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Dans ces conditions, le Gouvernement, d'accord avec le Gouverneur Général de l'Indo-Chine, a considéré qu'il convenait de rechercher une solution assurant l'achèvement de l'œuvre entreprise par la collaboration financière de la Compagnie et de la Colonie et fixant les bases du règlement des litiges pendants entre elles en utilisant les résultats de l'enquête à laquelle procède la Commission spéciale.

C'est dans cet ordre d'idées qu'ont été engagés avec les concessionnaires des pourparlers qui ont abouti à un accord établi sur les bases suivantes :

Les travaux seraient continués par la Compagnie au moyen de ressources fournies, à titre d'avance, tant par elle que par la Colonie.

D'autre part, les litiges seraient soumis à un arbitrage qui réglerait les comples des travaux déjà exécutés et arrêterait les dispositions financières et techniques à prendre pour l'achèvement des travaux. Les arbitres tiendront compte des fautes qu'a pu commettre la Compagnie et mettront à sa charge les conséquences financières qui ont pu en résulter. La Compagnie fera face à ces charges nouvelles tout d'abord par une augmentation de 5 millions de son capital-actions et, au delà, soit par ses disponibi lités, soit par le produit de l'émission d'obligations. L'intérêt et l'amortissement de ces titres seraient prélevés sur la part des recettes d'exploitations allouée à la Compagnie par la Convention de concession, et, en cas d'insuffisance, seraient couverts par des avances de la Colonie, remboursables sur les excédents de recettes ultérieurs.

Quant aux charges nouvelles qui pourront incomber à la Colonie, et dont le montant ne pourra être connu qu'après le prononcé de la sentence arbitrale, elles feront, s'il est nécessaire, l'objet de propositions spéciales qui seront soumises au Parlement.

Cet accord s'est traduit par une Convention et par un Compromis d'arbitrage que le Gouvernement a l'honneur de soumettre à vos délibérations.

La Convention stipule tout d'abord (article premier) que seront réglées par voie d'arbitrage les réclamations présentées par la Compagnie concessionnaire en ce qui concerne la construction du chemin de fer du Yunnan et de la ligne de Haiphong à Hanoï et Laokay. On a cru devoir exclure de l'arbitrage certaines réclamations relatives à l'exploitation qui ne pourront être examinées utilement, tant que la section yunnanaise ne sera pas complètement achevée. Enfin, dans le but de hâter et de faciliter le travail des arbitres, les parties se sont mises d'accord pour compléter l'enquête contradictoire à laquelle procède actuellement la Commission sur place, de façon que les renseignements ainsi recueillis puissent servir de base à la sentence arbitrale.

Les articles 2 et 3 règlent les conditions dans lesquelles seront fournies provisoirement et jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale, tant par la Compagnie que par la Colonie, les ressources nécessaires à la continuation des travaux. Les prix appliqués aux ouvrages seront provisoirement augmentés de façon à couvrir les dépenses réelles de l'entreprise, mais sous réserve de l'imputation définitive qui sera arrêtée par les arbitres. L'article 4 arrête la situation des avances temporaires consenties à la Compagnie par la Colonie de façon à limiter ces avances au chiffre de 6.000.000 de francs fixé par la loi du 13 avril 1906.

Les charges financières nouvelles qui seraient imposées à la Compagnie par les arbitres devront (art. 5) faire l'objet d'une augmentation de 5.000.000 de francs de son capital-actions et, pour le surplus, être imputées sur les disponibilités de la Compagnie ou sur le produit d'obligations à émettre à des conditions approuvées par le Gouvernement.

La Compagnie a d'ailleurs fourni des justifications qui assurent la souscription de ce capital-actions supplémentaire s'il en est besoin. Suivant l'article 6, les charges financières correspondant aux obligations à émettre par la Compagnie seront imputées sur la part de recette d'exploitation que lui alloue la Convention de concession. En cas d'insuffisance de cette part, la Colonie fera à la Compagnie l'avance des sommes nécessaires au payement des intérêts et de l'amortissement de ces obligations. Les avances seront remboursées sur les excédents ultérieurs que présenteraient les prélèvements auxquels a droit la Compagnie. Celle-ci restera d'ailleurs chargée d'assurer l'exploitation et l'entretien du chemin de fer à ses frais, risques et périls, dans les conditions des conventions primitives et aucune charge ne pourra incomber de ce fait à la Colonie qui ne garantit uniquement que le service des obligations nouvelles.

Il convient d'observer toutefois que la Convention prévoit l'imputation sur la part des recettes attribuées à la Compagnie de l'intérêt de 4 010 du capital-actions nouveau avant le service des obligations.

Cette disposition ne comporte aucune garantie de la Colonie en faveur de ce capital-actions, dont le privilège ne s'exerce qu'au cas où les recettes de l'exploitation le permettent. Cette clause a d'ailleurs été la condition mise par la Compagnie à l'augmentation de son capital social. Nous avons cru devoir l'accepter, étant donné qu'aucune rémunération n'est réservée au capital-actions ancien, tant que jouera la clause de garantie des obligations.

Il est impossible de se rendre compte de l'importance des charges supplémentaires qu'imposeront les arbitres à la Compagnie et il convient d'observer à cet égard la plus grande réserve.

Toutefois, les résultats donnés par l'exploitation de la section déjà ouverte de Haiphong à Laokay, et ceux que sans optimisme exagéré on peut prévoir pour la section yunnanaise, permettent d'espérer que, dans un avenir peu éloigné, les recettes couvriront les charges nouvelles résultant des augmentations de dépenses de premier établissemement. Dès lors la Compagnie restera intéressée à exploiter dans des conditions favorables au développement des recettes et du trafic. C'est une condition essentielle qu'on s'est attaché à réaliser dans l'accord intervenu.

L'article 7 de la Convention fixe les dispositions applicables aux règlements des comptes de la garantie.

La situation respective de la Colonie et de la Compagnie, en ce qui concerne le remboursement des avances, en cas de rachat ou de déchéance et en fin de concession, est réglée par l'article 8.

Enfin les articles 9, 10 et 11 arrêtent le mode de gestion du fonds de réserve, ainsi que les attributions de juridiction et abrogent les dispositions antérieures contraires.

Par le Compromis il est stipulé que les arbitres régleront comme amiables compositeurs les litiges pendants. Ils arrêteront les comptes des

dépenses faites, mettront à la charge des parties les sommes qui devront incomber à chacune d'elles d'après leurs fautes respectives et en tenant compte de la commune intention des parties lors de la passation des conventions antérieures. En ce qui concerne les ouvrages restant à exécuter, ils fixeront les quantités, les prix à appliquer, ainsi que le mode de répartition des dépenses entre les parties.

Les dispositions de la Convention et du Compromis passés avec la Compagnie des chemins de fer de l'Indo-Chine et du Yunnan semblent de nature à tenir compte, dans une mesure équitable, des difficultés considérables auxquelles donne lieu la réalisation de cette œuvre importante. Nous croyons utile de rappeler le caractère d'intérêt national qui s'attache à la construction de cette voie ferrée, destinée à étendre considérablement la zone d'influence économique de la France. L'importance de la concession accordée à notre pays en 1898 par la Chine et la pacification des régions limitrophes de notre Colonie qu'on devait en attendre ont engagé le Parlement à donner, par la loi du 25 décembre 1898, la garantie de la métropole aux engagements financiers à prendre par la Colonie visà-vis des concessionnaires. On a ainsi considéré que l'Indo-Chine avait été dans cette affaire l'associée de la France, chargée de l'exécution d'une

œuvre commune.

La situation reste la même aujourd'hui.

C'est pourquoi il a paru au Gouvernement qu'il convenait de continuer aux nouveaux engagements financiers à prendre éventuellement par l'Indo-Chine la garantie du Gouvernement de la République.

Enfin, en ce qui concerne les ressources provisoires à affecter par la Colonie à la continuation des travaux, il a paru au Gouvernement que la meilleure solution consistait à les prélever à titre temporaire, sur le reliquat de l'emprunt de 200 millions de l'Indo-Chine autorisé par la loi du 25 décembre 1898. Les sommes encore disponibles sur ce fonds dépassent en effet 45 millions et la plus grande partie ne doit pas en être utilisée avant les années 1908 et 1909. A cette époque, la sentence arbitrale sera intervenue et, si une portion de ces avances est laissée définitivement à la charge de la Colonie, les mesures nécessaires pourront en temps utile être proposées au Parlement.

C'est dans ce sens qu'a été préparé le projet de loi suivant que nous avons l'honneur de soumettre à vos délibérations :

Traité conclu à Bangkok, le 23 mars 1907, entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de S. M. le Roi de Siam (Ratif. échangées à Paris, le 21 juin 1907).

Le Président de la République Française et Sa Majesté le Roi de Siam, à la suite des opérations de délimitation entreprises en exécution de la Convention du 13 février 1904, désireux d'une part d'assurer le règlement final de toutes les questions relatives aux frontières communes de l'Indo-Chine et du Siam, par un système réciproque et rationnel d'échanges, désireux d'autre part de faciliter les relations entre les deux pays par l'intro

duction progressive d'un système uniforme de juridiction et par l'extension des droits des ressortissants français établis au Siam, Ont décidé de conclure un nouveau Traité et ont nommé à cet effet pour leurs Plénipotentiaires, savoir :

M. le Président de la République Française:

M. Victor-Émile-Marie-Joseph Collin (de Plancy), Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire de la République Française au Siam, Officier de la Légion d'Honneur et de l'Instruction publique ;

Sa Majesté le Roi de Siam:

S. A. R. le prince Devawongse Varoprakar, chevalier de l'ordre de Maha Chakrkri, Grand-Officier de la Légion d'Honneur, etc., Ministre des Affaires Etrangères,

Lesquels, unis de pleins pouvoirs, qui ont été trouvés en bonne et due forme, sont convenus des dispositions suivantes : ARTICLE PREMIER. Le Gouvernement Siamois cède à la France les territoires de Battambang, Siem-Reap et Sisophon, dont les frontières sont définies par la clause I du Protocole de délimitation ci-annexé.

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ART. 2. Le Gouvernement Français cède au Siam les territoires de Dan-Saï et de Kratt, dont les frontières sont définies par les clauses I et II dudit Protocole, ainsi que toutes les îles situées au sud du cap Lemling jusques et y compris Koh-Kut.

ART. 3. La remise de ces territoires aura lieu de part et d'autre dans un délai de vingt jours après la date à laquelle le présent Traité aura été ratifié.

ART. 4. Une commission mixte, composée d'officiers et de fonctionnaires français et siamois, sera nommée par les deux pays contractants, dans un délai de quatre mois après la ratification du présent Traité et chargée de délimiter les nouvelles frontières. Elle commencera ses travaux dès que la saison le permettra et les poursuivra en se conformant au Protocole de délimitation annexé au présent Traité.

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ART. 5. Tous les Asiatiques, sujets et protégés français, qui se feront inscrire dans les consulats de France au Siam après la signature du présent Traité, par application de l'article 11 de la Convention du 13 février 1904, seront justiciables des tribunaux siamois ordinaires.

La juridiction des cours internationales siamoises, dont l'institution est prévue par l'article 12 de la Convention du 13 février 1904, sera, dans les conditions énoncées au Protocole de juridic

tion ci-annexé, étendue, dans tout le Royaume de Siam, aux Asiatiques sujets et protégés français visés par les articles 10 et 11 de la même Convention, actuellement inscrits dans les consulats de France au Siam.

Ce régime prendra fin et la compétence des cours internationales sera transférée aux tribunaux siamois ordinaires, après la promulgation et la mise en vigueur des codes siamois (code pénal, code civil et commercial, codes de procédure, loi d'organisation judiciaire).

ART. 6. Les Asiatiques sujets et protégés français jouiront dans toute l'étendue du Royaume de Siam des droits et prérogatives dont bénéficient les nationaux du pays, notamment des droits de propriété, de libre résidence et de libre circulation.

Ils seront soumis aux impôts et prestations ordinaires.

Ils seront exempts du service militaire et ne seront pas assujettis aux réquisitions et taxes extraordinaires.

ART. 7. Les dispositions des anciens Traités, Accords et Conventions entre la France et le Siam non modifiés par le présent Traité restent en pleine vigueur.

ART. 8. En cas de difficulté d'interprétation du présent Traité rédigé en français et en siamois, le texte français fera seul foi. ART. 9. Le présent Traité sera ratifié dans un délai de quatre mois à partir du jour de la signature ou plus tôt si faire se peut. En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé le présent Traité et y ont apposé leurs cachets.

Fait à Bangkok, en double exemplaire, le 23 mars 1907.

Signé V. COLLIN (DE PLANCY).

DEVAWONSGE VAROPRAKAR.

Protocole concernant la délimitation des frontières et annexé au Traité du 23 mars 1907.

En vue de faciliter les travaux de la Commission prévue à l'article 4 du Traité en date de ce jour, et en vue d'éviter toute possibilité de difficulté dans la délimitation, le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de S. M. le Roi de Siam sont convenus de ce qui suit :

CLAUSE I. La frontière entre l'Indo-Chine Française et le Siam part de la mer en un point situé en face du plus haut sommet de l'ile de Koh-Kut. Elle suit à partir de ce point une direction nordest jusqu'à la crète de Pnom-Krevanh. Il est formellement con

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