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paux théologiens, de ceux qui jouissent de quelque autorité dans les écoles catholiques et dans l'Eglise, comme saint Thomas, Bellarmin, Suarez, S. Liguori et les autres. Par conséquent il n'y a aucune opposition entre l'Eglise et la démocratie quant au principe même de cette dernière, il y a au contraire accord et harmonie. Or qui ne voit que c'est là une question capitale?

Nous avons montré du reste que cet accord existe aussi quant aux autres éléments qui constituent la démocratie, et il est assez inutile d'y revenir '.

Nous parlons, cela va sans dire, de la démocratie saine et véritable, et non pas de la démagogie. Nous avons exposé les caractères de l'une et l'autre. La seconde est la corruption de la première; et c'est tout ce que nous avons à en dire ici.

Le principe de la démocratie posé, nous avons donné assez facilement leur solution aux questions subsidiaires qui en découlent. Nous avons vu, par exemple, ce qu'il faut penser de la théocratie. Nous avons dit que la théocratie immédiate et proprement dite n'existe pas; mais que la théocratie médiate existe partout, dans tous les ordres de choses, à des degrés divers. C'est là une vérité de raison aussi bien qu'une vérité de foi, dans le sens où nous l'avons expliqué. Il n'y a que les athées qui puissent la rejeter; et les athées sont, comme tels, les esprits les plus illogiques qui puissent exister.

A cette question se rattache celle du droit divin; et nous l'avons résolue par le même principe. Il y en a en effet deux, d'espèce différente; le droit divin naturel, qui est dans la nature même des choses et existe essentiellement; et le droit divin surnaturel, qui déconle de la volonté libre de Dieu et de l'élévation de l'homme à un ordre supérieur. L'autorité civile est par elle-même de droit divin naturel, à peu près comme l'autorité paternelle, bien qu'à un degré moins immédiate et moins stricte; et cela est, nous l'avons vu, dans la nature des choses. Et là est la différence radicale de l'autorité civile et 1 Cfr., ch. IV et X.

de l'autorité de l'Eglise, laquelle est par elle-même surnaturelle. Il n'y a du reste aucune ombre d'opposition, nous l'avons vu, entre le droit divin et le droit national, ni dans le principe de celui-ci, ni dans ses conséquences; et les opposer l'un à l'autre, c'est un procédé contraire à la raison et à la réalité des choses.

il

A la tête des questions qui passionnent notre époque, faut placer celle de la souveraineté du peuple. Mais il n'en est peut-être pas qui soit traitée par les publicistes d'une manière plus vague et avec moins de précision. Pour éviter ce grave inconvénient et exprimer la réalité, nous avons distingué deux côtés dans la question : l'un négatif, où nous avons exposé les divers sens où le peuple ne peut être dit souverain, et où nous avons surtout rejeté cette sotte erreur qui fait de lui la source de tout droit et de toute justice; et le côté positif, où nous avons vu en quel sens et de quelle manière la nation peut être dite souverain. Elle a le droit de gouvernement, comme nous l'avons expliqué, et à l'origine d'un établissement politique, elle le communique et donne ainsi avec Dieu le pouvoir politique. Et ce droit, elle continue à l'exercer, quoique à un degré inférieur, dans les élections législatives et autres qui se succèdent dans son sein. Nous avons donné aussi sa solution à cette question difficile la nation conserve-t-elle l'autorité d'une manière habituelle, in habitu, comme le veut Bellarmin; et il est inutile s'y revenir ici.

L'autorité de la nation se manifeste par l'élection; c'est là son domaine régulier; et c'est la dernière question que nous avons eu à traiter dans ce premier livre.

Ce mode d'arriver au pouvoir n'est nullement nouveau comme on pourrait le croire. On le trouve indiqué dans les plus antiques documents de l'histoire. Il a existé chez tous les peuples les plus célèbres, anciens et modernes, comme nous l'avons constaté. Mais ce que nous avons tenu à mon. trer surtout, c'est qu'il n'y a entre l'élection et le catholicisme aucune opposition. L'Église l'a pratiquée dès les premiers jours de son existence, et pendant toute la durée des

siècles chrétiens, plus ou moins, selon les temps et les circonstances. Et elle est encore en vigueur aujourd'hui pour l'élection de son chef suprême.

On le voit donc, nous pouvons et nous devons conclure, d'après tout ce que nous avons dit, que dans toutes les graves questions qui viennent de passer sous nos yeux, il n'y a réellement aucune opposition entre les doctrines de l'Eglise catholique et celles de la démocratie saine et véritable; le montrer était le but du premier livre de cet ouvrage.

LIVRE SECOND

L'ÉGLISE ET LA LIBERTÉ.

CHAPITRE PREMIER.

DE L'AUTORITÉ ET DE LA LIBERTÉ.

:

Deux éléments dominent dans la société moderne, au moins en France, et lui donnent son caractère particulier la démocratie et la liberté. Nous avons considéré l'Eglise dans ses rapports avec le premier, et nous avons vu qu'elle n'est aucunement à ce point de vue l'ennemie des sociétés modernes. Nous allons l'étudier dans ses relations avec le second et chercher si nous arriverons au même résultat.

Nous avons constaté déjà la nécessité absolue, intime de l'autorité. Nous avons vu que non seulement elle est nécessaire à la société civile, mais qu'elle est sa base et son centre. La société civile, dans sa notion la plus simple et la plus élémentaire, est une réunion d'hommes, une réunion de familles tendant à un but commun, leur perfection physique et morale. Or qu'est-ce qui réalise cette union, qu'est-ce qui la constitue et la fait être, quel est le lien qui réunit les individus entre eux et en fait un corps? C'est la loi. Mais qu'est-ce que la loi? La volonté, le commandement de l'autorité : c'est elle qui la porte et la fait exécuter. C'est donc elle qui fait la société civile.

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