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CHAPITRE SEIZIEME.

LE CONCORDAT DE 1801.

Un fait considérable ressort évident de l'histoire générale de l'Eglise, et même de la nature des choses; ce fait, c'est qu'elle est l'allié naturel de tous les gouvernements réguliers. Elle a en effet une mission à remplir sur cette terre procurer le bien spirituel, le bien religieux de l'humanité, le salut des àmes. C'est là sa raison d'être, le but de son existeuce. Or l'expérience, comme la raison, démontre que le concours de l'autorité civile lui est à cet égard d'une utilité réelle. Et conséquemment elle est tout naturellement disposée à entretenir de bons rapports avec elle. Et cela est vrai, quelle que soit la nature ou la forme du gouvernement. Qu'il soit absolu ou libéral, aristocratique ou démocratique, monarchique ou républicain, ancien ou nouveau, l'Eglise ne demande pas mieux que d'être avec lui dans des rapports convenables, selon les circonstances, les temps et les antécédents. Le bon sens, la nature des choses, son intérèt lui en font un devoir.

Et relativement à la France, les deux pouvoirs ont toujours été en bonnes relations, au moins à parler en général, et à part spécialement la grande tempête politique et religieuse de la fin du dernier siècle. C'est elle qui a amené le grand acte dont nous avons à parler.

M. Thiers n'est pas assurément un écrivain hostile à la révolution, il lui est au contraire très favorable et très dévoué. Il n'hésite pas toutefois à proclamer qu'elle avait été particulièrement injuste à l'égard de la religion, et qu'une grande réparation était nécessaire. « La religion, écrit-il, était évi

demment une des choses à l'égard desquelles la révolution avait dépassé toutes les bornes justes et raisonnables. Nulle part il n'y avait autant à réparer... Est-il besoin de rechercher si Bonaparte, dans la question du concordat, agissait par une inspiration de la foi religieuse ou bien par politique et par ambition? Il agissait par sagesse, c'est-à-dire, par une profonde connaissance de la nature humaine; cela suffit... Il faut dire cependant à cet égard que la constitution morale du général Bonaparte le portait aux idées religieuses. Une intelligence supérieure est saisie à proportion de sa supériorité mème des beautés de la création. C'est l'intelligence qui découvre l'intelligence dans l'univers, et un grand esprit est plus capable qu'un petit de voir Dieu à travers ses œuvres 1. » Comme nous l'avons fait remarquer déjà, les relations de l'Eglise et de l'Etat en France ont eu deux phases distinctes. Depuis l'origine, en quelque sorte, de la nation et de la monarchie, jusqu'au commencement du seizième siècle, il y a eu une union intime et comme une fusion des deux droits civil et ecclésiastique. C'est l'ère de l'union la plus étroite et du dévouement réciproque entre les deux puissances, parfaitement en harmonie avec l'état des esprits et des choses. Celle des concordats lui a succédé. Préparée déjà de quelque manière par ce que l'on a appelé la Pragmatique sanction de Charles VII, elle a commencé en 1517 par le concordat conclu entre Léon X et François I, lequel a été en vigueur jusqu'à la fin du dernier siècle, et a été remplacé par celui de Pie VII et de Napoléon, que nous avons à examiner. Citons-le d'abord; un grand nombre de ceux qui en parlent et l'attaquent, ne l'ont jamais lu.

« Sa Sainteté le Souverain Pontife Pie VII, et le premier consul de la république française, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs : Sa Sainteté, Son Eminence Mgr Hercule Consalvi, cardinal de la sainte Eglise, etc.; le premier consul, les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'Etat, etc., lesquels ont arrêté la convention suivante :

1 Hist. du Consulat et de l'Empire, 1. XII.

« Le gouvernement de la République reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la très grande majorité des citoyens français. Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls de la République

» En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit:

» ART. 1. La religion catholique, apostolique, romaine sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.

» ART. 2. Il sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français.

» ART. 3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu'elle attend d'eux, avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l'unité, toute espèce de sacrifices, même la résignation de leurs sièges. D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice commandé par le bien de l'Eglise (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu par de nouveaux titulaires au gouvernement des évèchés de la circonscription nouvelle de la manière suivante :

» ART. 4. Le premier Consul de la république nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de Sa Sainteté, aux archevêchés et évèchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l'institution canonique suivant les formes établies par rapport à la France avant le changenient de gouvernement.

» ART. 5. Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la suite, seront également faites par le premier Consul, et l'institution canonique sera donnée par le Saint-Siège, en conformité de l'article précédent.

» ART. 6. Les évèques, avant d'entrer en fonction, prêteront directement, entre les mains du premier Consul, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans les termes suivants : « Je jure » et promets à Dieu, sur les saints Evangiles, de garder obéis»sance et fidélité au gouvernement établi par la constitution » de la République française. Je promets aussi de n'avoir au>> cune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entre>> tenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit » contraire à la tranquillité publique; et si, dans mon diocèse » ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au pré>> judice de l'Etat, je le ferai savoir au gouvernement. »>

» ART. 7. Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles désignées par le gouvernement.

» ART. 8. La formule de prière suivante sera récitée à la fin de l'office divin dans toutes les églises catholiques de France : Domine, salvam fac rempublicam; Domine, salvos fac consules.

» ART. 9. Les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses, qui n'aura d'effet qu'après le consentement du gouvernement.

» ART. 10. Les évêques nommeront aux cures. Leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement.

» ART. 11. Les évêques pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale et un séminaire pour leur diocèse, sans que le gouvernement s'oblige à les doter.

» ART. 12. Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres, non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évèques.

» ART. 13. Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle, ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs de biens ecclésiastiques aliénés, et qu'en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et les revenus y

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