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voyé le marquis de Lucchesini pour traiter d'un armistice ou de la paix; il fut accompagné du général de Zastrow, dont le caractère noble et respectable était la meilleure garantie des intentions sincères du roi. Duroc traita avec eux à Charlottenbourg. Il était difficile de nous entendre, surtout pour un armistice, car à chaque minute on m'apprenait la reddition d'un nouveau corps ou d'une nouvelle place.

Les négociateurs sentirent qu'en laissant entrevoir le désir d'une alliance, ils adouciraient les rigueurs du traité. On est toujours disposé à faire plus pour un ennemi qui devient allié, que pour un adversaire qui signe une paix pure et simple, et peut rentrer le lendemain dans les rangs ennemis.

Je consentis à un armistice qui laissait à la Prusse Magdebourg et tous ses états entre l'Elbe et le Niémen; elle perdait le Hanovre et tous ses états de Franconie, de Saxe et de Westphalie. Si l'alliance se réalisait, je pouvais la dédommager...

Mais Magdebourg capitula avec 20 mille hommes le jour même où Duroc signait la convention de Charlottenbourg; pouvais-je rendre ce boulevard principal de la monarchie pour un simple armistice, subordonné encore à l'acceptation d'un prince qui se trouvait à Koenigsberg, au milieu des colonnes russes appelées à son secours?

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Il fallut faire un nouveau traité; je partis pour Posen, et ne pus le signer que dans cette ville. Je ne devais pas trop compter sur sa ratification, car le roi de Prusse, après la conduite que son cabinet lui avait fait tenir dans l'affaire de Haugwitz, se fût perdu aux yeux des contemporains et de la postérité, s'il eût abandonné de nouveau les Russes dont 80 mille marchaient sur la Vistule et traversaient déja ses états.

En attendant, mon armée, n'ayant pas même trouvé un ennemi entre l'Oder et la Vistule, s'était avancée sur Varsovie et Thorn. Il ne restait derrière moi Stralsund et les Suédois à obque server; la Silésie et ses six forteresses à soumettre. Je réservai d'abord la première tâche à Mortier, jusqu'à ce qu'il pût être relevé par un nouveau corps d'observation de l'Elbe. La soumission de la Silésie fut confiée à mon frère Jérôme il n'avait pas encore d'établissement; avant de lui en former un, je voulais lui fournir l'occasion de se distinguer. Il avait d'abord été s'embarquer sur l'escadre de Brest, mais le service de mer ne lui convenait pas, et je l'appela à l'armée de terre; Vandamme lui servait de guide, et il commandait aux 25 mille Bavarois ou Wurtembergeois, formant le 9° corps.

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Réduire Glogau, Breslau, Brieg, Neisse, Schweidnitz et Glatz, dont les garnisons comp

taient une force au moins égale à la sienne, n'était pas une entreprise sans difficultés, pour peu que le prince d'Anhalt-Pless qui lui était opposé fût un homme de tête et de cœur. La première ne fit qu'un simulacre de résistance; il n'en fut pas de même des autres qui, mieux commandées, furent aussi beaucoup mieux défendues.

Ainsi se termina la guerre de sept semaines, bien différente de celle de sept ans. Jamais victoire n'avait eu de pareils résultats. Dans ce court espace de temps, ma puissance s'était élancée, pour ainsi dire, des bords du Rhin à ceux de la Vistule. Cent mille prisonniers, 4 mille pièces de canon, six grandes places et plusieurs autres moins considérables, tels étaient les trophées d'une habile manoeuvre, de l'impétueuse valeur de mon armée et de l'inexpérience de nos adversaires. Quoi qu'en dise l'élégant écrivain du précis des événements militaires, ces succès ne furent que le résultat d'une habile application des principes de la guerre, de ma part, et d'un oubli total de ces principes de la part de mes

ennemis. Vouloir nier l'existence et l'influence de ces principes, c'est nier le soleil; c'est prouver qu'on n'a pas compris la guerre. Mon génie n'a consisté qu'à les appliquer presque constamment, et à donner à cette application toute l'étendue

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du possible. C'est dans cette manière de les mettre en pratique que j'ai déployé toute la supériorité de mon jugement, la grandeur de mon caractère et l'étendue de mes vues. C'est là ce qui distingue le grand homme de guerre du général médiocre. Mais loin de moi la pensée de mettre en doute l'existence des principes et leur influence sur le sort des combats!

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CHAPITRE X.

Projets sur la Pologne. Campagne d'hiver. Les Russes arrivent sur la Vistule et envahissent la Moldavie. Batailles de Pultusk et d'Eylau. Quartiers d'hiver. Opérations contre les Suédois. Siéges de Dantzick et des places de Silésie. Menaces de l'Espagne. Démonstrations de l'Autriche. Les Anglais devant Constantinople; ils échouent contre l'Égypte. Négociations diverses avec la Perse, la Porte, la Suède et les coalisés. Ouverture d'une seconde campagne. Batailles d'Heilsberg et de Friedland. Traité de Tilsit.

Le roi de Prusse s'était retiré à Koenigsberg. De toute son armée il lui restait à peine 20 mille hommes en état de tenir la campagne; mais 100 mille Russes venaient à son secours et s'avançaient sur la Vistule. Je marchai à leur rencontre; j'arrivai en Pologne. Un nouveau théâtre s'ouvrait à nos armes ; j'allais voir cette vieille terre de l'anarchie et de la liberté courbée sous la domination étrangère; les Polonais attendaient ma venue pour secouer le joug allemand.

la Pologne.

Il aurait fallu ignorer l'histoire du 18° siècle Projet sur pour méconnaître tout le parti que je pouvais tirer de la Pologne; mais, pour qu'elle pût servir

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