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ticulier, de les acheter, vendre, et commercer ainsi que bon leur semblera. » C'était la théorie de la circulation des papiers de crédit formulée en aphorisme législatif.

Telle fut l'Action, qui, inventée par les Hollandais en 1603, est demeurée jusqu'ici le dernier mot de la transmission du capital mobilier.

Aucune notion sérieuse ne nous est parvenue sur les institutions financières qui ont, dit-on, fonctionné, soit à Venise vers 1150, soit en Espagne deux cents ans plus tard, soit enfin à Gênes dans les premières années du xve siècle. Mais, ce que nous en savons ne permet pas de les considérer comme des établissements de crédit public suivant l'acception attachée à ces mots. D'après un écrivain qui a porté une grande sagacité dans l'étude de cette matière, les prétendues banques que nous venons d'indiquer n'auraient été que de grandes régies de perception à l'usage du gouvernement 1. L'immense mouvement d'affaires que développèrent en Hollande les opérations de deux compagnies; cet emploi si nouveau, si frappant, et déjà si usuel, d'un capital circulant sous forme de pa

› Blanqui, Histoire de l'économie politique, t. II, p. 41.

pier, firent naître l'idée d'un établissement analogue, mais spécialement consacré à cette transformation de l'argent en papier. Ce fut ainsi que prit naissance la célèbre banque d'Amsterdam; affinité curieuse que n'ont pas saisie les écrivains qui ont traité cette matière, quoiqu'elle résulte, jusqu'à l'évidence, selon nous, d'une analogie servile entre les opérations de la banque et celles que faisait naître la transmission des titres des deux compagnies. On sait en effet que le célèbre établissement d'Amsterdam était une banque de dépôt, et non d'escompte; ses opérations consistant à donner en échange de l'argent qu'elle recevait, des certificats de dépôt qui ne subissaient pas les variations de la monnaie d'alors, et que leur nature rendait plus facilement transmissibles. Or, c'était là, ainsi que nous l'avons dit, le mouvement qui s'était naturellement établi sur les actions des compagnies, et ces valeurs eussent rendu la banque à peu près inutile sans cette mobilité dans leur cours que nous avons constatée. On ne saurait douter que Law, qui avait mis à profit sa vie aventureuse pour étudier en Hollande les questions financières, à une époque où le dernier marchand d'Amsterdam en savait probablement plus long sur ce chapitre que le contrôleur général en France, n'ait puisé, dans cette

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juxtaposition de la banque et des compagnies, dée de la double institution qu'il créa parmi nous. Seulement, son génie financier avait compris que deux éléments de cette nature ne devaient pas fonetionner simultanément sans s'étayer et se faciliter mutuellement leur marche. De là l'appui que nèrent les papiers de la banque à ceux des Mississipiens, comme on disait; appui qui, après avoir soutenu les uns par les autres, les entraîna dans une ruine commune. Mais ce n'est pas tout: Law, avec cette promptitude de compréhension qui sépare le génie de l'intelligence, avait été frappé de l'immobilité stérile des capitaux dont la représentation en papier avait sillonné la Hollande. De cette remarque à l'idée de tirer parti à la fois, dans de certaines limites, du capital et de sa représentation en papier, il n'y avait qu'un pas : la banque de Law fut à la fois banque de dépôt et banque d'escompte.

Telle fut la filiation de la monnaie du crédit, l'une des plus belles découvertes des temps modernes, qui, à elle seule, a remué plus de choses que plusieurs guerres et plusieurs révolutions, et qui restera avec les mondes qu'elle a fondés, comme la trace glorieuse de l'existence des grandes compagnies du XVII siècle.

Il faut également constater le rapprochement que ces associations durent établir entre les individus de nationalité distincte, par l'appel que leurs chartes faisaient aux capitaux étrangers, et par le droit de cité qu'elles accordaient à ceux qui se rendaient à cet appel. Au point de vue plus spécial de la France, on aura de plus remarqué cette renonciation au droit d'aubaine, qui certainement était quelque chose au temps où nous nous reportons; cette sorte d'avénement de la bourgeoisie par son intervention supérieure dans la gestion d'une si grosse affaire, à laquelle la royauté était pourtant si fortement intéressée; cet abandon partiel des droits de souveraineté en faveur d'une association de marchands; et enfin jusqu'à cette manière de procéder, où l'élection seule déterminait le choix des agents de l'entreprise.

A côté de ces conséquences très - belles et trèslarges de l'association commerciale telle que l'avait organisée le xvme siècle, il convient, pour l'enseignement du présent, d'en rechercher les erreurs et les vices. Nous dirons sur ce point, et sans égard pour les idées magistrales de notre temps, ce qui est ressorti pour nous de l'étude sérieuse de la question. Par

idées magistrales, nous entendons celles qui, se gonflant dans l'aphorisme économique, sont passées en articles de foi.

Parmi ces idées, il faut incontestablement placer au premier rang le principe de la non-intervention de l'État dans les affaires de l'industrie, et la haine du privilége.

Or, nous croyons qu'il y a, à propos des compagnies, beaucoup à dire à ce sujet. Nous croyons que si la France veut demander à l'association autre chose que d'odieux tripotages de bourse, elle doit modifier de beaucoup les thèmes qu'elle a, sur ces deux points, reçus tout faits de la constituante.

L'esprit de toutes les nations n'a pas été jeté dans le même moule. Il résulte pour nous de l'étude qui précède, que jamais les compagnies françaises ne furent administrées comme celles de la Hollande et de l'Angleterre. On n'y trouva jamais cette suite, cette persévérance, cette unité traditionnelle de vues qui faisaient des directeurs d'Amsterdam et de Londres de véritables hommes d'État. On ne le sait que trop, pendant presque tout le règne de Louis XV, l'administration de la compagnie des Indes orientales a été un conflit à peu près permanent, dont les conséquences sont demeurées irréparables. Ce fut done

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