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SEPTIÈME QUESTION.

Faire l'histoire de l'assistance publique dans les campagnes en Belgique, jusqu'à nos jours.

Un mémoire portant pour devise: La charité est un devoir social, a été reçu en réponse à cette question.

Rapport de M, Giron, premier commissaire.

«L'Académie a mis au concours l'histoire de l'assistance publique dans les campagnes en Belgique.

Un seul auteur a répondu à cette question, qui prête à des développements énormes et sur laquelle on pourrait écrire des volumes.

Son mémoire porte la devise suivante : La charité est un devoir social.

Il comprend deux parties, dont l'une est consacrée au régime de l'assistance publique dans les campagnes depuis les origines jusqu'en 1794; la seconde traite de l'assistance publique depuis 1794 jusqu'à nos jours.

Dans le premier chapitre de la première partie, l'auteur expose quelle était la condition des habitants des campagnes pendant la période qui a suivi la chute de l'empire romain.

Il analyse les droits et les obligations des cinq classes de personnes qui résidaient dans les domaines féodaux, savoir les serfs, les colons, les lides, les hospites et les hommes libres devenus les vassaux des seigneurs.

Il ne pouvait être alors question d'assistance publique. Dans le cas où le serf, le colon ou l'hospite venait à être

dépouillé des fruits de son travail par un événement calamiteux, le seigneur dont il dépendait avait le devoir d'assurer sa subsistance. Les Capitulaires de Charlemagne lui en imposaient l'obligation expresse.

Au XIIe siècle, les villas franques firent place aux communes rurales, et l'émancipation progressive des serfs déchargea les seigneurs et les propriétaires terriens de l'obligation de pourvoir à la nourriture de leurs hommes.

C'est alors que se posa la question de l'assistance publique dans les campagnes.

Dans le second chapitre, l'auteur du mémoire rappelle les efforts considérables que les abbayes et les monastères ont faits pour soulager les pauvres pendant toute la durée du moyen âge et jusqu'à la fin du siècle dernier.

Leur action charitable était surtout grande dans les régions agricoles.

Faire l'aumône était une obligation que les statuts de chaque ordre religieux imposaient aux monastères. La distribution des secours était confiée au portier de l'établissement et se faisait à la porte ou au porche extérieur.

Les clients ne manquaient pas. Au XVIIe siècle, l'abbaye de Postel, en Campine, donnait à chaque pauvre un pain d'une livre et demie, un pot de bière et un morceau de viande. Il en arrivait un millier par semaine. A l'abbaye d'Averbode, on comptait jusqu'à douze cents indigents par jour.

Les abbayes avaient aussi organisé l'assistance pour les voyageurs et les malades. Les maisons religieuses. devinrent autant d'hôtelleries ouvertes à tous les besoins.

Cette mission charitable fut poursuivie par nos monastères jusqu'à la fin de l'ancien régime. Dans les campagnes, où les ressources de la bienfaisance étaient peu abondantes, ils n'ont cessé de soulager de nombreuses misères et de venir en aide à d'innombrables infortunes.

Il est une question que l'auteur du mémoire a négligé de traiter et qui aurait dû cependant attirer son attention. Les abondantes distributions de victuailles et d'argent qui se faisaient à la porte des couvents n'ont-elles pas encouragé indirectement le paupérisme? N'ont-elles pas suscité ces légions de misérables, de loqueteux, de faux estropiés qui, au moyen âge, avaient fait de la mendicité une profession et qui vivaient, en dernière analyse, aux dépens des gens laborieux?

En 1350, Jean, roi de France, ordonna que les mendiants et les vagabonds valides, refusant de travailler, fussent expulsés du royaume, attachés au pilori en cas de récidive et, la troisième fois, marqués au front d'un fer brûlant.

Dans notre pays, Philippe le Bon rendit, vers le milieu du XVe siècle, une ordonnance qui ne le cédait point en sévérité à celle du roi Jean (ordonnance du 11 août 1459, dans les Placards du Brabant). Au commencement du XVIe siècle, le nombre des mendiants et des vagabonds s'était accru au point que l'industrie et l'agriculture manquaient de bras, ainsi que l'atteste une ordonnance en date du 22 décembre 1515.

La progression de la mendicité n'avait-elle pas pour cause la facilité avec laquelle les monastères accordaient des aumônes à tout venant? C'est une question que l'auteur

du mémoire aurait dû examiner et résoudre dans un sens ou dans l'autre. Il n'en dit pas un seul mot.

Le chapitre III est consacré à l'institution des tables des pauvres ou du Saint-Esprit.

Les lois canoniques, d'accord avec les Capitulaires de Charlemagne, voulaient qu'une partie de la dotation des églises paroissiales servit à nourrir, vêtir et entretenir les pauvres.

Des dons et des legs accrurent successivement la part réservée aux pauvres. Les curés et les autorités locales se mirent d'accord pour créer des administrations spéciales chargées de gérer le bien des pauvres, et ces administrations prirent le nom de tables du Saint-Esprit.

La gestion des biens fut confiée à un ou plusieurs mambours désignés soit par le curé, soit par le seigneur, soit par les communautés d'habitants.

Les mambours, dit le mémoire, administraient sous le contrôle et la surveillance du curé et de l'autorité locale.

Il entre à ce sujet dans des détails qui ne manquent pas d'intérêt.

Mais il omet de signaler l'Ordonnance générale de la charité, qui fut édictée par Charles-Quint le 7 octobre 1531 (1).

Cette ordonnance interdisait la mendicité. Elle ordonnait de former dans chaque communauté d'habitants une bourse commune pour la recette et la distribution des secours; et pour alimenter cette bourse, elle voulait que

(1) Placards de Flandre, tome Ier, p. 751.

des troncs destinés à recevoir les aumônes fussent placés dans toutes les églises et qu'on y fit des quêtes habituelles.

Puis elle chargeait les magistrats de chaque commune d'établir des maîtres de charité qui pourvoiraient à l'entretien des nécessiteux.

Cet édit, qui a organisé d'une manière uniforme les tables des pauvres ou du Saint-Esprit, aurait mérité une mention dans le chapitre qui est consacré à l'histoire de cette institution.

Dans le chapitre IV, l'auteur s'occupe des établissements hospitaliers qui, depuis le XIIe siècle, ont recueilli les diverses catégories de malades et d'infirmes, et qu'il divise en trois classes, savoir les hospices destinés aux pèlerins, les asiles consacrés aux malades et les léproseries ou maladreries.

Il entre à ce sujet dans des détails circonstanciés. Il fournit même la liste des hospices qui ont été fondés dans nos communes rurales antérieurement à la Révolution française.

Mais il s'est abstenu de parler de la transformation que le régime des hôpitaux a subie au XIVe siècle, grâce à l'initiative du pape Clément V.

Auparavant, l'administration de la charité publique était concentrée tout entière dans les mains du clergé : règlement, exécution et surveillance des fondations, régie des biens et disposition des revenus, distribution des secours, discipline intérieure des hôpitaux, en un mot, toutes les fonctions hospitalières étaient confiées à des ecclésiastiques.

Il en résulta des abus énormes. Nombre d'hôpitaux

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