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été un mal,

si j'avais pu

Ce n'eût commander toujours en personne, et me trouver partout à la fois; mais, en détruisant la pépinière de cette classe d'officiers qui doit être propre à tous les travaux militaires, je désorganisais les moyens de suppléer à ma présence sur le théâtre de guerre où je ne serais pas présent.

Ces réflexions, que j'ai eu lieu de faire dans mon exil, m'ont convaincu que cette circonstance n'a pas peu contribué à nos revers. Berthier, qui sortait de l'ancienne école d'état-major, au lieu de prendre la défense du corps dont il était chef naturel, se plaisait à renchérir sur les humiliations que je lui prodiguais: il croyait me faire sa cour, et, en vrai Narcisse, il a flatté ce travers jusqu'au bout.

Je donnai le commandement des corps d'armée à des hommes éprouvés dans maintes batailles. J'avais nommé, à mon ascension au trône, seize maréchaux de France parmi les généraux qui avaient eu jusque là des commandements en chef; tous ne furent pas d'abord appelés à mon armée.

Bernadotte eut le premier corps : c'était un homme fin, d'un extérieur brillant; les plans d'opérations qu'il avait faits comme ministre de la guerre, prouvaient qu'il était meilleur lieutenant que général en chef.

Marmont, jadis mon aide-de-camp et officier

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d'artillerie, commanda le 2o, quoiqu'il ne fût pas maréchal alors. J'ai eu trop à m'en plaindre pour le juger la postérité s'en chargera.

Davoust fut mis à la tête du 3 corps : cet homme, qui avait reçu une bonne éducation, avait la tête fortement organisée et des idées de guerre très-justes. Ses manières rudes et un caractère à la fois soupçonneux et dur lui ont fait beaucoup d'ennemis, et dans les graves circonstances où il s'est trouvé, l'esprit de parti s'est déchaîné contre lui avec une grande injustice. Sévère, mais juste envers ses subordonnés, mieux qu'aucun autre il sut maintenir l'ordre et la discipline parmi ses soldats: aucun de mes maréchaux n'exigeait plus de ses subordonnés, et aucun ne les fit servir avec autant d'exactitude.

Le 4 corps était confié à Soult. Celui-ci, d'un physique mâle, d'un esprit étendu, laborieux, actif, infatigable, avait fait preuve en Suisse, à Gênes, de talents supérieurs : on lui reprochait d'être trop ambitieux.

Lannes avait le 5o corps. Couvert de gloire et de blessures, ce brave manquait de principes faits sur la guerre; mais il y suppléait par un jugement admirable, et sur le champ de bataille il ne le cédait à aucun de ses collègues.

Ney commandait au 6o corps. Il est assez connu

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de toute l'Europe pour me dispenser d'entrer dans de grands détails sur ce qui le concerne. Si, entraîné par une fatale destinée, il ne fut le chevalier sans reproches, il fut incontestablement le chevalier sans peur (1). Lannes fut peut- * être aussi brillant que lui dans maintes attaques; mais la force d'ame que Ney déploya dans le grand désastre de 1812, où il commanda successivement tous les corps d'armée, lui assigne le premier rang parmi les braves de tous les jours. De même que plusieurs de ses collègues, il n'entendait point la guerre en grand sur la carte; mais sur le terrain, rien n'égalait son assurance, son coup-d'oeil et son aplomb.

Le 7 corps, aux ordres d'Augereau, se forma plus tard à Brest. Son chef avait cueilli la palme

(1) La faiblesse de Ney, en 1815, ne peut être appréciée que par ceux qui l'ont approché de très-près; si elle parut inexcusable et contraire à toutes les règles de la morale, du moins l'intention fut-elle d'un bon français: Ney se crut appelé à décider de la guerre civile, et il sacrifiait tout pour l'éviter. De même qu'il l'avait fait à Fontainebleau, il foula aux pieds les principes par un amour mal raisonné pour la patrie; mais il n'était ni un traître, ni un ambitieux. C'était un preux et vaillant guerrier qui fut inconséquent, et plus à plaindre qu'à blâmer. On aurait dû se contenter de juger sa faute et le condamner par contumace; il eût été assez puni à vivre loin de la France.

à Castiglione: un physique imposant et des manières soldatesques avaient fait sa fortune; mais si son auréole jeta encore un peu d'éclat à Arcole, il n'a rien fait depuis pour justifier sa réputation. Murat fut mis à la tête des réserves de cavalerie. Le titre de mon beau-frère et celui de duc souverain de Berg qu'il reçut plus tard le plaçaient de fait au nombre de mes lieutenants destinés à commander plusieurs corps. Cet officier de cavalerie, qui avait dû à sa bonne mine, à son courage et à son activité, l'honneur d'être mon aide-decamp et mon parent, n'a jamais été à la hauteur de la réputation colossale que je lui avais faite. Il avait de l'esprit naturel, un courage brillant et une grande activité; mais il a prouvé que tel brille au second rang qui s'éclipse au premier.

Un homme d'une trempe différente fut mis à la tête de l'armée d'Italie. Sa victoire de Zurich lui donnait des titres à obtenir de préférence le commandement d'une armée isolée. Masséna reçut de la nature tout ce qui fait un excellent homme de guerre : doué d'un grand caractère, d'un courage éprouvé et d'un coup-d'œil qui lui inspirait les résolutions les plus promptes et les plus heureuses, on ne peut lui refuser une place distinguée parmi les capitaines modernes. Cependant il faut avouer qu'il brillait plus dans les combats que dans le conseil.

Brune, Mortier et Bessière furent aussi du nombre des élus. Le premier ne manquait pas de certain mérite: c'était pourtant à tout prendre un général de tribune bien plus qu'un militaire redoutable. Le second, moins brillant, était plus solide: son calme et son sang-froid, passés en proverbe parmi les soldats, lui avaient valu plus d'un succès, et il était du nombre de ceux qui pouvaient conduire un corps sous ma direction. Quant à Bessière, il avait fait ses preuves près de moi à l'armée d'Italie, où il commandait mes guides à cheval. Il n'avait pour lui qu'un grand esprit d'ordre et une valeur reconnue. Il était méthodique et d'une timidité excessive dans le conseil.

Lefebvre, duc de Dantzick, était un vrai grenadier. Enfant de la nature, il ne devait rien qu'à son esprit naturel, à une grande bravoure, et à son caractère simple et naïf. Il savait se faire aimer du soldat et le mener droit à une position: c'était tout son mérite.

Jourdan avait commandé en chef une grande armée. Victorieux à Fleurus dans une circonstance des plus décisives, il avait dû à la fortune une grande partie de sa réputation. Bon administrateur, laborieux, homme d'ordre et intègre, ayant de l'instruction, il eût été fort bon chef d'étatmajor d'une grande armée sous un chef qui l'eût bien dirigé.

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