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Ancien élève de l'École normale supérieure,
Agrégé d'Histoire et de Géographie.

HISTOIRE POLITIQUE

DU

DIX-NEUVIÈME SIÈCLE

TOME SECOND

PARIS

LIBRAIRIE BLOUD ET GAY

7, PLACE SAINT-SULPICE, 7

1914

Tous droits réservés.

10-21-32 H.C

DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE

1-24-30 27557

CHAPITRE PREMIER

L'AUTRICHE-HONGRIE DEPUIS 1849

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I. Formation de l'Autriche Hongrie dualiste (1859-1870). — II. Application du dualisme (1870-1895). III. Crise du dualisme (1895-1907) — IV. L'Autriche-Hongrie contemporaine.

A la fin de 1849, le gouvernement de Vienne avait replacé sous le joug les rebelles d'Italie, d'Allemagne et de Hongrie, avec l'idée d'en former un État unitaire allemand. Dans cette vue, Schwarzenberg abrogea (décret impérial du 31 décembre 1851) la Constitution du 4 mars 1849 qui avait esquissé pour les nations de la monarchie, à la place du despotisme négligent de Metternich, une représentation parlementaire avec un ministère à l'anglaise. Rejetant la collaboration de la classe aristocratique dans laquelle il cherchait en vain « une douzaine d'hommes d'intelligence politique suffisante et pourvus des connaissances nécessaires », il confia à des fonctionnaires le soin d'appliquer pendant dix ans les lois d'exception de 1848 et de comprimer les nationalités, en les rangeant à l'état de provinces rattachées directement à Vienne, capitale du germanisme.

Le système de Bach (1832-1839). -Bach développa le principe: il imposa l'allemand comme langue officielle de l'Empire,

FEYEL, II.

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et dans l'administration, y compris la police, un personnel strictement allemand. Il trouva des appuis chez tous les ennemis de la Révolution. Les officiers, qui avaient sauvé l'Empire, présidèrent à une lourde compression de la Hongrie, du Lombard-Vénitien, etc. Le clergé obtint la répudiation complète du joséphinisme, qui avait mis sous la dépendance de l'État les évêques, mués en fonctionnaires. Le Concordat du 18 août 1855 conserva au catholicisme son caractère de religion d'État, régla les relations de l'État avec l'Église d'après les principes du droit ecclésiastique, lui confia la surveillance des écoles, la censure des livres, le règlement des affaires de mariage; pour ces objets, le pouvoir séculier prêta ses agents d'exécution. En 1856, les évêques obtinrent pleine autorité sur les fidèles, l'enseignement (dans lequel le ministre Thun introduisait certaines méthodes modernes), les biens d'Église. Mais les finances, non contrôlées, trahissaient la profonde désorganisation de l'État : les révolutions et les guerres avaient enflé la dette de 1 milliard de florins; chaque année augmentait le déficit (il était de 286 millions de florins en 1859). Presque plus de monnaie métallique en circulation; celle du papier-monnaie parut bientôt si exagérée qu'un emprunt de 500 millions (1854) fut décidé pour en effectuer le retrait. Ce retrait n'eut pas lieu; la spéculation reprit alors sur les billets d'État et paralysa le crédit. Bruck, ministre des Finances (janvier 1855), s'en prit aux dépenses de l'armée qu'il prétendait vérifier et diminuer; il essaya d'un traité de commerce avec la Prusse, d'une convention monétaire austro-allemande (1857), d'un arrangement avec la Banque impériale pour retirer les billets. Mais la centralisation intérieure, l'occupation, au nom de l'Europe, des provinces roumaines en 1855, rendaient toute économie impossible. Les haines de races (qui empêchèrent Vienne de pratiquer pendant la crise d'Orient aucune politique active) s'exaltaient contre la bureaucratie tyrannique, le « jacobinisme niveleur » de la cour. Hongrois, Croates, Roumains, Tchèques, n'attendaient qu'une occasion pour se débarrasser des « hussards de Bach ». L'occasion, ce fut les défaites d'Italie.

I. Formation de l'Autriche-Hongrie dualiste

(1859-1870).

Après Solférino, le régime absolutiste apparut monstrueux. Une période de crise politique commença, compliquée encore de conflits de nationalités, qui ne devait se terminer qu'en 1867.

Relâchement du régime absolutiste (1859-1861.) François-Joseph, faisant après Villafranca l'examen de conscience de la monarchie (août 1859), avait avoué les « abus héréditaires >> qui avaient causé la défaite. Il annonça l'adoption d'un régime constitutionnel pour lequel il prendrait l'avis d'un Conseil d'État renforcé: 38 notables (surtout de grands seigneurs), nommés par l'Empereur, y représenteraient les provinces en plus des 12 membres ordinaires, mais sans initiative législative (autrement les magnats hongrois, qui réclamaient la restauration de leur Diète, auraient refusé d'y figurer), et avec des pouvoirs réduits en matière finan. cière. Au Conseil, où les Hon

grois Apponyi, Szecsen, de Majlath parlèrent haut, établirent les << droits historiques» de la Hongrie, l'unanimité se prononça contre le système d'organisation intérieure et le gouvernement d'exception; mais les opinions variaient sur le régime à lui substituer. Les uns, bureaucrates héritiers de Bach (renvoyé du ministère le 22 août 1859), interprètes de la bourgeoisie allemande des villes et des régions industrielles, préconisaient un gouvernement central à forme constitutionnelle libérale, que les petites nationalités trouveraient peu gênant. D'autres, Magyars, Tchèques, Polonais, Slovènes, Italiens de Vénétie, Croates (parmi eux l'ardent Strossmayer, évêque de Diakovo depuis 1849), en vertu de la formule : «< charges égales pour tous, droits égaux pour tous »>, voulaient restaurer dans les « États » historiques des gouvernements autonomes qui rendraient aux nobles et au clergé leurs anciens privilèges; ils se déclaraient pour le système fédéraliste, seul capable à leurs yeux de guérir avec le temps les plaies de l'État. La majorité, fédéraliste grâce à l'appoint de la haute noblesse allemande, émit un vou en faveur, non d'une constitution, mais de << la reconnaissance des individualités historico-politiques des pays particuliers >>.

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STROSSMAYER

(L'évêque national croate) (1815-1905)

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