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d'une cause juste dans un milieu de généreuse sympathie. L'expérience est là cependant lorsque les États ont osé quelque chose de grand dans l'ordre du progrès général, il est rare qu'ils n'aient pas vu s'aplanir finalement, dans des conditions presque inespérées, les obstacles qui s'opposaient d'abord à leur magnanime entreprise. En se plaçant résolument dans les courants vrais du progrès humain, il leur est arrivé de se sentir soutenus, stimulés et comme portés par une puissance supérieure. Cette puissance qui travaillait avec eux, c'est la force que Channing déclarait supérieure à tous les préjugés et à l'oppression des siècles; celle qu'il voyait grandir à chaque pas que fait la civilisation et dont l'essor lui annonçait la chute de toutes les institutions qui déshonorent l'humanité ; celle qui a une alliée dans toute conscience, dans le cœur même de celui qui commet l'injustice; celle qui ne peut finalement échouer, parce qu'elle est, disait Channing, liguée avec la toute-puissance de Dieu : c'est la force de la vérité, de la justice, du sentiment de fraternité humaine. et chrétienne.

Si faible que soit encore, à certains égards, le lien qui unit les États, nous voyons cependant ceux-ci s'associer pour la réalisation en commun de remarquables progrès. Nous les voyons créer des unions universelles avec bureaux permanents. Nous les voyons même s'assembler pour prendre des mesures destinées à assurer un certain ordre international en rapport avec la sécurité et le repos de tous les États. La justice est le premier bien de la société internationale: comment les États seraient-ils impuissants à se ménager, tout au moins en quelque mesure, les moyens les plus faciles et les plus sûrs de l'obtenir pacifiquement?

Nous ne nions pas ce que peut avoir de tutélaire, dans notre ordre international, la balance des forces et des intérêts, jointe à la sagesse et à l'habileté que déploient les gouvernements pour faire produire d'heureux fruits à cet équilibre. Mais pourquoi ne pas regarder plus loin et plus haut que ce terrain assez mouvant, au témoignage de l'histoire? Pourquoi ne pas chercher l'amélioration du présent et la préparation de l'avenir dans une consolidation des institutions propres à mieux assurer le respect du droit? Les États modernes seraient-ils indéfiniment condamnés à une course vertigineuse lorsqu'il s'agit de développer les instruments de guerre, et au piétinement sur place lorsqu'il est question de renforcer les institutions d'ordre pacifique? Si la suppression des luttes violentes entre peuples apparaît à beaucoup de bons esprits comme un idéal trop lointain, si l'on ne croit pas même prudemment possible, à l'heure actuelle, de diminuer l'appareil guerrier des nations, le monde international ne peut-il légitimement aspirer tout au moins à une justice plus accessible dans une paix moins précaire? Et l'honneur, comme l'intérêt des nations civilisées, ne demande-t-il pas qu'à côté des armées et des forteresses représentant les nécessités d'une défense par la force, il existe sur le terrain de la vie des nations des institutions permanentes aussi qui représentent l'organisation pacifique de la justice internationale?

L'État qui prendra dans cet ordre une féconde initiative fera une œuvre noble et utile. Ne dût-il que réussir partiellement, il obtiendra, croyons-nous, l'appui de l'opinion universelle, la reconnaissance des peuples et le suffrage de l'histoire.

En étudiant la genèse et l'évolution des rapports entre la guerre et la paix, nous avons vu, dans la première période de ces rapports, le droit à la paix méconnu par la guerre et dans la seconde le droit à la paix reconnu, mais subordonné aux exigences guerrières.

Pour mesurer le progrès accompli par l'humanité, il suffira d'observer que les deux dernières phases d'évolution que nous venons d'étudier sont précisément la contre-partie de ces deux premières.

L'une affirme la précellence à certains égards des droits de la paix sur les droits et les intérêts particuliers de la guerre.

L'autre nous montre la guerre refoulée de plus en plus du système juridique des relations internationales.

C'est ainsi que le triomphe du droit sur la force pure nous apparait comme le terme d'une évolution commencée par le règne de la force sur le droit.

Remarques critiques sur les œuvres philosophiques d'Apulée; P. Thomas, membre de l'Académie.

par

Le regretté Erwin Rohde a le premier attiré l'attention des savants sur le Codex Bruxellensis n° 10054-10056 (n° 180-185 de mon Catalogue des manuscrits de classiques latins de la Bibliothèque royale de Bruxelles), contenant les opuscules philosophiques d'Apulée (1).

(1) Rheinisches Museum, t. XXXVII (1882), pp. 146-151.

Quelques années auparavant, en 1876, M. Goldbacher avait publié une édition critique de ces opuscules (1). I mentionnait dans sa préface un autre Bruxellensis (no 5920-3925 = 25-26) (2), d'ordre très inférieur, mais, chose étrange, il paraissait ignorer jusqu'à l'existence du premier.

Cette ignorance ou cette négligence a eu des conséquences fâcheuses: le Bruxellensis 10054-10056 étant le plus ancien, et nous ajouterons hardiment le meilleur des manuscrits connus de cette partie des œuvres d'Apulée, le travail de M. Goldbacher est à refaire tout entier. L'article que M. Rohde a inséré dans le Rheinisches Museum ne suffit pas à le rectifier et à le compléter, car l'auteur s'est borné à relever les principales variantes du traité De den Socratis. Quelque précieuses que soient les indications de M. Rohde, il reste à faire une étude détaillée et approfondie du Bruxellensis 10054-10056. Ce n'est point cette étude que j'entreprends ici; mais ayant été amené à m'occuper des œuvres philosophiques d'Apulée dans les exercices de philologie latine que je dirige à l'Universite de Gand, j'ai collationné soigneusement une grande partie de l'excellent manuscrit de Bruxelles, et j'utiliserai ma collation dans les quelques notes critiques que j'ai l'honneur de communiquer à la Classe. Je désignerai le manuscrit en question par la lettre B.

(1) Apulei Madaurensis opuscula quae sunt de philosophia, recensuit Aloisius Goldbacher. Vienne, 1876. Nous citerons Apulée d'après

cette édition.

(2) Mon catalogue donne, pour les deux Bruxellenses, des dates fautives: le manuscrit 3920 3923 est du XIIIe siècle (non du Xl, et le manuscrit 40034-10036 du XI® (non du IX). Je ne me suis aperçu de cette double erreur que lorsque le volume était déjà imprimé et mis encirculation.

DE DEO SOCRATIS.

VIII (p. 12, I. 15-19): ... cur hoc solum quartum elementum aëris (1), quod tanto spatio intersitum est, cassum ab omnibus, desertum a cultoribus suis natura pateretur, quin in eo quoque aëre animalia gigneret ut in igni flammida, in unda fluxa, in terra glebulenta?

Lütjohann supprime aëre, qui, en effet, ne peut guère se défendre. Mais je corrigerais plutôt in eo quoque aëre animalia en in eo quoque aeri<A> animalia, de manière à avoir une symétrie parfaite in eo aëria, in igni flammida, in unda fluxa, in terra glebulenta. Je n'ignore pas que dans la phrase ainsi corrigée quoque parait illogique; mais il faut entendre: quin in eo quoque animalia gigneret, et quidem aëria Cf. Suet., Div. Jul., 22: in Syria quoque regnasse Semiramin, c'est-à-dire in Syria quoque regnasse feminam, et quidem Semiramin.

or

(1) Lütjohann, dans son édition du De deo Socratis (Progr. Greifswald, 1878), écrit: cur hoc solum <inter> quattuor elementa [aëris]. Ba: cur hoc solum IIIÏ elementa aëris; un correcteur postérieur a remplacé par quartum et changé elementa en elementum. Cette correction a été adoptée par Vulcanius; cf. ROHDE, article cité, p. 149: « Dass Vulcanius seiner Ausgabe der philosophischen Schriften des Apuleius keine andere Hs. als eben unseren Bruxellensis zu Grunde gelegt und die auffallenden Lesarten seines Textes nicht oder doch nur zum kleinsten Theile durch Conjectur gefunden, sondern wirklich dem velux codex auf welchen er sich beruft, d. h. den ziemlich planlos durch einander benutzten drei Händen des Bruxellensis, entlehnt hat das setzt eine Vergleichung der Ausgabe des V. mit der Brüsseler Hs. ausser Zweifel. >>

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