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Que les craintes que notre jeune compatriote exprime dans l'Avertissement de son volume s'évanouissent ainsi que l'ombre projetée par le nuage qui passe. S'il a tenté, comme il nous le dit, d'accomplir à son tour, sur un plan lyrique, le sublime pèlerinage de l'Enfer, du Purgatoire et du Paradis, cette lumineuse route qui n'appartient qu'à Dante, il n'a pas trop mal réussi. Qu'il se rassure donc ses vers ont un éclat et une sûreté de facture qui vaudront à l'auteur les sympathies de ceux qui applaudissent aux efforts tentés pour continuer à propager en Belgique le goût de la poésie française.

LE CHEVALIER EDM. MARCHAL.

Au nom de M. Valère Gille, j'ai l'honneur de faire hommage à la Classe d'un volume de poésies intitulé : La Cithare.

L'auteur de la Cithare s'est inspiré de l'antiquité hellénique.

Dans son voyage au foyer de la Beauté, il en évoque les souvenirs avec une grande intensité de vie et un sentiment profond de la nature.

M. Gille vise toujours et il y réussit souvent à faire correspondre le paysage avec les personnages qu'il prend dans l'histoire ou dans la mythologie, dans le monde des dieux comme dans celui des philosophes et des poètes, des guerriers et des artistes.

Ses vers sont de belle allure; le rythme en est franc et net, la rime riche et sonore.

Parmi les Belges qui se servent de la langue française pour « donner un vêtement de beauté à leur pensée »,

il en est dont les préférences vont à ce que l'on a appelé la littérature utilitaire, la poésie servante.

L'auteur de la Cithare n'est pas de cette école.

Il estime (Avis au public) qu'il vaut mieux placer audessus des préoccupations politiques et des controverses sociales le principe de l'art pour l'art, le culte de la forme pure et sereine.

C'est l'avis de quelques autres poètes belges, dont la réputation a déjà dépassé nos frontières.

Et comme c'est le nôtre également, nous leur souhaitons, à eux comme à M. Valère Gille, de trouver en Belgique autant de lecteurs qu'ils en ont à l'étranger.

ERNEST DISCAILLES.

ÉLECTIONS.

La Classe procède à l'élection du comité de trois membres chargé, conjointement avec le bureau (article 12 du règlement) de former la liste des présentations pour les places vacantes. Sont élus : MM. Wauters, Stecher et Tiberghien.

RAPPORTS.

Il est donné lecture des rapports de MM. Vanderkindere, le comte Goblet d'Alviella et P. Willems, sur la Légende de Deucalion, par M. Gittée.

La Classe se prononcera ultérieurement sur les conclusions de ces rapports.

Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien; par MM. J. Bidez et Fr. Cumont.

Rapport de M. P. Thomas, premier commissaire,

<< La correspondance de l'empereur Julien, dont il ne nous est malheureusement parvenu qu'une faible partie, est un des monuments historiques et littéraires les plus intéressants que nous ait légués l'antiquité.

:

Il en a paru plusieurs éditions dans notre siècle, mais aucune, pas même la plus récente, celle de Hertlein, ne répond aux exigences de la science moderne. Constituer le texte des lettres de Julien est, à vrai dire, une tâche singulièrement difficile. Ces lettres sont dispersées dans une foule de manuscrits de nature fort différente ici, un recueil assez étendu; là, de maigres extraits; telle épître n'est conservée que dans un seul exemplaire, etc. Ajoutons qu'il s'est glissé dans nos collections des pièces apocryphes, que la disposition primitive a été bouleversée par les compilateurs et les scribes byzantins, que nombre de lettres ont été tronquées, que la plupart de nos manuscrits sont récents et fautifs, et que chaque morceau a pour ainsi dire sa tradition spéciale.

MM. Bidez et Cumont, dans le mémoire soumis au jugement de l'Académie, ont essayé de débrouiller ce chaos. Le succès a couronné leurs efforts : s'ils ont dû renoncer à dissiper certaines obscurités, ils ont réussi à faire la lumière sur les points essentiels et à résoudre, autant que l'état des sources le permet, les problèmes délicats que soulève l'étude critique des lettres de Julien.

Leur premier soin a été naturellement d'amasser le plus de matériaux possible. A cet effet, ils ont fait ou fait

faire des recherches dans toutes les grandes bibliothèques de l'Europe, à Chalcé et à Patmos, et ils ont ainsi réuni peu à peu les collations exactes de quarante manuscrits, dont plusieurs, et des plus importants, étaient restés inconnus jusque-là, comme l'Ambrosianus L 75 sup. et le Palmiacus 706, ou n'avaient pas été suffisamment exploités, comme le Baroccianus 219.

Une fois en possession de ces documents, ils se sont appliqués à les classer. C'est à eux que revient l'honneur d'avoir, les premiers, dressé le tableau généalogique des copies que nous possédons des lettres de Julien, opération extrêmement laborieuse, mais indispensable, et que les éditeurs ont trop longtemps négligée.

De la masse des manuscrits existants, vingt-six ont été retenus comme pouvant servir à l'établissement du texte. Ces vingt-six manuscrits ont été répartis en trois classes, qui comprennent chacune plusieurs familles. Je ne puis songer à résumer ici cette partie du travail de MM. Bidez et Cumont, mais je me crois autorisé à dire, après une lecture attentive, que le classement qu'ils proposent est fait selon toutes les règles de l'art et que leurs démonstrations, fondées sur une comparaison minutieuse des leçons et sur une analyse approfondie de la nature et du contenu des manuscrits, ne laissent guère de place à la controverse. Qu'il me soit permis de signaler quelques-uns des résultats auxquels ils sont arrivés :

1o Des copies sans valeur, dont Hertlein avait cru devoir donner les variantes, par exemple le Palatinus 134 et l'Ottobonianus 90, ont été du coup éliminées. L'usage qu'on peut faire du Parisinus 2964, apographe du Vossianus, a été nettement déterminé les auteurs du mémoire ont découvert que la seconde main du Parisinus a

:

tout simplement complété ce manuscrit d'après l'édition de Martinius (Paris, 1566).

2o MM. Bidez et Cumont ont restitué avec beaucoup d'habileté et de sagacité les séries de lettres que présentaient les archétypes des différentes familles de manuscrits. Ils montrent que l'ordre suivi dans les éditions n'est qu'un effroyable désordre et qu'il est possible de rétablir quelque liaison dans certaines parties de la correspondance de Julien. Ainsi ils prouvent à l'évidence que les lettres 74 et 14 n'en font qu'une et se rattachent à la lettre 3. Ils donnent comme spécimen d'une édition critique le texte de la correspondance de Julien avec Libanius, à laquelle ces lettres appartiennent.

3o Grâce à leur classement des manuscrits, on voit quels morceaux n'ont en faveur de leur authenticité que des témoignages peu nombreux et peu probants. Les lettres 64 et 65, reproduites dans la famille de l'Ambrosianus B 4 sup. seulement, sont de simples mots historiques, extraits de quelque compilation. La lettre 36 est un fragment qui a passé du dictionnaire de Suidas dans une famille de manuscrits, etc.

4° Bon nombre de lettres étaient données dans la vulgate avec des titres faux l'examen des manuscrits a permis de rétablir le nom du destinataire. Ainsi l'adresse de la lettre 36 est une adresse de fantaisie; il faut y substituer celle qui est donnée par Suidas, au mot motodý. En tête de la lettre 37, on doit lire 'Iμepi au lieu de 'Auɛpio. La lettre 39 est adressée à Eustathe et non à Maxime; la lettre 42, à Priscus et non à Libanius; la lettre 48, à Plutarque et non à Zénon. Le titre de la lettre 59 est xxτà Nɛíkov, et non Atovusi. La lettre 72 est une lettre d'Eustathe à Julien, et non de Julien à Eustathe, etc.

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