ACTES

DES

APOTRES

Les apôtres ont été traités comme Jésus cinquante-trois Évangiles, parmi lesquels l'Église en a choisi quatre, ont été fabriqués pour raconter sa vie et sa doctrine; de même une multitude d'Actes ont été écrits sur les missions de ses disciples: 1° Actes de Paul et Thècle, par un prêtre, disciple de Paul; 2° Actes de saint Pierre et saint Paul, attribués aux Manichéens; 3o Actes de saint André ; 4o de saint Jean; 5o des Apôtres, par les mêmes; 6o Actes des Apôtres, par les Ébionites; 7° Voyage de saint Pierre, attribué à saint Clément; 8° Actes de saint Philippe et saint Thomas, forgés, dit-on, par les Euchralites et apostoliques, etc., etc. - Tous ces Actes ont été rejetés du Canon par la secte triomphante. Est-ce une raison pour que nous les jugions plus faux que les conservés? Plus on nous dit (cf. BERGIER, Dictionnaire théologique) que ces livres étaient fabriqués tout exprès par des hérétiques pour le besoin de leurs opinions, plus nous sommes en droit d'affirmer que les livres admis comme canoniques ont été composés par l'Église pour la défense des siennes; en sorte que, devant la critique, l'autorité et l'authenticité de toutes ces écritures sont parfaitement égales.

Les Actes des Apôtres contiennent le récit, très-peu authentique et tout à fait légendaire, des faits et gestes des premiers chrétiens, depuis la résurrection de Jésus, an 34,

NOUV. TESTAMENT. T. II.

1

jusqu'à l'arrivée de Paul à Rome, l'an 61, d'après Ussérius. Ces récits, mieux que les Evangiles, montrent, par l'agitation qui régnait dans la nouvelle secte, comment se forme peu à peu la nouvelle religion.

D'abord Jésus, un saint homme, plus grand qu'Élie, ne pouvait mourir. Son supplice disperse les disciples; mais son corps ayant disparu, l'opinion de sa résurrection commence à s'accréditer. Là est le noeud gordien de l'affaire.

Jésus ressuscité est considéré et proclamé hautement Messie.

La ruine de Jérusalem et du temple venant en aide aux idées de messianité spirituelle, la secte, d'abord ridicule et chimérique des chrétiens, de ces hommes qui poursuivaient une utopie impossible, y gagne d'autant. L'idée d'une réforme religieuse surgissant alors, la discussion s'établit sur le mosaïsme; les chrétiens se prononcent contre la circoncision et le sabbat, se recrutent de tous les rêveurs et religionnaires d'Orient et d'Occident; et, grâce à ce concours, un mouvement, qui, dans le principe, était exclusivement juif, prend une allure d'universalité, se crée une théologie à nouveau, et finit par embrasser le monde.

Le christianisme commence donc à Jésus, ou plutôt à JeanBaptiste, comme le Danube prend sa source dans la forêt Noire!...

CHAPITRE I.

Ascension de Jésus-Christ. Retour des apôtres à Jérusalem. Saint Matthias est élu en la place de Judas.

1. J'ai parlé dans mon premier livre, ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné,

2. Depuis le commencement jusqu'au jour où il fut élevé dans le ciel, après avoir instruit, par le Saint-Esprit, les apôtres qu'il avait choisis (a).

3. Il s'était aussi montré à eux depuis sa passion, et leur avait fait voir, par beaucoup de preuves, qu'il était vivant, leur apparaissant pendant quarante jours, et leur parlant du royaume de Dieu;

4. Et, mangeant avec eux, il leur commanda de ne point partir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse du Père, que vous avez, leur dit-il, ouïe de ma bouche (b).

5. Car Jean a baptisé dans l'eau; mais, dans peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit.

6. Alors ceux qui se trouvèrent présents lui demandèrent : Seigneur, sera-ce en ce temps que vous rétablirez le royaume d'Israël?

7. Et il leur répondit: Ce n'est pas à vous de savoir les temps et les moments que le Père a réservés à son souverain pouvoir. 8. Mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit, qui descendra sur vous; et vous me rendrez témoignage dans Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre (c).

(a) VERSETS 1-2. Les deux premiers versets des Actes donnent à entendre que le rédacteur est le même que celui du troisième Évangile. Quant à savoir si ce rédacteur est Lucas lui-même, cf. Luc, note. (Evangiles annotés, p. 195.) (b) Contradiction avec Matthieu et Marc, où Jésus ordonne à ses disciples de l'attendre en Galilée.

(c) VERSETS 6-8.

Question directe, réponse évasive. Le messianisme juif n'est pas encore abandonné; on croit tou

9. Après qu'il leur eut dit ces paroles, ils le virent s'élever en haut, et il entra dans une nuée, qui le déroba à leurs yeux (d). 10. Et comme ils étaient attentifs à le regarder monter au ciel, deux hommes, vêtus de blanc, se présentèrent soudain à eux,

11. Qui leur dirent: Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtezvous à regarder au ciel? Ce Jésus qui, en se séparant de vous, s'est élevé dans le ciel, viendra de la même manière que vous l'y avez vu monter (e).

12. Ils partirent ensuite de la montagne appelée des Oliviers, qui est éloignée de Jérusalem de l'espace du chemin qu'on peut faire le jour du sabbat; et ils s'en retournèrent à Jérusalem.

13. Et, étant entrés dans une maison, ils montèrent à une chambre haute (f), où demeuraient Pierre, Jean, Jacques, André Phi

jours que le règne temporel du Messie doit venir; seulement on l'ajourne indéfiniment: le passage se fait lentement.

(d) Ascension de Jésus-Christ histoire ou légende imitée de celle d'Élie. Remarquons que chez les anciens, les grands hommes disparaissent sic Moïse, Élie, etc. Noter aussi la durée de quarante jours, nombre cabalistique.

(e) Voilà l'explication trouvée : le Messie reviendra des nues, comme il s'y en est allé !...

(f) Conventicule religieux. « Les sociétés religieuses particulières, dit un jeune critique (L. Bonnal, Thèse), sont le résultat ordinaire de la sécheresse du culte public, de la langueur de l'esprit religieux, de quelque besoin enfin qui n'est pas satisfait... Ils peuvent servir à ranimer le culte domestique, mais souvent aussi ils sont la source d'aberrations funestes et de graves désordres. » Le christianisme a commencé par des espèces de clubs, où l'on chantait, priait, mangeait en commun, distribuait des aumônes, etc. Le culte public étant sans chaleur et sans vie, le besoin de religion se fit sentir presque partout en même temps; la prédication de Jésus détermina, ou plutôt donna l'impulsion à cette tendance réformiste. Quelque chose de semblable se reproduit de nos jours, non plus dans la religion, mais dans la politique : on a cessé de croire à la royauté, à la république, à tout. Il se