Page images
PDF
EPUB

d'aucune espéce de furprise. Si cette maxime a lieu en matiere prophane, combien ne doit-elle pas être exactement obfervée quand il s'agit de Bénéfice, dont le titre ne doit jamais être flottant ni incertain? Si pour foutenir le regrès on dit que l'on doit fuppofer que lors de la réfignation il y a eu une convention tacite de rendre par le réfignataire le Bénéfice au réfigrant en cas qu'il revint en santé : on répond qu'une telle convention feroit une vraie confidence, il n'en eft point de plus caractèrisée ; ainfi la convention dont on fe fait un moyen pour autorifer le regrès, est une raifon décifive pour le faire abolir. Cet ufage de regrès a été ignoré pendant les quinze premiers fiécles de l'Eglife, preuve certaine qu'il eft contraire à la pureté de la difcipline.

En effet ceux qui le foutiennent n'en font remonter l'époque qu'en l'année 1558, tems auquel il fut rendu un Arrêt unique dans ces circonftances, & dont les motifs furent, d'un côté, contre la perfidie d'un Vicaire des SS. Innocens de la ville de Paris, qui avoit furpris la réfignation du Curé de la même Paroiffe; d'un autre côté, la commifération pour un Curé chéri de fes paroiffiens, & auquel il ne reftoit aucune reffource

pour fubfifter après avoir long-tems rempli les devoirs de fon ministére d'une maniere la plus édifiante.

Cet exemple qui ne pouvoit être regardé que comme une exception de la régle générale, eft cependant l'origine de l'abus qui s'eft multiplié & diverfifié avec un excès inconcevable. D'abord le regrès n'étoit admis que pour les réfignations faites in extremis: il a été enfuite étendu aux réfignations faites à l'occafion d'une legére incommodité : il a été de plus autorifé, lorfque le réfignant s'étoit refervé une penfion, même dans le cas d'une démiffion pure & fimple. Enfin il y a des Cours qui l'ont accordé contre le réfignataire du réfi gnataire après une triennale poffeffion, tant il eft dangereux de fortir de la régle; il faut ajouter que la forme n'a pas toujours été la même. Dans un tems on a obligé le réfignataire à fe démettre entre les mains du collateur, pour obtenir par le réfignant de nouvelles prcvifions; dans un autre tems il a été réintegré fans nouvelles provisions dans fon Bénéfice, tel a été le progrès de

cet abus.

Ses partifans cherchent en vain des autorités pour le faire valoir, comment en trouver fur une chofe dont le nom

même a été ignoré jufqu'au milieu du feiziéme fiécle? Au défaut d'autorités ils ont recours à une prétendue parité tirée du canon Gonfaldus, dont l'application ne convient pas à l'efpéce préfente; il s'y agiffoit d'un Novice qui par un zéle indifcret s'étoit dépouillé de fes biens avant que d'avoir fait profeffion, & qui fut reftitué contre l'abandonnement qu'il en avoit fait, lorfqu'il eut quitté le Monaftère. Le Grand-Confeil au contraire fortifie fa jurifprudence de l'autorité de l'ordonnance de Blois qui porte, art. xx: » défendons à tous Juges d'avoir » aucun égard en jugeant le poffeffoire » des Bénéfices aux provifions obtenues » par prévention en forme de regrès A l'égard des Canoniftes voici comment parle Rebuffe qui n'eft pas fufpect en cette matiere,» refignanti & Papæ nec» non & cui confertur Beneficium damnabilis regreffus de quibus Papa redditurus » eft Deo rationem ».

Et Me. Antoine Vaillant bien inftruit des faines maximes s'en explique en ces termes : » horum regreffuum ufus frequen» tior eft,& deberet reftringi:in Magno Regis » Confilio hi regreffus meritò damnantur ». A cette autorité on doit ajouter que l'efprit de l'Eglife a toujours été que les Bénéfices fuffent conférés par les Ordi

naires, & qu'en autorisant les regrès, on les prive d'un droit qui leur appartient; s'agiffant donc de rendre fur ce point la jurifprudence uniforme, il ne paroît pas qu'il y ait difficulté à préférer celle qui eft conforme à la pureté des maximes qui condamnent la confidence & les difpofitions teftamentaires en matiere de Bénéfices, qui eft exactement formée sur les loix du Royaume, & les fuffrages des Auteurs les plus accrédités, & qui eft favorable au droit des Ordinaires. Il refte deux obfervations à faire fur cet article: la premiere, que le cas d'aliénation d'efprit dont il eft parlé dans l'article n'eft pas une exception générale qui condamne le regrès; c'eft un moyen particulier pour annuler la réfignation par le défaut de confentement de la part du réfignant le regrès fuppofe au contraire la réfignation valable en foi : la feconde, que le regrès doit être banni quand même le réfignant n'auroit pas d'ailleurs de quoi vivre; c'étoit à lui à fe confulter avant que de paffer fa procuration. On ne doit pas regarder une réfignation faite en maladie comme une donation à caufe de mort; & fi l'on autorifoit le réfignant à demander en ce cas une penfion, ce feroit admettre indirectement une efpéce de regrès: le

malade pouvoit réfigner fous la condi tion d'une penfion; non fecit quod potuit, il doit fe l'imputer.

Si la voye de regrès eft autorifie, peut-elle avoir lieu, lors même que le réfignant a été dépoffédé par le réfignataire, & doit-elle ceffer lorfque le réfignant revenu en fanté a approuvé la réfignation expreffement ou tacitement, ou lors qu'il n'eft plus en état de déffervir fon Benfice?

ME

Effieurs les Commiffaires donnent avec peine leur avis fur cette iɛ conde queftion, par laquelle il femble qu'on fuppoferoit que le regrès fera autorifé malgré les folides raifons qu'cn a propofées pour le faire abolir; obligés cependant de s'expliquer, il n'eft pas douteux qu'ils n'embraffent toutes les exceptions qu'on présente pour restraindre du moins l'abus que le Grand-Confeil voudroit voir entierement abolir.

Ainfi lorfque le réfignant, depuis la convalefcence, a été dépoffédé par la prife de poffeffion du réfignataire faite fans oppofitions, ou lorfque revenu en fanté il a approuvé expreffément ou tacitement la réfignation, ou qu'il n'eft plus en état de déffervir fon Bénéfice

« PreviousContinue »