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verne obscure, et là s'occupa, jour et nuit, à la contemplation. Ce fut dans cette retraite qu'il trouva des secrets capables de le faire passer pour un homme à miracles dans l'esprit des ignorans. Par le moyen de certaines plantes, il trouva le moyen d'endurcir sa peau contre l'action du feu. Il manioit des charbons ardens sans se faire aucun mal. On lui répandoit sur le corps de l'airain fondu, sans qu'on remarquât sur sa peau aucune atteinte de feu. De pareils prodiges lui acquirent la réputation d'un saint du premier ordre, et préparèrent merveilleusement les esprits à croire tout ce qu'il voudroit leur enseigner. Zoroastre employa le temps qu'il passa dans sa retraite à composer un livre célèbre, dans lequel toute sa doctrine étoit contenue, auquel il donna le nom de ZendAvesta, composé de deux mots, dont l'un signifie du feu, et l'autre l'endroit où l'on met du feu, pour faire entendre à ses lecteurs que son livre étoit un brasier ardent qui enflammeroit leurs cœurs de l'amour divin.

Darius, surnommé Hystaspe, régnoit dans la Perse depuis trente et un ans, lorsque Zoroastre, croyant que le plus sûr moyen de gagner les peuples étoit de convertir le monarque, se rendit à la cour de ce prince, se fit annoncer comme un prophète envoyé de Dieu même, et offrit à Darius son livre avec la Sudra, qui est la robe des prêtres mages, et la ceinture sacrée. Le Roi, ne voulant pas en croire le prophète sur sa parole, exigea qu'il lui prouvât sa mission par des miracles. Zoroastre, qui avoit appris à en faire, ne fut pas embarrassé; mais, outre le miracle du feu, on prétend qu'il en fit un autre; et que, dans un espace de temps fort court, il trouva le moyen de faire croître un cyprès, qui devint prodigieusement gros. Le Roi ne put s'empêcher d'admirer la puissance de Zoroastre, et paroissoit disposé à suivre sa doctrine, lorsque les mages qui étoient à la Cour, envieux

de la gloire de ce nouveau venu, tramèrent secrètement sa perte. Ils séduisirent le domestique de Zoroastre, et lui firent mettre dans la chambre de son maître, à son insu, plusieurs choses que les Perses ont en horreur, comme des os de chiens, des ongles et des cheveux de morts; puis ils accusèrent Zoroas tre auprès du Roi de s'adonner en secret à la magie, F'assurant que, s'il vouloit visiter sa maison, il en verroit la preuve de ses propres yeux. Darius, curieux de connoître la vérité, se rendit chez Zoroastre, et, lorsqu'il y vit ces objets infames, il entra dans une furieuse colère contre le prétendu prophète qui l'avoit trompé, et le fit renfermer dans une étroite prison.

Quelque temps après, il arrive un accident à l'un des chevaux du Roi, qui rétablit la réputation de Zoroastre. Les pieds de ce cheval s'étoient tellement retirés, qu'il ne pouvoit plus marcher. Le Roi, qui avoit un goût décidé pour cet animal, le fit visiter par les plus habiles mages, qui désespérèrent de sa guérison. Un reste d'estime pour Zoroastre fit que ce monarque le consulta sur la maladie de son cheval. Zoroastre, disent les Guèbres, s'engagea de le guérir, pourvu que le Roi lui promît d'informer contre les imposteurs qui avoient causé sa disgrâce, et d'em brasser la doctrine qu'il annonçoit. Le Roi accepta la condition, et Zoroastre guérit parfaitement le

cheval.

Darius charmé de la science extraordinaire du prophète, et concevant une haute idée de sa puissance, lui demanda quatre dons : le premier, de pouvoir s'é lever au ciel, et revenir sur la terre lorsqu'il le juge roit à propos; le second, de savoir ce que Dieu faisoit dans ce moment, et ce qu'il devoit faire dans la suite; le troisième, d'être immortel; et le quatrième, d'être invulnérable. Zoroastre répondit qu'il étoit contraire

aux intentions de l'Etre suprême qu'un mortel jouît seul de tant d'avantages, qui l'élèveroient jusqu'au rang de la divinité; mais qu'il alloit prier Dieu de distribuer ces quatres dons à quatre personnes difféerentes, et que le succès de sa prière lui feroit assez voir le crédit qu'il avoit auprès de Dieu, et la vérité de sa doctrine. En effet, à la prière de Zoroastre, le premier don fut accordé au Roi, le second au mage du Roi; les deux derniers furent donnés aux fils de Darius. Celui auquel l'immortalité échut en partage se nommoit Berchaten ou Priscriton, à ce que prétendent les Guèbres. Ils disent qu'il est actuellement renfermé dans un lieu sûr, sous la garde de quatre hommes qui ne permettent à personne de l'aborder, de peur qu'il ne leur communique l'immortalité dont il jouit. Lord rapporte que Zoroastre communiqua ces quatre dons par le moyen d'une rose, d'une grenade, d'une coupe pleine de vin, et d'une autre coupe remplie de lait. Sans nous arrêter plus long-temps à cette fable, suivons les progrès de Zoroastre et de sa religion.

La conversion du monarque fut suivie de celle de la plus grande partie de ses sujets. Zoroastre, voyant son grand ouvrage heureusement achevé, établit le lieu de sa résidence dans la ville de Balck, et prit le titre d'archimage, c'est-à-dire, chef souverain des mages. Il commença dès-lors à exercer une autorité souveraine sur tout ce qui concernoit la religion; mais, loin de jouir paisiblement du fruit de son industrie, il ne suivit que le zèle, ou plutôt, que l'ambition qui le portoit à étendre de tous côtés sa docrine, et à multiplier le nombre de ses sectateurs. Il efforça d'attirer à sa religion un roi voisin, nommé Argyaspe, qui régnoit sur les Scythes orientaux; et, le pouvant y réussir par les voies ordinaires, il vouut employer la violence, et se servir de l'autorité de

Darius pour convertir le monarque opiniâtre. Argyaspe, indigné qu'on voulût contraindre sa conscience, entra, les armes à la main, dans la Bactriane; défit les troupes de Darius; fit passer au fil de l'épée Zoroastre, avec quatre-vingt mille prêtres qui composoient son Eglise patriarcale, et détruisit tous les temples de la province.

A ce précis de la vie de Zoroastre, déjà plein de fables, si nous joignons les contes que débitent les Grecs et les Gaures, c'est que les absurdités mêmes auxquelles les grands hommes ont donné occasion ont un certain prix pour quelques lecteurs jaloux de recueillir tout ce qui s'est dit sur ces fameux personnages, qui ont excité des révolutions, soit dans les empires, soit dans les esprits des hommes. Les Grecs assurent que Zoroastre naquit en riant; que le sang s'agitoit avec tant de violence dans les artères de sa tête, qu'elles repoussoient la main qui les touchoit. Les Gaures sont bien plus féconds en rêveries et en extravagances. Lorsqu'ils parlent de leur législateur, ils disent que la mère de Zoroastre, nommée Dodo, après plusieurs années de stérilité, obtint enfin, par ses prières continuelles, la grâce de devenir enceinte. Quelque temps avant d'accoucher, elle songea qu'elle voyoit le ciel tout en feu. Quatre griffons, sortis du milieu des flammes, s'élancèrent sur elles, et lui arrachèrent du milieu des entrailles l'enfant qui y étoit renfermé; mais un homme noble et majestueux retira l'enfant des griffes de ces monstres, et le remit dans le sein de sa mère.

Les devins, consultés sur ce songe étonnant, répondirent que l'enfant qui devoit naître seroit un jour la lumière du monde; qu'il seroit exposé à des persécutions violentes; mais qu'avec le secours de Dieu, il triompheroit de tous ses ennemis. L'empereur de la Chine fut informé de toutes ces particularités; et,

lorsque l'enfant vint au monde, il dépêcha des gens pour le tuer, craignant qu'il ne lui ravît un jour la couronne; mais Zoroastre échappa heureusement aux recherches des assassins. Lorsqu'il fut devenu grand, l'Empereur essaya encore de le faire périr par le poison; mais Dieu, qui veilloit sur les jours de celui qu'il destinoit à de si grands desseins, sut le dérober à la cruauté du monarque chinois. Zoroastre, voyant les dangers auxquels il étoit exposé à la Chine, se réfugia dans la Perse avec ses parens. Plusieurs miracles signalèrent sa fuite. Lorsque quelque rivière s'opposoit à son passage, il la faisoit se glacer sur-lechamp, et la passoit ainsi à pied sec. Retiré dans la Perse, il y employa tout son temps à la contemplation et à la prière. Lorsqu'il prioit, il avoit coutume de se tenir debout sur un pied. C'étoit dans cette posture qu'il gémissoit, en présence de l'Etre suprême, sur les vices et les désordres des hommes, et le conjuroit de lui apprendre par quel art il pourroit ramener la vertu sur la terre.

Un jour que ce prophète erroit dans un vallon, solitaire, absorbé dans ses méditations profondes, un ange s'offrit tout-à-coup à ses yeux, s'inclina devant lui, en lui donnant le titre d'ami de Dieu, et s'informa du sujet de sa méditation. « Je rêve, répondit Zoroastre, aux moyens de réformer les hommes; et je pense qu'il n'y a que Dieu lui-même qui puisse me les enseigner: mais qui pourra me conduire vers le trône de ce souverain Etre?»-« Moi-même, repartit l'ange: voilà de quoi purifier votre corps mortel; servez-vous-en, fermez les yeux, et suivez-moi. » Zoroastre obéit à l'ange, et, dans un instant, il se trouva dans les cieux, en présence de l'Eternel, qu'il vit au milieu d'un tourbillon de flammes. Ce dieu ne dédaigna pas de lui parler, et, dans cet entretien, il lui découvrit les plus importans secrets, et lui donna

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