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cune assemblée publique. Il ne fut point obéi: les Quakers continuèrent leurs assemblées, et l'on ne cessa point de sévir contr'eux. Ils furent encore traités avec plus de rigueur sous le règne de Charles II: On les peignit à ce prince comme des hommes dangereux, ennemis de l'Etat ét perturbateurs du repos public. En effet, les maximes de cette secte devoient paroître naturellement fort révoltantes. Persuadés que les hommes ne devoient rendre hommage qu'à Dieu ils auroient cru commettre un crime, s'ils avoient donné à un autre homme quelque marque de respect. Ils ne saluoient personne, ils tutoyoient tout le monde : la naissance, les dignités, les richesses n'étoient point auprès d'eux des titres de recommandation`; ils parloient à un magistrat, à un prince, aussi librement et aussi familièrement qu'à un simple particulier. Ils se donnoient bien de garde de jamais faire aucun serment, parce que Jésus-Christ l'avoit défendu, et ils refusoient avec obstination de prêter serment de fidélité au souverain. Ils disoient que c'étoit un crime de payer la dîme, parce qu'on entretenoit par là dans leur erreur les ministres d'une Eglise corrompue. Ils soutenoient qu'il étoit défendu d'opposer la force à la force, et de plaider pour des intérêts temporels : ainsi ils s'élevoient contre les ministres de la justice et contre les gens de loi. De pareils principes avoient soulevé contre eux tous les ordres de l'Etat. On les poursuivit donc avec la dernière sévérité; on leur défendit de nouveau de tenir des assemblées; le parlement leur ordonna, sous peine de bannissement, de prêter serment de fidélité au Roi; mais ce fut en vain : la patience opiniâtre des Quakers l'emporta sur la rigueur des lois et sur l'acharnement de leurs ennemis; on ne put ni empêcher leurs assemblées, ni leur arracher le serment de fidélité.

Jusqu'alors les Quakers n'avoient paru et n'étoient

que des fanatiques ignorans et grossiers, qui prêchoient dans les places publiques et dans les cabarets; qui entroient, comme des enragés, dans les églises, outrageoient les ministres, et se portoient à des excès capables de décréditer leur secte. Cependant il se trouva des hommes éclairés et savans qui se laissèrent telle. ment aveugler par le fanatisme, qu'ils n'eurent point de honte de se ranger du parti de ces forcenés, qu'ils auroient dû mépriser. Les plus illustres furent Guillaume Penn et Robert Barclay, hommes d'un mérite supérieur, qui employèrent tous leurs talens et toutes leurs lumières pour réduire en systême théologique les extravagances et les absurdités du quakérisme, et firent prendre à cette secte une forme nouvelle. Ils passèrent en Hollande et en Allemagne, pour y faire des prosélytes. Penn, fils du vice-amiral d'Angleterre, fut particulièrement utile à sa secte, par son grand crédit dans le royaume. Il ouvrit un asile aux Quakers bannis, dans une province d'Amérique qui avoit été cédée par le Roi à son père, et qui avoit été appelée, de son nom, Pensylvanie.

Jacques II étant monté sur le trône d'Angleterre, en 1685, les Quakers lui présentèrent une adresse qui étoit conçue en ces termes : « Nous venons te témoi»gner la douleur que nous ressentons de la mort de > notre bon ami Charles, et la joie que tu sois devenu » notre gouverneur. Nous avons appris que tu n'es >> pas dans les sentimens de l'Eglise anglicane, non » plus que nous; c'est pourquoi nous te demandons » la même liberté que tu prends pour toi-même. En >> quoi faisant, nous te souhaitons toutes sortes de » prospérités. Adieu.» Cette adresse, malgré la liberté familière qui y règne, fut très-bien reçue: Jacques leur permit l'exercice de leur religion, et les dispensa de prêter le serment de fidélité. Le règne de Guillaume III ne fut pas moins favorable aux Quakers. Le

parlement ayant porté une loi qui accordoit le libre exercice de toutes les religions, excepté de la catholique et de la socinienne, les Quakers, depuis ce temps, ont vécu assez paisiblement en Angleterre, sous la protection des lois : seulement leur obstination à ne vouloir point prêter de serment, leur a quelquefois attiré des mauvais traitemens de la part des magistrats.

Barclay a composé une apologie des Quakers, qui est, sans contredit, le meilleur ouvrage que l'on ait fait en faveur de cette secte. Il la termine par un parallèle des Quakers et des autres Chrétiens, que nous mettrons sous les yeux du lecteur, parce qu'il est très-propre à lui faire connoître les principes et la morale des Quakers.

<< Si donner et recevoir des titres de flatterie, desquels on ne se sert point à cause des vertus inhé>> rentes aux personnes, mais qui sont, pour la plu» part, employés par des hommes impies à l'égard » de ceux qui leur ressemblent; s'incliner, gratter du » pied en révérence, et ramper jusqu'à terre l'un de» vant l'autre; si s'appeler à tout moment l'un l'au» tre le très-humble serviteur, et cela, le plus fré» quemment, sans aucun dessein de réel service; si » c'est là l'honneur qui vient de Dieu, et non pas >> l'honneur qui vient d'en-bas: alors, à la vérité, on » pourra dire de nos adversaires qu'ils sont fidèles, et » que nous sommes condamnés comme des orgueilleux » et des opiniâtres, en refusant toutes ces choses. » Mais si avec, Mardochée, refuser de s'incliner de>> vant l'orgueilleux Aman, et, avec Elisée, refuser » de donner des titres flatteurs aux hommes, de peur » que nous ne soyons réprimandés par notre Créa»teur; et si, suivant l'exemple de Pierre et l'avis de » l'ange, s'incliner seulement devant Dieu, et non » pas devant nos compagnons de service; et si n'ap

peler personne seigneur ni maître, hormis suivant » quelques relations particulières, suivant le com» mandement de Jésus-Christ: je dis que, si ces choses » ne sont à blâmer, donc nous ne sommes pas blâma»bles d'en agir ainsi.

» Si être vain, extravagant en habits, se farder » le visage, s'en tortiller et se friser les cheveux; si » être chargé d'or, d'argent et de pierres précieuses; » si être couvert de rubans et de dentelles, c'est » être humble, doux et mortifié; si ce sont là les or» nemens du Chrétien : alors, à la vérité, nos adver»saires sont de bons Chrétiens, et nous sommes des » orgueilleux, des singuliers et des fantasques, en »> nous contentant de ce que le nécessaire et la com» modité demandent, et en condamnant tout le reste » comme superflu.

» Si pratiquer le jeu, les passe-temps, les comédies; » si jouer aux cartes, jouer aux dés, danser; si chan» ter et user des instrumens de musique; si fréquen» ter les théâtres, mentir, contrefaire, supposer ou » dissimuler, et être toujours en crainte; si cela est >> faire toutes choses à la gloire de Dieu, et si cela » est passer notre séjour ici en crainte, et user de ce >> monde comme si nous n'en usions pas: : alors nos adversaires sont de bons Chrétiens, et nous sommes >> condamnables, en nous abstenant de toutes ces » choses.

» Si la profanation du saint nom de Dieu; si exiger >> le serment l'un de l'autre à chaque occasion; si » appeler. Dieu à témoin dans des choses pour les

quelles aucun roi de la terre ne se croiroit pas ho» norablement appelé à témoin, sont des devoirs d'un >> homme chrétien, j'avouerai que nos adversaires sont » d'excellens Chrétiens, et que nous manquons à >> notre devoir. Mais si le contraire est véritable, il

» faut, de nécessité, que notre obéissance à Dieu, » dans cette chose là, lui soit agréable.

>> Si nous venger nous-mêmes, ou rendre injure » pour injure, mal pour mal; si combattre pour des » choses périssables, aller à la guerre l'un contre

l'autre, contre des gens que nous n'avons jamais » vus, et avec qui nous n'avons jamais eu la moindre >> contestation ni la moindre querelle, étant, de plus, >> tout-à-fait ignorans de la cause de la guerre, et ne » sachant de quel côté est le droit ou le tort; si détruire et saccager tout, afin que ce culte soit aboli » et que cet autre soit reçu, c'est accomplir la loi de Jésus-Christ alors, à la vérité, nos adversaires » sont de véritables Chrétiens, et nous ne sommes que » de misérables hérétiques, nous, qui souffrons d'être pris, emprisonnés, bannis, battus et maltraités, » sans aucune résistance, mettant notre confiance en » Dieu seul, afin qu'il nous défende, et nous con» duise en son royaume par le chemin de la croix. »

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QUALIFICATEURS. C'est le nom que l'on donnoit aux membres ecclésiastiques de l'Inquisition. Ils étoient chargés de prononcer sur les discours de ceux qui avoient été déférés à ce tribunal; de juger si ces discours étoient hérétiques ou approchoient de l'hérésie; s'ils étoient mal sonnans, et offensoient les oreilles pieuses; s'ils étoient inconsidérés, schismatiques, blasphémateurs, séditieux, etc.; enfin, si la défense de l'accusé étoit valable et solide. Les qualificateurs étoient ordinairement consultés par les inquisiteurs, lorsque ces derniers hésitoient s'ils devoient faire emprisonner une personne : les qualificateurs donnoient leur réponse par écrit, et on la joignoit aux autres pièces du procès. Voyez INQUISITION.

QUANTE-CONG: divinité qu'on adore à la Chine. Les Chinois le regardent comme leur premier empereur; ils lui attribuent l'invention de la plupart des

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