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>> Les enquêtes locales que la loi ordonne peuvent fournir plus ou moins de probabilité sur la disparition d'un citoyen ordinaire, mais il est aisé de voir qu'elles doivent être, la plupart du temps, insignifiantes pour celui qui, engagé dans le service de l'état, soit de terre, soit de mer, se trouve quelquefois porté si loin du lieu de sa résidence accoutumée : on ne peut guère être instruit de son sort d'une manière positive, qu'en prenant des renseignements dans les bureaux des ministères de la guerre ou de la marine.

» Je vous charge, en conséquence, toutes les fois qu'une demande en déclaration d'absence sera fondée sur le motif de service militaire, soit de terre, soit de mer, de demander préalablement, par une lettre, des renseigements sur le compte de l'individu dont il sera question, dans les ministères de la guerre et de la marine. Il devra en être fait mention dans les jugements, soit préparatoires, soit définitifs; je ne ferai insérer au Moniteur que ceux qui seront revêtus de cette formalité.

» La loi du 5 brumaire an 5 contient en outre des dis

positions spéciales pour la conservation des proprietés des défenseurs de l'état, dont il importe de maintenir l'exécution. Vous voudrez donc bien rappeler aux maires et adjoints les obligations qu'elle leur impose à cet égard, et veiller à ce que, conformément à l'article 6, ils continuent à déposer au greffe de votre tribunal la liste des individus absents pour le service des armées.

>> Recevez l'assurance de mes sentiments affectueux. >> 11. L'absence peut être déclarée, et l'envoi en posses sion provisoire ordonné par un seul et méme jugement. (Art. 120, C. C.)

La rédaction de l'art. 120, C. C, semble contrarier cette décision; car, cet article portant que les héritiers présomptifs pourront obtenir l'envoi en possession en vertu du

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jugement déclaratif de l'absence, on peut penser que ce n'est qu'après ce jugement, et par conséquent par un second jugement distinct du premier, que l'envoi en possession peut ètre ordonné. Cette interprétation est appuyée du sentiment de M. Locré, dans son Esprit du Code civil. Mais il faut avouer qu'une telle interprétation serait trop rigoureuse, et l'on ne voit pas de raison, soit de nécessité, soit d'équité, qui puisse la justifier. Ce que la loi a voulu, c'est évidemment que l'envoi en possession ne fût pas ordonné avant que l'absence fùt déclarée; mais, comme la loi ne prescrit aucun délai entre la déclaration d'absence et l'envoi en possession, rien ne s'oppose que, l'absence étant déclarée par un premier chef du jugement, l'envoi en possession ne soit octroyé par un second. Tel est l'avis de M. Merlin Répert., tom. 16, p.17, § 7. C'est aussi ce qu'a jugé la Cour de cassation le 17 novembre 1808, par un arrêt de la section des requêtes, au rapport de M. Lachèze, dont la tcneur suit: - « Attendu que, si le Code civil a fixé, art. 119, l'intervalle d'un an entre le jugement qui ordonne l'enquête et le jugement de déclaration d'absence, aucune disposition n'exige d'intervalle entre la déclaration d'absence et l'envoi en possession provisoire; -LA COUR rejette. »

Nota. On peut voir MM. P., tom. 1er, pag. 77, no 142, et CARR., tom. 3; pag. 212, no 2908.

12. S'il s'ouvre une succession à laquelle soit appelé un militaire absent, c'est dans les lois des 11 ventose et 6 brumaire an 5, et non dans le Code civil, qu'il faut chercher les règles à suivre pour la conservation des droits de ce militaire.

an 2

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Cette loi n'a pas été abrogée par le Code civil. (1).

En 1807, Guillaume Clément meurt, laissant plusieurs héritiers, au nombre desquels se trouve Jean-Baptiste La

(1) Torez Arrêt de la Cour de Nîmes, du 23 janvier 1823, tom• 25, p. 32.

croix, absent depuis deux ans pour le service militaire. Les héritiers, se proposant de vendre une partie des immeubles de la succession pour payer les dettes, s'adressent au tribunal de Nivelles, et demandent qu'il soit nommé un curateur à Lacroix, pour le représenter dans la vente. En conséquence, et par jugement du 22 septembre 1807, le sieur Hulin, notaire, est nommé curateur; la vente est ensuite faite aux enchères, et les immeubles adjugés au sieur d'Overchies.

Mais Hulin, regardant la vente comme faite à vil prix, el se fondant sur ce que le procès-verbal d'adjudication n'a été signé ni de dui ni de son avoué, demande la nullité de la vente, et cette nullité est effectivement prononcée par le tribunal.

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Sur l'appel interjeté de ce jugement, par le sieur d'Overchies, la Cour de Bruxelles s'apercevant que les formes prescrites par les lois des II ventôse an 2, et 6 brumaire an 5, dans l'intérêt des militaires absents, n'avaient pas été observées, a rendu, le 24 mai 1809, l'arrêt suivant: --«< Attendu que Jean-Baptiste Lacroix est militaire, et que les règles à suivre pour ses intérêts sont tracées par des lois particulières, notamment par celle du 11 ventose an 2, restée en vigueur, puisque la publication en a été ordonnée dans les départements au-delà des Alpes, par décret du 16 mars 1807, en même temps que celles du 16 fructidor an 2 et 6 brumaire an 5, également relatives aux militaires absents; Attendu que ces lois n'ont pas été observées, et que l'on a faussement pris pour base les articles 112 et 113 du Code civil dans un cas où, en s'adressant, soit au corps auquel Jean-Baptiste Lacroix est attaché, soit au ministre de la guerre, on aurait pu obtenir sa procuration, ce qui aurait évité toutes les formes ruineuses de l'établissement d'un curateur ou d'un notaire pour le représenter; - Attendu que ce n'est

qu'après avoir fait inutilement usage des moyens indiqués par la loi du 11 ventôse an 2, qu'il est pourvu à la nomination d'uu curateur au militaire absent et dans les formes prescrites par cette loi;-De tout quoi il résulte que l'intimé n'a pas été légalement qualifié, ni pour les opérations dont il s'agit, ni pour intenter la demande qui fait le sujet du présent procès; -Attendu que, si les intérêts du militaire absent ont pu être lésés, il a par lui-même ou par le curateur qui lui sera légalement nommé, la faculté de ne pas respecter ce qui s'est fait, de même que celle de consentir à la vente, tous ses droits demeurant intacts; >> LA COUR reçoit l'intimé opposant à l'arrêt rendu par défaut le 31 mai dernier, ordonne que ledit arrêt demeurera rapporté; et, statuant au principal, met l'appellation et ce dont est appel au néant : émendant, déclare ledit intimé non recevable et sans qualité à intenter l'action dont il s'agit, et le condamne aux dépens, tant de cause principale, que d'appel, dans lesquels dépens ne sont compris que ceux qui ont été faits pour sa nomination de curateur et de notaire pour représenter l'absent, lesquels restent à la charge de qui de droit. >>

OBSERVATIONS.

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La question de savoir quelles règles il faut suivre, de celles tracées par la loi du 11 ventose an 2, ou de celles tracées par le Code civil, en cas d'ouverture d'une succession dans laquelle un militaire absent se trouve intéressé, ne peut guère être susceptible d'une difficulté sérieuse. La loi du 11 ventose an 2 est évidemment la seule applicable pour le cas dont nous parlons. Mais si, au lieu d'une succession échue au militaire absent, il s'agissait de pourvoir à l'administration de ses biens, la question de savoir si le curateur doit être nommé par le conseil de famille, conformément à la loi de ventose, ou par le tribunal, conformément au Code civil, est beaucoup plus

délicate. La Cour de Colmar, dans une espèce où il s'agissait de recevoir le compte d'un tuteur, a jugé, le 3 mai 1815, que le curateur devait être nommé par le conseil de famille, suivant ce qui est prescrit par la loi de ventose an 2. Au contraire, la Cour de Bruxelles a jugé, par trois arrêts successifs des 1er juin 1814, 24 juillet et 22 novembre 1817, lorsqu'il était question de poursuivre au nom de l'absent le recouvrement d'une créance, que la nomination du curateur devait avoir lieu par le tribunal, ainsi que le porte le Code civil.

Ces dernières décisions semblent plus. conformesTM au texte de la loi du 11 ventose an 2. Cette loi n'est évidemment faite que pour régler les formes à suivre au cas d'une succession échue. C'est donc donner à ses dispositions une extension forcée, que de vouloir les appliquer à d'autres cas. Les lois d'exception, et la loi du II ventose an 2 en est une, doivent être strictement renfermées dans leurs termes : hors de là, on rentre dans le droit commun; c'est pourquoi la Cour royale de Paris a jugé, le 9 juillet 1822, que, s'agissant, non de régler les droits d'un militaire absent, mais de poursuivre le remboursement du prix de son remplacement, la nomination faite par le conseil de famille d'un curateur, d'après la loi du II ventose an 2, était nulle; que, depuis la loi du 13 janvier 1817, la nomination devait avoir lieu suivant les formes prescrites par cette loi. Quoi qu'il en soit, voici le texte de l'arrêt de la Cour de Colmar, du 3 mai 1815, dont nous venons de parler. Nous rapporterons ensuite celui de l'arrêt de Bruxelles du 1er juin 1814. Nos lecteurs jugeront.

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Arrêt de Colmar. « Considérant que, d'après les dispositions de la loi du II ventose an 2, c'est au conseil de famille seul qu'appartient le droit de nommer un curateur aux militaires absents pour le service de la patrie; qu'à

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