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une demi-heure ; le matériel était embarqué depuis long-temps j'ordonnai de redoubler ces simulacres, de mettre embargo dans tous les ports. Une avant-garde du corps de Ney appareilla de Montreuil pour longer la côte et se réunir au camp de Boulogne. Le corps de Soult fut embarqué tout entier durant deux jours: mes équipages le furent aussi. Ces mesures trompèrent Cobentzel; il annonça à Vienne que dans huit jours je serais en mer. Les Autrichiens le crurent sur parole, et inondèrent aussitôt la Bavière avec 84 mille hommes sans attendre les Russes. Ils se flattaient d'entraîner ainsi l'électeur dans leur parti de gré ou de force, ce qui leur eût procuré un renfort de 20 mille hommes, et l'avantage de porter le théâtre de la guerre jusque sur le Rhin; mais c'était éloigner le moment de la jonction avec la grande armée russe, et en augmenter les difficultés.

Leur calcul fut doublement trompé; Maximilien Joseph, instruit des projets de l'ennemi, se prépara à partir de Munich, et dès que les Autrichiens passèrent l'Inn, il se retira à Wurtzbourg avec toute son armée et sa cour. Les Autrichiens n'en continuèrent pas moins leur marche qui n'était dès lors plus qu'une extravagance sans but. Après avoir traversé la Bavière, et franchi l'Iser et le Lech, ils vinrent

s'établir sur le Danube et l'Iller. L'archiduc Ferdinand les commandait de nom; mais il avait ordre de déférer entièrement aux avis du général Mack, que toute l'Allemagne croyait un grand général, quoiqu'il eût déja montré son incapacité en Flandres et à Naples. L'archiduc Jean avec 40 mille hommes occupait le Tyrol. Une autre armée de 100 mille hommes, aux ordres de l'archiduc Charles, s'avança sur l'Adige, prête à envahir l'Italie.

L'armée quitte les

marche sur

La nouvelle des préparatifs hostiles du cabinet de Vienne et des menaces qu'il faisait côtes de lá à la Bavière et à l'Italie, arriva presque en Manche, et même temps que celle du combat livré par le Danube. Villeneuve à l'amiral Calder et de sa retraite sur Vigo.

Lors même que l'expédition eût été mon unique projet, il fallait bien y renoncer dans de pareilles circonstances. En 24 heures, mon armée, prête à tout, fit demi-tour à droite et se mit en marche pour l'Allemagne l'em: bargo fut mis sur la poste aux lettres, et depuis six jours nos colonnes filaient à marches forcées sur la Lorraine, qu'on ne songeait encore à Paris qu'à leur embarquement. Cependant je ne pouvais pas laisser mon immense flotille aux coups des Anglais j'organisai un corps d'armée à Boulogne avec

les 3 bataillons (les bataillons de dépôt) de la grande armée et j'en laissai le commandement à Brune. Un autre corps sous Collaud garda Anvers et Flessingue; enfin quatre camps de réserve furent établis à Strasbourg, Mayence, Juliers et Alexandrie. Les maréchaux Lefèvre et Kellermann organisaient à Mayence les conscrits destinés aux corps de la grande armée et en formaient, en attendant de les faire entrer en ligne, des divisions de réserve et de garnison. Indépendamment de ces forces susceptibles d'être mobilisées, il fallait mettre nos autres ports, nos côtes et celles de Hollande, à l'abri de tout danger, et préparer les moyens secondaires pour porter toute notre énergie au-dehors. Je fis rétablir l'institution si précieuse des gardes nationales, en me réservant toutefois le droit d'ordonner moi-même leur organisation, et de déterminer l'époque et le nombre de celles qui seraient mobilisées. Ce moyen pouvait nous donner au besoin 100 mille hommes pour la garde de l'intérieur, et c'était beaucoup. Une conscription de 80 mille hommes fut décrétée pour pourvoir à temps au recrutement, et tenir les corps actifs au complet. Des marchés considérables furent passés pour organiser à Strasbourg les transports d'artille

rie, avec des chevaux et conducteurs soudoyés en Alsace, en Suisse, en Lorraine.

Je devais croire aussi que les Anglais et les Russes reprendraient le projet d'une descente en Hollande, ou du moins qu'ils viendraient reprendre possession du Hanovre, et que, basés sur ce pays, ils pourraient bien inquiéter la république batave. Je proposai à la Prusse d'occuper cet électorat que Bernadotte quittait pour marcher en Autriche; et dans l'incertitude du parti qu'elle prendrait, je chargeai mon frère Louis du commandement en Belgique et en Hollande.

Masséna, qui commandait 50 mille hommes en Italie, eut la tâche de s'opposer aux forces doubles de l'archiduc Charles. St.-Cyr devait d'abord s'emparer de Naples, et licencier l'armée avant que les Russes et les Anglais pussent le prévenir et l'attaquer: mais un traité de neutralité ayant été signé le 27 septembre avec le duc de Gallo, ministre du roi de Naples, pour mettre les états de son maître à l'abri des Anglais et de la coalition, St.-Cyr dut alors évacuer le royaume en toute hâte pour se porter sur l'Adige et renforcer Masséna.

Rhin.

Je me réservais à la tête de la grande armée Passage du de punir Mack de la témérité avec laquelle il venait s'offrir à mes coups. Nos colonnes

volèrent sur le Rhin avec une grande rapidité. Les réserves de cavalerie sous les ordres de Murat, soutenues du corps de Lannes, passèrent ce fleuve à Kehl le 25 septembre (1). Ils

I

(1) ÉTAT DE LA GRANDE ARMÉE EN 1805. Bavarois, 2 divisions, Wrède et Deroi.

er Corps, Bernadotte; divisions d'infanterie, Drouet, Rivauld; cavalerie, Kellermann.

2 Corps, Marmont; divisions Boudet, Grouchy, Dumonceau; cavalerie, Guérin.

3e Corps, Davoust; division d'infanterie, Bisson, Friant, Gudin; cavalerie, Fauconnet.

4 Corps, Soult; divisions d'infanterie, Saint-Hillaire, Vandamme, Legrand; cavalerie, Margaron.

5 Corps, Lannes; divisions Suchet, Gazan, Oudinot, grenadiers réunis.

6e Corps, Ney; divisions, Dupont, Loison, Malher; cavalerie, Colbert, dragons à pied, commandés par Baraguey d'Hilliers.

7° Corps, Augereau; divisions Desjardins, Mathieu. divisions de cuirassiers, Nansouty, d'Hau

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Gardes, Mortier; gardes à pied, 8 bataillons; Bessières,

gardes à cheval, 14 escadrons.

N. B. Soult avait d'abord 4 divisions, mais Suchet en fut détaché. Mortier eut ensuite un corps tiré des autres : il eut les divisions Dupont, Gazan et Dumonceau.

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