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et pour voter ensuite leur adoption ou leur rejet. Le sénat, comme chambre haute, conservait l'initiative des grands perfectionnements à faire aux institutions publiques et le contrôle des mesures de la première chambre. C'était un gouvernement muet, à la vérité; mais l'expérience nous avait un peu guéris des déclamations de la tribune. La France a éprouvé en 1814 et en 1815 si j'avais mal calculé, en me défiant des grandes assemblées délibérantes où la passion domine toujours plus que la raison, et qui sont toujours ou bassement serviles quand elles flattent l'autorité, ou enthousiastes et imprudentes à l'excès quand elles la combattent.

FIN DU DEUXIÈME VOLUME.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

( N° I. )

Projet de Pitt pour abaisser la France, extrait de la communication officielle qui fut faite par le gouvernement de la Grande-Bretagne à l'ambassadeur de Russie, à Londres, le 19 janvier 1805.

On a mis sous les yeux de S. M. le résultat des communications faites par le prince Czartorinski à l'ambassadeur de S. M. à St.-Pétersbourg et des explications confidentielles données par V. E. Sa majesté a vu avec une satisfaction inexprimable le plan de politique sage, grand et généreux que l'empereur de Russie est disposé d'adopter dans la situation calamiteuse de l'Europe; S. M. est encore heureuse de s'apercevoir que les vues et les sentiments de l'empereur, par rapport à la délivrance de l'Europe et à sa tranquillité et à sa sûreté future, répondent entièrement aux siens. En conséquence le roi désire entrer dans l'explication la plus claire et la plus franche sur chaque point qui tient à ce grand objet, et de former avec S. M. I. l'union de conseil et le concert le plus intime, afin que, par leur influence et leurs

efforts réunis, on puisse s'assurer de la coopération et de l'assistance d'autres puissances du continent dans une proportion analogue à la grandeur et à l'importance de l'entreprise, du succès de laquelle dépend le salut futur de l'Europe.

Pour cela, le premier pas doit être de fixer, aussi précisément que possible, les objets vers lesquels un tel concert doit tendre.

Il paraît, d'après l'explication qui a été donnée des sentiments de l'empereur, auxquels S. M. adhère parfaitement, qu'ils se rapportent à trois objets: 1o de soustraire à la domination de la France les contrées qu'elle a subjuguées depuis le commencement de la révolution, et de réduire la France à ses anciennes limites, telles qu'elles étaient avant cette époque (1). 2o De faire, à l'égard des territoires enlevés à la France, des arrangements qui, en assurant leur tranquillité et leur bonheur, forment en même temps une barrière contre les projets d'agrandissement futurs de la France. 3o D'établir, à la restauration de la paix, une convention et une garantie pour la protection et la sûreté mutuelle des différentes puissances, et pour rétablir en Europe un système général de droit public.

(1) Cette expression dubitative il paraît prouve que Pitt avait donné de l'extension aux idées de l'empereur Alexandre. Lorsqu'on en vint à des actes sérieux, ce monarque ne parla que de l'évacuation de l'Allemagne, de la Hollande, de l'Italie, ce qui fait croire qu'il entendait que la France restât dans ses limites, mais qu'il n'eut point l'intention de lui imposer celles de 1792.

Le premier et le second objet sont énoncés généralement et dans des termes qui admettent la plus grande extension; mais ni l'un ni l'autre ne peuvent être considérés en détail sans égard à la nature et à l'étendue des moyens par lesquels ils peuvent être obtenus. Le premier est certainement celui que les voeux de S. M. et ceux de l'empereur voudraient voir établi sans aucune modification ni exception; et rien de moins ne pourrait complètement satisfaire les vues que les deux souverains ont pour la délivrance et la sécurité de l'Europe. S'il était possible de réunir à la GrandeBretagne et à la Russie les deux autres grandes puissances militaires du continent, il paraît hors de doute qu'une telle réunion de forces les mettrait en état d'accomplir tout ce qu'elles se seraient proposé. Mais si (comme il y a trop de raison de croire) il était impossible de faire entrer la Prusse dans la confédération, on peut douter qu'il y ait moyen de faire dans toutes les parties de l'Europe les opérations qui seraient nécessaires pour le succès de la totalité du projet.

Le second point renferme en lui-même la matière de plus d'une considération importante. Les vues et les sentiments qui animent également S. M. et l'Empereur de Russie, lorsqu'ils tentent d'établir ce concert, sont purs et désintéressés.

Leur principale vue, à l'égard des pays qui peuvent être enlevés à la France, doit être de rétablir, autant que cela est possible, leurs anciens droits, et de fonder le bien-être de leurs habitants; mais en envisa

geant cet objet, ils ne doivent pas perdre de vue la sécurité générale de l'Europe, d'où même cet objet particulier doit principalement dépendre.

Par suite de ce principe, il ne peut pas être douteux que si quelques-uns de ces pays sont capables d'être rendus à leur ancienne indépendance, et placés dans une situation où ils puissent la défendre, un tel arrangement doit être très-analogue à la politique et aux sentiments sur lesquels ce système est fondé. Mais on trouvera, parmi les pays actuellemeût soumis à la domination de la France, d'autres auxquels ces considérations ne sont point applicables, soit que dans ces pays les anciennes relations sont tellement détruites qu'on ne peut pas les y rétablir, soit que leur indépendance n'aurait lieu que de nom, et serait aussi incompatible avec la sûreté des pays mêmes qu'avec celle de l'Europe. Heureusement le plus grand nombre entre dans la première catégorie. Si les armes des alliés étaient couronnées de succès au point de dépouiller la France de tous les pays qu'elle a acquis depuis la révolution, ce serait certainement leur premier but de rétablir les républiques des ProvincesUnies et de la Suisse, et les territoires du roi de Sardaigne, de la Toscane, de Modène (sous la protection de l'Autriche) et de Naples; mais celui de Gênes, celui de la république italienne, renfermant les trois légations, ainsi que Parme et Plaisance; et, d'un autre côté, les Pays-Bas autrichiens, les pays sur la rive gauche du Rhin qui ont fait partie de l'empire germanique, appartiennent à la seconde

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