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Le rapprochement des articles 2, 295, 319 du nouveau Code pénal donne les mêmes résultats. Voici d'autres exemples tirés du même Code: Un incendie causé imprudemment par des feux allumés, des lumières portées, des pièces d'artifices tirées en contravention des réglemens de police, ne donnent lieu qu'à une peine correctionnelle, et non à la peine de mort portée contre les incendiaires parce que l'auteur de cette action, en se rendant coupable d'une infraction à la loi de police, n'a pas en l'intention d'allumer un incendie (1); tandis que celui qui aurait tiré une mine, un artifice, jeté un brandon enflammé, une mèche soufrée, dans le dessein d'incendier un édifice, serait puni de mort, quand même l'on serait parvenu à éteindre le feu et à prévenir les progrès de l'incendie, parce que, dans ce dernier cas, la tentative, le commencement d'exécution, jointes à l'intention, doivent être punies comme le crime (2). De même celui qui, par insouciance ou lâcheté, refuse des secours qu'il se trouve à portée de donner dans un cas de vol ou d'assassinat, s'expose à une peine de simple police (3); tandis que s'il est vérifié, par l'instruction, qu'il était d'intelligence avec les voleurs ou les assassins, et que le motif de son refus a été de favoriser le crime, il doit être puni comme complice du crime principal; ce qui doit avoir lieu, lors

sicar. La loi 14 du même titre, et les lois 1 et 5. Cod. ad leg. c. de sicar., fournissent d'autres exemples qui sont décidés par la même règle.

(1) Voyez les art. 434, 458, 471 du même Code. (2) Voyez les art. 2 et 434 du même Code.

(3) Voyez les art. 60 et 475, n.° 12, du Code pénal.

même qu'il n'y aurait eu qu'une simple tentative portant les caractères déterminés par l'article 2 du Code pénal. Il résulte de ces exemples, et d'une multitude d'autres, que l'intention est d'une telle influencé en matière pénale, que c'est essentiellement par elle qu'une action est innocente ou plus ou moins punissable.

Il reste deux observations à faire sur l'intention. La première, que, lors même qu'elle n'est pas jugée criminelle, elle ne met pas l'auteur de l'action à l'abri des dommages-intérêts qui peuvent être dus à la partie civile, par la raison que, suivant le droit, commun, celui qui a causé du dommage est tenu de le réparer, soit qu'il ait agi par ignorance, par imprudence, avec ou sans méchanceté. La seconde, qu'en matière de simples contraventions aux réglemens de police, aux lois fiscales et forestières, le fait matériel de la contravention suffit pour donner lieu à l'application de la peine, sans qu'on puisse avoir égard à la bonne foi, à l'ignorance ni au défaut d'intention ou de volonté du contrevenant (*). Le seul motif qu'il convient d'en donner ici, est que l'esprit des lois de police diffère essentiellement de celui des lois criminelles; en méditant sur les lois de police, forestières et fiscales, on se convaincra facilement qu'elles seraient sans cesse éludées, si les peines légères qu'elles prononcent n'étaient appliquées que lorsque la mauvaise foi des contrevenans aurait été légalement constatée.

VI. Après avoir expliqué les motifs d'acquittement ou d'atténuation tirés de l'intention, il

(*) Voyez le Manuel d'Instruction, art. 161 et 358, aux

notes.

reste à parler des excuses qui pouvaient être admises en vertu du dernier article du Code du 3 brumaire an 4, et dont il est encore fait mention dans plusieurs articles du nouveau Code pénal.

En général, les excuses sont les raisons alléguées par l'accusé pour se disculper d'un délit.

On distinguait anciennement les excuses péremptoires des excuses atténuantes. Les premières établissaient l'entière justification de l'accusé, telles étaient les circonstances qui rendaient un meurtre légal ou légitime, la bonne foi, la violence, le défaut de volonté ou d'intention criminelle dans les divers crimes; ces exceptions qui se confondent avec la question intentionnelle, dont nous venons de parler,sont aujourd'hui comprises dans les moyens du fond, les jurés y font droit en déclarant l'accusé non coupable, en sorte qu'elles ne sont plus dans la classe des excuses. A l'égard des excuses atténuantes, elles ne tendent qu'à diminuer la gravité du crime, et à faire, par conséquent, adoucir la peine; ce sont précisément celles dont il est question dans l'arucle 646 du Code du 5 brumaire an 4, et les observations suivantes n'auront trait qu'à des excuses de ce genre:

Les excuses atténuantes se rattachent au prin→ cipe qui établit la nécessité de proportionner les peines aux délits, principe anciennement méconnu par Dracon, par la secte des Stoïciens, et qui est néanmoins fondé sur l'intérêt social, parce qu'il est essentiel, suivant la remarque de Montesquien « que l'on évite plutôt un grand crime qu'un >> moindre, et ce qui attaque plus la société, que » ce qui la choque le moins (*) ».

(*) Esprit des Lois, liv. 6, chap. 16,

Pour obtenir cette proportion si désirable entre Ja peine et le crime, il faudrait non-seulement classer les crimes dans un ordre méthodique, et déterminer, pour chaque classe, le genre de peine le plus efficace; mais il faudrait surtout pouvoir graduer l'intensité de la peine, en raison des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes qui peuvent accompagner chaque espèce de crime. Or, comment préciser toutes les actions qui peuvent nuire à la société ? Comment surtout déterminer toutes les circonstances qui peuvent augmenter ou diminuer la gravité de chaque crime, et les innombrables combinaisons résultant de ces diverses circonstances? Si les observateurs de la nature ont reconnu qu'il n'existe pas dans l'univers deux corps parfaitement semblables, ne peut-on pas soutenir qu'il en est à-peu-près de même des actions des hommes? Leurs variétés sont presque' infinies, sur-tout, lorsque pour apprécier leur' moralité respective, il s'agit d'évaluer les différentes combinaisons de toutes les circonstances de fait et d'intention qui peuvent concourir à les rendre plus ou moins punissables. L'auteur des Annales politiques, en calculant quelle serait l'étendue de la législation pénale applicable à toutes les nuances de gravité du crime de vol, était arrivé à ce résultat : « Qu'en supposant chaque décision, » chaque loi particulière conçue en deux lignes seu»lement, il faudrait au moins vingt-un millions de volumes in-fol. de deux mille pages chacun, pour >> renfermer le Code législatif sur ce seul article.' » n'y a pas moins de combinaison, continue » cet auteur, sur le meurtre, l'assassinat, l'empoisonnement, l'adultère, le viol, le rapt; sur la

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» révolte, la sédition, le crime de lèse-majesté » le parjure, le faux, etc., etc.; puis vient la >> théorie des complices, diversifiée à l'infini; en>> suite celle des procédures, des examens, des » indices, des preuves, des aveux, des témoi>> gnages, des experts, des saisies, des probabilités » quelconques, pour ajourner, pour décréter, » pour enfermer, pour condamner un prévenu; mukiplicité infinie d'objets, détails infinis sur >> chaque objet, difficultés innombrables pour bien » voir les objets : voilà les trois écueils contre les» quels ont échoué tous les législateurs ».

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Pour aplanir ces difficultés, l'Assemblée constituante, après avoir divisé les crimes en deux grandes classes, crimes et attentats contre la chose publique; crimes contre les particuliers; après avoir sousdivisé chaque classe en différentes sections, et placé dans chaque section les différens crimes et délits paraissant s'y rapporter, avec un certain nombre de circonstances aggravantes, admit, dans la loi d'instruction du mois d'octobre 1791, les excuses atténuantes, et présenta la prononciation excusable comme une mesure juste et salutaire qui fait concourir l'équité avec la justice; une précaution nécessaire dans toute législation qui ne veut pas étre inhumaine, et comme devant remplacer les lettres-de-gráce. La manière d'employer cette théorie fut réglée avec plus de précision dans les ar ticles 455 et 646 du Code du 3 brumaire an 4

qui autorisèrent le président à proposer au juri une question d'excuse sur toutes sortes de crimes indistinctement, et qui prescrivirent de réduire la peine à une peine correctionnelle, lorsque le juri

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