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vers auraient suffi. Nous trouvons, au contraire, beaucoup de doubles emplois, notamment dans des coupes aussi saisissantes que le vers trimètre de neuf syllabes; l'hendécasyllabe, avec l'accentuation 2, 5, 8, 11, est multipliée avec une prédilection particulière. Par contre, les coupes trochaïques et dactyliques présentent de nombreuses lacunes. De cette surabondance d'une part et de cette pénurie de l'autre, on serait tenté de conclure que les Études rythmiques sont des applications diverses, sans plan d'ensemble préconçu, du principe de l'alternance des syllabes fortes et des syllabes faibles, des variations d'un même thème plutôt que des recherches de matériaux destinés à l'édification d'une théorie sur le fonctionnement de l'accent.

Quoi qu'il en soit, le travail de M. Jules Guilliaume peut être considéré comme le complément spéculatif de l'œuvre que Van Hasselt avait laissée inachevée faute de temps.

Deux divergences notables doivent pourtant être signalées entre la pratique de l'un et la théorie de l'autre.

Tandis que tous deux s'accordent, contrairement à l'opinion des prosodistes français, sans en excepter Becq de Fouquières et Ducondut, à proscrire la collision de syllabes fortes comme aussi destructive du rythme que choquante pour l'oreille, Van Hasselt, tout en limitant à trois la succession de syllabes atones que ses devanciers étendaient jusqu'à quatre ou cinq, ressuscite le pied de supplément de l'abbé Scoppa; son disciple Jules Abrassart le désigne sous le nom de pied pyrrhiambique, comme formé du pied pyrrhique latin com

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Or il n'y a vraiment aucune

biné avec l'iambe raison valable d'appliquer une notation spéciale et une nouvelle dénomination aux pieds purement iambiques qui composent l'imitation de la chanson de Gray: The hunt

is up:

2.4.6.8
2.4.6.

En chasse! En chasse! Allons, allons!

Réveille-toi, ma belle!

Écoute! au fond des frais vallons

Le son du cor t'appelle.

On en peut dire autant des vers anapestiques-iambiques du Cimetière, notés abusivement

VV

3.5.7. Hier mon cœur était encore

Comme un vrai jardin d'amour.

Doux printemps! charmante aurore!
C'était fête chaque jour.

et de ceux de la mélodie finnoise: Les serments rendus :

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Dans plusieurs autres morceaux, le pied pyrrhique se trouve ainsi substitué à l'iambe pour former un pied qu'on prétend quaternaire en remplacement de deux pieds binaires : superfétation injustifiable surtout dans le vers lyrique, la musique ne connaissant que des mesures à deux et à trois temps.

La théorie de M. Jules Guilliaume regarde les péons ou, ce qui revient au même, les pieds pyrrhiambiques comme aussi arythmiques que les spondées, en ce qu'ils font perdre à l'auditeur le sentiment de la mesure à cause du trop grand éloignement des accents.

D'un autre côté, Van Hasselt, sauf une seule exception

(Actéon à Diane) consistant en une imitation des hexamètres antiques sans exclusion du spondée, s'arrête devant la borne traditionnelle des douze syllabes de l'alexandrin.

La logique de la théorie conduit au contraire M. Jules Guilliaume à concevoir des vers de cinq ou de six pieds. anapestiques qui correspondent aux pentapodies et hexapodies iambiques, et qui embrassent par conséquent quinze ou dix-huit syllabes, sans préjudice des coupes mixtes de treize, quatorze, seize et dix-sept syllabes. C'est là, semble-t-il, une ressource précieuse pour les poètes de l'avenir et capable de satisfaire l'ambition des vers-libristes les plus déterminés, en remplaçant leurs alinéas amorphes par de grands vers réellement rythmiques.

J'ai l'honneur de proposer à la Classe l'insertion dans le Bulletin du remarquable travail de M. Jules Guilliaume. >>

Rapport de M. J. Stecher, deuxième commissaire

« Je suis heureux d'acquiescer à la conclusion si bien justifiée du premier commissaire et je propose également l'insertion au Bulletin du travail de M. Guillaume. >>

Rapport de M. Wilmotte, troisième commissaire,

« Je suis d'accord avec mes savants confrères pour voter l'impression du travail de M. Guilliaume. »

Ces conclusions ont été adoptées par la Classe.

COMMUNICATIONS ET LECTURES.

Les Frisons en Flandre; par Ch. Piot, membre
de l'Académie.

I.

Notre travail intitulé: La Ménapie pendant la conquéte de César (1) rappelle un passage de Procope, relatif à l'arrivée en Flandre de populations germaines, venues du Nord. Ce passage dit : Rhenus in Oceanum involvitur. Hic sunt paludes ubi quondam habitarunt Germani, qui nunc Franci appellantur. Quel est ce peuple de Francs mentionné par l'historien grec? D'où venait-il? A quelle nationalité appartenait-il? Quelle était sa langue ? Où et quand s'est-il établi dans notre pays? Telles sont les questions que nous tâcherons de résoudre dans cette notice.

Le nom de Francs était donné, vers le milieu du VIe siècle et antérieurement, aux populations d'origine teutonne qui formèrent une association d'hommes libres appartenant à cette race et qualifiés en allemand de fri

(1) Bull. de l'Acad. roy. de Belgique, 3o sér., t. XXXIV, p. 754, 1897. En reproduisant dans ce travail le passage de Procope, nous citions (p. 767) l'opinion des auteurs allemands qui partagent cette manière de voir.

et de frei (1). Cette association étendit ses ramifications dans tous les pays habités par des Teutons, quels que fussent les lieux de leur séjour et les tribus auxquelles ils appartenaient. Elle se composait de Chamaves, de Bructères, de Tenchtères, d'Angivariens, d'Attuaires, de Sicambres, de Chérusques, de Frisons, de Frisiabons, de Quades, de Cattes, etc.; peu importait le nom du peuple, pourvu qu'il fût germain et reconnu comme tel par ses compatriotes (2).

Dans les provinces connues plus tard sous le nom de Pays-Bas, les Bataves seuls ne firent pas partie de cette vaste association, malgré leur origine tudesque. Momentanément ils restèrent fidèles au régime romain et attachés à leur langue (5), tandis que leurs voisins, tels que les Frisons et les Frisiabons, peuplades libres établies près de la mer du Nord et de la Baltique, se considéraient comme Francs, en prirent le titre et firent usage d'un idiome germain différent.

(1) ZEUSS, Die Deutschen und die Nachbarstämme, p. 32. KERN, dans son travail concernant les Bataves et les Francs, explique très bien les différentes acceptions du nom de Franc. (Voir son article intitulé: Over de taal der Batavieren en Franken, p. 106, dans les HANDELINGEN en mededeeliNGEN VAN DE MAATSCHAPPIJ DER NEDERLANDSCHE LETTERkunde te Leiden, de 1866. Voir aussi au sujet de la signification du mot Franc, KLUGE, Etymologisches Wörterbuch, p. 87.) (2) VON DURING donne, dans son livre intitulé: Ein strategischer Versuch über die Feldzüge der Römer im nordwestlichen Deutschland, pp. 68 et suivantes, des renseignements spéciaux concernant ces populations. ONNO KLOPP, dans son livre intitulé: Geschichte Ostfrieslands, 2 vol. in-8°, fournit aussi des détails à ce sujet.

(3) C'est aussi la manière de voir de KERN. Dans son travail précité, il dit : « De taal der Bataviren en der zoogenaamde salische Franken is niets anders geweest dan Nederlandsch. »

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