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MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES

DÉLIMITATION

DES POSSESSIONS FRANÇAISES

À LA CÔTE OCCIDENTALE D'AFRIQUE

1889-1895

N° 1.

'PORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, suivi d'un décret >ortant publication et approbation de l'Arrangement signé à Paris, le 10 août 1889, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne t d'Irlande.

Paris, le 12 mars 1890.

[onsieur le Président, Nous avons l'honneur de soumettre à votre haute approbal'arrangement signé à Paris, le 10 août 1889, entre le Gouvernement de la blique française et celui de S. M. la Reine de la Grande-Bretagne et qui est if à la délimitation des possessions respectives des deux pays sur la côte occidend'Afrique.

es contestations auxquelles cet arrangement vient aujourd'hui mettre un terme ntent pour la plupart à une date fort ancienne; elles ont pour origine les efforts depuis longtemps par la France et l'Angleterre pour développer leurs possessions cette partie de l'Afrique. Il est arrivé un moment, où, par suite de cette extende leur influence, les deux pays se sont trouvés en contact; des compétitions ne

devaient pas tarder à naître de ce voisinage et de l'absence de toute détermination de frontières. L'ardeur de ces compétitions s'était particulièrement accentuée dans les dernières années : les agents locaux en étaient venus, en rivalisant de zèle, à empiéter de part et d'autre sur les territoires qui étaient légitimement dévolus à chacun des deux pays.

Comprenant que cet état de choses ne pouvait se prolonger sans entraîner des conflits aigus et sans compromettre inopinément, et pour ainsi dire à leur insu, leurs bonnes relations, le Gouvernement de la République et celui de Sa Majesté Britannique reconnurent la nécessité de régler d'un commun accord les questions qui les divisaient à la côte occidentale d'Afrique.

Ils confièrent ce soin à une commission mixte dont le mandat tendait plutôt à poser les bases de l'entente qu'à conclure une convention en forme. Les membres de la Commission, où le Gouvernement français était représenté par M. Nisard, Ministre plénipotentiaire, et M. Bayol, Lieutenant-Gouverneur des Rivières du Sud du Sénégal, se mirent à l'œuvre, animés des mêmes sentiments de conciliation et d'un égal désir d'aboutir à un règlement acceptable pour les deux pays. Après plusieurs échanges de vues, les Délégués français et anglais acquirent la conviction qu'il était possible d'arriver à un accord définitif, et ils furent ainsi amenés à signer l'acte diplomatique que nous avons l'honneur de vous soumettre.

Sans vouloir entrer dans le détail de cet arrangement, nous croyons utile de vous exposer sommairement les solutions adoptées pour chacun des points qui étaient en litige.

L'article 1er délimite les possessions des deux Pays dans la région de la Gambie. Se fondant sur les stipulations du traité de Versailles (1782), l'Angleterre revendiquait le bassin entier du fleuve, comprenant notamment les territoires situés entre la rive gauche du Saloum et la Gambie et tous les pays riverains jusqu'au FoutaDjallon.

La délimitation résultant de l'arrangement ne laisse à l'Angleterre que le cours mème du fleuve avec une bande de quelques kilomètres sur les deux rives jusqu'à Yarbatenda, et nous restons en possession des riches territoires avoisinants.

Le second article de la convention est consacré à la délimitation des Scarcies. L'influence anglaise se faisait depuis longtemps sentir dans ces régions ou nous avions à lutter contre le voisinage de la colonie de Sierra-Leone. Nous étions menacés de voir le Fouta-Djallon nous échapper et nos communications avec le haut Niger auraient pu ètre ainsi coupées.

L'arrangement du 10 août dernier prévient ce danger. Le Bennah, le Tamisso, le pays des Houbbous et le Fouta-Djallon sont formellement reconnus à la France: une route nous sera assurée au sud de Fouta-Djallon pour relier à nos établissements du Niger les Rivières du Sud, qui, aussi bien du côté de la Gambie que du côté des Scarcies, échappent définitivement à tout contrôle de l'Angleterre.

Le troisième article de l'arrangement est relatif à la délimitation des établissements français et anglais de la Côte-d'Or. L'Angleterre revendiquait sur cette partie de la côte les lagunes Tendo et Ahy, la rivière Tanoue et une partie considérable du pays d'Amatifou; les territoires reliant la côte au haut Niger semblaient ainsi nous être fermés.

usage

L'arrangement laisse à la France le libre des lagunes, ainsi que la possession de la rive droite de la rivière Tanouë jusqu'au point où elle cesse d'ètre navigable. Il nous garantit la possession des pays de l'intérieur liés à nous par des traités et notamment des États de Kong, de Djimini, etc., où le capitaine Binger et M. Treich-Laplène ont planté le drapeau français.

La quatrième et dernière question réglée est celle de Porto-Novo.

L'Angleterre n'avait cessé de s'étendre de ce côté: le Royaume de Ketenu, les pays situés en face de Porto-Novo entre la lagune et la mer, les eaux du lac Denham les villages sur pilotis, l'entrée même de la rivière Quémé étaient revendiqués par elle, et elle y avait même fait acte d'occupation.

Grâce aux stipulations de l'arrangement du 10 août, notre Protectorat à PortoNovo reprend une grande partie de son ancien territoire; les passes reliant le lac Denham à la lagune de Porto-Novo nous sont rendues; le royaume de Ketenu et la plus grande partie de celui d'Appah redeviennent possession française; la limite qui nous sépare de la colonie de Lagos est prolongée jusqu'au 9o degré.

Tels sont, Monsieur le Président, les résultats obtenus par l'arrangement du 10 août dernier. Pour en apprécier exactement la valeur, il ne faut pas seulement tenir compte des droits plus ou moins positifs que nous pouvions invoquer, il convient surtout de se rappeler la situation réelle qui nous était faite sur la plupart des points contestés antérieurement à l'accord intervenu, et de la comparer à celle que cet acte nous assure désormais et met à l'abri de toute discussion. Cette comparaison constitue, à nos yeux, le meilleur argument en faveur de la convention du 10 août.

De plus, l'arrangement dont il s'agit présente l'avantage de délimiter nettement la zone dans laquelle nous pouvons nous étendre en toute liberté et de mettre fin ainsi à un état de choses mal défini qui nuisait à notre développement et paralysait nos moyens d'action.

A ces divers points de vue, nous estimons que cet acte mérite de recevoir l'entière approbation du Gouvernement de la République, et nous pensons également qu'il n'y a pas lieu de recourir à la sanction législative en raison du caractère de ses clauses. Il ne s'agit, en effet, que d'une convention de délimitation, d'une sorte l'opération d'abornement qui ne tombe pas sous les dispositions de l'article 8 de la oi constitutionnelle du 16 juillet 1875..

Si telle est votre manière de voir nous vous prions, Monsieur le Président, de ouloir bien revêtir de votre signature le décret ci-joint qui approuve l'arrangement u 10 août 1889.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

[blocks in formation]

DÉCRET portant publication et approbation de l'Arrangement signé à Paris, le 10 août 1889, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

Sur le rapport du Président du Conseil, Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Colonies, et du Ministre des Affaires étrangères,

DÉCRÈTE:

ARTICLE PREMIER.

Un arrangement concernant la délimitation des possessions françaises et anglaises sur la côte occidentale d'Afrique, ayant été signé à Paris, le 10 août 1889, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de S. M. la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, ledit arrangement, dont la teneur suit, est et demeure approuvé.

ARRANGEMENT

relatif à la délimitation des possessions françaises et anglaises

sur la côte occidentale d'Afrique.

Les soussignés, délégués par le Gouvernement de la République française et par le Gouvernement de S. M. la Reine de la Grande-Bretagne et d'Irlande à l'effet de préparer un accord général destiné à régler l'ensemble des questions pendantes entre la France et l'Angleterre, au sujet de leurs possessions respectives sur la côte occidentale d'Afrique, sont convenus des dispositions suivantes :

ARTICLE PREMIER.

En Sénégambie, la ligne frontière entre les possessions françaises et anglaises sera établie dans les conditions suivantes :

1o Au Nord de la Gambie (rive droite), le tracé partira de Jinnak-Creek pour suivre le parallèle qui, passant en ce point de la côte (environ 13°36′ Nord), coupe la Gambie dans le grand coude qu'elle fait vers le Nord, en face d'une petite île située à l'entrée de Sarmi-Creek, dans le pays de Niamena.

A partir de ce point, la ligne frontière suivra la rive droite jusqu'à Yarbatenda, à une distance de 10 kilomètres du fleuve ;

2o Au Sud (rive gauche), le tracé partira de l'embouchure de la rivière San-Pedro, suivra la rive gauche jusqu'au 13°10' de latitude Nord. La frontière sera établie

nsuite par le parallèle qui, partant de ce point, va jusqu'à Sandeng (fin de VintangCreek, carte anglaise).

Le tracé remontera alors dans la direction de la Gambie, en suivant le méridien passe par Sandeng jusqu'à une distance de 10 kilomètres du fleuve.

La frontière suivra ensuite la rive gauche du fleuve, à une mème distance de o kilomètres, jusqu'à et y compris Yarbatenda.

ART. 2.

la

Au Nord de Sierra-Leone, conformément aux indications du traité de 1882, gne de démarcation, après avoir séparé le bassin de la Mellacorée de celui de la rande Scarcie, passera entre le Bennah et le Tambakka, laissant le Talla à l'Angleerre, le Tamisso à la France, s'approchera du 10 degré de latitude Nord, en omprenant le pays des Houbbous dans la zone française, et le Soulimaniah avec alabah dans la zone anglaise.

Le tracé s'arrêtera à l'intersection du 13° degré de longitude Ouest de Paris 0° 40′ de Greenwich), carte française, et du 10° degré de latitude

ᎪᎡᎢ. 3.

$ 1er. Sur la Côte d'Or, la frontière anglaise partira du bord de la mer à ewton, à 1,000 mètres à l'Ouest de la maison occupée, en 1884, par MM. les mmissaires anglais. Elle se dirigera ensuite en droite ligne vers la lagune Tendo. à ligne suivra ensuite la rive gauche de cette lagune et de celle d'Ahy, puis la rive uche de la rivière Tanoue ou Tendo jusqu'à Nougoua. A partir de Nougoua, le acé de la frontière sera établi en tenant compte des traités respectifs conclus par deux Gouvernements avec les indigènes. Ce tracé sera prolongé jusqu'au 9° degré latitude Nord.

Le Gouvernement français prendra l'engagement de laisser l'action politique de ngleterre s'exercer librement à l'Est de la ligne frontière, particulièrement en ce i concerne le royaume des Achantis; le Gouvernement anglais prendra l'engagement laisser l'action politique de la France s'exercer librement à l'Ouest de la ligne

ntière.

La frontière française partira également du bord de la mer à Newton, à oo mètres à l'Ouest de la maison occupée en 1884 par MM. les commissaires anis. Après avoir rejoint en ligne droite la lagune Tendo, elle suivra la rive droite cette lagune et de celle d'Ahy, ainsi que la rivière Tanouë ou Tendo, pour aboutir lougoua, point où les deux frontières se confondent.

32. — Dans les cas où le Gouvernement de « Gold Coast » jugera utile d'établir poste de douane à l'embouchure de la rivière Tendo, le Gouvernement français fera pas d'objection à ce que les autorités anglaises exigent des embarcations franes des certificats de destination pour les marchandises remontant le Tendo, certits spécifiant que les droits d'entrée dans la Colonie française ont été intégralement és par elles.

a navigation sur les lagunes Tendo, Ahy et la rivière Tendo sera libre et ouverte embarcations et aux habitants des deux protectorats.

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