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ses propres trouvailles, quel qu'en soit l'objet, étant donné qu'en fait de wagnérisme tout se tient. Mais la supériorité de ces essais tient essentiellement à la double compétence de l'écrivain, dont l'éducation musicale, faite à bonne école, théorique et pratique, est fort au-dessus deş à peu près de l'amateur, et dont l'érudition littéraire, embrassant la connaissance des sources auxquelles a puisé Wagner, est initiée aux poèmes chevaleresques ou mystiques du moyen âge français et à leur interprétation allemande, et d'autant mieux à même d'en pénétrer le caractère que les idiomes originaux ne sont pas pour la déconcerter.

Ces études, tout ensemble biographiques et critiques, très au fait de l'évolution du théâtre et de l'art musical, méritent à tous égards d'être accueillies avec honneur dans la bibliothèque de l'Académie.

RAPPORTS.

Il est donné lecture du rapport de la section de sculpture sur le buste en marbre de feu Jules Van Praet, commandé par le Gouvernement à M. Pickery fils, pour la galerie des bustes des académiciens décédés. Renvoi à M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux publics.

Mémoire sur des documents faux relatifs aux anciens peintres, sculpteurs et graveurs flamands; par M. Victor Vander Haeghen, archiviste de la ville de Gand.

Rapport de M. Henri Hymans, premier commissaire,

<< Après une première communication au Congrès néerlandais tenu à Anvers en 1896 et une seconde à la Société d'histoire et d'archéologie de Gand (5° année, 1897), M. Victor Vander Haeghen adresse à l'Académie un mémoire ayant pour objet d'établir, avec preuves à l'appui, la fausseté d'un ensemble de pièces appartenant aux Archives gantoises, pièces utilisées, à plus d'une reprise, depuis un demi-siècle, par des historiens de l'art flamand.

En premier lieu, c'est le Registre de la corporation plastique de Gand, comme l'intitule feu notre confrère Edm. De Busscher, dans la publication qu'il consacre à ce document, au premier volume de ses Recherches sur les peintres gantois.

Il résulte du travail de M. Victor Vander Haeghen que la liste publiée par M. De Busscher est fausse d'un bout à l'autre !

Le procédé auquel a eu recours le faussaire est fort simple. Possesseur d'un registre datant vraisemblablement du XVIe siècle, où se rencontre une petite liste de noms anciens, il a commencé par faire disparaître les cotes des feuillets pour ramener à la tête du volume les pages restées blanches et s'en servir ensuite pour sa nomenclature.

Où il a puisé les éléments de sa fraude, c'est-à-dire la

liste prétendue des artistes gantois, de 1359 à 1540, M. Vander Haeghen nous le montre par la comparaison des textes utilisés avec la transcription qu'il en a faite et dans laquelle se retrouvent les erreurs commises, notamment par Dierickx. Van Vaernewyck est encore un des auteurs mis à contribution.

La corporation gantoise aurait, pendant deux siècles, compté des artistes qui, de père en fils, procèdent à l'élection de leur doyen, reçoivent des maîtres et des apprentis, sans que rien de tout cela ait existé ailleurs. que dans l'imagination du faussaire !

Aux maîtres les plus connus, et dont il puise les noms dans les annales gantoises, il donne une filiation, comme on la trouve dans quantité de matricules du genre.

Un système analogue a présidé à la confection d'autres documents, par exemple un prétendu règlement daté de 1338, en quelque sorte calqué sur des pièces analogues existant pour diverses corporations de métiers.

Il n'a fallu rien moins que la grande expérience qu'a M. Vander Haeghen des sources gantoises, pour arriver à la divulgation des coupables agissements du faussaire.

Pourtant l'auteur du mémoire a peine à comprendre qu'avec le manuscrit sous les yeux, quelqu'un ait pu être dupe de la supercherie. Mais voilà! Si l'erreur se propage avec une facilité extrême, en revanche rien n'est difficile. comme d'en faire justice.

En plus, il faut tenir compte de l'illusion de quiconque détient un texte et songe à le vulgariser au profit de quelque œuvre nouvelle, appelée à élucider un point d'histoire. Telle fut, pour De Busscher, la reconstitution du passé artistique de la ville de Gand. Les faux auto

graphes, si bénévolement acceptés pour vrais par un savant illustre comme M. Michel Chasles, nous éclairent à suffisance sur la possibilité de semblables méprises.

C'est en 1843 que le faux registre des peintres entra aux Archives gantoises. Il provenait de J.-B. Delbecq, dont le nom occupe une place honorable dans les annales de la curiosité et dont la précieuse collection d'estampes, hautement prisée par M. Duchesne, conservateur du Cabinet de Paris, eut l'honneur d'être inventoriée par Bürger. Plusieurs de ses raretés appartiennent au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale.

Delbecq lui-même avait-il confectionné le faux registre, vendu seulement après sa mort? M. Vander Haeghen incline à le croire, non sans de bonnes raisons.

Avec une patience égale à son érudition, il arrive à établir que Delbecq doit être positivement envisagé comme l'inventeur de la légendaire histoire des peintres flamands, versifiée par Lucas de Heere, document cité déjà par Van Mander comme perdu à l'époque où luimême écrivait son Schilderboek, et qu'à plus d'une reprise on nous assure, depuis un demi-siècle, avoir été aperçu par des auteurs, à la façon du serpent de mer par les nautoniers.

Le Bulletin de l'Alliance des arts, de Paris, affirme sa présence dans les papiers de Delbecq et en publie même des extraits utilisés notamment par de Reiffenberg. Ici encore le faux est absolu! M. Victor Vander Haeghen prend, comme on dit, l'auteur du méfait la main dans le sac. Les vers attribués à Lucas de Heere sont empruntés partiellement au texte de Van Mander, partiellement à d'autres auteurs.

Bien qu'une suspicion légitime s'attache, dès lors, à

tout ce qui procède de Delbecq, M. Vander Haeghen n'hésite pas à tenir pour authentiques les dessins d'Arend Van Wynendaele appartenant aux Archives gantoises, et dont cependant fut détenteur celui que son travail met en si fàcheuse posture.

Wynendaele figure sur les listes authentiques de la corporation des peintres; ses œuvres portent le caractère de leur époque, tant pour le dessin que pour la calligraphie et même pour le papier.

En l'espèce, il y a moins d'importance à attacher à la mention du recueil au cours du XVIIe siècle.

L'auteur du mémoire le dit avec raison, l'époque où vécut Delbecq abonde en mystifications du genre de celles dont il doit être envisagé comme l'auteur. Le catalogue Fortsas est un monument de l'espèce.

On peut rappeler aussi les Leçons de Rubens, ces fragments d'une correspondance prétendue avec un abbé imaginaire de Gembloux, Charles-Réginald d'Ursel, où successivement le grand peintre émet des jugements, absurdes il est vrai, sur la religion, la peinture et la politique.

Il n'y a point longtemps, un écrivain non dénué de mérite faisait encore état de cette correspondance supposée dans un travail consacré à Rubens.

Un autre mystificateur gantois duquel s'occupe M. Vander Haeghen est le nommé Schellinck, journaliste, mort en 1867. Celui-ci avait du moins l'excuse de la pauvreté. De son propre aveu, il forgea nombre de documents faux relatifs à l'histoire des arts.

Ce fut lui, par exemple, qui fit paraître en 1845, sous le nom de F.-E. de Caesemaeker, un opuscule sur

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