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l'estimation, les remboursera à leur valeur sur les fonds du trésor et remettra les biens eux-mêmes à la communauté chrétienne...

» Vous devrez donc intervenir avec votre diligence et votre sagesse habituelles, pour que ce décret en faveur des chrétiens reçoive son exécution le plus promptement possible, en pourvoyant selon les moyens indiqués par notre clémence à la sauvegarde de tous les intérêts légitimes et au maintien de la tranquillité publique. Et ainsi demeurera perpétuel et stable le témoignage de notre reconnaissance et de notre amour envers le Dieu qui, à plusieurs reprises, nous a couvert de sa protection. Vous ferez promulguer partout ce texte de notre loi, et lui donnerez une publicité universelle. »

Voilà ce décret célèbre. Ses analogies avec le Concordat sont manifestes. L'un et l'autre sont sortis de circonstances semblables, du sein des persécutions. L'un et l'autre ont leurs deux parties principales semblables: la liberté de la religion catholique, et la réglementation de ses biens. L'un et l'autre ont produit des fruits admirables; le premier dans l'univers entier, le second dans la France d'abord, et partout par son influence et son prosélytisme. Il y a toutefois des différences. Dans l'un la liberté accordée au christianisme est entière et absolue; dans l'autre, une restriction a été apportée. Dans le Concordat, le souverain Pontife dut nécessairement intervenir, puisqu'il s'agissait de détruire, pour ainsi parler, l'ancienne organisation ecclésiastique de la France et d'en établir une nouvelle ; dans l'Edit, cela n'était pas nécessaire, puisque l'Eglise n'avait qu'à recevoir la liberté et la restitution de ses biens. Et quant à ce dernier point, une troisième différence existe : l'Edit restitue les biens ravis; le Concordat n'accorde qu'une indemnité, indemnité qui a, nous l'avons montré, le caractère d'une justice absolue et qui oblige rigoureusement. Puisse l'esprit de sagesse et de raison, qui a produit ces deux actes célèbres, présider toujours et partout aux relations de l'Eglise et de l'Etat !

CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.

CONCLUSION DE L'OUVRAGE.

Arrivé au terme de ce travail, j'ai à cœur d'en recueillir les conclusions. L'écrivain doit se proposer dans ses œuvres un double but. Il doit d'abord mettre en lumière, démontrer et faire admettre les vérités dont il s'occupe c'est là comme son but intrinsèque, inhérent à son œuvre. Mais il doit avoir un but ultérieur. La vérité prise en elle-même, spéculative, est chose excellente sans doute, et elle vaut mieux que tous les trésors de la terre. Mais l'homme est un être essentiellement pratique. Il doit donc rapporter de son voyage dans les régions de la pensée des conclusions qui le soient. Et cela est vrai spécialement d'un ouvrage de la nature de celui-ci.

Ces conclusions du reste sont faciles; elles vont toutes seules, et découlent spontanément des doctrines démontrées.

Deux grandes questions, deux points principaux semblent diviser l'Eglise et les sociétés modernes : la démocratie et la liberté. On proclame, on fait retentir bien haut, dans la presse et ailleurs, qu'il y a entre elles sur ces deux points fondamentaux opposition, incompatibilité. Et ce qu'il y a de plus grave, c'est que l'on fait porter cette opposition, non pas seulement sur des faits, qui par eux-mêmes sont accidentels et passent, mais sur les doctrines elles-mêmes.

Et maintenant le lecteur qui nous a suivi, est à même de se prononcer. Nous avons démontré que cette opposition n'existe pas il n'y a pas d'incompatibilité entre les doctrines catholiques et ce que l'on est convenu d'appeler les idées modernes sur la démocratie et la liberté, dans les limites que

nous avons tracées. Et ces limites sont celles mêmes de la raison, de la justice et en même temps de la sagesse politique. Nous le proclamons bien haut : il y a incompatibilité entre la démagogie et le radicalisme d'un côté, et les doctrines catholiques de l'autre; mais nous le proclamons aussi, car nous l'avons montré, il n'y en a pas entre celles-ci et la démocratie et la liberté, dans leurs limites raisonnables.

Nous avons apporté, pour le démontrer, deux espèces d'arguments. Les uns sont pris de la raison elle-même et de la nature des choses, et doivent par conséquent être admis par tous. Les autres s'appuient sur l'autorité des théologiens catholiques. Or, comme nous l'avons fait remarquer déjà, cette preuve a pour tous une valeur particulière, puisqu'il est impossible que l'Eglise laisse enseigner généralement par ses théologiens une doctrine qui serait opposée à la sienne.

Nous sommes donc amenés à conclure, que la démocratie et la liberté, dans leurs limites déterminées par la sagesse et la raison, ne sont nullement contraires à la doctrine catholique. Et conséquemment encore les attaques dirigées à ce sujet contre l'Eglise, sont absolument sans valeur.

Et ce que nous disons de la démocratie et de la liberté, considérées en général, il faut le dire de toutes les nombreuses et graves questions qu'elles renferment et que nous avons examinées origine du pouvoir, théocratie, droit divin, souveraineté du peuple, élection, institutions modératrices du pouvoir, résistance à l'autorité, séparation de l'Eglise et de l'Etat, civilisation et progrès modernes, etc. Il n'y a pas d'opposition entre les doctrines catholiques sur ces questions et les idées modernes, en tant qu'elles sont conformes à la raison et à la vérité. Le faux et l'exagéré font seuls, ici comme partout, opposition. Ici comme partout, il y a entre la raison et les doctrines catholiques bien comprises conformité et harmonie.

Quant à la question du libéralisme et de la liberté des cultes, nous avons soigneusement distingué la thèse et l'hypothèse; distinction fondée sur la nature même des choses et des faits,

et sans laquelle il est impossible de toucher seulement à une solution on peut sans doute l'exprimer en d'autres termes et sous une autre forme, mais son admission est inéluctable. Nous l'avons dit et nous le répétons, il serait à désirer, et cela au point de vue rationnel et politique comme au point de vue religieux, il serait à désirer qu'il n'y eût dans l'univers, et spécialement en Europe, que la seule religion catholique; et cela pour deux raisons. Elle est la religion véritable; et en second lieu, l'unité vaut mieux que la division. Mais ce n'est là qu'une thèse, et l'hypothèse est toute différente. Dans toute l'Europe et dans les deux Amériques, tous les cultes chrétiens et même le culte juif ont reçu droit de cité. Or, pour ce qui regarde spécialement la France, on peut affirmer sans crainte de se tromper, qu'il n'y a pas un seul évêque qui voudrait solliciter l'abolition de cet état de choses. Et par conséquent nous le demandons encore ici : où est l'opposition, où est la contradiction? Quant à vouloir empêcher l'Eglise et les catholiques de désirer amener à la vérité par la persuasion ceux qui ne l'admettent pas, et par là arriver, si cela est jamais possible, à l'unité religieuse, ce serait opposé à la nature même des choses, et par conséquent absurde; et on ne discute pas l'absurde. Mais qui est-ce qui aurait cette prétention? Personne sans doute.

On a dû remarquer en lisant cet ouvrage, et nous avons du reste pris soin de le dire, que sur toutes les principales questions traitées, les doctrines que nous avons exposées, sont, quant au fond, celles mêmes des théologiens scolastiques. Et ce fait est aussi important qu'il est généralement peu connu. Il montre à lui seul que la prétendue opposition, sur les questions sociales, entre les vérités catholiques et les idées modernes, dans ce qu'elles ont de substantiel, n'existe pas; elle ne se rencontre que dans les théories fausses et malsaines des partis extrêmes, c'est-à-dire, dans la démagogie et le radicalisme, lesquelles du reste sont incompatibles avec la prospérité et l'existence même des sociétés.

Le but final de cet écrit est de contribuer à la conciliation

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