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APPENDICE

PIECES ANNEXES

No I

CHAPITRE II (page 38)

LA COMPOSITION DU CLERGÉ DE FRANCE AVANT LA RÉVOLUTION.

D'après l'abbé de Pradt, le clergé de France, avant la Révolution, présentait un ensemble de 159,936 individus, qu'on pouvait répartir de la manière suivante :

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Comme la population était alors de 25 millions d'individus, la proportion restait donc de 1 sur 155 habitants, voué au service de la religion catholique.

En Espagne, la proportion était encore plus considérable 1 prêtre sur 65 habitants. Le chiffre de la population n'était en effet que de 11 millions d'habitants et celui du clergé de 149,376, dont 49,000 moines.

Quels chiffres effrayants et qu'ils expliquent mieux que tous les raisonnements, pour ceux qui recherchent, dans l'étude de l'histoire, autre chose que des légendes, les causes de la situation politique et morale de l'Espagne !

No II

CHAPITRE V (page 138)

LES DÉMÊLÉS DE MAZARIN AVEC LE CARDINAL DE RETZ.

L'un des incidents les plus curieux de la lutte du cardinal Mazarin contre la cour de Rome est, sans contredit, celui qui a trait au fameux Jean-François-Paul de Gondi, cardinal de Retz.

Après les événements de la Fronde, le bouillant prélat avait été enfermé par ordre de la reine. Mais ce qui, pour beaucoup de gens, est une cause suffisante de repos, ne devait être, pour le célèbre coadjuteur, qu'un excitant de plus, car sa prison devint un laboratoire de libelles et de plaintes amères, adressés aux quatre coins de l'Europe, et particulièrement à Rome, sur ce qu'il appelait la violation des droits de l'Église. Or, Innocent X était trop à l'affût de tout ce qui pouvait, de près ou de loin, ressembler à un désagrément vis-à-vis de Mazarin et de la reine, pour ne pas s'empresser d'accueillir favorablement les doléances du cardinal. Il fulmina donc, en bonne et due forme, un bref violent contre le premier ministre.

Ce dernier se contenta de répondre, avec assez de justesse, que ce n'était guère le moment de prendre la défense d'un homme coupable du crime de lèse-majesté, quand de tout temps, lui, le pape, avait non-seulement prêté la main aux projets de misérables assassins, mais encore offert un asile inviolable à ces scélérats. Mazarin faisait allusion à l'affaire de Beaupuys et aux complots de 1616.

Le pape répliqua par l'envoi d'un nonce extraordinaire. La reine, à son tour, fit signifier au messager de ne pas dépasser Lyon. Tout faisait donc croire à une rupture nouvelle, mais j'ai déjà donné une suffisante idée du caractère du premier ministre, pour expliquer la pusillanimité qu'en cette circonstance encore il allait montrer.

Comme pour l'affaire de Condé, Mazarin chercha à traiter directement avec le cardinal de Retz. Il lui offrit même sa liberté à condition qu'il promît.de se démettre de sa place de coadjuteur. Sur ces entrefaites, l'archevêque de Paris, l'oncle de Retz, mourut (21 mars 1654). Or, ce dernier avait droit à la survivance, dont il avait déjà été gratifié. Il fallait donc se hâter de négocier, si la reine ne voulait pas voir son ennemi mortel revêtu d'une dignité qui pouvait lui être si préjudiciable. On fit donc de nouvelles propositions de liberté, moyennant abandon de titre, le tout en échange d'un dédit de 600,000 livres (3 millions) bien sonnantes. Naturellement, Retz s'empressa d'accepter, avec l'intention de ne pas exécuter les clauses du contrat. Il se contenta de mettre à son acceptation les deux conditions suivantes : la ratification dudit traité par le pape, ratification qu'il savait ne devoir être jamais accordée, et l'autorisation, pour lui, d'être envoyé à Nantes, où, grâce à Fouquet, il comptait se sauver tout à fait, si, toutefois, il ne le pouvait tenter auparavant.

Mazarin accepta: ce fut une faute qu'il paya chèrement bientôt après, car de Retz, confié à la garde du maréchal

de la Meilleraye, s'échappa le 8 août. A cette nouvelle, l'émoi fut grand à la Cour et dans Paris, non pas que le célèbre frondeur fût encore à redouter; mais le premier ministre se trouva d'autant plus froissé qu'il avait été mieux joué. Des ordres furent immédiatement donnés pour arrêter le fugitif et lui refuser asile 2. Comme toujours, ils arrivèrent trop tard; le coadjuteur était déjà à Rome, auprès de son protecteur, le pape Innocent X. Le parlement reçut alors avis d'avoir à faire son procès; mais il rencontra une forte opposition de la part de plusieurs membres du clergé. La résistance à cette ingérence du parlement fut même si violente, que Mazarin se vit dans l'obligation d'envoyer de Lyonne réclamer directement du pape l'autorisation nécessaire pour informer, pendant que Le Tellier adressait une instruction explicative à l'un des cardinaux de la faction, le cardinal d'Este 3. Or, quand de Lyonne arriva, Innocent X venait de mourir, et Chigi venait d'être élu pape sous le nom d'Alexandre VII (7 avril 1655).

Du cardinal de Retz, de ses aventures et de ses récriminations, il ne fut plus question, ou si peu, au milieu de ce bouleversement de personnel, que le fugitif, bientôt dégoûté des lenteurs et des détours de la politique romaine, s'empressa de quitter la Ville éternelle pour l'Allemagne.

Cela signifiait-il que le nouveau pape fût animé de dispositions meilleures pour la France? Tout au contraire. Alexandre VII était resté l'ancien Chigi, l'irréconciliable de Münster, d'autant plus haineux qu'il avait été tout particulièrement informé de l'opposition violente que le

1. Dans le volume 516 des Archives de la guerre se trouve (p. 58 et 59) une pièce relative à l'arrestation du cardinal de Retz au château de Mâchecoul par le marquis de la Meilleraye. Elle est de la main du marquis. Retz aurait donc été repris? 2. P. 104. V. 144 (MSS. Archives de la guerre). 3. P. 178. V. 143 (MSS. Archives de la guerre).

cardinal Grimaldi et la faction de France avaient faite à son élection. Si donc, dans les premiers jours qui suivirent sa nomination, le nouveau pape s'était montré moins intraitable, c'était uniquement par prudence. Avant d'agir, il avait voulu gagner du temps et se procurer des alliances. Dès le mois de septembre, en effet, le vieux Chigi, plus vindicatif que jamais, prétendit s'ériger en médiateur de la paix. Sans prévenir personne, il envoya directement un bref à l'assemblée générale du clergé de France, pour l'engager à manifester ses vœux pour la fin de la guerre et à peser sur les volontés de la régente. Mazarin répondit fort sèchement; quant à de Lyonne, il reçut l'ordre de quitter Rome et de se rendre à Madrid avec pleins pouvoirs pour négocier (1er janvier 1656). Mais c'était là toute l'énergie dont était capable le premier ministre. A bout de ressources, avide de richesses, Mazarin cherchait partout les moyens d'accroître sa fortune, Il se faisait attribuer abbaye sur abbaye, donation sur donation. Enfin, moyennant le renouvellement de la subvention annuelle de 6 millions, et l'obtention d'un don gratuit de 15 autres millions, il parut céder aux sollicitations du clergé, en arrêtant la procédure commencée contre le cardinal de Retz. Il alla même plus loin: il déclara le parlement incompétent pour les procès des cardinaux, des archevêques et des évêques (janvier 1657). Il autorisa enfin de nouveaux empiètements sur les articles de l'édit de Nantes et des mesures rigoureuses contre les jansénistes. Il fallait bien faire quelque chose pour des gens qui savaient si bien payer et l'aider si volontiers dans cette politique à double face où il était passé maître.

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