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III. Effets de la condition résolu toire tacite

1350. La condition résolutoire tacite autorise la partie vis-à-vis de laquelle on n'exécute pas les obligations promises à revenir sur l'exécution par elle faite et à demander la résolution du contrat; ce droit existe donc pour chacune des parties contractantes; il est une des garanties de l'exécution du contrat: la partie a ainsi le choix, en présence de la mauvaise volonté de son débiteur, de le poursuivre en exécution du contrat par toutes les voies de droit; par exemple, le vendeur peut frapper de saisie les biens de l'acquéreur pour obtenir le paiement du prix ; ou bien, abandonnant l'exécution du contrat, conclure à sa résolution. Le créancier a donc ainsi une double voie ouverte devant lui; s'il peut choisir entre l'une et l'autre, peut-il, après avoir choisi l'une, revenir à l'autre ?

Le créancier a conclu à l'exécution du contrat, peut-il demander la résolution, par application de l'article 1184 (C. civ.)? Pour résoudre la difficulté, il faut se départir de toutes règles empruntées au Droit romain; faites pour le pacte commissoire exprès, elles ne peuvent convenir au pacte commissoire tacite (comp. Pothier, Du contrat de vente, no 461). Il faut donc examiner la difficulté en elle-même. Or, l'article 1184 (C. civ.) nous dit ..... « la partie envers laquelle l'engagement › n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de › la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la réso»lution avec dommages-intérêts » ; par là le législateur a voulu évidemment assurer l'exécution du contrat; il autorise donc la partie à poursuivre l'exécution; c'est le vœu de la loi que l'exécution soit faite et c'est conforme à l'intention des parties; mais, si cela n'est pas possible, la partie peut demander la résolution. Il nous semble résulter de là que la résolution du contrat n'est donnée que subsidiairement aux voies d'exécution directe; et la déclarer impossible, si l'exécution a été poursuivie, ce serait presque toujours en priver le créancier et compromettre ses droits.

Au fond le créancier peut vouloir l'exécution, il la désire, il ne sait pas s'il pourra l'obtenir; dans ces conditions les voies d'exécution vont l'éclairer, et s'il n'a pas pu obtenir l'exécution matérielle, conforme au contrat, nous pensons qu'il peut conclure à la résolution; le choix de l'une des voies ne ferme pas l'autre.

Nous admettrions encore que la demande de résolution intentée n'empêche pas le demandeur de revenir à l'exécution s'il la croit possible; et la raison, c'est qu'il faut que les deux parties soient dans une même situation. Or la demande de résolution faite, le débiteur peut la faire tomber en payant; la demande de résolution ne crée pas ainsi au demandeur un

droit exclusif à la résolution; il ne faut pas, par voie de conséquence, qu'on l'empêche d'abandonner la demande de résolution: le choix de l'une des voies n'empêche pas de recourir à l'autre.

Cependant le jugement une fois prononcé sur la résolution, l'affaire est terminée, et le demandeur ne peut plus poursuivre l'exécution du contrat. Il y a ici à appliquer les conséquences du contrat judiciaire fait entre les parties.

1351. Quels sont les caractères de la condition résolutoire tacite de l'article 1184 (C. civ.)? On peut les résumer dans les propositions sui

vantes :

10 Cette CONDITION EST FACULTATIVE, tandis que la condition conventionnelle insérée dans une convention atteint toujours le contrat dès qu'elle se réalise ici la partie, vis-à-vis de laquelle les obligations résultant du contrat n'ont pas été remplies, a le choix ou de poursuivre l'exécution ou de demander la résolution; nous nous sommes expliqué tout à l'heure sur ce caractère.

2o LA CONDITION RÉSOLUTOIRE TACITE EST JUDICIAIRE ET N'A POINT LIEU DE PLEIN DROIT; c'est encore une différence avec la condition conventionnelle : dès que l'événement conditionnel se produit, l'effet résolutoire de la condition est immédiatement acquis; ici au contraire le juge doit apprécier les circonstances avant de prononcer la résolution demandée, et son examen doit porter sur un double objet : l'inexécution de la convention existe-t-elle ? Et cette inexécution étant constatée, le débiteur n'est-il pas dans une situation telle, qu'il puisse bénéficier de dispositions de faveur ?

a) Y a-t-il inexécution de la convention? Nous avons dit tout à l'heure que le droit à la résolution du contrat pouvait s'ouvrir en faveur de l'une et de l'autre des parties; au cas où l'une d'elles n'a exécuté aucune de ses obligations, il ne saurait y avoir de difficultés; mais quelquefois une partie des obligations, quelquefois les principales, auront été exécutées; pour l'inexécution des obligations accessoires, le droit de résolution peut-il être réclamé ? A cet égard Pothier formulait une règle qui nous paraît devoir être suivie (1). « A l'égard de toutes les autres obligations, » soit du vendeur, soit de l'acheteur, c'est par les circonstances qu'on » décide si leur inexécution doit donner lieu à la résolution du contrat ; » elle y donne lieu lorsque ce qu'on m'a promis est tel que je n'eusse > pas voulu contracter sans cela» (2).

b) Faut-il prononcer immédiatement la résolution?

(1) Sic., Cass., 11 avril 1888, Sir., 88, 1, 216. Comp. Amiens, 3 août 1881, Sir., 82, 2, 130.

(2) Pothier, Traité du contrat de vente, no 475.

Souvent, l'inexécution des obligations peut n'être que le résultat d'une négligence, ou d'une espèce de fatalité pesant sur le débiteur; or, ce qu'il faut assurer, c'est l'exécution du contrat; on comprend donc très bien que le juge, saisi de la demande en résolution, au lieu de la prononcer immédiatement, accorde au débiteur un délai pour remplir ses obligations... « La résolution doit être demandée en justice, et il peut › être accordé au défendeur un délai selon les circonstances » (art. 1184, C. civ.).

30 LA RÉSOLUTION PEUT AVOIR LIEU AVEC DOMMAGES-INTÉRÊTS. Dans le cas de condition résolutoire conventionnelle, il ne saurait jamais être question, à l'occasion de la résolution, de faire obtenir à l'une des parties des dommages-intérêts. La résolution s'opère en vertu de la convention.

Mais ici la résolution est le résultat de l'inexécution des obligations de l'une des parties, d'une violation du contrat; ce fait donne droit à des dommages-intérêts, et le juge en appréciera le montant, suivant les circonstances, suivant le degré de faute ou de négligence du débiteur ...... » ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts » (art. 118, C. civ.) (1).

4° LA RÉSOLUTION DOIT ÊTRE POURSUIVIE CONTRE LA PARTIE NÉGLIGENTE; celle-ci, en effet, est obligée d'exécuter; c'est donc contre elle qu'il faut poursuivre soit l'exécution soit la résolution; et, l'inexécution constatée, la résolution pourra être invoquée contre les tiers détenteurs ; vis-à-vis de ces derniers, l'action revêt la forme d'une action en reven. dication; la résolution démontre que l'acquéreur n'a jamais été propriétaire, comment les tiers détenteurs pourraient-ils avoir plus de droits que leur auteur?

L'action étant une action en revendication peut être repoussée par eux, s'ils peuvent invoquer une acquisition par prescription à leur profit, prescription acquisitive qui suivant les cas pourra s'accomplir, pour les meubles instantanément (art. 2279, C. civ.) et pour les immeubles par 10 à 20 ans ou 30 années.

1352. L'application de ces règles à la vente, et relativement au nonpaiement du prix, mérite quelques observations; le vendeur créancier du prix a diverses garanties:

1o Le droit de rétention, c'est-à-dire le droit de refuser l'exécution tant qu'il ne sera pas payé, s'il n'a pas donné de terme pour le paiement (art. 1612, C. civ.).

2o Un privilège sur la chose vendue, qui permet au vendeur, sur le prix de la chose, d'être payé de préférence à tous autres.

(1) Cass. req., 29 novembre 1882, Sir., 84, 1, 311: ces dommages-intérêts sont une conséquence directe de l'inexécution; ils peuvent être accordés sans mise en demeure préalable; la faute résulte de l'inexécution

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30 Enfin l'action en résolution de la vente pour non-paiement du prix. En certaines matières, le législateur a réglementé l'exercice de ces droits; au cas de vente d'immeubles, le législateur associe l'exercice de l'action résolutoire à la conservation du privilège immobilier (art. 7, loi du 23 mars 1855 sur la transcription) « l'action résolutoire établie › par l'article 1654 du Code Napoléon ne peut être exercée après l'extinction du privilège du vendeur, au préjudice des tiers qui ont ac› quis des droits sur l'immeuble du chef de l'acquéreur et qui se sont › conformés aux lois pour les conserver ».

20 Au cas de saisie de l'immeuble vendu sur la tête de l'acquéreur ou des sous-acquéreurs, on ne conserve l'action résolutoire que sous la condition de remplir les conditions de l'article 717 du Code de procédure civile. 1353. En dehors de ces cas, dans lesquels l'action résolutoire, résultant de l'article 1184 (C. civ.) et pour non-paiement du prix, a été soumise à quelques restrictions particulières, la loi n'a organisé pour ladite action ni publicité, ni formalités particulières; donc la partie vis-àvis de laquelle les obligations de l'autre partie ne sont pas remplies peut toujours provoquer la résolution.

⚫ IV. Modifications que les parties peuvent y apporter dans l'application 1354. Les parties peuvent par leur volonté apporter en sens divers des modifications à la règle de l'article 1184 (C. civ.).

1° Soit en repoussant l'application du principe. La condition résolutoire tacite, sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, n'est pas un de ces principes qui touchent à l'ordre public: elle assure les droits des parties et ces dernières peuvent renoncer aux garanties que la loi leur offre. Donc, nous appliquons ici le principe de l'article 1134 (C. civ.) et nous donnons efficacité à toute convention modifiant ou supprimant la condition résolutoire tacite dans les contrats synallagmatiques.

2o En renforçant la garantie donnée par l'article 1184 (C. civ.); par exemple, a) en convenant qu'au cas d'inexécution la résolution sera prononcée et que l'exécution partielle sera maintenue au profit du réclamant, à titre de dommages-intérêts; b) en stipulant que la résolution aurait lieu de plein droit, au cas d'inexécution (comp. art. 1656, C. civ.). La résolution dans ce cas reste facultative et judiciaire et exige une mise en demeure de la partie négligente, mais les juges ne peuvent pas accorder de délais pour l'exécution; enfin, c) les parties peuvent stipuler qu'au cas d'inexécution la résolution aura lieu de plein droit et sans mise en demeure, dans ce cas, la résolution restera facultative et judiciaire; mais aucune mise en demeure ne sera nécessaire de la part du réclamant contre la partie négligente (1).

(1) Cas., 29 nov. 1886, Sir., 87, 1, 63. Nous n'avons étudié l'article 1184 (C. civ.)

SECTION III. DES OBLIGATIONS ALTERNATIVES (art. 1189 à 1196, C. civ.

1355. La modalité, que nous avons à étudier sous cette section, tier: à la manière dont l'objet de l'obligation se présente à nous. A cet égard on peut distinguer plusieurs variétés d'obligations : les obligations simples, conjointes, de choses de genre, facultatives et alternatives.

10 OBLIGATIONS SIMPLES

Cette obligation a pour objet un corps unique et déterminé ; le créancier, par la convention, en devient immédiatement propriétaire (art. 11 C. civ.) et les risques sont à sa charge (art. 1138 et 1302, C. civ.; voir pl haut nos 1215 et suiv).

20 OBLIGATIONS CONJOINTES

Ces obligations comprennent plusieurs objets déterminés, tels boufchevaux, etc. Dans ce cas c'est une réunion d'obligations simples: les objets deviennent, dès la convention formée, la propriété du créancier (art. 118 C. civ.), et c'est à sa charge que sont les risques (art. 1302, C. civ., comp. Pothier, Traité des obligations, no 246).

3° OBLIGATIONS DE CHOSES DE GENRE

Dans ce cas, l'objet de l'obligation, au moment de la convention, présente quelque indétermination : il faudra que les parties le déterminent en le choisissant parmi les choses du genre désigné; la propriété ici ne passe pas par l'effet des conventions, mais par la convention accessoire montrant le choix fait ; et les risques, jusqu'à cette détermination, sont à la charge du débiteur (art. 1302, C. civ., et voir ci-dessus no 1213).

4° OBLIGATIONS FACULTATIVES

1356. Cette variété particulière d'obligations est étudiée par Pothier, dans les nos 243 et 244 de son Traité des obligations; le nom, qu leur a été donné, indique parfaitement leur nature: elles portent un objet déterminé, avec faculté pour le débiteur de donner à la plat

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que dans ses applications au Droit civil, il reçoit son application dans toutes le autres branches du Droit, sauf exception formelle prévue et indiquée par le gislateur: c'est ainsi que le principe de l'article 1184 (C. civ.) s'applique are toutes ses conséquences aux ventes faites à un acquéreur failli, si celles-ci ne ret trent pas dans les cas prévus par les articles 550, 576, 578, (C. comm.); aussi prouvons-nous la solution donnée par la Cour de Paris du 4 mars 1886 (Sir, 54 2, 25) à propos des ventes au comptant et à livrer et autorisant le vendeur à clamer contre la faillite de l'acquéreur la résolution du contrat de vente ** dommages-intérêts; l'arrêt a été cassé par la Cour de cassation (Cass. civ. 16 vrier 1887, Sir. 87, 1, 145), à tort selon nous.

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