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donna pas même le temps d'attendre la nouvelle de l'entrée de l'empereur à Paris : il passa le Rubicon, traversa la Romagne, inonda le territoire du saint Siége et la Toscane de ses troupes. Le pape se retira à Gênes, le grand duc à Livourne; arrivé à Bologne, le roi de Naples appela à l'insurrection les peuples du royaume d'Italie; mais ils demandèrent pourquoi il ne leur parlait pas de Napoléon, leur roi légitime; que sans son ordre ils ne pouvaient faire aucun mouvement; qu'il leur paraissait d'ailleurs imprudent d'agir avant que les troupes françaises fussent arrivées sur les Alpes; que dans tous les cas il leur fallait des fusils; la seule province de Bologne en demandait quarante mille; l'artillerie napolitaine n'en avait pas un seul. Quelques jours après, l'armée autrichienne, qui s'était concentrée sur la rive gauche du Pô, passa ce fleuve, battit l'armée napolitaine, et entra dans Naples le 12 mai. Le roi n'ayant pas pu se jeter de sa personne dans la place forte de Gaëte, s'embarqua sur un bâtiment marchand, et débarqua en Provence, où il demeura pour attendre sa famille et recueillir ses

partisans. De son côté, la reine avait capitulé avec un commodore anglais qui, suivant l'usage constant des alliés dans cette guerre, foula aux pieds la capitulation comme à Dantzick et à Dresde; au lieu de transporter cette princesse en France, il la transporta à Trieste. Dans les premiers jours d'avril, le prince Lucien ayant dans sa voiture un chargé d'affaires du pape, arriva à Fontainebleau incognito; c'est par lui qu'on apprit à Paris la première nouvelle de l'invasion du roi de Naples. Le pape écrivait de Gênes à l'empereur, que, s'il ne lui garantissait pas la possession de Rome, il allait se réfugier en Espagne. Le chargé d'affaires du saint Siége fut reçu aux Tuileries; il repartit, émportant les assurances les plus favora→ bles au saint Père. L'empereur lui garan tissait tout ce qui lui était assuré par traité de Paris, lui faisant connaître qu'il blåmait la conduite du roi de Naples.comme contraire à sa politique..

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- IV. On reçut à Vienne, le 8 mars, la nouvelle du débarquement de l'empereur en France; le congrès n'était pas dissous. Le 13 et le 25 mars, les ministres des puis

sances signèrent des actes sans exemple dans l'histoire; ils croyaient l'empereur perdu. Il sera, disaient-ils, promptement repoussé et défait par les fidèles sujets de Louis XVIII. Lorsque depuis ils apprirent que les Bourbons, sans opposer de résistance, n'avaient pu tenir au nord, au midi, à l'ouest, à l'est, et que la France toute entière s'était déclarée pour son ancien souverain, l'amour propre des alliés était compromis, et cependant il y eut de l'hésitation! Mais lorsque la cour de Vienne fut instruite des sentimens du roi de Naples, et peu après de sa marche hostile, elle ne mit pas en doute qu'il n'agit par les ordres de Napoléon, et qu'ainsi ce prince, constant et inébranlable dans son système politique, ne fût encore ce qu'il était à Châtillon, ne voulant de la couronne de France qu'avec la Belgique, le Rhin, et peut-être même la Couronne de fer. Elle n'hésita plus. Les ministres signèrent un traité contre la France, par lequel les quatre puissances principales s'engageaient à fournir chacune cent cinquante mille hommes. Les ratifications furent échangées le 25 avril, et l'on cal

cula qu'un million d'hor mes de toutes les nations de l'Europe serait réuni à la fin de juillet sur les frontières françaises. La Suède et le Portugal refusèrent seuls de fournir leur contingent. La paix entre l'Angleterre et les Etats-Unis d'Amérique avait été conclue à Gand, et ratifiée à la fin de février. Les troupes anglaises, devenues inutiles au Canada, s'embarquaient pour retourner en Europe. Le duc de Wellington avait son quartier général à Bruxelles, et le prince Blücher le sien à Liége, au 15 avril. Sur la Tamise, le Danube, la Sprée, la Néva, le Tage, tout retentit de guerre. La frégate française la Melpomène, se trouvant sur les côtes de Naples fut prise par le vaisseau anglais le Rivoli; mais quelques jours après, des ordres arrivèrent de Londres au commodore dans la Méditerranée, de respecter le pavillon français, la guerre n'étant pas déclarée. Les bâtimens français naviguèrent dès lors librement. Une frégate française ramena de Naples en France Madame. Ces ordres du gouvernement anglais tenaient à l'indécision des souverains à Vienne, et à l'intérêt qu'avait la cour de Londres de

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gagner du temps, parce que ses armées en Belgique n'étaient point en mesure de défendre ce pays; que même l'amirauté éprouvant de grandes difficultés à armer ses vaisseaux, craignait que l'escadre française de Toulon ne fût équipée et ne prît la mer avant la sienne. Deux fois en proie aux plus étranges vertiges, le roi de Naples fut deux fois la cause de nos malheurs; en 1814, en se déclarant contre la France, et en 1815, en se déclarant contre l'Autriche.

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