposant certaines limites à cette baisse; — Qu'i
reste à examiner si, par cette réunion ou coalition entre les principaux
détenteurs d'une même marchandise, tendant à ne la vendre qu'à un cer-
tain prix, ils ont, en effet, opéré la hausse du prix de leur marchandise,
c'est-à-dire de leurs transports, au-dessus des prix qu'aurait détermi
nés la concurrence narurelle et libre du commerce; Attenda qu'à
quelques légères exceptions près, depuis 1828, époque à laquelle aurait
été formée une première union, il n'y a point eu hausse dans le prix des
transports, soit en accéléré, soit en ordinaire, et que de documents cer-
tains, il résulte que sur le plus grand nombre des routes desservies, no-
tamment par le roulage ordinaire, il y a eu baisse ; — Attendu toutefois
que, pour écarter la prévention, il ne suffisait point d'établir qu'il n'ya
pas eu hausse, et même que sur certains points il y aurait eu baisse, en
prenant pour terme de comparaison les prix existants à l'époque de l'u-
nion; qu'en effet, on pourrait prétendre que, sans la coalition, les prix
ne seraient pas restés stationnaires, et en cas de baisse, qu'ils auraient
encore baissé davantage; Que, d'un autre côté, l'on ne peut se pré-
valoir contre les prévenus, de ce que, sur quelques points, il y aurait eu
hausse au-dessus des prix existants à l'époque de l'union; qu'en effet,
cette hausse peut être le résultat de causes accidentelles et de circon
stances de localité indépendantes de l'union ; — Qu'il doit être prouvé
contre eux que, par l'effet de leur coalition, les prix auraient été plus
élevés qu'il n'auraient été, si cette coalition n'eût pas existé; — At-
tendu qu'on se borne à dire qu'il y aurait eu baisse par cela seul qu'il y
aurait eu concurrence; -Attendu que, si la concurrence en général tend
à faciliter l'abaissement des prix, il est de certaines circonstances et de
certaines limites auxquelles s'arrête nécessairement cette baisse, surtout
si l'on ne prend pas en considération l'abaissement factice momentané
qui résulte de la vente ou du travail à perte, dont le but est, non de fa-

Par jugement du 2 août 1833, ce tribunal les condamna à 100 fr. d'amende et 1,000 fr. de dommages-intérêts envers les parties civiles, par application de l'art. 419. Les motifs du jugement sont: ... « Que, d'après les statuts, il faut être agréé par les membres associés pour pouvoir exercer la profession de commissionnaire; d'où il résulte qu'une entreprise nouvelle, qui ne serait pas agréée par les membres de l'association, serait aussitôt frappée de ruine, puisqu'elle demeurerait exclue des relations indispensables à son existence; qu'il est donc vrai de dire qu'il dépend des commissionnaires, aujourd'hui en exercice, d'empêcher tout homme nouveau d'entrer dans la carrière, et de limiter le nombre des commissionnaires, quels que soient les besoins du commerce; qu'ils peuvent aussi restreindre arbitrairement ce nombre, s'étant toujours réservé le droit d'interdiction, suivant leur bon plaisir et dans leur intérêt;voriser, mais de détruire la concurrence; -Attendu que déjà une baisse Attendu qu'une pareille association détruit la liberté du commerce; qu'elle tend à rendre l'industrie stationnaire; qu'elle dépouille l'homme du droit le plus naturel, celui de travailler et de s'enrichir par son travail; qu'elle place enfin les opérations du roulage sous le poids du monopole plus onéreux encore que celui qui existait du temps des jurandes et maîtrises, puisqu'alors la loi surveillait l'exercice du monopole, et qu'à défaut de liberté on était au moins garanti contre l'arbitraire des particuliers; Que cette association n'est plus l'usage, mais l'abus du droit, et que, sous tous les rapports, elle est essentiellement contraire à l'ordre public; - Attendu, d'autre part, que les opérations de roulage étant devenues, par l'effet de la coalition, la propriété de quelques hommes, et la concurrence étant impossible, il en résulte, par une conséquence directe et nécessaire, la hausse du prix dans le transport, et par suite la hausse du prix des marchandises transportées-Que cette conséquence est irrécusable, la concurrence pouvant seule donner aux marchandises leur véritable prix, et le monopole, au contraire, leur ôtant toute chance de baisse, en telle sorte qu'il y a hausse dans le prix, dès qu'il y a monopole... >>

-

Sur l'appel, arrêt de la cour de Paris, du 29 août 1853, qui réforme le jugement en ces termes : -«Attendu qu'il résulte des actes représentés, de l'instruction et des débats, la preuve que la presque totalité des commissionnaires du roulage de la capitale ont formé entre eux une union générale; qu'en outre, les commissionnaires en accéléré, d'une part, et les commissionnaires en ordinaire, d'autre part, ont formé des unions particulières ; que le but de ces unions n'est pas seulement de se prêter une assistance réciproque et de s'assurer mutuellement par un légitime concours d'efforts, de capitaux ou de crédit, contre les chances des rivalités commerciales; qu'en effet, indépendamment de la création licite d'un fonds commun, ils se sont interdit entre eux et ont interdit aux négociants expéditeurs, aux correspondants et à tous les intermédiaires et agents du commerce de roulage, toutes relations avec d'autres qu'avec les membres de l'union;-Que sans doute tout négociant a droit de n'é

considérable avait eu lieu depuis 1815, et que la question de savoir si,
sans la coalition, les prix eussent été encore plus favorables, ne peut
être résolue uniquement par la simple présomption qui s'attache à l'effet
possible de la concurrence; - Attendu que la loi pénale n'atteint pas les
coalitions dont le résultat est possible et même présumable, mais seu-
lement celles dont le résultat effectif est la hausse du prix, ou, ce qui
revient au même, l'empêchement de la baisse ; —Que ni les parties ci-
viles ni le ministère public n'ont produit les documents comparatifs qui
seuls pourraient prouver que, par l'effet de la coalition, il y aurait eu ef
fectivement hausse au-dessus des prix qu'aurait déterminés la concur
rence libre et naturelle du commerce; - Qu'on n'a pas justifié par le
rapprochement, 1o du taux moyen des frais de voiture ou du prix moyen
des relais; 2o de l'état de viabilité des routes; 3° des salaires et com-
missions des intermédiaires étrangers; 40 de l'importance des marchan-
dises transportées; 5o des divers modes de transport des avances ou dé-
penses faites ou à faire et de l'intérêt de ces avances et dépenses, et par
divers autres documents analogues; qu'on n'a pas ainsi justifié que les
prix des transports, livrés à la concurrence libre et naturelle, mais no
factice et à perte, c'est-à-dire à la concurrence non exclusive d'un bé-
néfice juste et modéré, auraient été inférieurs aux prix qui ont eu lieu;
-Qu'en dernière analyse, s'il est suffisamment prouvé que les prévenus
ont participé à une réunion ou coalition des principaux détenteurs d'une
même marchandise, tendant à ne la vendre qu'à un certain prix, il n'est
pas établi que, par cette réunion ou coalition, ils aient opéré la hausse
de ladite marchandise au-dessus des prix qu'aurait déterminés la con-
currence libre et naturelle du commerce; - Qu'en conséquence l'art. 419
c. pén. ni aucune autre article de la loi pénale ne leur est applicable. »
- Pourvoi des sieurs Durand et autres. Arrêt.
LA COUR;
Sur le moyen résultant d'une prétendue violation de
l'art. 419 c. pén., en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré con-
stante la coalition imputée aux prévenus, a cependant renvoyé ces der-
niers des fins de la plainte, en se fondant sur ce qu'il n'était pas établi

-

« PreviousContinue »