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mais l'ascendant a fait entre eux le partage, auquel ils auraient dû procéder eux-mêmes.

940. De là résultent un très grand nombre de conséquences, parmi lesquelles nous devons signaler les principales:

Le partage est contenu dans un testament, d'où il suit qu'il n'existe et ne peut produire effet qu'au décès de l'ascendant; que, jusqu'à cette époque, il peut librement être révoqué par l'ascendant, et qu'il est susceptible de subir toutes les révocations expresses ou tacites dont les testaments peuvent être l'objet.

Mais, le décès de l'ascendant survenu, le partage contenu dans le testament oblige les héritiers; il les investit des choses placées dans leur lot, et à la date du décès du testateur, comme l'aurait fait un partage amiable ou judiciaire. Il s'établit ainsi entre les enfants tous les rapports qui naissent entre les héritiers après l'ouverture de la succession par le fait du partage; de là les conséquences suivantes : 1° les enfants, copartagés, ont la saisine (art. 724, C. civ.) et se mettent en possession des choses placées dans leur lot, sans avoir besoin de demander la délivrance; ils devraient procéder ainsi s'ils étaient légataires.

2o Les enfants ne peuvent, ni renoncer au bénéfice du testament pour demander leurs droits ab intestat, pas plus qu'ils ne peuvent renoncer à la succession ab intestat, pour conserver le bénéfice du lotissement à titre de legs. Cela vient de ce que le partage par testament est fait en vue des droits héréditaires donnés par la loi, qu'il suppose les enfants acceptant la succession; leur qualité d'héritier est nécessaire pour qu'ils puissent invoquer le testament; renoncent-ils à la succession, ils perdent le lot fait par le partage, en vue de leur acceptation: c'est cette pensée qu'exprime Guy-Coquille avec une grande énergie, sur la coutume du Nivernais chaque enfant prendra en qualité d'héritier, et s'il ne prend en qualité d'héritier il n'aura rien ›.

3o Les enfants, copartagés, venant recueillir le bénéfice du testament, partagent à titre d'héritiers ab intestat. Les principes de la représentation s'appliquent, au cas où l'un des enfants copartagés serait mort avant l'ascendant et laisserait des descendants (art. 739, C. civ.) (1).

4o Tout enfant, bénéficiaire d'un partage d'ascendant par testament, doit avoir la capacité de recueillir la succession ab intestat; il n'est pas nécessaire qu'il ait la capacité de recueillir une disposition testamentaire (comp. art. 3, loi du 31 mai 1854).

5o Les enfants sont tenus de l'action en garantie, conséquence de tout partage.

6o Le privilège des copartageants naît à suite du testament,

(1) Riom, 7 mars 1885, Sir., 87, 2, 153,

7 Dans les relations réciproques des enfants copartagés, le principe. du rapport ne s'applique pas : les enfants recueillent chacun les choses placées dans leur lot par l'ascendant, comme s'ils avaient fait eux-mêmes le partage: l'obligation du rapport, si elle leur était imposée, détruirait le partage lui-même (art. 843, C. civ.).

8o Ils ne recueillent les biens qu'à la charge de payer le passif, comme les héritiers recueillent les successions ab intestat; et, suivant qu'ils auront ou non fait inventaire, ils seront tenus des dettes ultra vires ou intra vires.

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941. Quels sont les effets d'un partage d'ascendant, en forme de donations entre-vifs (art. 1076 C. civ.) ? ́

La réponse dépend, et du point de vue auquel on se place pour étudier les effets de cet acte et aussi de la nature même qu'on lui attribue,

Le partage, en forme de donation entre-vifs, est une opération complexe, qui, en même temps qu'elle dépouille l'ascendant et constitue ainsi une libéralité, joue, au regard des enfants, le rôle de partage.

Aussi en étudierons-nous successivement les effets, 10 au regard de l'ascendant et des tiers et 2o au regard des enfants.

1o Au regard de l'ascendant et des tiers

942. L'opération présente une libéralité de biens présents de l'ascendant à ses enfants, et il faut, tant au regard de l'ascendant que des tiers, appliquer les règles spéciales aux actes de cette nature. Dans les rapports des enfants avec l'ascendant, l'opération présente ainsi les caractères d'une donation entre-vifs de biens présents, et doit en produire tous les effets. Ces principes sont la conséquence de l'article 1076 (C. civ.). Les › partages pourront être faits par actes entre-vifs, avec les formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre-vifs... › ; et de là les conséquences suivantes : 1° le dépouillement doit être actuel et irrévocable; 2o son effet, au regard des tiers, au cas de donations de biens susceptibles d'hypothèques, exige la transcription (art. 939, C. civ.); 3o les enfants donataires ne peuvent être tenus de payer que les dettes présentes, mises à leur charge par une clause formelle de la donation; 40 les conditions de révocation de la libéralité se font d'après les principes admis pour les donations; 5o les règles édictées pour les donations s'appliquent en général (1).

(1) Par exemple (Cass. civ. 14 janv. 1881, Sir., 81, 1, 108) les ascendants faisant, une donation-partage de leurs biens ne peuvent se réserver l'usufruit sur l'ensemble des biens, usufruit réversible au survivant, ce serait violer l'article 1097, (C. civ.),

2o Au regard des enfants

943. Mais, entre les enfants donataires, quel est le caractère de l'opération, et, partant, quels sont les effets produits? La jurisprudence et quelques auteurs acceptent le système suivant: l'opération est complexe, pendant la vie du donateur d'une manière absolue, tant au regard de l'ascendant que des enfants, ce n'est qu'une donation, et les effets ne peuvent être que ceux que les donations entraînent avec elles. Mais, le décès de l'ascendant venu, l'opération devient un partage de succession et alors apparaissent dans les rapports respectifs des enfants tous les effets du partage de succession. D'où résultent les conséquences suivantes qu'à ce moment naissent les actions ou garantie entre les copartageurs, l'action un paiement des soultes, avec le privilège des copartageants,et les actions qui peuvent être dirigées contre l'opération envisagée comme un partage de succession, action en rescision pour cause de lésion, action en réduction, etc., etc.

944. Ce système ne nous paraît pas acceptable, il méconnaît la pensée du donateur et la nature de l'opération.

La pensée du donateur : ce dernier, en consentant au partage d'ascendant, fait une opération unique, une libéralité et le partage de cette libéralité; pourquoi méconnaître ce caractère de l'opération et retarder, jusqu'au décès du donateur, les effets attachés au partage?

La nature de l'opération : elle ne peut pas se décomposer en effet en une donation immédiate, pour constituer au décès de l'ascendant et ainsi éventuellement un partage de succession: elle constitue une opération unique partage et distribution des biens de l'ascendant les formes de la donation entre-vifs.

par

En conséquence, nous décidons que les donataires peuvent agir les uns contre les autres en paiement des soultes promises, sans que l'on ait à faire intervenir la règle de l'article 1121 (C. civ.), mais, comme conséquence du partage; si l'un des copartagés est évincé, il aura l'action en garantie contre les autres copartagés; enfin, le privilège du copartageant existera dès la donation et pourra être inscrit dans les 60 jours de la donation-partage (comp. 2103 et 2109, C. civ.). Faire produire ces effets à l'acte unique fait par l'ascendant, c'est se conformer à l'intention de ce dernier et à sa pensée; l'ascendant a voulu que ses enfants eussent le plus tôt possible la situation résultant de la donation, et non pas qu'ils fussent obligés d'attendre son décès pour l'exercice des droits que leur confère l'acte dont il a pris l'initiative.

945. Faut-il dans cette voie faire un pas de plus et autoriser les copartagés à rechercher, dès le jour du partage, s'ils ont eu la part qui devait leur revenir, et leur ouvrir l'exercice de l'action en rescision pour cause

de lésion de plus du quart, action normale donnée comme conséquence de tout partage? Certains auteurs ont voulu aller jusque-là, nous ne pouvons pas les suivre. Théoriquement, l'action en rescision est une action donnée pour faire respecter l'égalité entre les divers ayants droit: or, ne peut-on pas dire que l'égalité résulte de ce que les copartagés sont héritiers et ont des droits égaux à la succession? La base de l'action consiste donc surtout dans la qualité héréditaire; ne faut-il pas conclure en conséquence que l'action ne peut naître qu'au décès? En fait, il semble resulter de la combinaison des textes que le législateur a voulu que toutes les actions de nature à compromettre la situation créée par l'ascendant, à quelque point de vue qu'on se plaçât, fussent intentées à partir du décès de l'ascendant; les exercer de son vivant, pour quelques-unes, comme par exemple pour les actions pour atteinte à la réserve, est juridiquement impossible et pour les autres présente les plus grandes difficultés.

Tels seraient d'après nous les effets de la donation portant partage du vivant de l'ascendant.

946. Au décès de l'ascendant, la situation change; si les enfants donataires renoncent ou sont indignes de recueillir l'hérédité de l'ascendant, ils restent donataires et l'opération pour eux n'a constitué qu'une simple libéralité soumise à toutes les règles des libéralités avec charges.

S'ils acceptent l'hérédité, il faut les considérer comme conservant, à titre d'héritier, la part qu'ils ont reçue dans les biens donnés; ces biens, ils les gardent et sont censés les avoir reçus comme s'ils avaient fait entre eux le partage de la succession; ils supportent donc les charges héréditaires, comme tout héritier, et chacun est propriétaire à titre de partage des choses placées dans son lot.

Et si, en dehors des biens ainsi partagés, il en existe d'autres, il faudra procéder au partage de ce reliquat, suivant les règles du partage ordinaire. Alors prennent naissance, tout naturellement, dans les relations respectives des parties, toutes les actions de nature à sanctionner leurs droits comme héritiers et copartageants d'une succession.

Jusqu'ici, nous nous sommes placé dans l'hypothèse où la donation a été faite par l'ascendant et où il a présidé lui-même au partage qui en a été la conséquence : si l'ascendant s'était borné à faire une donation à ses enfants de façon à marquer la part abstraite revenant à chacun d'eux (1/3, 1/4, 1/5, etc.), et que ces derniers eussent ensuite, en qualité de donataires indivis, procédé au partage des biens, sans l'intervention de l'ascendant, sans son concours ni sa surveillance; dans ce cas le partage constituerait une opération distincte de la donation elle-même et les actions résultant de ce partage, actions en garantie, en paiement des soultes, en rescision pour cause de lésion de plus du quart (art. 1079, § 1, C. civ.)

seraient données du vivant de l'ascendant; le délai pour les intenter commencerait à courir de la date du partage; mais, pour qu'il en soit ainsi, il faut que les tribunaux aient constaté, en fait, l'indépendance complète de la donation et du partage (1).

SECTION III.

VOIES DE RECOURS CONTRE LE PARTAGE

947. L'étude des voies de recours contre le partage nécessite, pour chacune d'elles, la détermination de son caractère, des règles qui lui sont applicables, au double cas de partage testamentaire et de partage entrevifs. Ces voies de recours sont fondées ou bien sur l'omission de l'un des héritiers; sur la disparité entre des lots, quant aux éléments qui les constituent; sur la lésion dont l'un des copartageants aurait pu être victime; enfin sur la violation des règles de la quotité disponible et de la réserve.

948.

1o Omission de l'un des héritiers dans le partage d'ascendant

(art. 1078, C. civ.)

Si le partage n'est pas fait entre tous les enfants qui existe› ront à l'époque du décès et les descendants de ceux prédécédés, le › partage sera nul pour le tout. Il en pourra étre provoqué un nouveau dans la forme légale, soit par les enfants ou descendants qui › n'y auront reçu aucune part, soit même par ceux entre qui le par› tage aurait été fait» (art. 1078, C. civ.).

L'ascendant, qu'il ait procédé par forme testamentaire ou par voie de donation entre-vifs, a voulu réaliser entre ses enfants la distribution › et le partage de ses biens» (art. 1075, C. civ.); pour que cet acte soit valable, il faut que tous les enfants vivants au décès, ou les souches copartageantes, aient été compris dans la distribution. Si l'un d'eux ou l'une d'elles ont été omis, le partage est nul pour le tout.

949. Cet article a pour nous et pour la théorie que nous avons acceptée une très grande importance: il démontre, 1o que les enfants recueillent les choses placées dans leur lot, à titre de copartageants et non à titre de libéralité. Si c'est à titre de copartageants, on s'explique tout naturellement la nullité résultant de l'omission de l'un des ayants droit; si c'était à titre de libéralité, l'enfant omis aurait l'action en réduction pour faire déterminer sa réserve ou sa part héréditaire, mais le partage ne serait pas nul pour le tout; 20 que le caractère de partage de succession se produit surtout au décès; ce n'est qu'au décès que l'action en nullité prend naissance au profit de l'enfant omis, parce qu'elle n'est possible qu'à la condition de démontrer que ce dernier est héritier.

(1) Cass. civ., 23 mars 1887, Sir., 87, 1, 152,

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